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  • En Calabre, la migration dans les veines Giovanni Manoccio
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    En Calabre, la migration dans les veines Giovanni Manoccio
    Par Camille Buonanno
    Plus d’un an après la signature de l’accord controversé entre la présidente du conseil italien, Giorgia Meloni, et son homologue albanais, les 3 000 places des deux centres de rétention construits en Albanie pour les migrants illégaux restent vides. Les centres sont devenus opérationnels en octobre 2024, mais des juges italiens ont rejeté la détention des deux premiers groupes d’hommes qui y ont été transférés et qui ont ensuite été renvoyés dans la Péninsule.
    La Cour de justice de l’Union européenne doit maintenant réexaminer la question, mais dans l’intervalle, les transferts ont cessé. « Pour ceux qui travaillent dans ce domaine, il était évident que cet accord, c’était de la propagande, s’agace Giovanni Manoccio en se redressant sur son fauteuil en toile noire. Ce projet ne respecte ni la Cour constitutionnelle, ni le Parlement, ni les règles européennes. »
    Pull en maille vert à col rond, pantalon en velours côtelé, lunettes cerclées de noir, sous ses allures de grand-père, le retraité a conservé un esprit révolutionnaire. « J’étais le seul communiste dans une famille démocrate-chrétienne », raconte Giovanni Manoccio avec la fierté espiègle d’un adolescent rebelle. Un immense portrait d’Enrico Berlinguer, secrétaire du Parti communiste italien de 1972 à 1984, habille le mur de son bureau situé au deuxième étage d’un vieil immeuble d’Acquaformosa, en Calabre, dans le sud-ouest de l’Italie. Le village dont il a été le maire entre 2004 et 2014 est connu pour avoir accueilli et aidé des milliers de migrants grâce à l’association Don Vincenzo Matrangolo dont il a supervisé la création en 2010, avant d’en devenir le président, en 2019.
    Ici, parmi les 972 habitants du village, l’immense majorité est d’origine arbëresh. Les Arbëresh sont arrivés il y a cinq cents ans pour fuir l’invasion ottomane. Ces Italo-Albanais ont trouvé refuge dans les reliefs calabrais. Né à Acquaformosa comme ses parents, Giovanni Manoccio a hérité de ce long passé migratoire. « Je dis toujours qu’accueillir est dans notre ADN. On est simplement passé de peuple accueilli à peuple accueillant », résume-t-il.
    La construction de camps pour enfermer des migrants sur le sol albanais résonne forcément avec son histoire personnelle. Il déplore le manque de mobilisation contre le projet. « J’éprouve une colère incroyable envers les maires arbëresh qui se sont rendus à Tirana pour la fête de l’indépendance [le 28 novembre]. J’ai demandé à l’un d’entre eux d’organiser une protestation contre les centres, mais personne ne veut la faire », soupire-t-il.
    Depuis quatorze ans, son village a accueilli près de 4 000 personnes de 72 pays différents, avec des prises en charge différentes selon les profils : accompagnement pour obtenir le statut de réfugié, aide spécifique aux mineurs non accompagnés, cours d’italien… « J’ai toujours été très concerné par l’idée de droits universels. C’est une conviction profonde, à la fois culturelle, philosophique, humaine et religieuse. Accueillir des étrangers, c’était l’accomplissement de mes engagements politiques depuis ma jeunesse. »
    Le projet de l’association n’a pas tout de suite fait l’unanimité. « Il faut prendre en compte qu’Acquaformosa était un village fermé. Jusqu’aux années 1940-1950, on ne se mariait qu’entre Arbëresh, puis petit à petit avec des Italiens. Alors l’arrivée d’Africains, de réfugiés du monde entier, ça a été un peu difficile », se souvient Giovanni Manoccio. « Mais Giovanni est une personnalité charismatique, il a su démontrer aux habitants que l’arrivée d’étrangers était plein de ressources et non de contraintes », observe Simonetta Bonadias, psychologue au sein de l’association depuis 2014.
    « Cette initiative a apporté de réels bénéfices au village », affirme-t-elle en énumérant les retombées positives de cet apport de sang neuf, du sauvetage de l’école communale à la relance des commerces grâce à l’économie circulaire ou encore le mélange culturel quotidien. Dans ces villages dont la population est vieillissante, le modèle fonctionne et séduit. Huit communes alentour, dont sept à majorité arbëresh, ont depuis rejoint les programmes de l’association.
    Le sexagénaire a été condamné en octobre pour un préjudice financier lié à la gestion des centres d’accueil des migrants entre avril 2011 et décembre 2012, mais les juges ont tenu compte du fait qu’il n’y avait eu aucun enrichissement personnel. « De nombreuses associations ont aussi rencontré ces difficultés au début. Domenico [Lucano, ancien maire de Riace, en Calabre] a été condamné à une peine de quinze mois, pour des pratiques administratives jugées incorrectes. Mais il n’y a aucune intention malveillante, juste des erreurs. L’argent, on l’utilise toujours pour les familles qui arrivent », tient-il à préciser. Des familles qui se sont installées dans la durée. Depuis une décennie, des dizaines d’enfants de migrants sont nés dans le village. Six d’entre eux s’appellent Giovanni.

    #Covid-19#migrant#migration#italie#mediterranee#routemigaroire#migrationirreguliere#accueil#calabre#albanie#sante#droit

  • Dans le Nord, une parenthèse sur la route de l’exil des migrants
    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2025/01/02/dans-le-nord-une-parenthese-sur-la-route-de-l-exil-des-migrants_6477502_4500

    Dans le Nord, une parenthèse sur la route de l’exil des migrants
    Par Simon Henry
    « Dans ce milieu, soit tu te mets à picoler, soit tu divorces, bref, tu as toutes les chances de mal finir. » Carré de cheveux gris, yeux rieurs et gros pull-over pour se préserver du froid mordant de cette mi-décembre, Sylvie Desjonquères sait la dureté du monde associatif : trop d’indignation, trop d’engagement peuvent finir par user. Mais du haut de ses vingt-cinq années de militantisme à défendre la cause des migrants le long du littoral du Nord-Pas-de-Calais, cette ancienne responsable d’Emmaüs Grande-Synthe a su, elle, transformer sa colère en énergie positive. Sous son air jovial, la sexagénaire, avec sa voix de stentor et sa gestuelle théâtrale, ­continue de dénoncer, avec la même force, les conditions de vie misérables de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants ayant tout perdu en quittant leur pays. C’est pour eux qu’elle a créé la Maison Sésame.
    Située au cœur d’Herzeele, un village du Nord de 1 600 habitants, à une vingtaine de kilomètres de Dunkerque, cette bâtisse est depuis cinq ans un lieu de répit pour les exilés en transit vers le Royaume-Uni. L’année 2024 aura connu une nouvelle poussée du nombre de traversées à bord de canots de fortune, 30 000 au 1er novembre, selon le ministère de l’intérieur britannique ; mais elle pourrait surtout s’avérer la plus meurtrière, avec encore un nouveau naufrage le 29 décembre. Au moins 76 personnes ont perdu la vie en tentant de rejoindre les côtes anglaises depuis le 1er janvier 2024. « Le jugement que l’on peut porter sur leurs raisons de s’exiler m’importe peu. La réalité, c’est qu’ils sont là. Il était impossible pour moi de les voir survivre dehors dans des conditions indignes », raconte Sylvie Desjonquères, pour expliquer la naissance de la Maison Sésame.
    Cet endroit, c’est d’abord le sien, celui où elle a grandi. En avril 2017, un incendie ravage le camp de la Linière, à Grande-Synthe, et ses 300 cabanons en bois ; un camp humanitaire qui abritait environ 1 500 migrants, et avait vu le jour un an plus tôt grâce à la ténacité du maire écologiste de l’époque, Damien Carême, « un grand monsieur », salue Sylvie Desjonquères, et le concours de Médecins sans frontières. La destruction du camp avait de nouveau éparpillé les exilés dans la nature.
    « En 1999, j’avais vu pour la première fois des gens dormir dans les bois, cette image ne m’a jamais quittée. » L’idée de créer un lieu accueillant germe dans son esprit. L’opportunité de la maison familiale, inhabitée depuis le décès de ses parents, se présente. Elle rachète ses parts à ses frères et sœurs, et met au service de ce projet son énergie et son réseau de militants. La Maison Sésame ouvre ses portes en 2019. « Au départ, on y est vraiment allés sur la pointe des pieds », dit en souriant la propriétaire, consciente que, dans ce territoire où le Rassemblement national est fortement implanté, le projet émerge dans un contexte politique hostile à l’accueil des réfugiés. « On a même eu des appels de la police, nous informant qu’on était sous surveillance. Les autorités cherchaient à connaître nos intentions et les profils des personnes accueillies ici. J’ai fini par les envoyer paître », s’esclaffe-t-elle avec son franc-parler.
    Financée par Emmaüs France et d’autres associations d’aide aux migrants, la Maison Sésame, qui a besoin de 75 000 euros par an pour fonctionner, a accueilli plus d’un millier d’exilés, dont la durée de séjour a varié d’une nuit à quatre mois. Ici, ils peuvent se laver, se nourrir, se vêtir et dormir dans un vrai lit avec des draps propres. Profiter aussi d’un lieu apaisant, loin de la violence des camps. Chaque pensionnaire paie son écot à la collectivité, en contribuant tour à tour aux tâches ménagères. La capacité d’accueil s’élève à 15 personnes. Celles-ci sont repérées sur le terrain par les associations, qui tentent en priorité de mettre à l’abri les plus vulnérables. « On accueille beaucoup de femmes avec enfants, d’autres isolées qui ont été violentées par leurs maris, ou encore des personnes LGBTQ +, explique Sylvie Desjonquères. Nous sommes aussi connus des hôpitaux, qui n’hésitent pas à nous contacter pour des familles qui ont reçu des soins et ont besoin de repos. »
    C’est le cas d’Hélénas, 8 ans. Lors d’une tentative de traversée il y a trois mois, la petite fille d’origine kurde a connu des problèmes respiratoires après que la police a fait usage de gaz lacrymogènes pour arraisonner l’embarcation sur laquelle elle se trouvait avec ses parents. Au milieu du salon, dont les murs sont tapissés de dessins et de photos des ­exilés passés par la Maison Sésame, elle a aujourd’hui retrouvé sa vigueur d’enfant après ce séjour salutaire.
    Qu’elle sait provisoire. « Je vais prendre le bateau pour aller en Angleterre », déclare-t-elle dans un anglais parfait. Ce que confirme son père, Sharam, 28 ans. « On va retenter la traversée, nous ne pouvons pas demander l’asile en France, et nous ne voulons pas être à nouveau confrontés à la dureté des camps. Quand on a connu la Maison Sésame, c’est un retour en arrière impossible. Ici, on se sent aussi bien que dans notre propre maison. »
    Redonner de la dignité à ces laissés-pour-compte, le temps de leur passage en France, telle est la philosophie des lieux portée par Sylvie Desjonquères. « Quand on voit que l’Etat dépense 500 millions d’euros par an pour sa politique de lutte contre l’immigration clandestine, inefficace sur le littoral, on pourrait ouvrir 6 000 maisons Sésame avec cet argent ! » Un enjeu de santé publique et de dignité humaine, estime-t-elle.

    #Covid-19#migrant#migration#france#littoral#pasdecalais#accueil#humaitaire#sante

  • Contre l’oubli, des chercheurs français dressent un inventaire du patrimoine de Gaza

    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2024/11/29/contre-l-oubli-des-chercheurs-francais-dressent-un-inventaire-du-patrimoine-

    Contre l’oubli, des chercheurs français dressent un inventaire du patrimoine de Gaza

    Sous la conduite de l’historien Fabrice Virgili, une trentaine d’universitaires documentent l’état du patrimoine de l’enclave, alors que les deux tiers des bâtiments ont déjà été détruits par l’armée israélienne.

    Par Victoire Radenne

    L’idée est née pendant une nuit de février 2024, alors que la guerre à Gaza perturbait une fois encore le sommeil de Fabrice Virgili, historien et directeur de recherche au CNRS, spécialiste des territoires de guerre. « A mesure que les bombardements israéliens font disparaître Gaza de la carte et que notre sentiment d’impuissance grandit, que pouvons-nous faire en tant que chercheurs ? », s’interroge-t-il. Dresser un inventaire du patrimoine bombardé à Gaza et suivre, pour chaque site mentionné par l’Unesco, l’état de sa destruction lui apparaît alors comme une option à la portée du monde académique ; scientifiquement irréfutable et symboliquement forte.

  • Liberté de la presse : Comment Emmanuel Macron a verrouillé violemment la presse au Canada - POLITIS
    https://www.politis.fr/articles/2024/09/politique-comment-macron-verrouille-violemment-la-presse

    Un message qui a provoqué la fureur d’Anastasia Colosimo, conseillère « communication internationale » de M. Macron, envers les journalistes accrédités, selon les informations de Politis. La politologue, recrutée par Emmanuel Macron il y a deux ans, s’est efforcée de faire retirer à l’APP son tweet, en vain. « Ça a bien tangué », souffle une journaliste, qui décrit « une gueulante » et plusieurs « coups de fil menaçants » de l’Élysée. « Elle est complètement tarée, elle menace les gens, c’est une dingue », souffle une autre consœur, qui décrit un « profil sulfureux », référence aux amitiés de la collaboratrice d’Emmanuel Macron avec Sarah Knafo, la conseillère et compagne d’Éric Zemmour et son travail de communication dans les pays du Golfe.

    Le président se trouvait le 27 septembre dans le vieux Montréal, le quartier historique de la ville, lors d’une déambulation après une conférence de presse commune avec le premier ministre canadien Justin Trudeau. « Il y avait un petit bain de foule mais la majorité des gens n’étaient pas hostiles. Et là, une jeune femme (palestinienne, N.D.L.R.) a commencé à hurler « Vous avez du sang sur les mains », et autre un homme a crié : « Honte à vous, Macron démission », relate un journaliste sur place.

  • Marguerite Abouet, créatrice de la bande dessinée « Aya de Yopougon », victime d’une campagne raciste
    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2024/09/21/marguerite-abouet-creatrice-de-la-bande-dessinee-aya-de-yopougon-victime-d-u

    Le 17 juin, à Paris, Marguerite Abouet, la scénariste des célèbres bandes dessinées Aya de Yopougon et Akissi, ­recevait des mains de l’ancien ministre de l’éducation Pap Ndiaye la médaille de chevalier de l’ordre national du Mérite. Deux semaines plus tard, au soir du premier tour des élections législatives anticipées, la Franco-Ivoirienne de 53 ans est en Martinique. Invitée du festival Partir en livre, elle est accompagnée de son fils de 17 ans, fraîchement bachelier. Alors que l’ouragan Beryl menace l’archipel, le Rassemblement national arrive en tête, avec 33,35 % des suffrages exprimés. « Nous étions dans un restaurant, et les gens autour de nous étaient contents. J’ai pris un coup », admet-elle.

    Propulsée star de la bande ­dessinée jeunesse dans les années 2000 avec presque 1,3 million d’exemplaires vendus, Marguerite Abouet n’est pourtant pas du genre à se laisser abattre par la politique. « Moi, je crois en ma France », affirme-t-elle. Sur le moment, elle s’est attelée à rassurer son fils. Puis son été a continué, marqué par la préparation de la sortie de son prochain livre, le onzième volume des aventures d’Akissi. Pendant quatorze ans, avec le dessinateur Mathieu Sapin, elle a chroniqué les tribulations de cette petite Ivoirienne qui lui ressemble beaucoup, dans le quartier de Yopougon, à Abidjan.

    Mais l’histoire de la fillette prend, en cette rentrée, un tour nouveau : comme Marguerite Abouet avant elle, à 12 ans, Akissi quitte son pays pour la France. Pour le lancement du tome 1 de ce nouveau cycle, baptisé Akissi de Paris, Gallimard Jeunesse a mis les petits plats dans les grands, avec un tirage initial de douze mille exemplaires. Le 21 août, l’éditeur en dévoile la couverture sur Facebook, par un post « sponsorisé », une pratique courante par laquelle la plate-forme, contre rémunération, accroît la circulation d’une publication. Celle-ci peut ainsi toucher un public bien plus large, et pas nécessairement le premier visé. Le message annonce : « Akissi débarque à Paris ! Akissi vient de quitter la Côte d’Ivoire et fait sa rentrée dans un collège parisien. Mais l’intégration n’est pas facile : ­nouveau pays, nouveaux codes, nouveaux amis… A peine arrivée, Akissi est déjà au bout de sa vie ! »

  • En Hongrie, les tartufferies d’un curé homophobe éclatent au grand jour
    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2024/09/22/en-hongrie-les-tartufferies-d-un-cure-homophobe-eclatent-au-grand-jour_63275

    En Hongrie, Gergő Bese était de ces curés catholiques qui servent matin, midi et soir la propagande du pouvoir nationaliste de Viktor Orbán, à commencer par ses messages aux relents homophobes contre « l’idéologie LGBT ».

    […]

    A peine un mois plus tard, le vendredi 6 septembre, le même curé aux cheveux blonds d’une petite ville de quatre mille habitants située à 60 kilomètres au sud de Budapest et aux discours homophobes a été suspendu par son archevêché « avec effet immédiat de son service sacerdotal ». La décision soudaine a suivi les révélations gênantes du site d’information indépendant Válasz Online, selon lesquelles circulaient depuis des mois dans les cercles du pouvoir des informations compromettantes à son encontre. Et notamment des « vidéos et des enregistrements sonores » disponibles sur des « sites porno gay » qui montreraient Gergő Bese « s’adonner à des fêtes homosexuelles ». La chaîne de télévision RTL, qui a eu accès aux vidéos, a même évoqué par la suite des scènes de sexe collectives filmées de la propre main du prêtre, reconnaissable aux bracelets qu’il a l’habitude de porter.

  • Le drame discret des migrants à Wimereux, le « Deauville de la Côte d’Opale »
    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2024/09/19/le-drame-discret-des-migrants-a-wimereux-le-deauville-de-la-cote-d-opale_632

    Le drame discret des migrants à Wimereux, le « Deauville de la Côte d’Opale » Par Julia Pascual
    Au sud de Calais, la petite ville sert de plus en plus de point de départ aux candidats à l’exil, déterminés à rejoindre l’Angleterre. Les récents drames qui ont endeuillé les environs ne laissent pas les habitants indifférents. Napoléon Bonaparte avait installé une armée d’officiers sur la côte boulonnaise (Pas-de-Calais) pour s’emparer de l’Angleterre. De la présence de ce camp militaire entre Le Portel et Wimereux, de 1803 à 1805, il ne reste presque aucune trace. A Wimereux, seul subsiste l’obélisque érigé en hommage aux soldats de l’Empire.
    L’Angleterre n’a pas été conquise et Wimereux est devenue une station balnéaire cossue. Le charme des villas colorées du début du XXe siècle, qui ont survécu aux bombardements de la seconde guerre mondiale, fait la joie des touristes français ou belges. L’été, la population de la ville passe de 8 000 à 25 000 habitants. En ce samedi ensoleillé de septembre, des promeneurs parcourent la digue, sur la plage, les enfants jouent à marée basse, les chiens s’ébrouent. Depuis quelque temps, aux heures les moins fréquentées, un autre genre de visiteurs débarquent dans ce « Deauville de la Côte d’Opale ». Eux aussi veulent gagner l’Angleterre, dont on aperçoit les falaises crayeuses par temps clair. Ils viennent de Syrie, du Vietnam, d’Irak, d’Iran ou de la Corne de l’Afrique, ils fuient la guerre, les persécutions, la misère. Et leurs vaisseaux sont des radeaux. Depuis trois ans, de plus en plus de bateaux de migrants partent du sud du Pas-de-Calais, quand les départs se concentraient auparavant autour de Dunkerque et de Calais.
    Dans la nuit du 14 au 15 septembre, c’est ­d’Ambleteuse – un village voisin de Wimereux – qu’un groupe d’une cinquantaine de personnes a entrepris une traversée de la Manche. Très vite, leur canot surchargé se serait abîmé sur les rochers. Huit hommes sont morts. Le 3 septembre, c’est de la grande plage des dunes de la Slack, sur la commune de Wimereux, qu’un groupe composé en majorité d’Erythréens avait pris la mer peu avant 8 heures. Le canot pneumatique a chaviré en fin de matinée. Douze personnes se sont noyées, des femmes en majorité. Deux corps n’ont pas été retrouvés. L’année 2024 est d’ores et déjà la plus meurtrière depuis l’apparition, en 2018, des traversées en small boat, ces canots de moins de dix mètres sur lesquels s’entassent jusqu’à soixante voire quatre-vingts personnes.
    Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Les naufrages de migrants se succèdent dans la Manche
    Alors que les flâneurs arrivent un à un sur la digue de Wimereux en cette fin de matinée de septembre, un camion-benne de la municipalité se presse de ramasser les affaires laissées à l’aube par les migrants en partance, comme pour effacer toute trace d’eux. Ces histoires, ces drames, les Wimereusiens les connaissent pourtant.
    Pierre-Louis Couvelard, moniteur de surf et fondateur de Wimereux Surf School, le 14 septembre 2024.« On est aux premières loges », remarque Pierre-Louis Couvelard, 28 ans, qui tient depuis trois ans la première école de surf du coin. Le 23 avril, il se souvient avoir dû annuler un cours après que plusieurs personnes sont mortes étouffées dans un canot, dont une petite fille de 7 ans, originaire d’Irak. « C’était pile-poil en face de l’école. On n’allait pas passer devant le SAMU et les draps blancs », justifie Pierre-Louis Couvelard, dont la « plus grande peur est de retrouver un corps qui flotte ». « Ces gens vont à l’abattoir, souffle-t-il, souvent sans gilet de sauvetage. »
    S’il en vendait, Christophe Omnes est sûr qu’il ferait fortune. Des migrants lui en demandent « tous les jours », assure cet homme de 60 ans qui attend le client, enfoncé dans un transat devant son petit commerce d’articles de plage. « Je n’ai pas envie de m’enrichir sur la misère du monde. » Avec son téléphone, il lui arrive de prendre en photo les interventions des secours en mer. Au large de Wimereux, on aperçoit en permanence les bateaux affrétés par l’Etat pour surveiller le détroit du pas de Calais.
    « Quand on distingue les côtes anglaises, on peut croire que c’est simple de tenter la traversée, même pas besoin de boussole et on a de belles rampes de mise à l’eau », commente André Darcourt. Ce marin-pêcheur de 78 ans promène tous les matins le chien de sa fille sur le front de mer. Il n’hésite pas à entamer la conversation avec les policiers qui patrouillent près des dunes, comme avec les migrants qui rentrent bredouilles d’une tentative ratée. Il connaît les parkings où ils se cachent pour gonfler les embarcations, et ramasse parfois les bandes fluorescentes des gilets de sauvetage abandonnés. « Je les mets sur mes filets de pêche, ça me permet de les repérer la nuit à la lampe frontale », justifie ce retraité.
    Ce 14 septembre, dans une des rues de la ville, André Darcourt a retrouvé deux couvertures et un sac vide au pied d’un parcmètre qu’un groupe de touristes flamands tentait de faire fonctionner, sans prêter attention à ce discret vestige. Dans la commune, il y a bien quelques personnes qui « rouspètent », de crainte que le cours de ­l’immobilier ne soit affecté par la présence de migrants, rapporte-t-il. Mais les habitants naviguent surtout entre ignorance et empathie.
    « Ça fait mal au cœur », commente ainsi Xavier Guerville, un médecin de 53 ans croisé à sa fenêtre tandis qu’il repeint « en bleu Hawaii » les huisseries de sa coquette villa. « La présence des migrants s’est amplifiée depuis un an mais on n’a jamais eu de problème d’insécurité, ils se cachent dans des forêts », dit-il. « Ce sont des malheureux, ils ne nous embêtent pas », confirment à quelques pas un groupe de ­retraitées qui, chaque jour depuis des années, posent leurs chaises de camping et s’assoient avec leurs bichons maltais devant les cabines de plage de la ville, pour tailler une bavette.
    « Ce n’est pas comme à Calais, où ça fait vingt-cinq ans qu’ils vivent ça, remarque une habitante. Ici, la population n’est pas particulièrement vindicative. » A l’exception peut-être de Jean-Luc Dubaële, le maire (sans étiquette), qui a refusé de répondre à nos sollicitations et qui, dans une interview sur France Info le 3 septembre, disait sa colère : « On a de plus en plus de problèmes sur ma commune. On a des camps qui s’installent dans les forêts, derrière notre camping. (…) On essaye de démanteler les camps régulièrement. Les associations ne nous aident pas de ce côté-là, qui les alimentent en tentes et en tout ce qu’il faut pour les faire venir sur le secteur. » « Mais vous ­voulez qu’ils aillent où, du coup ? » l’interroge la journaliste. « Il y a quand même des lieux d’accueil sur Calais », bredouille-t-il.
    « On a l’impression que les exilés, ça fait tache dans le décor », ironise Sylvie Baudelet, une psychomotricienne à la retraite. Avec son mari, Eric, elle fait partie d’un groupe d’une vingtaine d’habitants, interpellés par la présence nouvelle de campements, qui ont formé en août le collectif Alors on aide. Ils offrent aux personnes la possibilité de se doucher ou encore de recharger leur téléphone. Sylvie et Eric Baudelet ont également hébergé quelques jours des Syriens, dont cette femme qui n’avait pas réussi à monter sur un bateau et qui ne quittait plus son gilet de sauvetage qu’elle avait surnommé son « sucre d’orge ».
    Le 14 septembre, des membres de ce collectif se retrouvent dans un parc à la sortie de Wimereux pour ramasser les restes d’un campement abandonné. Une façon de « contribuer à la paix sociale », font-ils valoir, afin de ne pas laisser les déchets alimenter le mécontentement de la population. A quelques kilomètres de là, caché dans un petit bois, un groupe attend sa chance. Il y a là une dizaine de Vietnamiens, un Somalien, une poignée de Kurdes d’Irak et d’Iran… « Cette nuit, nous passerons », espère Abbas, un homme de 44 ans qui arbore un tatouage de Che Guevara sur le torse et un du YPG (l’organisation politico-militaire kurde, les Unités de protection du peuple) dans le cou. Il espère rejoindre sa femme et ses deux enfants, qui ont accosté en Angleterre le mois dernier. A quelques mètres de là, en lisière du bois, indifférente au spectacle des préparatifs de départ, une famille de Wimereusiens cueille les dernières mûres de la saison.

    #Covid-19#migrant#migration#france#calais#wimereux#routemigratoire#manche#migrationirreguliere#smallboat#mortalite#sante

  • L’entrepreneur Abbas Jaber, nouvel actionnaire de référence de Corsair
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/09/13/l-entrepreneur-abbas-jaber-nouvel-actionnaire-de-reference-de-corsair_631628

    C’est un nom inattendu dans le feuilleton de la recapitalisation de Corsair, qui secoue la compagnie aérienne depuis des mois. A l’occasion d’un tour de table visant à renflouer les comptes de l’entreprise française, fin 2023, c’est d’abord la République du Congo, Etat pétrolier d’Afrique centrale, qui devait voler à son secours, en entrant à son capital. En juillet, cependant, Corsair a finalement annoncé le renoncement de Brazzaville, remplacé par un investisseur privé, dont le groupe avait jusqu’alors gardé l’identité secrète. La compagnie spécialisée dans les liaisons vers l’outre-mer a révélé, lundi 9 septembre, l’entrée d’Abbas Jaber à hauteur de 15 millions d’euros, pour 40 % du capital.

    Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Corsair sommé par la concurrence à davantage de transparence sur ses comptes

    Ce nom est peu connu du grand public, du moins en France. L’entrepreneur, à la triple nationalité (française, libanaise et sénégalaise), possède plusieurs activités en Afrique de l’Ouest. Agé de 66 ans, M. Jaber a commencé sa carrière en 1988 dans le négoce alimentaire au Sénégal, où il est né et a grandi au sein d’une famille libanaise de sept enfants, présente dans le commerce et l’immobilier.

    Au cours des années 2000, il se lance dans l’industrie, en rachetant un huilier (la Sonacos), puis un groupe cotonnier (Dagris, devenu Geocoton, implanté également au Mali, au Burkina Faso et au Cameroun, notamment). « Il a été et reste l’un des plus grands employeurs du Sénégal », loue son ami, l’homme d’affaires Youssef Omaïs, saluant des activités qui contribuent « au développement de l’Afrique ».

    Abbas Jaber réside depuis plus de quarante ans en France, où il a investi dans la meunerie, se développant par ailleurs dans les solutions d’assurance et les équipements solaires à destination des cultivateurs. Son groupe agro-industriel de tête, baptisé « Advens » et qu’il détient presque exclusivement, revendique 2 700 collaborateurs et 227 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022 (le résultat net n’est pas divulgué).

    « Désir de redressement »
    Cependant, le parcours de l’entrepreneur a aussi été jalonné de paris, qui ont parfois tourné court, notent certains observateurs. « C’est un commerçant, quelqu’un qui sent les coups, mais qui n’est pas vraiment un industriel », cingle une source en France, évoquant notamment la revente des Grands Moulins de Strasbourg et la fin agitée d’une concession sur le chemin de fer Dakar-Bamako.

    Chez Corsair non plus, Abbas Jaber n’est pas un inconnu. Il « connaît parfaitement » la compagnie, selon le PDG, Pascal de Izaguirre, pour en être devenu actionnaire (à 4 %) et membre du conseil de surveillance en 2020, alors que le transporteur était déjà recapitalisé pour faire face à des difficultés. L’entrepreneur a revendu ses parts en 2022, « quand [il a] considéré qu’on avait plus besoin de [lui] et parce qu’[il n’avait] pas vocation à être actionnaire minoritaire », précise-t-il au Monde par téléphone.

    Lire aussi | Article réservé à nos abonnés La Commission européenne doute de la viabilité de Corsair

    L’entreprise le recontacte en 2024, mais, cette fois, pour devenir l’actionnaire principal – le reste du capital étant détenu à 52 % par un consortium d’entrepreneurs, principalement ultramarins, et à 8 % par une société d’économie mixte du département de la Guadeloupe. Cette nouvelle configuration est cependant subordonnée à une décision de la Commission européenne, qui mène une enquête approfondie sur le plan de restructuration modifié de la compagnie, sortie très endettée de la pandémie de Covid-19. M. Jaber se dit confiant quant à cette décision, attendue d’ici la fin de 2024 : « Nous avons un très bon dossier. » Le groupe vise, pour l’exercice en cours, un retour à l’équilibre, voire un bénéfice, après avoir perdu 37 millions d’euros sur 2022-2023.

    « Je suis venu au secours de Corsair parce que c’est une compagnie que j’aime. Il y a un excellent esprit parmi les actionnaires, et tous ont le désir d’un redressement », affirme-t-il, interrogé sur les motivations de son investissement. Il insiste de surcroît sur le fait d’y voir un potentiel « énorme ». « Et ce potentiel énorme, il est en Afrique », ajoute-t-il, mentionnant l’ouverture déjà prévue de dessertes supplémentaires sur le continent, dont le Congo-Brazzaville, le Cameroun et le Gabon. Et de mentionner un motif plus personnel : « Je suis passionné d’aviation, pilote d’avion et d’hélicoptère. J’ai fait cinq fois le rallye de l’Aéropostale, de Toulouse à Saint-Louis du Sénégal. »

    #Liban #diaspora

    • rien à voir, sans doute, mais hier, Le Monde consacrait un article à Omar Harfouch, autre richissime businessman libanais, plus ancré au Liban lui, mais opérant largement en France. Article plein de sous-entendus, entre d’une part le mépris pour un nouveau riche qui fait son show, et d’autre part l’opacité (non élucidée par l’article) des affaires du monsieur
      https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2024/09/12/l-etrange-partition-d-omar-harfouch-riche-homme-d-affaires-libanais_6314286_
      L’étrange partition d’Omar Harfouch, homme d’affaires libanais à la fortune mystérieuse

      Ce businessman va se produire au piano au Théâtre des Champs-Elysées, à Paris, pour son « Concerto pour la paix » dont il a financé la campagne de promotion, mais pour lequel aucun billet n’est proposé à la vente. Proche du maire de Béziers, Robert Ménard, et de l’eurodéputé RN, Thierry Mariani, son carnet d’adresses s’étend de Kiev à Moscou en passant par la Libye et la Syrie.

  • Aide sociale à l’enfance : la scolarité heurtée et l’insertion professionnelle précoce des mineurs accompagnés
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/09/10/aide-sociale-a-l-enfance-la-scolarite-heurtee-et-l-insertion-professionnelle

    Parmi les résultats marquants figure le taux de redoublement particulièrement élevé, en primaire, des enfants sous protection de l’enfance : 40 %, contre 16 % pour l’ensemble des jeunes. Cela reste cependant plus faible que pour ceux vivant dans des familles « inactives » (sans emploi), souligne l’étude. A la fin du collège, seulement 43 % des jeunes placés arrivent en classe de 3e sans aucun retard, contre 71,5 % pour l’ensemble des jeunes.

    Autre enseignement comparatif important : la part prépondérante de jeunes placés qui sont orientés dans les filières professionnelles. Seulement 12 % des jeunes de l’ASE obtiennent un baccalauréat général ou un diplôme de l’enseignement supérieur, c’est trois fois moins que pour l’ensemble des jeunes. Pour 30 % d’entre eux, le CAP ou le BEP est le diplôme le plus élevé, contre 13 % pour l’ensemble des jeunes. Là encore, ceux issus de familles inactives obtiennent les mêmes résultats que les enfants de l’ASE. En revanche, le taux de sortie sans aucun diplôme, qui s’élève à 17 % chez les jeunes placés – contre 8 % en population générale –, est semblable à celui des jeunes issus de familles d’ouvriers ou d’employés (17, 5 %) et bien inférieur à celui des enfants évoluant dans des familles inactives (30 %).

    https://justpaste.it/bnus9

    #enfance #ASE #chômeurs

  • A Strasbourg, l’anxiété décuplée des réfugiés
    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2024/07/13/a-strasbourg-l-anxiete-decuplee-des-refugies_6249400_4500055.html

    A Strasbourg, l’anxiété décuplée des réfugiés
    Par Stéphanie Wenger (Strasbourg, correspondance)
    Ces dernières semaines, le climat politique houleux et la menace de l’arrivée du Rassemblement national (RN) au pouvoir sont entrés dans le cabinet de la psychiatre Myriam Cayemittes. Avec les patients étrangers qui redoutent le refus de leur demande d’asile ou d’hébergement. Avec ceux qui, installés depuis longtemps en France, craignent de perdre leur travail ou de devoir partir. Enfin, « la peur, aussi, d’une désinhibition de la parole et des actes racistes auxquels on est déjà confronté, comme si les résultats du premier tour avaient été une autorisation à dire et à faire. »
    Myriam Cayemittes préside aussi Parole sans frontière. Créée en 1991 à l’initiative de deux psychiatres strasbourgeois, cette association propose des consultations aux personnes migrantes « victimes de torture, de violence politique et de souffrances psychiques dues à l’exil », explique-t-elle. Trop souvent, la santé mentale des réfugiés est négligée et passe après les urgences matérielles et les questions juridiques.
    L’équipe d’une dizaine de personnes accueille aujourd’hui plus de cent patients (soixante-dix sont en liste d’attente). Les séances ont lieu avec des interprètes, les mêmes tout au long du suivi. Loin d’être des traducteurs ou des médiateurs culturels, ils « doivent laisser place à la subjectivité du patient », précise Myriam Cayemittes. Au premier étage d’un immeuble du centre-ville, dans la salle d’accueil de ­l’association, un portant chargé de vêtements et des boissons chaudes sont à disposition.
    Là, Sona Mkrtoumian est la première à être en contact avec les visiteurs. Dès l’annonce des bons scores du RN aux élections européennes, des personnes inquiètes se sont confiées à elle. Le parcours de la travailleuse sociale résonne avec le leur. Arménienne de Russie, elle est arrivée seule en France, à 16 ans. Bien qu’elle soit soulagée par les résultats du second tour, la jeune femme, issue d’une famille qui a fui le génocide en Turquie pour vivre en Russie, a été renvoyée, ces dernières semaines, à son passé douloureux.
    La perspective d’une majorité absolue du RN a secoué toute l’association, financée par des fonds publics (agence régionale de santé, ville, ministère de l’intérieur…). « La forte poussée de l’extrême droite a beaucoup occupé nos discussions, témoigne Myriam Cayemittes, qui décrit une équipe sous le choc. Ça a été difficile de contenir cette angoisse et d’être malgré tout soutenant pour les patients. Même si le RN ne parvient pas tout à fait à ses fins, il y a bien cette idée que la société française les rejette à 40 %. »Depuis quelques années, divers ateliers ont été mis en place : sophrologie – dont l’un est réservé aux femmes victimes de violences sexuelles – et arts plastiques, pour adultes et adolescents. Des activités à la fois récréatives et à visée thérapeutique. « Dans la conception occidentale, la parole est forcément libératrice, mais pour ceux dont le vécu est différent, ce n’est pas toujours le cas, elle peut créer de la souffrance… », explique Myriam Cayemittes. Elle souligne aussi les injonctions incessantes des institutions, qui attendent des récits « crédibles » et répétés pour l’obtention de l’asile ou n’importe quelle demande. « Il faut qu’on utilise d’autres moyens pour accéder à l’inconscient de certains patients, les soulager. »
    Dans la salle réservée aux ateliers, les œuvres des participants sont disposées sur une étagère ou accrochées aux murs. Sculptures en argile, aquarelles, dessins. Le jour de notre visite, les quatre personnes présentes réalisent des gravures. Après impression, la feuille révèle des dessins tracés en blanc sur fond de couleur vive : des montgolfières, des oiseaux, un visage de femme dont les cheveux se prolongent en grande fleur. Très loin des angoisses du quotidien et des débats politiques plombés.En fond sonore, Taylor Swift, à la demande de Hawa (qui n’a pas souhaité, comme les autres réfugiés cités, donner son nom de famille), 18 ans, qui sourit : « J’aime bien venir ici quand j’en ai l’énergie, j’oublie mes soucis. » Cette Tchadienne hébergée en foyer, suivie pour une grave infection de la moelle épinière, se déplace en fauteuil et est souvent hospitalisée. Le fait de peindre ou de dessiner lui offre une bulle de quiétude. Léa Fournier, l’animatrice formée à la HEAR (Haute école des arts du Rhin), confirme : « Penser à autre chose, c’est déjà énorme. Mais l’atelier permet aussi à des personnes très isolées de se retrouver, à des femmes de sortir de chez elles. On vient ou pas, pas besoin de se justifier. C’est un cadre fiable et rassurant. »
    Tout le mois de juin, Hawa a attendu une réponse pour savoir si elle pouvait intégrer une 2de professionnelle en comptabilité. Pour l’instant, c’est non. Cela prendra encore plus de temps pour son titre de séjour. Elle dit préférer ne pas se mêler de politique, mais « [s]on père, depuis le Tchad, a suivi les élections. Il [lui] en a parlé et [lui] a dit de faire attention ».Abdelmalik, réfugié afghan de 52 ans, est un habitué des ateliers artistiques et de sophrologie. « Les régimes totalitaires ont des conséquences très négatives sur l’état mental de la population », juge cet ancien militaire, qui a pu faire venir sa famille à Strasbourg et s’y sent en sécurité. Mais il raconte aussi les peines vécues par ceux qui fuient, les traumatismes causés par la guerre ou la violence, puis par l’exil et, enfin, par le racisme : « Pour ceux qui, après avoir vécu tout ça, arrivent en Europe avec l’espoir d’être accueillis, être rejeté, c’est une blessure. »

    #Covid-19#migrant#migration#france#extremedroite#immigration#sante#santementale#asile

  • En Normandie, les Afghans d’Argentan redoutent la vague brune
    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2024/06/28/en-normandie-les-afghans-d-argentan-redoutent-la-vague-brune_6244928_4500055

    En Normandie, les Afghans d’Argentan redoutent la vague brune
    Une soixantaine de réfugiés afghans vivent dans cette municipalité de l’Orne sans tensions avec les habitants. Mais, depuis le score de 35 % obtenu par le Rassemblement national dans la ville, la petite communauté craint pour son avenir en cas de victoire de l’extrême droite aux législatives.
    Par Paul Boyer
    Lorsque le coup de sifflet retentit, les onze joueurs de l’équipe de cricket d’Argentan (Orne) cavalent sur le terrain. Le lanceur prend son élan pour jeter la balle en cuir en direction du batteur. Un bruit sec résonne lorsqu’elle vient cogner la batte du joueur, sous les cris des supporteurs et de quelques curieux, alignés en bordure de la surface. Dans la commune, une soixantaine de réfugiés afghans sont arrivés progressivement depuis 2018.
    Après avoir longtemps voté à gauche, la petite ville de quatorze mille habitants a basculé en faveur du Rassemblement national (RN) lors des élections européennes du 9 juin, avec 35 % des voix. Frédéric Léveillé, le maire socialiste, a toujours été en faveur de l’immigration et mis en avant l’exemple de l’intégration des Afghans : « Nous les connaissons depuis leur arrivée, nous leur avons ouvert les portes du stade en leur aménageant des horaires. Je prône l’accueil de ces réfugiés, je suis ferme sur cette question », précise ce fervent soutien du Nouveau Front populaire (NFP) pour les législatives.
    Bandeau aux couleurs de l’ancienne République d’Afghanistan – noir, rouge et vert – autour de la tête, symbole fort d’opposition au nouveau régime, Ahmad Safi, le capitaine de l’équipe, ­distribue protections et casques à ses joueurs. A 21 ans, se concentrer sur son sport de cœur est une manière de mettre à distance un passé douloureux. « Jouer permet de guérir un peu nos traumatismes », lâche-t-il.Au début du match, Bénédicte Richez embrasse chaque membre de l’équipe. Cette habitante de la commune jongle avec son ­travail d’infirmière à l’hôpital et son poste de professeure bénévole, avec l’association qu’elle a créée, Les mots du bout du monde. Passionnée par l’Afghanistan, la soignante est engagée auprès des réfugiés depuis des années. Pendant son temps libre, elle multiplie les allers-retours à Dunkerque, à Boulogne-sur-Mer ou à Calais pour effectuer des maraudes.
    Très vite, elle accompagne Ahmad Safi dans la création du club. En février 2023, la mairie accepte de leur ouvrir le stade municipal une fois par semaine. « Comme ça, ils peuvent jouer légalement, sans que personne ne vienne les emmerder », précise Bénédicte Richez. L’équipe, aujourd’hui composée de vingt joueurs, s’est constituée petit à petit.
    En 2021, Ahmad Safi arrive dans le village après un court passage à Paris, près de la porte de la Chapelle. Là, une assistante sociale lui parle d’Argentan en lui promettant une place dans un logement social. Ahmad accepte. Des joueurs de l’équipe, il a été le premier à venir s’installer dans la commune. Trois ans auparavant, d’autres réfugiés afghans y avaient déjà déposé leurs bagages à la suite de grandes tensions entre la communauté et des habitants du quartier de Perseigne, à Alençon, à une cinquantaine de kilomètres.
    Le 1er août 2018, une bagarre éclate entre habitants et réfugiés afghans. Massoud, un Afghan de 29 ans, meurt. La rixe mortelle déclenche aussitôt l’exode d’une partie de la communauté afghane vers Argentan. Mais, aujourd’hui, le maire assure qu’il n’y a aucun problème de cohabitation. « Le résultat du vote RN est grave, mais il faut intégrer le taux d’abstention : 55 %. Ce vote n’est pas en lien avec les Afghans présents ici, je l’espère », affirme-t-il.
    Lire aussi | Article réservé à nos abonnés A bord du « Belem », Zabih, réfugié afghan de 25 ans, prend conscience que la mer n’est pas que « le lieu où l’on peut mourir »
    Dès son arrivée, Ahmad Safi fait pourtant face au rejet de certains habitants. « Je sentais des regards lourds, j’ai eu des réflexions comme “pourquoi tu es parti ?” ou “il n’y a pas de travail ici” », soupire le grand gaillard du haut de son mètre quatre-vingt-dix pour 95 kilos. Aujourd’hui encore, certains résidents changent de trottoir au passage des joueurs. « Ils ne se mélangent pas, ils restent tout le temps entre eux », murmure Mélanie (qui ne souhaite pas donner son nom), une habitante d’Argentan.
    Dans l’équipe, l’approche des élections législatives engendre craintes et angoisses. « Ça me fait peur le RN, je sais qu’ils vont annuler l’immigration et peut-être me renvoyer dans mon pays. Je n’ai toujours pas de papiers en France, si le RN passe, je ne pourrai rien faire », s’inquiète Ezharullah Mubarez, arrivé à Argentan à la fin de l’année 2021.
    Au quatrième étage d’un HLM du centre-ville, Hamrad Muslim prépare du thé assis sur des toshaks (coussins de sol) tout en se remémorant les démarches kafkaïennes pour demander l’asile en France. « J’attends ma carte de séjour depuis neuf mois, je suis bloqué, je ne peux même plus travailler », soupire-t-il en ajustant son pakol (béret traditionnel pachtoune). Seule une dizaine sur les soixante présents dans la commune ont déjà reçu le précieux sésame.Un autre membre de la communauté, qui souhaite rester anonyme, confie être toujours choqué par les résultats des européennes, mais compte bien rester à Argentan quels que soient les résultats des 30 juin et 7 juillet. « Si le RN gagne aux législatives ? Je ne partirai pas, mais je raserai les murs, encore plus que d’habitude. De toute façon, nous restons déjà entre nous », indique le jeune homme de 23 ans.

    #Covid-19#migrant#migration#france#afghanistan#integration#politique#asile#cartedesejour#sante#extremedroite#xenophobie

  • Difficile à lire.
    Témoignage
    Isild Le Besco, rescapée de la violence : « Prisonnière de mes manques matériels et affectifs, j’étais le terrain parfait pour toutes les maltraitances »

    Après le témoignage de Judith Godrèche, l’actrice et réalisatrice dévoile à son tour ses blessures intimes et les mécanismes de la prédation dans un récit autobiographique, « Dire vrai », à paraître aujourd’hui.

    #viol #pédocriminalité #maltraitance_mineurs

    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2024/05/01/isild-le-besco-rescapee-de-la-violence-prisonniere-de-mes-manques-materiels-

    • @monolecte, oui, j’avais pensé au balai de chiotte…

      sinon, les fans ouvrent l’œil, et le bon
      parmi les photos de la visite de J. Milei à l’usine Tesla à Austin, Texas, celle-ci, où ils zooment sur la nuque de Musk pour commenter… l’écusson de Star X ?, non, bien sûr le couvre-chef de l’interprète (probablement, car la personne à la gauche de Milei est l’ambassadeur d’Argentine aux ÉÉ-UU, Gerardo Werthein, vétérinaire, président du comité olympique d’Argentine,…)…

    • et sur le fond, il n’y a pas que de l’idéologie et la comm’…

      Argentina’s populist president meets billionaire Elon Musk in Texas — and a bromance is born - ABC News
      https://abcnews.go.com/International/wireStory/argentinas-populist-president-meets-billionaire-elon-musk-texas-10918355

      One is an erratic billionaire entrepreneur and self-declared free-speech absolutist, prone to profanity-laden rants against “wokeness” and obsessed with making humanity a multi-planetary species.

      The other is an iconoclastic Latin American leader and self-declared anarcho-capitalist, prone to cloning his dead dogs and obsessed with destroying state controls.

      Tech executive Elon Musk and Argentine President Javier Milei finally sealed their budding #bromance Friday at a Tesla electric car factory in Texas — their first meeting after months of mutual admiration on social media.

      It was a match made in free-market heaven.

      In social media posts that thrilled their right-wing fans, the pair played up their real-life friendship.
      […]
      Gerardo Werthein, Argentina’s ambassador to the U.S., attended Friday’s meeting and told La Nación newspaper that Milei and Musk discussed Argentina’s vast reserves of strategic minerals, including #lithium, an indispensable ingredient in batteries for electric cars.

      “He expressed wanting to help Argentina, and had a very good view of everything we have, mainly lithium,” Werthein said of Musk.

      Milei’s love for free markets and close alignment with U.S. policy — a major shift after years of left-wing governments that adopted interventionist policies and strained relations with Washington — has raised hopes in the U.S. that lithium and other badly needed metals can be extracted closer to home, breaking China’s dominance of the battery supply chain.

    • Javier Milei et Elon Musk giga contents, c’est peut-être un détail pour vous…
      https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2024/04/21/javier-milei-et-elon-musk-giga-contents-c-est-peut-etre-un-detail-pour-vous_

      mais pas pour Marc Beaugé. Le 12 avril, le président argentin et le directeur de Tesla ont visité ensemble la « gigafactory » de la marque à Austin, au Texas. L’occasion de discuter affaires en toute liberté.

      Pari Texas

      Tic et Tac ? Non. Wallace et Gromit ? Non plus. Dumb et Dumber, alors ? Le 12 avril, le président argentin, Javier Milei, et le patron de Tesla, Elon Musk, avaient rendez-vous au Texas. L’espace de quelques heures, ils ont visité la Tesla Giga Texas, l’usine de la marque inaugurée en avril 2022. Puis ils se sont longuement entretenus en tête à tête. Au menu de la conversation ? « La nécessité de libérer les marchés et de défendre l’idée de liberté. » Même vestimentaire, de toute évidence.

      Cargo d’ennui

      Entrons directement dans le dur avec le pantalon porté par le président argentin. Techniquement, il s’agit bien d’un pantalon cargo, reconnaissable à ses poches plaquées latérales inspirées de celles dans lesquelles les militaires anglais rangeaient leurs cartes au début du XXe siècle. Visuellement, il s’agit surtout d’une totale infamie confinant à l’agression visuelle caractérisée. Trop étroit ? Oui. Trop sale ? Affirmatif. Trop délavé ? Aussi. Trop froissé ? Tout à fait.

      Régime militaire

      A côté, le jeans moulant noir gonflé à l’élasthanne d’Elon Musk n’est pas moins ringard, mais il a le mérite d’être propre, et de souligner la récente transformation physique du patron de Tesla. En l’­espace de quelques semaines, celui-ci a en effet perdu une quinzaine de kilos, suscitant inquiétude et fantasme. Musk a fini par révéler la recette de son régime : privations en tout genre, jeûne intermittent, mais surtout recours à l’Ozempic, un antidiabétique stimulant fortement la production d’insuline et limitant l’appétit. Toujours à la pointe du progrès, Elon.

      Macadam cow-boy

      La boucle de ceinture n’est pas moins intéressante. Cette plaque ovale ornée d’une étoile et du message « Don’t Mess With Tesla » (Ne touchez pas à Tesla !), vendue une quarantaine d’euros sur le site de l’entreprise, nous donne l’occasion de briser un puissant mythe. Non, la grosse boucle de ceinture n’est pas un délire authentique et ancestral de cow-boys. Ceux-ci ont longtemps préféré porter des bretelles. Mais Hollywood a changé la donne en imposant la boucle de ceinture aux héros des premiers westerns, pour mieux les caractériser d’un point de vue vestimentaire.

      Pouce au crime
      Enfin, comment ne pas noter les deux pouces brandis par nos héros du jour, visiblement ravis d’être là et de faire communier, pour le bien commun, idéologie, politique, vision tech et logique business ? A ce propos, rappelons tout de même qu’au Moyen-Orient un pouce levé est historiquement perçu comme un geste agressif, l’équivalent d’un doigt d’honneur. De façon tout à fait concrète, cela suggère que vous souhaitez glisser votre pouce dans l’anus de la personne à laquelle vous l’adressez. A bon entendeur.

  • New York, ville amérindienne : « C’est notre terre. Elle renferme les esprits de nos ancêtres, nos histoires »
    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2024/03/30/new-york-ville-amerindienne-c-est-notre-terre-elle-renferme-les-esprits-de-n

    Spoliés de leur territoire par les Néerlandais au XVIIᵉ siècle, les Lenape ont quitté la région et les traces de leur passé ont été effacées. A l’heure des célébrations autour de l’arrivée des premiers colons, les descendants des autochtones cherchent à perpétuer le souvenir de leurs aïeux et revendiquent leur place dans le récit national américain.

    https://archive.ph/0bHad

    https://www.openstreetmap.org/way/118529212

  • La Ronde des hirondelles

    La Ronde des hirondelles dépeint le quotidien d’hommes exilés au cœur des Hautes-Alpes. Ils y sont dans un état latent — après des semaines de longues marches. L’interaction avec le paysage, l’immersion et la contemplation ont rythmé ces temps. La #marche est ici perçue comme un exutoire, un état réflexif ; une échappatoire au quotidien parfois morose.

    La #tapisserie que Florence souhaite réaliser a pour ambition de symboliser les voyages de ceux qui ont été contraints de fuir. Confectionné dans le style des tapis Azilal de la région du Tadla-Azilal dans le Haut Atlas, cette pièce décrit les chemins empruntés par les exilés sous la forme de lignes vives, dynamiques et colorées. Chaque tapisserie berbère a une signification profonde et multiforme, englobant des croyances, rituels et modes de pensée intrinsèques à cette culture. La tisserande incorpore son propre choix de motifs, inspirés par la résonance émotionnelle des histoires d’exil du peuple nomade Azilal.

    L’artiste installe son atelier dans les locaux du CADA afin de le rendre accessible à toustes. Il accueille des séances de portrait au cyanotype. Des séances de prise de parole et des ateliers d’écriture se tiennent également à cet endroit.

    L’objectif central est de faciliter le processus de reconstruction de la confiance en soi et de réévaluation de la perception de soi pour les personnes en situation d’exil. Ce projet vise à donner aux individus les moyens de se réapproprier leur corps, leur histoire et leur identité et de leur rendre leur droit à l’image.

    https://www.ateliersmedicis.fr/le-reseau/projet/la-ronde-des-hirondelles-31761
    #photographie #Hautes-Alpes #migrations #errance #montagne #Florence_Cuschieri #Gap #art #art_et_politique
    via @karine4

  • Face à l’antisémitisme, le travail discret du Service de protection de la communauté juive - 16 novembre 2023
    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2023/11/16/face-a-l-antisemitisme-le-travail-discret-du-service-de-protection-de-la-com

    Le grand public ignore tout de son existence, contrairement aux responsables de synagogues, centres culturels juifs ou écoles communautaires, qui connaissent par cœur son numéro de téléphone, autant que celui de la police. Depuis le 7 octobre, le standard du Service de protection de la communauté juive (SPCJ), joignable à toute heure du jour et de la nuit, explose.

    [...]

    Difficile de savoir ce que recouvre concrètement ce sigle. Ni une milice ni une police, assurent ses promoteurs. « Un service de protection qui vise à pallier d’éventuels manques des autorités », explique l’historien Marc Knobel, spécialiste de l’antisémitisme. Son site Internet est réduit à peu de pages. Aucun nom n’y est affiché, si ce n’est celui de son président – non opérationnel – Alexandre de Rothschild, dirigeant de la banque d’affaires du même nom. Surtout, l’organisation ne dispose pas de statuts déposés auprès de la Préfecture de police de Paris. Joint par téléphone, le directeur du SPCJ, surpris que l’on soit parvenu – non sans mal – jusqu’à lui, ne souhaite pas s’exprimer. Le simple fait de révéler son identité le mettrait en péril.

    Les seules personnes habilitées à parler sont les dirigeants des institutions qui chapeautent le SPCJ depuis sa création, en 1980 : le Conseil représentatif des institutions juives de France (#CRIF), le Fonds social juif unifié (#FSJU), le #Consistoire de Paris et le Consistoire central. La nécessité d’organiser la sécurité de la communauté leur était alors apparue comme une évidence au lendemain de l’attentat à la bombe contre une synagogue de la rue Copernic, à Paris, le 3 octobre. La première attaque mortelle contre des juifs en France depuis la seconde guerre mondiale ; elle causa le décès de quatre personnes.

    https://justpaste.it/fi95b

  • Des médecins cubains à l’hôpital de Guingamp : « Oui, c’est possible » | Le Télégramme
    https://www.letelegramme.fr/cotes-d-armor/guingamp-22200/des-medecins-cubains-a-lhopital-de-guingamp-oui-cest-possible-6527565.p


    Vincent Le Meaux, président de Guingamp-Paimpol Agglo, et Otto Vaillant, ambassadeur de Cuba en France, ont évoqué, ce vendredi, la faisabilité d’un déploiement de médecins cubains en France. Guingamp serait alors candidat pour une expérimentation pilote.
    Photo Emmanuel Nen

    Ce vendredi 16 février, une délégation cubaine, conduite par Otto Vaillant, l’ambassadeur de Cuba en France, est venue à Guingamp pour échanger sur la faisabilité du déploiement de médecins cubains au centre hospitalier guingampais. Des renforts qui seraient les bienvenus, les services de maternité et de chirurgie H24 étant en sursis, quand les urgences commencent à tousser, faute de personnels suffisants.

    Selon le diplomate cubain, ce projet est tout à fait envisageable : « Le déploiement peut être rapide, de l’ordre de quelques mois. Nous voulons aider la France, l’un des pays les plus importants au monde. Nos médecins ont une capacité à apprendre la langue locale. Ils l’ont démontré au Pakistan en parlant l’ourdou après quelques mois ».

    Un décret du président de la République
    La condition, pour cela, est un décret du président de la République. « Nous allons lui formuler notre demande par écrit, afin que nous devenions le territoire pilote de cette expérimentation qui, ensuite, pourrait se développer sur la Bretagne et la France. Le Premier ministre, dans son discours de politique générale, a manifesté son accord. Le ministre de la Santé a affirmé faire confiance aux territoires. On peut supposer que les planètes sont alignées et que le président de la République ira dans ce sens-là », affirme Vincent Le Meaux, le président de Guingamp-Paimpol Agglomération. Un territoire pilote car « nous sommes le territoire le plus pauvre en Bretagne, celui où il y a le plus de détresse sociale ».

    Après le Venezuela, Cuba et ses médecins à la rescousse de la France…

    • « Nous voulons aider la France, l’un des pays les plus importants au monde. » [...] Un territoire pilote car « nous sommes le territoire le plus pauvre en Bretagne, celui où il y a le plus de détresse sociale ».

      La France leader des pays en voie de dé-développement, sans doute, mais pourquoi « un des plus importants au monde » ?

    • Bah, faut pas non plus être trop pessimiste : en milieu rural, on manque de médecins mais on a des producteurs/dealers. Ça fera sûrement « patienter » les gueux.

      Trafic de cocaïne à Saint-Étienne-de-Mer-Morte, culture de cannabis dans une maison de Villeneuve-en-Retz, commerce de crack dans la campagne pornicaise… Les gendarmes de la compagnie de Pornic ont démantelé quatorze réseaux de stupéfiants en 2023.

      (Fouette Rance du 17/02/2024)

    • Des médecins venus de Cuba au chevet des hôpitaux de Calabre
      https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2023/05/28/des-medecins-venus-de-cuba-au-chevet-des-hopitaux-de-calabre_6175153_4500055

      (...) l’Etat cubain conserve dans ses caisses 75 % des 4 700 euros versés par l’Italie pour chaque médecin. (...) L’expatriation de médecins est ainsi devenue la première source de devises de la nation cubaine (entre 6 et 8 milliards de dollars par an).

      https://justpaste.it/ftemt

      #médecine #déserts_médicaux #hôpital #intérimaires

    • Les médecins cubains ont des qualités professionnelles avec une formation exceptionnelle, et ils sont une denrée exportable précieuse. A Toulouse, ce sont des cabinets d’ophtalmologie de médecins espagnols qui font maintenant relais au grand vide fabriqué par la politique de destructions des postes de soins qui a été menée en france. Oui, parce que tout cela était parfaitement prévisible, il y a 15 ans il suffisait de regarder les courbes d’âge des médecins (toutes professions confondues) et le numérus closus de celleux qui entraient dans la profession. C’est une vraie honte de dépouiller les autres pays de leurs médecins.

      Une arme diplomatique, mais aussi une véritable source de revenus pour un pays aujourd’hui confronté à l’une de ses pires crises économiques.

      L’expatriation de médecins est ainsi devenue la première source de devises de la nation cubaine (entre 6 et 8 milliards de dollars par an). Malgré un manque criant de ressources et un embargo économique qui étouffe le pays depuis plus de soixante ans, la petite île communiste continue tant bien que mal à financer une couverture sociale universelle et gratuite. Pour ce faire, elle compte sur la plus forte densité de médecins par habitant au monde (8 pour 1 000) pour exporter son savoir-faire, notamment à destination des pays du Sud. Actuellement, cinquante-huit pays reçoivent l’aide de ces brigades.

  • Jordan Bardella, les dessous d’une « politique TikTok »
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/02/10/jordan-bardella-les-dessous-d-une-politique-tik-tok_6215810_823448.html

    Le président du Rassemblement national cultive sa « marque » à coups de discours flous. Dépassant largement en popularité Marine Le Pen, il commence à s’en émanciper, sous le regard bienveillant de Vincent #Bolloré.
    Par Clément Guillou et Corentin Lesueur

    Difficile de s’imaginer dans une réunion politique. Le tube Bande organisée résonne au Duplex, célèbre boîte de nuit parisienne, pour accompagner l’arrivée de la star du soir, ce samedi 27 janvier, vers 23 heures. Un costume sombre fend une nuée de téléphones tournés vers lui. L’ambiance est festive, rythmée par les textes subversifs des rappeurs marseillais, aux antipodes des valeurs que l’invité principal entend incarner. Des centaines de jeunes endimanchés scandent « Jordan, Jordan ! », rient lorsqu’un amuseur rêve tout haut de « Jordan 2027 » : nous sommes bien au lancement de l’écurie personnelle du président du Rassemblement national (#RN), Les Jeunes avec #Bardella.
    Cela n’est pas qu’une soirée en discothèque. Il faut se figurer la valeur symbolique d’un tel événement dans un mouvement qui entretient le culte du chef et n’a jamais sanctifié qu’un seul nom, celui de Le Pen. Mais Jordan Bardella est porté par un courant puissant : l’opinion. En témoigne son entrée dans le traditionnel baromètre des 50 personnalités préférées des Français, produit par l’IFOP pour Le Journal du dimanche, publié le 2 janvier, où il est le seul homme politique présent. Il s’y classe en 30e position, alors que Marine Le Pen n’y a jamais figuré. Au panthéon du consensus et du conservatisme, dans un palmarès très masculin, se hisse un homme de 28 ans imprégné des idées de la #nouvelle_droite, un courant racialiste de l’#extrême_droite, mais que les Français peinent encore à cerner. Aux yeux d’une majorité d’entre eux, il est encore ce jeune costumé et bien peigné qui s’inscrit dans le sillage de Marine Le Pen (...)
    Un positionnement flou recherché par la tête de liste du RN pour les élections européennes de juin.

    [...]

    Il y a plus concret que les sondages : la justice, avec le procès à venir concernant l’affaire des assistants parlementaires du parti au Parlement européen, où Marine Le Pen risque une peine d’inéligibilité et dans lequel Jordan Bardella n’est pas inquiété, bien que son nom figure au dossier.

    [...]

    Le président du RN ressemble à un produit à la mode. Du premier slogan de sa campagne des européennes, qui ne dit rien sinon une date (« Vivement le 9 juin ! »), le député du Gard Pierre Meurin dit qu’il vise à susciter l’attente d’un événement, « comme la sortie du dernier iPhone ». « Sa personnalité, ce qu’il incarne, fait appel aux mêmes réflexes de consommation. » « Il est devenu une marque, renchérit le sénateur lepéniste Aymeric Durox. Un visage connu dans une époque dépolitisée, une époque du selfie. » En Seine-et-Marne où il est élu, ce dernier dit rencontrer des élus de #droite qui n’attendent plus que la prise du pouvoir du jeune homme pour basculer. Le sénateur se dit que « pour avoir toutes les chances de gagner, il faudrait que Jordan puisse faire le débat d’entre-deux-tours à la place de Marine ».

    https://justpaste.it/fw0sn

    #Hanouna #identitaire

    • « On aurait plus de chances avec Bardella » : les doutes des militants du RN sur Marine Le Pen

      https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/02/11/on-aurait-plus-de-chances-avec-bardella-les-doutes-des-militants-du-rn-sur-m

      De nombreux membres du parti lepéniste jugent le jeune président du RN mieux placé pour s’imposer lors de la prochaine élection présidentielle, convaincus que Marine Le Pen payera in fine son nom et ses échecs passés.
      Par Clément Guillou et Corentin Lesueur

      En monarchiste convaincue, Geneviève Salvisberg n’a rien contre les dynasties. Mais cette adhérente historique du Rassemblement national (RN), passée par l’Action française dans sa jeunesse, est prête à faire exception avec la famille qui règne depuis un demi-siècle sur son parti. « Marine Le Pen est toujours très appréciée, mais Jordan Bardella est tout simplement extraordinaire, beau gosse et tellement brillant, loue la septuagénaire, suppléante du député de l’Aude Julien Rancoule. Il est assez intelligent pour attendre son tour. Mais pourquoi ne pas le lancer dès 2027 ? »

      Laisser Jordan Bardella représenter l’ex-Front national dès la prochaine #présidentielle à la place de Marine Le Pen ? Beaucoup d’adhérents l’envisagent à trois ans du scrutin roi de la vie politique nationale. Durant le mois de janvier, Le Monde est parti à la rencontre des militants lepénistes lors des cérémonies de vœux de certains députés. A la question d’une éventuelle victoire en 2027, une majorité d’entre eux considérait que le jeune homme offrirait davantage de chances que la triple candidate. Dans un parti aux réflexes légitimistes, et alors que Marine Le Pen a annoncé vouloir représenter le parti dans trois ans, ce fond de l’air bardelliste dans la base militante n’est pas anodin.
      La fille de Jean-Marie Le Pen reste unanimement saluée pour sa résilience et le travail de dédiabolisation du parti. Le « ticket » proposé, avec Jordan Bardella présenté en premier ministre putatif, séduit. Mais les militants n’échappent pas à la dynamique qui, depuis plusieurs mois, porte leur jeune président, bien au-delà des rangs du mouvement d’extrême droite. « Beau », « trop fort à la télé », « il présente et s’exprime bien », « sens de la répartie ».
      Les atouts brandis par les défenseurs de Jordan Bardella se rapportent presque uniquement à ses passages télévisés et à son image « lisse ». Un profil « rassurant » pour rallier à leur cause des électeurs hésitant encore à assumer un vote radical. « Pour les frileux, c’est bien… On sera au pouvoir un jour, mais jamais avec un Le Pen », tranche Gérard Aubenas, électeur lepéniste depuis 1981 et retraité dans la région de Cavaillon (Vaucluse).

      Des punchlines sur les plateaux télé
      Le bardellisme existe jusque dans le bassin minier du Pas-de-Calais, le fief de Marine Le Pen. « Son discours, quand elle était présidente du parti, m’a convaincue. Mais c’est quand Bardella est arrivé que j’ai complètement adhéré », raconte Tatiana Focqueur, 27 ans, qui a troqué sa carte Les Républicains contre celle du RN. « Bardella fait le travail pour enlever cette étiquette de racisme », se réjouit son mari, Sébastien, 47 ans. Qui, lui, se moque bien des étiquettes : il dirige le Black Shadow North, un club de motards associé au Gremium MC, de l’ancien chef du groupe parisien de skinheads #néonazis, Serge Ayoub. Avant de tracter pour le RN, il s’affichait avec cette figure du milieu en 2021, comme l’a documenté le site d’information StreetPress.

      Si certains élus tancent Jordan Bardella pour son absence de ligne idéologique, nombre de militants y voient une force. Une #stratégie, même, pour dissimuler les fondamentaux du RN sous une communication se résumant à quelques #punchlines répétées sur tous les plateaux et relayées sur les réseaux sociaux. « Un homme politique n’a pas à rabâcher ce qu’il pense : on sait très bien ce que défend Jordan puisqu’il représente le parti et son histoire, explique Nathalie, 59 ans, en Seine-et-Marne. Il est jeune, parle bien et dispose d’une bonne gueule : exactement comme Macron en 2017. A l’époque, beaucoup ont voté pour lui sans trop savoir ce qu’il pensait. »

      Se libérer du patronyme Le Pen
      Chez les plus jeunes adhérents frontistes, séduits par ses vidéos sur TikTok ou sa présence sur le plateau de Cyril Hanouna, Jordan Bardella est décrit en figure tutélaire. « Son physique nous influence sans qu’on s’en rende compte, c’est inconscient », avoue Loly Lucas, 19 ans. « J’adhère aux idées de Marine Le Pen mais il y a toujours cette peur vis-à-vis de sa famille, alors que Bardella n’a pas de passé politique », distingue l’étudiante de Montpellier. Alimenté par la malédiction qui collerait à la lignée des Le Pen, l’enthousiasme pour le natif de Drancy (Seine-Saint-Denis) transcende désormais les générations.

      Parmi ceux qui cotisaient déjà sous « Jean-Marie », beaucoup n’y croient plus après trois premiers échecs de sa fille à la présidentielle. « Le nom lui colle toujours à la peau. Macron veut continuer à dire “Front national”, et on comprend pourquoi… », déplore Dominique Caplin, retraité d’un établissement public de gestion de l’eau et néoadhérent gardois. Au-delà du patronyme, d’autres considèrent que Marine Le Pen a péché, lors de ses tentatives infructueuses, dans les domaines qui font justement la réputation de son cadet.
      « On aurait plus de chances avec Bardella. Marine est plus énervée et agressive, elle n’a pas le même sang-froid, tranche Frédéric, un policier de 56 ans. A chaque débat d’entre-deux-tours, elle est mauvaise. » Et, lorsque vient la question de la jeunesse de Jordan Bardella, la réponse est toujours la même : « Et notre nouveau premier ministre, il a quel âge ? »

      Aux vœux de Jordan Bardella, l’ombre de la « #GUD connexion »
      https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/01/15/aux-v-ux-de-jordan-bardella-l-ombre-de-la-gud-connexion_6210954_823448.html

      Le président du Rassemblement national a dû s’expliquer lundi sur le maintien de relations d’affaires avec Frédéric Chatillon, ancien patron du Groupe union défense, une organisation étudiante d’extrême droite connue pour son radicalisme et sa violence.

      https://justpaste.it/cnu61

      Le reportage consacré au jeune président du RN sera bien diffusé, même si le parti a déclaré avoir missionné des huissiers pour empêcher la diffusion d’un extrait relatif au compte Twitter anonyme, raciste et homophobe, qu’aurait utilisé Jordan Bardella.

      https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/01/18/complement-d-enquete-sur-jordan-bardella-france-televisions-maintient-sa-ver

    • Jordan Bardella tente de séduire la droite pour « élargir » la base électorale du Rassemblement national, Clément Guillou
      https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/09/16/jordan-bardella-tente-de-seduire-la-droite-pour-elargir-la-base-electorale-d

      Alors que Marine Le Pen cible en priorité les classes populaires, le président du parti d’extrême droite s’efforce de séduire les classes moyennes supérieures et les retraités. Une répartition des rôles plus assumée entre eux. Publié le 16 septembre 2023.

      « Il a fait une campagne à l’américaine exemplaire. C’est même un modèle qu’on pourra étudier plus tard à Sciences Po. » Ainsi parlait, en 2007, Jean-Marie Le Pen au sujet de Nicolas Sarkozy, après s’être fait siphonner ses électeurs au premier tour de l’élection présidentielle. Sa fille Marine, directrice de campagne, ne partageait pas son enthousiasme vis-à-vis du personnage, qu’elle « trouvait faux », se souvient l’un des acteurs de la présidentielle 2007 au Front national. L’ancien chef de l’Etat, qui, entre deux actualités judiciaires, distribue les bons et mauvais points à l’occasion de la parution du deuxième tome de ses mémoires (Le Temps des combats, Fayard, 592 pages, 28 euros), est aussi de retour dans les discussions au sein du parti à la flamme.
      Cet été, le député Rassemblement national (RN) du Nord Sébastien Chenu s’est rafraîchi la mémoire en revisionnant La Conquête, le film de Xavier Durringer (2011) retraçant, dit-il, « la meilleure campagne de ces quinze dernières années, [qui] n’était pas une union des droites mais une capacité rare à faire sauter les clivages sociologiques ». Dans une vidéo tournée à l’occasion de la rentrée scolaire, Jordan Bardella laisse traîner, en évidence sur son bureau, le dernier opus sarkozyste.
      Le pavé est au même endroit quelques jours plus tard, quand les caméras de France 3 l’interrogent : « J’avais déjà lu Le Temps des tempêtes [L’Observatoire, 2020] », leur signale le président du mouvement d’extrême droite, qui doit lancer sa campagne pour les élections européennes de juin 2024, samedi 16 septembre, lors des universités d’été du RN, à Beaucaire (Gard).

      Le sillon sarkozyste
      Jordan Bardella avait 11 ans durant la campagne victorieuse de Nicolas Sarkozy. De son propre aveu, son intérêt pour la politique n’était pas tel qu’il puisse en garder un souvenir net. « J’ai admiré le personnage, disait-il toutefois au Monde en février. Il avait la capacité de tout changer, réunissait les classes moyennes, l’ouvrier d’Aubervilliers et le cadre sup de Versailles. Je pense que c’est la clé du pouvoir et qu’on est sur ce chemin-là. Parler, au-delà de la France des oubliés, à la France qui se lève tôt » – un label sarkozyste.

      En ce début de campagne des élections européennes, celui qui sera la tête de liste du RN tente d’emprunter le sillon sarkozyste. M. Bardella encourage ses troupes à « recréer l’UMP [Union pour un mouvement populaire, devenue Les Républicains, LR] », rapporte Le Figaro. Le RN n’a pas l’armée de militants, de cadres locaux et politiques chevronnés qu’avait la formation de droite, lors de l’accession de M. Sarkozy au pouvoir. Mais rien ne l’empêche d’en adopter certains accents.
      Auprès d’un parti qui veut désormais renforcer son implantation chez les classes moyennes supérieures et les #retraités, le candidat Sarkozy exerce une forte attraction, bien que son action à l’Elysée demeure largement rejetée. Dans la bouche de quelques-uns des néodéputés de la vague élue en juin 2022, on entend les comparaisons avec le Rassemblement pour la République (RPR) d’antan, tentative d’extraire le RN du champ des extrêmes auquel son programme fondé sur la préférence nationale et le rejet de l’Union européenne le ramène inexorablement. Le député des Bouches-du-Rhône Franck Allisio, ancien de l’UMP, n’a-t-il pas récupéré la marque RPR pour fonder un mouvement local d’« union des droites » ?

      Dans le duo Marine Le Pen-Jordan Bardella, au sein duquel le rapport hiérarchique est de moins en moins affirmé, c’est au cadet de 28 ans que revient l’incarnation de la jambe la plus droitière ; à Marine Le Pen revient celle d’un national-populisme qui s’adresse à une partie des #classes_populaires. Depuis les violences urbaines du mois de juillet, la double finaliste de l’élection présidentielle a acté le principe d’une répartition des rôles encore plus assumée qu’elle ne l’était. Cela vaut pour la différence de stratégie médiatique – à elle la rareté, à lui l’omniprésence – comme politique – à elle la figure protectrice, à lui celle d’autorité. « Elle considère qu’il touche des gens différents et que c’est à exploiter », explique-t-on dans le premier cercle de Marine Le Pen.

      Clins d’œil à l’électorat de gauche
      La cheffe de file de l’extrême droite a laissé Jordan Bardella bénéficier de l’exposition offerte par Emmanuel Macron, qui l’a convié personnellement, par téléphone, aux « rencontres de Saint-Denis » (Seine-Saint-Denis), le 30 août. A l’issue, les proches du chef de l’Etat ont distillé des propos flatteurs à son endroit, louant son attitude générale et sa préparation – qu’importe qu’il ait, dans sa lettre de propositions au locataire de l’Elysée, confondu défiscalisation et exonération de cotisations patronales. Les mots du camp présidentiel visent à piquer la jalousie de Marine Le Pen, qui ne montre pour l’heure aucun signe d’agacement. Elle a même validé la publication d’une tribune de M. Bardella sur la présence française en Afrique, le 31 août, dans Valeurs actuelles ; elle qui considère pourtant l’international comme son domaine réservé.
      Omniprésent en cette rentrée politique, le jeune homme tente de s’ancrer à droite, même s’il conserve sa matrice populiste qu’il reprend dans Le Figaro, en dépeignant M. Macron comme « politiquement de nulle part ». « Mérite », « autorité », « charges », « taxes »… Celui qui incarne la marque identitaire et sécuritaire du RN s’efforce désormais de reprendre les mots traditionnels du parti Les Républicains. Interrogé sur RTL, le 12 septembre, il aborde ainsi la question des salaires : « Il faut permettre un petit coup de pouce salarial, ce que beaucoup de chefs d’entreprise ne peuvent pas faire compte tenu du niveau de charges délirant dans notre pays. » En février, il avait déjà lancé, depuis un château de la Sarthe, une campagne de communication baptisée « Où passe notre argent ? », dépeignant une France « championne d’Europe des impôts et des taxes ».

      Ce discours est compensé par quelques clins d’œil à l’électorat de gauche, comme la taxation des superprofits énergétiques, la baisse de la TVA sur les produits de première nécessité et l’opposition à la réforme des retraites. Mais tout va comme si le parti avait acté que sa marge de progression se situe à la droite de l’échiquier politique, et non plus chez les abstentionnistes ou dans la gauche souverainiste, dite « patriote ».
      « Il faut maintenir et élargir notre nouvelle base sociologique née des législatives. Il n’y a plus, dans notre électorat, cet aspect “déclassés” contre “élites”, souligne Pierre-Romain Thionnet, le bras droit de Jordan Bardella. Il ne faut pas laisser dire qu’on est socialistes. » C’est particulièrement vrai à l’aube d’un scrutin européen, en juin 2024, où l’#abstention_différenciée (l’écart de participation entre différents électorats) devrait jouer contre le RN, les classes populaires s’exprimant traditionnellement peu dans ces élections. « Ceux qui aujourd’hui s’intéressent aux européennes sont très politisés et plutôt à droite ; c’est le lectorat du Figaro. Parler aux classes populaires de cette élection en septembre, c’est parler à des gens qui ont bien d’autres préoccupations », explique Jean-Philippe Tanguy, président délégué du groupe RN à l’Assemblée nationale.

      Apprécié par les électeurs d’Eric Zemmour
      Le RN avait déjà revu à la baisse ses ambitions sociales dans son programme présidentiel de 2022, et envoyé plusieurs signaux favorables aux employeurs au long de la première année de la législature. Une évolution peu visible dans son discours, focalisé sur le pouvoir d’achat et l’immigration, et le magma des débats parlementaires.
      Jordan Bardella se positionne pour être celui qui incarne ce RN plus « droitard », un mot que Marine Le Pen prononce avec un dégoût non dissimulé. Dans les enquêtes d’opinion, il est, bien plus qu’elle, très apprécié par les électeurs de droite et d’Eric Zemmour. « Si Jordan n’était que Marine avec les cheveux courts, cela n’aurait que peu d’intérêt », estime Sébastien Chenu, lui-même issu de l’UMP. « Jordan a son espace et doit aller le prendre. L’intérêt est qu’il puisse continuer à élargir notre base électorale. Il nous faut des profils et des sensibilités différents. C’est un de nos défis », reconnaît-il.
      Sauf que, dans le même temps, le président du RN ouvre aussi les bras à Reconquête !, faisant mine de croire à une union de leurs forces pour le scrutin du 9 juin 2024, malgré les supposées différences de nature entre deux visions économiques et sociétales. Et alors même que Marine Le Pen a toujours refusé de se laisser tenter par l’arlésienne de l’« union des droites ».

      Le risque de ces multiples manœuvres est d’écailler franchement le vernis « ni droite ni gauche » que la dirigeante d’extrême droite, à la suite de son père, a patiemment apposé sur le parti à la flamme. Et de se perdre dans la tactique électorale. Alors que l’option « ni droite ni gauche » fut une clé de l’explosion des scores lepénistes après la scission avec Bruno Mégret, en 1999.

      #stratégie_électorale

    • L’enfance de Jordan Bardella à Saint-Denis, du mythe à la réalité
      https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2024/06/02/l-enfance-de-jordan-bardella-a-saint-denis-du-mythe-a-la-realite_6236866_450

      La tête de liste du Rassemblement national aux européennes du 9 juin a passé une partie de sa jeunesse à Saint-Denis. Parmi ceux qui l’ont côtoyé à l’époque, amis ou camarades du lycée privé où il donnait des cours de français aux migrants, son engagement politique surprend encore.
      https://justpaste.it/ey4jl

      #racisme