Frédéric Lordon : « Rouler sur le capital » 2/3

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  • Frédéric Lordon : « Rouler sur le capital » 2/3
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    C’est là une bien vieille discussion que nous avons, dans ce café et ce second volet : prendre le pouvoir ou le déserter ? Peut-être est-ce même la question politique clé, celle qui, des révolutions française ou russe jusqu’aux communautés autogérées et aux ZAD, travaille tous les partisans de l’émancipation. L’économiste-philosophe ne nous lâche rien : il n’y a que de l’institution. Resterait donc à habiter cette tension, à en modeler la forme, à la plier aux ambitions révolutionnaires pour affranchir le grand nombre des politiques du capital. Frédéric Lordon revient sur son soutien stratégique et critique à la France insoumise et ses liens avec la pensée libertaire, probablement moins inamicaux que la rumeur ne le dit. Mais voilà, pose-t-il : pour arracher les moyens de production, ne faudra-t-il pas une force organisée capable d’affronter ses si puissants détenteurs, avec fracas au besoin ?

    • Frédéric Lordon : « Je serais l’homme politique le plus navrant de l’univers » 3/3
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      L’estime que Frédéric Lordon porte à Pierre Bourdieu est connue. Et il ne fait pas l’ombre d’un doute que le premier reprendrait à son compte les mots du second, malmenant dans l’un de ses livres « l’illusion biographique », la psychologie et le genre autobiographique. On l’entend très bien. Mais on entend aussi que l’analyse sociologique n’épuise pas tout et qu’il y a, quand même, matière à discuter la chair et l’os. C’est donc, dans le cadre de ce dernier volet et dans l’arrière-salle d’un café, que nous avons tenté d’y voir plus clair : comment celui que tout destinait à devenir consultant financier s’est-il retrouvé à être l’une des voix contemporaines du communisme ? Lordon rechigne à parler de lui autrement que du bout des lèvres ; « tenter » est le bon mot.

  • Frédéric Lordon : « Dire ensemble la condition des classes populaires et des migrants » 1/3
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    Un texte de sa plume paru le 17 octobre 2018 sur les blogs du Monde diplomatique, titré « Appel sans suite : migrants et salariés », a suscité au sein d’une partie de la gauche radicale une désapprobation souvent vive. Lordon y tançait le « Manifeste pour l’accueil des migrants » porté par Mediapart, Regards et Politis, tenu à ses yeux pour pure inconséquence politique. Retour, en guise de premier volet, sur ce litige dans un café de la place de la Contrescarpe — désormais haut lieu parisien de la macronie délinquante.

    « Mon texte rappelle que les trois médias initiateurs du Manifeste ont œuvré, sans doute à des degrés divers, à défaire la seule force politique de gauche qui, quoi qu’on en pense, était en position de faire obstacle à Macron. » (F. Lordon)

    • Un article d’une très grande clarté !

      L’impuissance politique, en soi c’est dur, mais nous commençons à en avoir l’habitude. Mais l’impuissance face au drame absolu des migrants, c’est au-delà du supportable. Et c’est peut-être pourquoi, tout ce qui est fait pour se soulager symboliquement de cette impuissance, appels, tribunes, manifestes, dont nous sommes capables en temps ordinaires de reconnaître le caractère quelque peu dérisoire — à la mesure de nos moyens… — ne supporte plus ici d’être mis en question. Remettre en cause si peu que ce soit les solutions d’accommodation symbolique de l’impuissance politique, qui, confrontée à un drame extrême, prend le tour d’une culpabilité extrême, vouait sans doute à cette réception qui en définitive parle de tout sauf du texte lui-même : des souffrances de l’impuissance.

    • Ceux à gauche qui pensent qu’ils ne feront la révolution qu’avec un peuple révolutionnaire constitué de leurs exacts semblables attendront la révolution longtemps. Un internaute que je ne connais pas — il s’appelle Maxime Vivas et j’en profite pour le remercier — m’a envoyé récemment cette phrase de Lénine que je ne connaissais pas non plus : « Croire que la révolution sociale soit concevable sans explosions révolutionnaires d’une partie de la petite bourgeoisie avec tous ses préjugés, sans mouvement des masses prolétariennes et semi-prolétariennes inconscientes contre le joug seigneurial, clérical, monarchique, national, c’est répudier la révolution sociale. […] Quiconque attend une révolution sociale "pure" ne vivra jamais assez longtemps pour la voir. » La méthode matérialiste, c’est ça — et c’est autre chose que les compétitions de posture. Faire de la politique, c’est faire avec la matière passionnelle qu’offre la conjoncture — car il n’y en a pas d’autre. Et l’informer quand elle est amorphe ou quasi-amorphe, et la reformer quand elle est mal formée. L’informer ou la reformer dans le sens de l’émancipation, oui, c’est-à-dire en la redirigeant adéquatement : contre la domination du capital et contre celle de l’État.