« On tourne en rond dans la défense des étrangers » via @isskein
Midi libre édition de Montpellier du 25 avril
Départ : Jean-Paul Nunez quitte la Cimade après trente ans d’actions dont il dresse un bilan sans aucune complaisane - Propos recueillis par Guy Trubuil
Je suis salarié depuis vingt-huit ans. Cela fait trente ans que je m’occupe de la Cimade à Montpellier. Et je m’en vais car je ne m’y retrouve plus politiquement. Dans la structure et, d’autre part, dans la bataille qu’il faut mener par rapport à la défense des migrants, des étrangers, des exilés. Il y a un discours qui s’est construit avec les années où l’on tourne un peu en rond autour de la défense des étrangers. On s’occupe moins de la maltraitance qui est faite à tous ces gens que de savoir s’il leur faut des papiers. On dit que la loi ne va pas. On le dit davantage sous les temps de droite que sous les temps de gauche. Aujourd’hui, la loi de droite est toujours en application dans toute sa splendeur mais il n’y a plus de réaction. Le régime de Hollande est identique dans son fonctionnement. Il a créé une garde à vue Canada DryTM avec la retenue de vingt heures. Ça n’a pas amené de réaction. Je ne me faisais pas d’illusion. Les socialistes espagnols ont fait aux étrangers ce que le régime de Sarkozy ne leur faisait pas en France. Ce n’est pas une question de gauche ou droite, c’est une volonté européenne.
Vous pensez qu’il n’y a plus de mobilisation sur ces questions ?
Oui. Ceux qui, aujourd’hui, sont devenus des gens élus du régime, on ne les voit plus. Aujourd’hui, le droit ne défend plus les étrangers. Il est contre eux. Vouloir demander des droits pour les étrangers alors que le droit est contre eux, c’est se tromper complètement. Il y a un problème de maltraitance, ce n’est pas le côté juridique. Mais c’est aux étrangers, aujourd’hui, à arracher leur droit sinon cela n’avancera pas. La carte de séjour de dix ans, c’était les jeunes des quartiers qui l’avaient obtenue en manifestant. Aujourd’hui, on veut nous ramener à une carte intermédiaire de trois ans alors qu’en fait, il faudrait rebatailler pour la carte de dix ans. Or c’est le mouvement associatif au sens large, dont je fais partie, qui sert d’intermédiaire et va discuter au lieu de dire aux étrangers d’aller arracher leurs #droits. On devrait être les logisticiens de tous ces étrangers. Il y a trente ans, les étrangers se battaient pour leurs droits.
Mais peu ont les moyens ou la possibilité de mener ces combats...
Mais parce que le monde associatif a pris leur place autour des années 1980. C’est nous qui allons discuter à la place des étrangers mais on n’a pas de souci. Le préfet, aujourd’hui, demande à recevoir le monde associatif. On fait partie du système, au fond. Ici, à Montpellier, dans les années 1970, lors de la grève du temple avec les saisonniers de l’agriculture, ce sont eux qui ont mené la bataille. On était les logisticiens. Aujourd’hui, on fait ce qu’on appelle de l’expertise et du plaidoyer, du #lobbying. Il faudrait mettre tout cela à plat, tout changer. Les gens ont tous des cartes d’un an. Mais comment obtient-on un logement, du travail en un an ? Ils sont en règle mais on les déstabilise, c’est là une bataille à mener. Il faudrait harmoniser les droits.
Vous êtes critique mais vous étiez aussi acteur de ce mouvement.
Oui, je suis aussi responsable de cela. L’intermédiaire, je l’ai été. Il y aurait une remise en question à faire mais elle n’a pas lieu. Il faut qu’on retrouve un souffle dans la manière d’être avec les étrangers mais aussi avec cette population qui les déteste, notamment dans notre région.
C’est-à-dire ?
On a été sur des batailles, à Vauvert notamment, on voyait qu’il y avait des attitudes qui attisaient les haines. Il faut les faire tomber ces haines mais, là-dessus, on a failli. Moi, le premier.
Tous ces combats à mener vont-ils vous manquer ?
J’ai beaucoup donné. Je n’ai pas peur de ce qui viendra après. Ça ne va pas me manquer. C’est difficile de prendre cette décision, ça a été un travail de deuil. J’ai besoin de prendre ce recul. Je ne veux pas être la mouche dans la bouteille. Quand on est dans une impasse, il faut faire un pas de côté.
#migrations #socialistes