A propos des racines et des excroissances du négationnisme

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  • Le site Lundi Matin a publié, ce 8 octobre 2018, un texte du même Serge Quadruppani, ” Berlin 1933 vu de la Méditerranée 2018″. Un texte qui parle de Raymond Aron, du génocide des Juifs par les nazis, sur ce ton paisible et semi-mondain de la controverse entre gens de bonne compagnie, en l’occurrence, avec un autre éditorialiste, Daniel Schneidermann.

    A part dans une sphère politique bouffée jusqu’à l’os par l’antisémitisme, où pourrait-on imaginer qu’un militant honnête, qui se serait corrompu avec Robert Faurisson en connaissance de cause, mais aurait finalement eu des regrets et de la honte, puisse de nouveau et comme si de rien n’était, disserter sur la Shoah et les mauvaises analyses des autres ?

    A part dans une sphère politique dévorée par sa perversité totale, où ce genre de publications par un collectif peut-il susciter autre chose que la rupture la plus définitive et la plus visible qui soit ?

    Depuis des dizaines d’années, les pro-négationnistes de gauche tentent de maintenir l’existence de cette sphère là, de cet astre mort toujours renaissant, qui pourrit et salit sans fin les idées révolutionnaires et les mouvements sociaux. Les cycles s’enchainent et la litanie des monstres dont accouche notre camp : Rassinier, La Vieille Taupe, et Garaudy et Dieudonné…

    A propos des racines et des excroissances du négationnisme - Lignes de crêtes
    https://www.lignes-de-cretes.org/a-propos-des-racines-et-des-excroissances-du-negationnisme

    « Je ne prends pas la défense de l’Allemagne. Je prends la défense de la vérité (…) »

    C’est par ces mots que s’ouvre le premier pamphlet de littérature négationniste publié en France, Nuremberg ou la Terre Promise, en 1947.

    A l’époque, peu de lecteurs prendront la phrase au sérieux, son auteur Maurice Bardèche, beau-frère de Brasillach ayant entamé depuis l’exécution de celui-ci une entreprise de réhabilitation du nazisme et de la collaboration française sans équivoque, qui l’amène immédiatement à se lier avec l’ensemble des nazis encore actifs dans l’Europe de l’immédiate après-guerre.

    Soixante-dix ans après, cependant, la posture d’objectivité de Bardèche, aussi grotesque soit-elle, est adoptée par ses héritiers avec un immense succès.

    Hormis Vincent Reynouard, qui se dit ouvertement néo-nazi, la plupart des négationnistes et tous leurs soutiens se prétendent totalement neutres vis à vis du nazisme, et même pour beaucoup ses opposants. Dans le débat public, le négationnisme ne s’impose pas par une défense ouverte de ses thèses (de fait, très peu de gens parmi ceux qui défendent Faurisson connaissent les « arguments » qu’il invoque pour nier les chambres à gaz), mais toujours par le biais de débats sur la liberté d’expression ou la liberté de recherche historique soi-disant opposée à la main mise de l’Etat sur l’Histoire qu’incarneraient les lois qui pénalisent l’expression des thèses négationnistes. Les négationnistes seraient des chercheurs de vérité.

    C’est le long aboutissement d’un combat fasciste pour dépolitiser l’image du négationnisme. La dépolitisation est ce processus par lequel le négationnisme parvient à apparaître dans le débat public comme une idéologie ou une démarche historique ou militante pas forcément liée à l’extrême-droite.

    Ce combat a commencé par la mise en avant de certains parcours plutôt que d’autres : ainsi Bardèche, premier négationniste publié avec un tirage d’importance est généralement mis au second plan des récits négationnistes sur l’histoire de leur courant.