Manifestations : au-delà de la mauvaise réputation

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    • Cette évolution séculaire connaît actuellement un infléchissement, et ce n’est pas nécessairement celui que l’on croit, du moins celui que l’on montre. Les cortèges de tête des manifestations contre la loi travail (2016) sont en réalité bien moins violents que ne l’étaient les manifestations du XXe siècle, comme on tend à l’oublier. En revanche, l’arsenal répressif se durcit ces dernières années en France. Les forces de l’ordre en tenue antiémeute encadrent, menaçantes, le cortège. De nouvelles techniques s’imposent : la nasse où l’on enferme les manifestants, souvent dans un nuage de lacrymogène, la souricière en fin de trajet qui empêche les dispersions sereines. Des espaces jusque-là comme sacralisés s’ouvrent à la répression, tel les campus universitaires. Rennes-II a ainsi vu lundi sa première intervention des CRS - la presse régionale rapportant les applaudissements d’une partie des personnels mais taisant la stupeur réprobatrice de l’autre.

      Ces nouvelles techniques de maintien de l’ordre visent depuis le 1er mai 2016 indistinctement les Black Blocks et les manifestants pacifiques. Le seuil de tolérance à la violence manifestante et sa médiatisation semblent donc inversement proportionnels à sa réalité. La dénonciation de la répression et de la criminalisation du mouvement social se cantonne aux milieux militants.

      Tout cela n’est pas sans conséquence sur la forme et la fréquentation des cortèges. Premier effet, sans nul doute recherché, celui d’effrayer nombre de manifestants qui réfléchiront à deux fois pour prendre la rue et n’y viendront plus en famille. Sans compter que le droit de manifester est chaque fois plus rogné : il se perd dans les barrages filtrants des entrées de manif, se contient dans des trajets de plus en plus courts (on se souviendra du tour de l’Arsenal à Paris imposé en juin 2016), quand il n’est pas ouvertement contesté dans les discours politiques. On notera pour finir que la France fait figure d’exception en Europe où, notamment en Allemagne, le maintien de l’ordre repose sur le principe de la « désescalade ». Ses lignes directrices y sont donc le dialogue avec les manifestants, avant, pendant et après l’événement, et l’évitement de toute action répressive indiscriminée.