Le Vent Se Lève

https://lvsl.fr

  • La bataille oubliée de Salvador Allende pour la souveraineté technologique
    https://lvsl.fr/la-bataille-oubliee-de-salvador-allende-pour-la-souverainete-technologique

    Il n’était pas le seul à penser de la sorte. Une grande hétérogénéité caractérisait l’Union populaire, cette coalition qui a dirigé le Chili pendant trois ans sous sa présidence. Dans les ministères, on croisait aussi bien des socialistes bon teint que les marxistes-léninistes du MIR (Movimiento de izquierda revolucionaria, « mouvement de la gauche révolutionnaire »). Mais s’il est un point qui faisait consensus, c’est le caractère néfaste du monopole américain sur le secteur des télécommunications au Chili.

    À lire aussi...
    LA PREMIÈRE VIE DE FIDEL CASTRO : PORTRAIT DE CUBA AVANT LA …
    En Amérique latine, la multinationale ITT (International Telephone and Telegraph, basée à Washington) est honnie, d’abord pour les tarifs abusifs qu’elle pratique. C’est en les dénonçant que le jeune avocat cubain Fidel Castro obtient une première notoriété. Mais ce n’est pas la seule raison, ni la principale. Confier un secteur aussi stratégique à des capitaux étrangers et privés, estime-t-on, nuit à la souveraineté des populations latino-américaines – et les condamne à un sous-développement chronique. Une fois élu, Allende entreprend d’exproprier ITT. Une lutte souterraine s’engage.

    Ainsi, Allende tente d’attirer des ingénieurs du monde entier afin de poser les fondements d’un système de télécommunications qui permettrait au Chili de se passer des brevets et infrastructures fournis par Washington. Parmi eux, l’excentrique britannique Anthony Stafford Beer, versé dans la cybernétique. Avant les tristement célèbres Chicago boys, d’autres contingents internationaux ont cherché à bouleverser l’organisation sociale du pays : les Santiago boys.

    DE L’ÉCONOMIE DE GUERRE CIVILE À LA PLANIFICATION ?
    C’est lors de la grève des camionneurs que le projet Cybersyn révèle son utilité. En 1972, le pays manque d’être paralysé : sous l’impulsion du mouvement d’extrême droite Patria y libertad et de la CIA, les conducteurs routiers se livrent à une obstruction des voies publiques. En face, les militants du MIR tentent de faire échouer le mouvement et d’assurer autant que possible la normalité des échanges.
    L’outil des Santiago boys permet alors de faire état, en temps réel, de la situation des uns et des autres : les entreprises dont les routes sont bloquées, celles dont les routes sont libres, les entreprises en pénurie, celles qui sont en excédent, peuvent être mises en rapport. On espère ainsi mettre en échec l’asphyxie de l’économie souhaitée par les grévistes. Bien sûr, Cybersyn demeure encore embryonnaire.
    Mais l’idée fait son chemin : ce mode de coordination, si prometteur en temps de guerre civile, ne pourrait-il pas être généralisé en temps de paix ? Si l’ensemble des entreprises du pays étaient connecteés au telex, elles pourraient faire état, en temps réel, de leurs intrants et de leurs extrants. Il serait alors possible d’agréger ces données, d’établir des régularités, et de repérer (avant même que les agents en aient conscience) les éventuels problèmes dans le processus de production.

    Le podcast de Morozov offre une plongée dans les canaux souterrains du coup d’État de 1973, avec une précision chirurgicale. Il dévoile à quel point les réseaux de communication abandonnent leur apparente neutralité sitôt que la situation politique se tend, pour devenir des armes de guerre – aux côtés de la finance ou de l’armée.
    On ne peut s’empêcher d’effectuer un parallèle avec la situation présente – et de contraster le volontarisme politique de l’Union populaire chilienne avec l’atonie d’une grande partie de la gauche contemporaine. Quant l’une tentait de se débarrasser d’ITT, l’autre semble paralysée face aux GAFAM – quand elle n’y est pas totalement indifférente.
    Les multiples affaires d’espionnage du gouvernement américain sur ses homologues européens, permises par leur suprématie technologique, n’ont soulevé qu’une faible indignation. L’affaire Pierucci, qui a vu un cadre français d’Alstom arrêté par le Department of Justice (DOJ) des États-Unis, puis condamné sur la base de messages échangés via Gmail (à laquelle le DOJ avait bien sûr accès), n’a jamais réellement mobilisé la gauche française. Et face au Cloud Act voté sous le mandat de Donald Trump, qui officialise le droit pour les États-Unis de violer la confidentialité des échanges si leur intérêt national le leur intime, la gauche européenne est surtout demeurée muette.
    On objectera avec raison que les Big Tech américaines présentent des défis autrement plus importants que les multinationales de la télécommunication d’antan. Mais qui pourra dire que l’expérience de l’Unité populaire face à ITT n’est pas riche d’enseignements pour le présent ? Et que le dédain d’une partie de la gauche française pour toute forme de souveraineté numérique ne constitue pas un problème majeur ?

    #Cybersin #Géopolitique_technologie

  • Comment le yoga façonne l’être néolibéral
    https://lvsl.fr/comment-le-yoga-faconne-letre-neoliberal

    Qu’il soit pratiqué dans une salle de sport, devant ses followers Instagram, seul sur son tapis ou même en entreprise, le yoga n’en finit pas de séduire de nouveaux adeptes. En vendant la découverte d’un « soi » intérieur et en promettant d’aider à atteindre une forme de perfection spirituelle et physique, il offre à des millions de personnes l’espoir d’une vie saine et pleinement épanouie. Un horizon que la société ne paraît plus capable d’apporter depuis longtemps. Mais pour Zineb Fahsi, professeure de yoga, cette quête d’un « meilleur soi » n’est rien d’autre qu’une façon de faire accepter son sort à l’individu néolibéral, tout en l’appelant à se dépasser, en particulier au travail. Dans son livre Le yoga, nouvel esprit du capitalisme (éditions Textuel, 2023), elle explique comment cette pratique hindoue a été transformée en vulgaire développement personnel. Extraits.

    « Manger équilibré, faire du yoga… Même enfermés, on n’aura donc jamais la paix ? » Cet article exaspéré de la journaliste Barbara Krief, est publié sur le site de Rue89 en avril 2020, après les quinze premiers jours du premier confinement en France suite à la pandémie de Covid-19. Soulignant la multiplication des injonctions à « profiter » du confinement, à le considérer comme une opportunité pour tendre vers un meilleur soi et apprendre de nouvelles compétences, bref, à faire du confinement un moment productif et épanouissant, cet article est révélateur de la prééminence de la culture du perfectionnement de soi, quelles que soient les circonstances, et bien souvent au mépris de celles et ceux qui n’ont pas le luxe de pouvoir s’adonner au souci de soi. Comme en écho à cet article, une coach new age et professeure de yoga très suivie sur les réseaux sociaux a récemment partagé sur son compte Instagram le faux dialogue suivant : « Moi : “Utilises-tu la crise mondiale actuelle comme un catalyseur pour te propulser vers la meilleure version de toi-même jamais atteinte ?” – Eux : “Non.” – Moi : “Ça serait plus cool que tu le fasses.” » Les discours d’auto-perfectionnement sont donc omniprésents dans le milieu du yoga et constituent son nouveau but : devenir une meilleure personne, atteindre une meilleure existence ici-bas par le développement de son plein potentiel, par le biais d’exercices physiques et d’une transformation psychique.

    Le narcissisme et la compétition, moteurs de la dépression

  • Niger : les pièges de l’interventionnisme
    https://lvsl.fr/niger-les-pieges-de-linterventionnisme

    Pour justifier son droit à intervenir au Niger afin d’y rétablir le président Mohamed Bazoum, la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) fait fi de la complexité de la situation. Une armée étrangère, loin d’être accueillie à bras ouverts par les Nigériens, sera perçue comme une menace pour leur auto-détermination. À Niamey, les officiers au pouvoir s’appuient quant à eux sur l’insatisfaction générée par la présidence de Mohamed Bazoum. Élu en 2021 suite à un scrutin contesté, il est perçu comme excessivement proche du pouvoir français. La voie de l’intervention militaire pour lui permettre de reprendre les rennes du pays ne fera que radicaliser les soutiens au putsch. C’est l’analyse d‘Aoife McCullough – doctorante à la London School of Economics – et d’Aziz Garba – doctorant à l’Université catholique de Louvain -, dans un article originellement publié sur Afrique XXI.
    https://afriquexxi.info/Au-Niger-le-pari-risque-de-la-Cedeao

    • Pour l’historienne Camille Lefebvre, l’occupation coloniale française du #Niger à la fin du XIXe siècle est primordiale pour comprendre le ressentiment des Nigériens à l’égard de la France, même s’il est instrumentalisé par les militaires putschistes.

      « Certains s’interrogent sur le pourquoi du ressentiments des populations du Niger à l’égard de la France. Une partie de ses raisons se trouve dans la violence de l’occupation coloniale dans cette région.
      Comprendre cette histoire est aujourd’hui nécessaire.
      Merci à Fayard d’en rendre accessible gratuitement l’introduction et le premier chapitre à ce lien liseuse-hachette » Camille Lefebvre

      https://www.liseuse-hachette.fr/?ean=9782213719610


      Camille Lefebvre nous immerge dans les premiers temps de la colonisation et redonne vie aux mondes qui s’enchevêtrent alors, pour nous aider à saisir comment s’est peu à peu construite la domination coloniale.
      Au début du xxe siècle, quatre-vingts militaires français accompagnés de six cents tirailleurs envahissent deux puissantes villes du Sahara et du Sahel. La France, comme plusieurs autres pays européens, considère alors les territoires africains comme des espaces à s’approprier. Elle se substitue par la force aux gouvernements existants, au nom d’une supériorité civilisationnelle fondée sur le racisme.
      Depuis le cœur de ces deux villes, grâce à une documentation exceptionnelle, Camille Lefebvre examine comment s’est imposée la domination coloniale. Militaires français, tirailleurs, mais aussi les sultans et leur cour, les lettrés et les savants de la région, sans oublier l’immense masse de la population, de statut servile ou libre, hommes et femmes : tous reprennent vie, dans l’épaisseur et la complexité de leurs relations. Leur histoire révèle la profondeur des mondes sociaux en présence ; elle retisse les fils épars et fragmentés des mondes enchevêtrés par la colonisation.
      Les sociétés dans lesquelles nous vivons, en France comme au Niger, sont en partie issues des rapports de domination qui se sont alors noués ; s’intéresser à la complexité de ce moment nous donne des outils pour penser notre présent.

      « Ce que dit Camille Lefebvre sur l’empreinte indélébile de la violence colonisatrice au Niger s’observe dans toutes les anciennes colonies, par exemple en Algérie. L’histoire n’en sera "apaisée" que lorsque la France l’aura reconnue et regrettée solennellement. Et réparée. »

  • Oppenheimer : le spectacle de la fin du monde
    https://lvsl.fr/oppenheimer-le-spectacle-de-la-fin-du-monde

    À l’occasion de la sortie en salles d’Oppenheimer, le réalisateur Christopher Nolan a précisé ses intentions à la presse : mettre en évidence la nouveauté radicale du monde produit par la bombe, au sein duquel l’humanité est désormais capable de s’autodétruire. Le film espère ainsi susciter chez les spectateurs un sens fugace de la « responsabilité » et raviver les inquiétudes concernant la prolifération des armes nucléaires. Une préoccupation d’actualité, au regard de la poursuite du conflit russo-ukrainien, et dont la pertinence aurait pu être assurée, si la caméra de Christopher Nolan avait fait preuve de davantage d’inventivité. Malgré une esthétique recherchée, Oppenheimer s’en remet pourtant aux poncifs individualistes de la narration hollywoodienne et n’hésite pas à sacrifier la métaphysique de la bombe à l’industrie culturelle américaine.

    L’impossible biopic de la bombe

    Si le film avait suivi sa prétention de placer en son centre l’inhumanité de l’arme nucléaire, on aurait pu imaginer, en toute hypothèse, le personnage du scientifique s’effaçant derrière ce produit technique ultime qui s’est incarné sous la forme d’une bombe. Une telle potentialité technologique s’accommodait cependant mal d’un genre comme le biopic, qui s’intéresse aux créateurs plutôt qu’aux créations, tout en perpétuant certains canevas bien connus à Hollywood. On peut l’expliquer en revenant à la construction de l’image médiatique du « géant de la science » dont Einstein avait déjà fait les frais : c’est l’image, telle que décrite par le philologue russe Mikhaïl Bakhtine, d’un original absolu, mauvais élève par excellence et manifestant son exubérance par quelques manies iconiques. Le scientifique selon Hollywood exhibe souvent de telles excentricités qui doivent extérieurement le distinguer du commun ; inadaptation sociale, singularité d’apparence ou attitudes intempestives sans lesquels il est impensable qu’il pût jamais inventer quoi que ce soit. C’est que les « génies » ne demeurent cinématographiquement dignes d’intérêt que s’ils agissent en impulsifs introspectifs.

  • “Je ne dors plus” : la fin du revenu de citoyenneté sème la confusion en Italie
    https://www.courrierinternational.com/article/pauvrete-je-ne-dors-plus-la-fin-du-revenu-de-citoyennete-seme

    La droite italienne estime que la disparition du revenu de citoyenneté a pour but de lutter contre “l’assistanat”. Une femme à Naples, le 10 juillet 2023. Photo Ciro De Luca/REUTERS
    [ Mention spéciale au service icono pour cette photo bien pourrie ! ]

    À partir du 1er août, environ 169 000 familles transalpines cesseront de percevoir l’aide sociale destinée aux plus démunis. Si la mesure avait été annoncée il y a plusieurs mois par le gouvernement conservateur, la transition vers un nouveau système suscite de nombreuses de polémiques.

    Le témoignage de Barbara, relayé par Avvenire, symbolise la détresse à laquelle font face certaines personnes ces derniers jours. “Jeudi après midi, j’ai reçu un SMS qui m’informait que mon revenu de citoyenneté serait suspendu à partir du 1er août, raconte au quotidien catholique cette femme de 35 ans. J’ai pensé à une erreur, mais on m’a dit que seules les personnes avec des fils mineurs ou avec un handicap bénéficieront dans le futur d’une mesure similaire. Pour ma part, je vais recevoir des informations pour poursuivre un parcours d’insertion au travail [elle est actuellement au chômage], mais je ne sais pas quelle indemnité je vais recevoir et quand. Depuis deux jours, je ne dors plus. Ma première pensée a été le loyer. Je ne peux pas me permettre de ne pas payer.”

    https://jpst.it/3j_gd

  • Les propriétaires invisibles
    https://lvsl.fr/ces-proprietaires-invisibles

    Dans cette perspective, le #logement est considéré comme un actif : quelque chose qui fournira un revenu régulier via le loyer que le locataire paiera et qui générera également une plus-value en cas de vente ultérieure. Étant donné que ce sont là leurs motivations sous-jacentes, que recherchent-ils lorsqu’ils investissent dans l’immobilier ? Ils recherchent la capacité d’accoître les loyers qu’ils peuvent tirer de cette propriété et ce, pour deux raisons. La première est que l’augmentation du loyer signifie plus de revenus à empocher ; la seconde, qui est la plus importante, c’est qu’un loyer plus élevé rend l’actif plus précieux pour les acheteurs potentiels à un moment ultérieur. Les gestionnaires d’actifs ne sont pas principalement chargés d’acheter et de détenir des actifs à perpétuité. Leurs activités consistent plutôt dans l’achat et la vente d’actifs. Et lorsqu’ils en achètent, leur principale préoccupation est sa gestion optimale afin de le rendre plus valable aux yeux du marché. Augmenter les loyers se présente comme la meilleure façon de le faire en matière de logement.

    Au cours de la dernière décennie, leur stratégie la plus courante pour acheter des logements à vocation locative a consisté à chercher du côté des marchés locatifs très tendus, où il n’y a pas assez de logements pour répondre à la demande, ce qui créé une pression à la hausse sur les loyers. Tout aussi important, sinon plus : ils cherchent à acheter dans des endroits où ils estiment qu’il n’y a qu’une perspective limitée de construire beaucoup plus de logements locatifs, car cela représenterait une menace claire et actuelle pour leur modèle commercial…

  • Pentagon leaks : les secrets explosifs qui embarrassent Washington https://lvsl.fr/pentagon-leaks-les-secrets-explosifs-qui-embarrassent-washington

    […] Les documents fuités font également état des pertes ukrainiennes, jusqu’ici jalousement tenues secrètes. Selon les estimations du Pentagone, elles seraient de 124 500 à 131 000 militaires hors de combat dont 15 500 à 17 500 tués, contre respectivement 189 500 à 223 000 et 35 500 à 43 000 côté russe. Des chiffres significativement plus importants que le décompte officiel ukrainien. La bataille de Bakhmout aurait eu un coût humain élevé malgré le manque d’intérêt stratégique. Défendre la ville était déconseillé par l’état-major américain, mais fut décidé par l’Ukraine pour des raisons de politique intérieure.

    Les documents révèlent aussi la présence d’une centaine de diplomates américains en Ukraine et de quelques dizaines de membres des forces spéciales américaines, britanniques et françaises. Si le nombre évoqué paraît dérisoire, il contredit les versions officielles des gouvernements concernés.

    Le conflit s’étend également au Moyen-Orient, l’Ukraine ayant envisagé des attaques contre des forces russes en Syrie. Plus généralement, les tensions avec la Russie augmenteraient le risque de conflit entre Israël et l’Iran, tandis que de nombreuses puissances régionales alliées de Washington jouent un double jeu, selon les rapports fuités par Teixeira.

    Les documents décrivent ainsi un monde de plus en plus multipolaire, où le conflit ukrainien trace de nouvelles lignes de fracture et illustre la volonté d’indépendance de nombreuses nations en termes de politique étrangère.

    Plus inquiétant, les documents nous apprennent l’existence d’un accident militaire au potentiel dévastateur entre la Russie et la Grande-Bretagne. Un chasseur de l’armée de l’air russe ayant mal compris le message de son commandement a tiré un missile sur un avion de reconnaissance stratégique britannique emportant plusieurs dizaines d’officiers à bord. Sans un dysfonctionnement providentiel du missile, l’avion aurait été abattu. Ce qui aurait constitué un acte de guerre susceptible de forcer l’OTAN à prendre une part bien plus active dans le conflit. Ce type d’erreur aux conséquences potentiellement dévastatrices risque de se multiplier avec l’enlisement du conflit.

    Or, malgré le coût humain désastreux et les perspectives d’évolutions militaires incertaines, la diplomatie occidentale ne semble pas intéressée par les négociations. Les documents révèlent ainsi que l’initiative diplomatique portée par Lula et balayée par l’OTAN avait été accueillie favorablement par le ministre russe des Affaires étrangères.

    Mises bout à bout, ces « révélations » remettent quelque peu en question le discours occidental officiel, qui semble exagérer les chances de victoires ukrainiennes tout en minimisant le coût humain et le risque d’escalade au-delà de l’Ukraine pour justifier son refus d’envisager sérieusement des négociations. […]

  • Réflexions sur le mouvement social, la grève et l’insurrection
    https://ricochets.cc/Reflexions-sur-le-mouvement-social-la-greve-et-l-insurrection.html

    Quelques articles et messages pour cogiter un peu aux protestations en cours qui partent de la contre-réforme retraites, à leurs objectifs dans ou hors les institutions (Etat, travail, syndicats, mutuelles, Etat social, La Sociale...). Avec un éclairage historique, des prises de recul, des actions de précaires et quelques rappels. 1. Une des questions centrales est celle de qui décide. Réclamer à l’Etat la retraite à 60 ans, ou imposer à l’Etat la maîtrise complète (le pouvoir) par les travailleurs (...) #Les_Articles

    / Révoltes, insurrections, débordements..., Travail, emploi, entreprise...

    #Révoltes,_insurrections,_débordements... #Travail,_emploi,_entreprise...
    https://lvsl.fr/institutions-sociales-conflit-violent
    http://www.palim-psao.fr/2023/02/rupture-qualitative.de-l-actualite-de-la-critique-radicale-du-travail-par
    http://www.palim-psao.fr/2020/11/rien-ne-sert-d-etre-vivant-s-il-faut-que-l-on-travaille-par-clement-homs-
    https://www.terrestres.org/2023/03/01/bloquer-leconomie-et-interrompre-les-flux-une-nouvelle-boussole-politiqu
    https://lundi.am/Mordre-l-histoire-a-la-nuque

  • Numérisation des aides sociales : dématérialiser pour mieux régner
    https://lvsl.fr/numerisation-des-aides-sociales-dematerialiser-pour-mieux-regner

    Ces cinq dernières années, les obligations de connexion ont explosé : prendre un rendez-vous avec un conseiller #Pôle_Emploi, faire une demande de #RSA, renouveler des papiers d’identité, valider une autorisation de travail… la moindre démarche administrative requiert un ordinateur, une bonne connexion et une aisance dans son utilisation. Au-delà du seul aspect technique, il faut surtout connaître ses droits, maîtriser le langage administratif et ses codes et réussir à naviguer sur des interfaces en constante évolution. Résultat : en 2021, selon l’INSEE, c’est un adulte sur trois qui a renoncé à effectuer une démarche administrative en ligne. Et ce n’est pas un hasard : la #dématérialisation sert une politique sociale qui ne dit pas son nom, de réduction des effectifs et de fermeture des guichets, dont les conséquences sont la mise à distance de l’administration et la fragilisation des plus #précaires.

    Rencontre organisée par le Mouton numérique avec Clara Deville, sociologue, Gabriel Amieux, animateur du Secours Catholique 93 membre du collectif « Bouge Ta #Préfecture », et Habib, travailleur sans-papier, mobilisé avec le Secours Catholique 93. Rencontre animée par Anne-Charlotte Oriol, transcrite par Dany Meyniel et éditée par MBB.

    C’est la transcription partielle d’une rencontre organisée par Le mouton numérique en octobre et faisant partie d’une série de rencontres, qu’on peut écouter à ce lien : https://mouton-numerique.org/dematerialiser-pour-mieux-regner, avec également des comptes-rendus

    #allocataires #ayant_droits #étrangers #doits_sociaux #société_d'abandon

  • Comment BlackRock prépare l’avenir de l’Ukraine
    https://lvsl.fr/comment-blackrock-prepare-lavenir-de-lukraine

    Les opportunités que présente l’Ukraine ne sont pas passées inaperçues. De #BlackRock (à qui Volodymyr #Zelensky a officiellement souhaité la bienvenue) aux fonds européens, le pays est scruté par les géants de la finance. Et par les organisations internationales, qui comptent bien lui imposer un climat favorable aux #investissements. Au menu : #dérégulation, #privatisations et « fiscalité efficiente ». Il faut dire que le gouvernement ukrainien n’a pas attendu la fin de la guerre pour mettre en place ces #réformes. […]

    #prédation #capitalisme #ukraine

  • Hubert Guillaud : « Fragmentation et intensification sont les deux caractéristiques essentielles de la nouvelle division du travail numérique »
    https://lvsl.fr/hubert-guillaud-coinces-dans-zoom

    Zoom n’est pas seulement un outil de visioconférence. C’est aussi une nouvelle manière de travailler, de produire et, ce faisant, de reconfigurer les rapports de force caractéristiques du travail salarié. Dans Coincés dans zoom (Fyp, 2022), Hubert Guillaud, journaliste spécialiste des questions numériques et ancien rédacteur en chef du média InternetActu, décrit les tendances à l’œuvre dans le développement tous azimuts de ces nouveaux outils du télétravail. Possibilité d’inscrire un nouveau rapport à l’environnement traditionnel de travail ou risque d’une société de surveillance encore plus terrifiante que la nôtre, webcam oblige ? Autant de tensions sur lesquelles il est revenu dans cet entretien. Propos recueillis par Audrey et Simon Woillet.

  • Une guerre de géants pour quelques nanomètres
    https://lvsl.fr/une-guerre-de-geants-pour-quelques-nanometres

    Une guerre mondiale a été déclarée le 7 octobre dernier. Si aucune chaîne d’information n’a couvert l’événement, nous aurons tous à souffrir de ses conséquences. Ce jour-là, l’administration Biden a lancé une offensive technologique contre la Chine, en imposant des limites plus strictes et des contrôles plus durs sur l’exportation non seulement des micro-processeurs, mais aussi de leurs schémas, des machines utilisées pour graver les circuits sur silicone et des outils que ces machines produisent. Désormais, si une usine chinoise a besoin de n’importe lequel de ces composants pour produire des marchandises, les entreprises doivent demander un permis spécial pour les importer. Pourquoi les USA ont-ils mis en place ces sanctions ? Et pourquoi sont-elles si dures ? Article du journaliste Marco D’Eramo, publié dans la New Left Review et traduit par Marc Lerenard pour LVSL.

    On en parlait il y a quelques semaines...

  • Aux origines de l’effondrement du service public de santé
    https://lvsl.fr/leffondrement-du-service-public-de-sante

    Considéré jusqu’au début des années 2000 comme le meilleur du monde, le service public de santé français avec ses deux piliers, l’hôpital public et les professionnels de santé de premier recours, s’effondre peu à peu. Cet article porte sur l’analyse structurelle de cette destruction progressive et dresse le tableau alarmant de l’évolution de la démographie des soignants. Ce texte est une nouvelle version d’une série de trois articles de Frédérick Stambach et Julien Vernaudon initialement parus sur le site de la revue Respublica.

    Le système de santé français a longtemps fait office d’exemple à l’international, au début des années 2000 il était même considéré comme le meilleur au monde. A la suite d’une destruction incrémentale du fondement même de notre système de santé, quel que soit les majorités gouvernementales, celui-ci est dorénavant à l’agonie. Les déserts médicaux progressent et l’hôpital public est au bord de l’implosion du fait de la diminution du nombre de lits, l’introduction en force du Nouveau management public et la dégradation des conditions de travail entraînant le départ en masse de personnels soignants épuisés et écœurés.

    Nous considérons que le point d’entrée dans le système de santé pour l’immense majorité de la population est l’hôpital public par le biais des urgences et ce que nous nommerons les professionnels de santé de premier recours (PSPR), par définition conventionnés en secteur 1. Ces derniers sont représentés par les médecins généralistes principalement mais il existe également d’autres « portes d’entrée » subtiles et souvent méconnues. C’est le cas notamment des pharmacies d’officine et, dans une moindre mesure, des infirmier(e)s et kinésithérapeutes libéraux. Pour les jeunes enfants, la Protection Maternelle et Infantile (PMI) lorsqu’elle existe encore sur le territoire peut également avoir ce rôle. Les chirurgiens-dentistes et les sage-femmes font également partie des PSPR.

    Mais d’une façon générale et majoritaire, lorsqu’un patient a un problème de santé (en dehors des grosses urgences) il va se rendre chez son médecin généraliste ou chez son pharmacien. C’est uniquement si ces deux voies sont fermées qu’il se rendra aux urgences directement.

    La pénurie médicale et la fermeture progressive des pharmacies d’officine, notamment en milieu rural, entraînent donc une suppression pure et simple de l’accès au système de santé, en particulier pour les classes populaires. Les services d’urgence, en grande souffrance, ne peuvent compenser la pénurie médicale de généralistes sur le territoire.

    La situation est complexe et assez catastrophique par bien des aspects, en particulier parce qu’elle relève de décisions gouvernementales qui, pour des raisons budgétaires mais pas uniquement, ont choisi délibérément de mettre en danger sanitaire la population française dans son ensemble. Cependant, les effets sont encore plus dramatiques pour les plus démunis, témoignant ainsi d’une politique de classe très violente : nous parlons ici de ceux qui ont la possibilité de se soigner ou pas.

    Nous allons revenir brièvement sur l’histoire de l’organisation puis de la désorganisation des médecins généralistes et de l’hôpital public, ensuite nous évalueront la situation actuelle (peu brillante) en termes d’effectifs soignants. Nous proposerons pour terminer une analyse politique et nos propositions pour changer de paradigme.

  • Le vote par approbation : un scrutin plus démocratique ?
    https://lvsl.fr/le-vote-par-approbation-un-scrutin-plus-democratique

    Le vote par approbation modifie très peu nos habitudes de vote, et à bien des égards, nous le pratiquons déjà : questionnaire à choix multiples, choix de dates, et Doodle en tous genres. Simple, instinctif même, mais pas seulement. Ce petit changement dans la manière de voter permet de résoudre les deux principaux problèmes de notre mode de scrutin actuel, à savoir le Spoiler effect et le vote utile qui empêche le vote de conviction.

    #théorie_du_vote #vote_plurinominal

  • Annulation de la dette étudiante aux États-Unis : la fin d’un totem néolibéral
    https://lvsl.fr/annulation-de-la-dette-etudiante-aux-etats-unis-la-fin-dun-totem-neoliberal

    En annulant quelque 300 milliards de dollars de dette étudiante contractée par 43 millions d’Américains, Joe Biden n’a pas uniquement tenu une promesse de campagne concédée à la gauche américaine ni pris une décision électoralement habile à deux mois des élections de mi-mandat. Il a surtout fait tomber un totem néolibéral et conservateur : celui de l’absolue nécessité de payer ses dettes. La droite américaine a réagi avec autant d’hystérie et de colère que de nombreux anciens conseillers d’Obama. Preuve que ce qui se joue dépasse largement la question de la dette étudiante.

  • Annulation de la dette étudiante aux États-Unis : la fin d’un totem néolibéral
    https://lvsl.fr/annulation-de-la-dette-etudiante-aux-etats-unis-la-fin-dun-totem-neoliberal

    En annulant quelque 300 milliards de dollars de dette étudiante contractée par 43 millions d’Américains, Joe Biden n’a pas uniquement tenu une promesse de campagne concédée à la gauche américaine ni pris une décision électoralement habile à deux mois des élections de mi-mandat. Il a surtout fait tomber un totem néolibéral et conservateur : celui de l’absolue nécessité de payer ses dettes. La droite américaine a réagi avec autant d’hystérie et de colère que de nombreux anciens conseillers d’Obama. Preuve que ce qui se joue dépasse largement la question de la dette étudiante.

    • Du reste, les 1700 milliards de dettes étudiantes ne tombent pas du ciel. Ils découlent d’un choix prenant racine dans les années 1960. Face à l’agitation politique qui dominait alors les campus américains et structurait la résistance à la guerre du Viet Nam, les élites conservatrices avaient tiré la sonnette d’alarme. Le directeur du FBI Edgard Hoover et le patron de la CIA John McCone décrivaient le campus de Berkley (Californie) comme étant « sous influence communiste » – situation qui « nécessitait une action corrective ».
      Avec l’élection de l’acteur de série B Ronald Reagan au poste de gouverneur de Californie, la droite conservatrice avait pu commencer à restreindre les budgets des universités publiques. Roger Freeman, son conseiller à l’éducation, déclarait : « nous faisons face au risque de produire un prolétariat instruit, ce serait de la dynamite ! On doit être sélectif ! ». Couper les subventions publiques et transférer le coût des études sur les étudiants, incités à s’endetter pour payer leurs frais d’inscriptions, devait permettre de placer une barrière à l’entrée des études supérieures. Il s’agissait d’une petite révolution : jusqu’ici, les politiques publiques visaient à éduquer un maximum de citoyens, gratuitement.

  • « Face à la fragmentation de la mondialisation, l’urgence de l’indépendance et du non-alignement » – Entretien avec Arnaud le Gall
    https://lvsl.fr/face-a-la-fragmentation-de-la-mondialisation-lurgence-de-lindependance-et-du-no

    « Pour avoir critiqué la visite à Taïwan de Nancy Pelosi, Jean-Luc Mélenchon a une nouvelle fois été catalogué en “pro-chinois” et ami des régimes autoritaires. Ces accusations absurdes mettent de côté le fait qu’il s’est contenté de rappeler la position officielle de la France : il n’existe qu’une seule Chine. Ce type de déplacement ne sert aucunement les intérêts taïwanais ou français, mais uniquement ceux des tenants d’une nouvelle “guerre froide” avec la Chine, dont l’un des outils serait l’extension des missions de l’OTAN à la zone dite indopacifique. Le spectre d’une guerre autour de Taïwan, principal lieu de production de semi-conducteurs, pose bien sûr le problème de notre dépendance économique à l’égard de la Chine. Mais la réponse ne réside pas dans une escalade. Elle implique une action altermondialiste combinant protectionnisme solidaire et coalitions de progrès ayant comme seul objectif de répondre aux défis communs de l’humanité et mettant de côté toute logique de bloc antagonistes. » Entretien avec Arnaud le Gall, député NUPES-France insoumise membre de la Commission des Affaires étrangères, en charge notamment du volet international de l’Avenir en commun.

    • Les tensions autour de Taïwan sont indissociables de la logique de reconstitution de blocs régionaux dans le cadre de la fragmentation de la mondialisation à laquelle on assiste depuis la crise financière et économique de 2008, dont les effets se font toujours sentir, et qui ont été exacerbés par la pandémie et la guerre en Ukraine. L’ère de la domination unipolaire des États-Unis est terminée. Une recomposition s’effectue, autour de grandes puissances cherchant à construire de nouvelles alliances, économiques et/ou militaires.

      Il ne faut avoir aucune nostalgie pour la « pax americana » des années 1990-2000. Elle n’a pas été pacifique pour tout le monde, loin s’en faut. Mais gardons-nous, en sens inverse, de sous-estimer les immenses dangers de la période qui s’ouvre. Car les points de tension, dont Taïwan est l’un des principaux, ont une fonction bien déterminée dans ce nouvel ordre international : les attiser pour rendre légitime et accélérer la constitution des blocs. Dans ce cadre les partisans d’une nouvelle guerre froide contre la Chine aux États-Unis tentent de mettre les États européens devant le fait accompli afin de souder le bloc occidental. Cette démarche est-elle dans notre intérêt ? À l’évidence, non.

      Bien sûr, il n’est pas interdit de se pencher sur l’histoire de Taïwan et de ses relations avec la République populaire de Chine. Ses velléités indépendantistes sont liées à des poussées démocratiques relativement récentes en son sein. Mais n’oublions pas que pendant des décennies, la ligne diplomatique qui prévalait à Taipei était la même qu’à Pékin : il n’y a qu’une seule Chine. Car Taïwan est d’abord le produit de la guerre civile chinoise. Lorsque le leader nationaliste Tchang Kaï-Chek s’y est réfugié à l’issue de la victoire des communistes sur le continent en 1949, il souhaitait la réunification de la Chine sous son égide. De la même manière Mao Zedong souhaitait récupérer Taïwan. Les deux s’accordaient alors sur la nécessité d’une réunification.

      LVSL – La gauche semble tiraillée entre l’impératif de défense des droits de l’homme (ou de la démocratie) et la nécessité de respecter le droit international, qui pose qu’un État est souverain sur chaque portion de son territoire (fût-ce la région taïwanaise, dans le cas de la Chine)…

      ALG – L’affaire taïwanaise est historiquement un sujet interne à la Chine. Se payer de mots en évoquant la défense de la démocratie ne changera pas cet état de fait. Entendons-nous bien. Il ne s’agit pas de dire que le combat démocratique, pour la souveraineté politique et économique des peuples, ne doit pas rester un objectif essentiel de tout combat internationaliste, aux côtés du combat pour la préservation d’un écosystème viable pour les êtres humains.

      Mais, dans les séquences comme celle à laquelle nous venons d’assister, nous sommes placés dans une situation concrète où la défense de la démocratie n’est qu’un prétexte. Si l’objectif central des classes dirigeantes « occidentales » était la défense de la démocratie, on ne courtiserait pas Mohammed Ben Salmane, le prince héritier saoudien, ou Al-Sissi, dictateur égyptien, pour ne prendre que les exemples les plus cinglants. Nous avons bien affaire à des enjeux géopolitiques durs, et non à la défense de la démocratie. Et ici l’intérêt de la France n’est certainement pas de suivre la politique de tensions dans la zone dite indopacifique. L’affaire des sous-marins australiens a montré que le suivisme vis-à-vis des États-Unis, dans cette région comme ailleurs, se paie au prix fort4.

      Les médias ont fait mine de découvrir que la gauche était traversée par des divergences ou des nuances doctrinales en matière de relations internationales. Elles sont pourtant connues de longue date, n’ont jamais été cachées, et n’entravent en rien notre action. Dans le programme présenté pour les élections législatives, un ensemble de questions ont été renvoyées à la sagesse de l’Assemblée : elles étaient destinées à être tranchées par un vote. Nous avons été clairs là-dessus, et n’avons jamais prétendu à l’homogénéité. Cela n’empêche pas la NUPES de mener la bataille au parlement sur les questions sociales, écologiques ou encore démocratiques.

      LVSL – Quelles sont les nuances en matière de doctrine de relations internationales au sein de la NUPES ?

      ALG – Jean-Luc Mélenchon a exprimé une position consistant à partir du monde tel qu’il est. Il refuse de souscrire à des promesses – bien fondées ou non – que la France serait incapable de réaliser une fois que nous serions au pouvoir. Ceux qui considèrent que sa position n’est pas la bonne devraient répondre par anticipation à certaines questions majeures. La principale est la suivante : si l’on encourage Taïwan à déclarer son indépendance, comme le fait en creux Nancy Pelosi, ira-t-on la défendre militairement en cas de réaction armée de la Chine ? Tout le monde connaît la réponse. On n’entre pas en guerre face à une puissance nucléaire.

      La doctrine de Jean-Luc Mélenchon en la matière est donc cohérente : il défend une politique d’apaisement, de refus des tensions, et de coalitions, ad hoc ou permanentes, au service du progrès humain. La France peut être en accord avec un groupe de pays sur l’impératif de lutte contre le réchauffement climatique ou de réglementation des activités en haute mer, avec un autre sur la nécessité d’une refonte du système monétaire international, et en désaccord sur d’autres sujets notamment de politique intérieure.

      D’aucuns revendiquent une approche dite plus morale des relations internationales. On peut l’entendre, mais on ne peut s’empêcher de leur demander ce qu’ils feraient dans le cas d’une crise ouverte à Taïwan et d’une réaction militaire chinoise, et comment ils combinent cette approche morale avec le fait que, concrètement, elle sert souvent de paravent aux manœuvres les plus cyniques de telle ou telle puissance s’en revendiquant.

      LVSL – Ces nuances recoupent-elles la fracture entre réalistes et idéalistes, choyée par les théoriciens des relations internationales ?

      ALG – Il faudrait se libérer des démarcations canoniques en la matière. Lorsqu’au tournant des années 1990-2000 les néoconservateurs étasuniens ont mis en œuvre l’exportation des droits humains et de la démocratie par la guerre, avec les résultats désastreux que l’on sait, étaient-ils dans une posture réaliste ou idéaliste ? Il est évident que leur politique était au seul service des intérêts perçus des États-Unis, et en fait des intérêts de certains secteurs de l’économie étasunienne. La frontière entre idéalistes qui seraient automatiquement généreux et réalistes nécessairement cyniques est bien plus floue qu’il n’y paraît.

      Le monde est imparfait, la carence d’institutions démocratiques et la violation des droits humains est la norme plutôt que l’exception. Doit-on partir en guerre tous azimut pour lutter contre cet état de fait ? C’est une des questions posées par la controverse autour de Taïwan, et c’est le mérite de Jean-Luc Mélenchon que d’y répondre sans ambages.

      Ajoutons que présenter l’affrontement avec la Chine comme une guerre de civilisations ou de valeurs opposant régimes autoritaires et démocraties libérales (dont il faudrait au passage définir avec précision les contours compte tenu de l’affaiblissement de la démocratie auquel on assiste y compris chez nous du fait de politiques menées par ceux-là mêmes qui prétendent défendre la démocratie aux quatre coins du monde, quand cela les arrange) fait oublier les enjeux économiques sous-jacents à la crise taïwanaise. Taïwan produit 61 % des semi-conducteurs, ces composants essentiels dans la fabrication de nombreux biens industriels. Cela constitue précisément un enjeu majeur. Une vision manichéenne et purement morale des relations internationales empêche de penser certains enjeux fondamentaux.

      LVSL – Cette crise ne révèle-t-elle pas la vulnérabilité de la France face à la perspective d’une guerre économique entre la Chine et les États-Unis ? Taïwan concentre en effet une partie importante de la production de semi-conducteurs : si le gouvernement de Pékin occupait l’île et en privait l’accès aux Européens, les conséquences seraient d’importance pour la France…

      ALG – À l’évidence. L’accès aux semi-conducteurs taïwanais est essentiel à des pans entiers des économies occidentales. Or une crise militaire autour de l’île aggraverait une situation de pénurie déjà forte. Certains ont semblé le découvrir avec la pandémie et depuis que cette interdépendance économique, couplée aux tensions avec la Chine, constitue une menace pour notre autonomie. Ils déplorent donc l’ordre mondial que les néolibéraux ont contribué à façonner en poussant il y a 20 ans pour l’entrée de la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC), donc à son intégration dans la mondialisation néolibérale.

      À l’époque, notre famille politique s’y opposait. Elle avait à l’esprit les conséquences d’une telle décision en termes de délocalisations, et donc de désindustrialisation : il était évident que la Chine, grande puissance historique, tant politique qu’économique, et ayant à sa tête un régime déployant des capacités éprouvées de planification, ne se contenterait pas de produire des tongs et des parasols.

      Les néolibéraux, dans leur naïveté et leur arrogance, persuadés que les États-Unis et l’Europe demeureraient dominants dans l’ordre international grâce à leur avance technologique, ont poussé à la délocalisation en Chine de pans entiers de notre industrie pour abaisser les coûts salariaux. La Chine a mis à profit cet afflux massif de capitaux pour devenir non seulement une grande puissance industrielle, mais aussi technologique, et donc militaire.

      C’est cela qui, en deux décennies, lui a permis d’acquérir des capacités technologiques de pointe et un rôle central dans la division internationale de la production capitaliste. À présent, elle constitue la seconde puissance économique mondiale. Plutôt que de multiplier les rodomontades sur l’endiguement de l’impérialisme chinois, il serait plus avisé de songer aux politiques économiques, industrielles, commerciales à mettre en place pour nous rendre moins dépendants de la Chine, et planifier au passage notre adaptation aux changements écologiques.

      Cela suppose bien entendu de rompre avec le paradigme néolibéral. De la même manière, rien ne sert de déplorer notre dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie si l’on ne mène pas dans le même temps une politique de conquête de notre indépendance énergétique. En l’état, le principal effet des sanctions aura été d’aggraver la hausse des coûts de l’énergie chez nous, tout en gonflant la balance commerciale russe. La dépendance de la France et de l’Europe à l’égard des grandes puissances, États-Unis, Russie et Chine en premier lieu, est extrêmement préoccupante. Ni les rodomontades sans suite, ni les envolées atlantistes contre la Chine et la Russie n’apportent de solutions car elles ne font que nous enfermer dans un bloc dont le centre, les États-Unis, a ses propres intérêts. Il n’y a qu’à voir, par exemple, la guerre des monnaies inversées qu’ils viennent d’entamer en rehaussant les taux d’intérêts, et qui risque à nouveau de fracturer la zone euro.

      Notre intérêt est à la planification de notre indépendance dans un maximum de domaines. La politique de non-alignement et d’apaisement que nous proposons en est une des conditions. Discuter avec tout le monde, et enfoncer partout où cela sera possible des coins dans la mondialisation néolibérale constituent la seule issue positive. La gauche devrait garder à l’esprit les mots de Jaurès prononcés à l’Assemblée en 1895 : « Il n’y a qu’un moyen d’abolir enfin la guerre entre les peuples, c’est d’abolir la guerre entre les individus, c’est d’abolir la guerre économique, le désordre de la société présente, c’est de substituer à la lutte universelle pour la vie, qui aboutit à la lutte universelle sur les champs de bataille, un régime de concorde sociale et d’unité ».

  • Les #séries et la guerre des récits : retour sur le #soft_power des plateformes

    La guerre, la « vraie », est largement mise en scène dans bon nombre de séries : Homeland, Le Bureau des légendes, Fauda et tant d’autres. Et puis il y a une autre guerre, celle dont parlait Antonio Gramsci, intellectuel communiste italien au début du XXᵉ siècle. Cette guerre là est plus immatérielle ; elle est livrée à des fins d’#hégémonie_culturelle. Elle n’est pas sans rappeler le soft power – par opposition au hard power – cette « puissance douce » faite pour influencer, séduire, attirer. Par #Virginie_Martin, docteure #sciences_politiques, en partenariat avec The Conversation.

    https://lvsl.fr/les-series-et-la-guerre-des-recits-retour-sur-le-soft-power-des-plateformes

  • Souffrance et dépendance, pour rompre la fatalité du grand âge
    https://lvsl.fr/souffrance-et-dependance-pour-rompre-la-fatalite

    Il semblerait donc pertinent, à ce stade, de remettre en cause le dogme selon lequel la prise en charge des personnes âgées en France devrait, avant tout, être soumise à des contraintes budgétaires. Car de fait, les moyens mis sur la table par les pouvoirs publics ne sont en aucun cas comparables à ceux des grands groupes privés. Faute d’ambition, nos responsables politiques cèdent progressivement la santé de nos aînés aux agents privés, qui se livrent à une concurrence féroce. Or, l’affaire Orpéa montre bien que la rentabilité à tout prix ne garantie en rien, voire contrevient à la qualité de la prise en charge. En outre, la mission de service public imposerait un nouvel impératif de fonctionnement de ces institutions, au delà des seuls équilibres financiers. Les établissements municipaux, adossés à un CCAS[2], ont montré la voie. Leurs responsables n’ayant de compte à rendre que devant les électeurs, et leur personnel disposant d’une liberté d’action. Ceci permettrait également de renforcer le développement de structures intermédiaires, entre le domicile et l’Ehpad. L’entrée en Ehpad continue de représenter un choc. Il faut dès lors multiplier les alternatives pour accompagner les personnes de la façon la plus adaptée. Il s’agirait là d’une révolution historique pour ce secteur. Mais celle-là s’avère nécessaire pour que dépendance cesse de rimer avec souffrance.

    #vieillesse #argent

  • Jérôme Sainte-Marie : « Il y a un choc de dépolitisation »
    https://lvsl.fr/jerome-sainte-marie-il-y-a-un-choc-de-depolitisation

    Déjà l’auteur de Bloc contre bloc. La dynamique du macronisme en 2019, Jérôme Sainte-Marie publie un nouvel ouvrage aux éditions du Cerf : Bloc populaire. Une subversion électorale inachevée. Là où son premier livre filait la métaphore entre notre époque et les événements décrits par Karl Marx dans Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, le second prend Gramsci pour guide afin de mieux comprendre la cartographie exacte d’un bloc populaire qui peine à advenir. Dans cet entretien, nous revenons avec lui sur la polarisation de la société française en deux blocs antagonistes, sur le concept de vote de classe, sur l’anesthésie du corps social provoquée par la pandémie ou encore sur les implications de la crise d’hégémonie actuelle. Entretien réalisé par Antoine Cargoet et Léo Rosell.

    • La mise en place d’un projet « progressiste » a été vécue comme une violence insupportable, pas seulement économique et financière mais aussi culturelle. Nous sommes dans une situation où l’on note une série de victoires culturelles pour les classes populaires, dans la mesure où leur rôle économique est enfin reconnu. On a bien vu qui faisait réellement tenir le pays lors de la pandémie, cependant que la crise des gilets jaunes avait déjà rappelé à tous l’importance des questions d’inégalités de revenus.

      La situation actuelle paraît inversée par rapport à celle de 2017 en ceci qu’il y a une prise de conscience du caractère profondément inégalitaire de la société française, du rôle crucial des catégories populaires et de la légitimité de leurs attentes, du fait qu’on ne peut plus les stigmatiser en « beaufs » comme auparavant.

    • ...le vote des professions libérales pour la droite et celui des professeurs de l’Éducation nationale pour la gauche sont des alignements électoraux.

      ce genre de propos convenu disqualifie pour partie (.) le reste de l’analyse (.). l’ultime défaite des profs (pour celle en cours, on verra), lors de la grève de 2003, a fini de les faire moisir, et quatre ans après ce fut le succès imprévu du vote Sarkozy dans leurs rangs. on y a souvent remplacé l’espérance par la nostalgie de l’autorité perdue, à défaut de salaire et d’éducation, on compte sur une revalorisation symbolique du prof comment tenant de l’ordre symbolique, du prof comme étant celui qui commande (en plus de produire et évaluer) les élèves.

    • Tout à fait ! @colporteur

      Ce genre de propos convenu disqualifie pour partie leur auteur et donc le reste de l’analyse qu’il propose.

      « La lutte des classes est de retour. A bas bruit, mais la multiplication des grèves dans des secteurs peu syndiqués est le vrai phénomène de ces derniers mois. C’est pour cela que l’oligarchie pousse l’ordure #Zemmour. »

    • La (re)formation de la classe ouvrière
      "Toute stratégie de la classe ouvrière et du socialisme devra tenir compte de l’instabilité hégémonique des États-Unis dans le contexte d’une crise capitaliste mondiale sans précédent depuis les années 1930. Comme au cours de la première moitié du vingtième siècle, la crise actuelle du capitalisme global prend la forme d’une énorme crise de légitimité : le mot d’ordre « socialisme ou barbarie » devient une question brûlante."
      Beverly J. Silver
      http://www.inprecor.fr/article-La-(re)formation-de-la-classe-ouvri%C3%A8re?id=2501
      #bloc-populaire