Ugo Palheta : « La possibilité d’un fascisme en Israël »

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  • Ugo Palheta : « La possibilité d’un fascisme en Israël »
    mardi 20 novembre 2018
    http://www.ujfp.org/spip.php?article6800

    (...) La question sur laquelle je crois pouvoir développer quelques points et contribuer à ce débat, au vu de mes propres recherches récentes, c’est la question du fascisme. Et je pense que l’on peut interroger la politique israélienne à partir de la question du fascisme ; je crois même que c’est urgent parce que cela jette une lumière crue sur la réalité de la société israélienne et de la politique sioniste telle qu’elle s’est déployée depuis la fondation de l’État d’Israël et telle qu’elle se radicalise dans la période historique qui est la nôtre.

    Avant de développer, je voudrais citer les propos d’Avishai Ehrlich, un sociologue israélien et militant du mouvement Hadash (Front démocratique pour la Paix et l’Égalité en Israël). Dans un texte publié en anglais en 2016, mais écrit en 2014 pendant l’énième offensive extrêmement brutale et meurtrière menée par l’État d’Israël à Gaza, il écrivait la chose suivante :

    « Après 3 semaines à l’étranger, nous sommes revenus en Israël où, dans le centre de Tel Aviv, des gens sont arrêtés par des bandes qui exigent de savoir qui est Juif et qui est Arabe. Les Arabes sont tabassés ; les Juifs sont sommés de crier publiquement « Mort aux Arabes ! » et, s’ils refusent, ils sont également tabassés sous les yeux d’une police qui ne fait rien... À Jérusalem, des bandes fascistes inspectent des ateliers et des commerces en exigeant que les patrons n’emploient pas de travailleurs palestiniens vivant à Jérusalem.
    Nous sommes en Israël où la Ligue de Défense juive et ses émanations, des supporteurs de foot notamment, contrôlent les rues... Nous sommes dans un pays où les gens dont vous pensiez qu’ils étaient de gauche quelques semaines auparavant, se prononcent à présent contre les manifestations de gauche alors que la guerre continue. Vous rappelez-vous de la première guerre du Liban en 1982 contre laquelle nous avions organisé une manifestation rassemblant 300 000 personnes contre le massacre dans les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila ? Hé bien aujourd’hui vous ne savez plus ce que vous pouvez dire et à qui, pas même dans votre propre famille.
    [...] Nous sommes en Israël où les réseaux sociaux spew venom tels que ’’Le meurtre d’un Juif mérite l’assassinat de 1000 Palestiniens’’. Israeli TV est censurée ; les Israéliens ne voient pas sur les chaînes de télévision ce que vous voyez sur vos chaînes, à moins de mettre Al-Jazeera, BBC World, France 24 ou d’autres chaînes internationales. Nous sommes en Israël où les universités espionnent les mails de leurs étudiants et de leurs salariés ».

    Je m’arrête là pour cette citation mais le reste est du même ordre. Tout cela donne à voir un processus que l’on peut qualifier de fascisation de la politique et de la société israéliennes. Je suis en général assez réticent devant certains usages de ce concept de « fascisation » parce qu’il est en général employé à toutes les sauces, sans trop de discernement, pour évoquer telle ou telle mesure autoritaire prise par tel ou tel gouvernement. Or je crois qu’il est nécessaire de bien distinguer les dérives autoritaires des États d’un côté et le fascisme de l’autre, tout en précisant que ces dérives favorisent l’ascension des fascistes, notamment en banalisant et en légitimant leur projet d’un État totalitaire écrasant dans l’œuf toute forme de contestation ou d’opposition (politique, syndicale, associative, artistique, etc.).

    Pour autant, je crois que, dans le cas israélien, on est contraint de recourir au concept de « fascisation » parce que nous sommes face à un ensemble d’évolutions qui toutes pointent et tendent vers le fascisme, non pas dans un futur lointain mais dans un avenir proche. (...)