En Lettonie, la coalition sortante subit une déroute

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  • En Lettonie, la coalition sortante subit une déroute Ruptures - 08 octobre 2018
    https://ruptures-presse.fr/actu/lettonie-elections-concorde-otan-ue
    https://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-21-10-2018

    Les électeurs lettons étaient appelés à renouveler leurs députés le 6 octobre. Dans ce pays balte de 1,9 million d’habitants, 54% d’entre eux se sont déplacés, soit 4 points de moins qu’en 2014.

    Le gouvernement sortant s’est prévalu d’avoir fidèlement appliqué les réformes souhaitées par l’Union européenne (fiscalité, système de santé…), ce qui a contribué à accroître un mécontentement social latent, alors même que l’émigration, notamment de la jeunesse, reste forte, en particulier vers les pays anglo-saxons. Plusieurs scandales de corruption – dont celui qui a tout récemment impliqué le gouverneur de la Banque centrale – ont également marqué la campagne, dans une Lettonie parfois décrite comme « la capitale européenne du blanchiment ».

    Enfin, les discriminations, linguistiques mais aussi sociales, que subissent les personnes d’origine non lettone (40% de la population, notamment les russophones) demeurent des enjeux politiques majeurs.

    Pour le quatrième scrutin consécutif, c’est la formation cataloguée comme « pro-russe », Concorde (Saskana, traduit en anglais par Harmony), qui arrive en tête, avec 19,9% des suffrages (-3,1 points). Le fait nouveau est l’émergence d’un jeune parti, décrit comme populiste, KPV (« A qui appartient le pays ? »), qui rafle d’emblée la deuxième place, avec 14,2% des voix.

    Or le KPV, à la différence de tous les partis installés, n’a jamais exclu une alliance parlementaire avec Concorde. Jusqu’à présent, celle-ci, bien qu’en tête du choix des électeurs, a toujours été tenue à l’écart du pouvoir car elle est accusée d’être proche de Moscou.

    Concorde, historiquement ancrée dans la communauté russophone, attire également des Lettons « de souche » notamment du fait des mesures sociales qu’elle préconise
    En réalité, Concorde se veut un parti d’orientation sociale-démocrate. Certes historiquement ancrée dans la communauté russophone, elle attire également des Lettons « de souche » (dont certaines personnalités étaient candidates sur ses listes) notamment du fait des mesures sociales qu’elle préconise. Lors de cette campagne, Concorde avait notamment proposé de tailler dans le budget de la défense au profit des secteurs de l’éducation et du logement. Un casus belli pour les partis actuellement au pouvoir, qui mettent leur point d’honneur à atteindre, voire à dépasser, le niveau du budget militaire ordonné par l’OTAN.

    Cinq partis (dont trois principaux) étaient associés dans la coalition parlementaire sortante, menée par l’Union des Verts et des paysans (droite). Cette formation qui a toujours été partie prenante du pouvoir depuis 2002 s’effondre, passant de 19,5% à 9,9% des suffrages. Son alliée gouvernementale, l’Alliance nationale (AN) ne s’en sort guère mieux avec 11% des voix contre16,6% il y a quatre ans. L’AN est l’une des formations les plus ultra, notamment en matière de restrictions à l’utilisation de la langue russe. Quant au troisième partenaire de la coalition sortante, Nouvelle unité, il ne rassemble que 6,7%, contre… 21,9% en 2014.

    Outre le KPV, deux formations profitent de la déconfiture des partis au pouvoir : le Nouveau parti conservateur, qui passe de 0,7% à 13,6%, ainsi que la Nouvelle alliance libérale / FOR, récemment créée, avec 12% des voix. Il est vrai qu’en Lettonie, où n’existe pas vraiment de culture politique anciennement ancrée, les disparitions et recréations de partis se succèdent avec des frontières idéologiques souvent bien floues. L’opposition à la Russie et aux habitants russophones, la fidélité à l’OTAN et à l’UE, et les orientations libérales forment cependant un ciment commun aux partis gouvernementaux.

    « la ligne euro-atlantique constitue le cadre fondamental de notre action et je n’accepterai aucune exception à cette ligne » – le président letton
    C’est ce qui avait conduit le président de la République, issu de l’Union des Verts et des paysans, à avertir les électeurs avant le scrutin : « la ligne euro-atlantique constitue le cadre fondamental de notre action et je n’accepterai aucune exception à cette ligne ». Il lui revient désormais de désigner la personnalité qui devra former une future majorité au sein d’un Parlement éclaté en sept groupes parlementaires.

    Concorde et le KPV disposent ensemble de 39 sièges (24 et 15 respectivement), ce qui constitue l’alternative la plus logique au pouvoir actuel. Mais ce total est cependant insuffisant pour atteindre la majorité absolue au sein de l’Assemblée qui compte 100 députés.

    Le dirigeant de Concorde, qui est également maire de la capitale, Riga, a cependant averti qu’« aucune coalition stable et capable de gouverner n’est possible » sans sa formation. « Sinon, a-t-il poursuivi, vous pourriez avoir une coalition de xénophobes et de partisans des droits des homosexuels, et un tel gouvernement ne tiendrait pas plus de deux ou trois semaines », faisant référence aux Conservateurs et à la Nouvelle alliance libérale.

    Tout porte cependant à croire que les élites installées finiront par trouver une formule écartant une « coalition pro-Kremlin / populistes » qui constituerait selon elles une hérésie pour ce pays balte, dont les dirigeants sont depuis près de trente ans convaincus – ou feignent de l’être – que les troupes russes s’apprêtent à les envahir. Les mêmes continuent à témoigner d’une indulgence notable envers les nostalgiques de l’Allemagne nazie, nostalgiques qui ont pignon sur rue dans le pays.

    Il reste que les électeurs lettons, et pas seulement les russophones, viennent de leur infliger une gifle retentissante, notamment sur la base d’un mécontentement social grandissant. Mais du côté de Bruxelles, un seule chose compte : que la Lettonie ne vienne pas s’ajouter à la litanie des pays menacés par les « populistes »… https://ruptures-presse.fr/actu/suede-elections-lofven-akesson

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