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  • *Désinformer en informant - le #rapport_Bronner*

    Imputer à « la destructuration du paysage informatif » l’assaut du Capitole, les antivaccins et le risque de voir emportée la cohésion nationale, comme le fait le Président dans sa lettre de mission, est une démarche audacieuse et abusive, mais elle comporte l’avantage immense d’exonérer le politique. La désinformation aussi est toujours celle des autres.

    –-> Lettre à #Gérald_Bronner, président de la commission « Les lumières à l’ère numérique ». Quand la lutte contre la désinformation désinforme :

    Monsieur,

    « #Didier_Raoult est un grand scientifique français. », disait le 2 septembre 2021, le président de la République, qui insistait : "Il faut rendre justice à Didier Raoult, qui est un grand scientifique"[1].
    Le 29 septembre 2021, dans la lettre de mission par laquelle il vous demandait de présider la commission de haut niveau qui allait prendre pour titre « #Les_lumières_à_l’ère_numérique », le président faisait figurer parmi les phénomènes inquiétants qui rendaient opportune la mise en place de votre mission, la montée des #mouvements_antivaccins, qu’il rattachait à l’éclatement des sources d’information, comme il le faisait pour la prise du #Capitole.
    Chacun le sait, les adversaires du vaccin trouvent dans les interventions publiques du docteur Raoult une forme presque irremplaçable de légitimation[2].
    Dans votre rapport, vous vous référez à une étude qui montre, je vous cite, que, dans l’ensemble, les Français s’informent eux aussi majoritairement sur des sources web fiables. Selon cette étude, la consultation de sites non fiables sur Internet représenterait environ 0.4% du temps de connexion à Internet des résidents en France. On lit dans la même étude que 95% du temps que les Français passent à s’informer est consacré à des sites fiables.
    La désinformation dont sont victimes les Français ne semble pouvoir être détachée, sans simplification abusive, ni de déclarations telles que celles du président ni des sites fiables qui les véhiculent. On peut rappeler d’autres épisodes : #Olivier_Véran et les #masques inutiles contre le #COVID, le président et le chlordécone, les ministres #Blanquer et #Darmanin sur le prétendu déficit de petites filles musulmanes à l’Ecole, le ministre Blanquer au sujet des ventes d’écrans plats au mois de septembre, la ministre Vidal et son observatoire des libertés académiques[3], etc.
    Il est établi, en outre, que les #lobbies_industriels parviennent à désinformer les citoyens avec une redoutable efficacité (tabac, sucre, réchauffement climatique…)[4] et ce, par le truchement de sites fiables ou de personnalités respectables.
    En se focalisant sur les sites non fiables et sur les #réseaux_sociaux, votre rapport donne une image biaisée de la désinformation, comme si les manifestations de celle-ci ne devaient pas avoir grand-chose à voir avec les acteurs publics ou privés respectables dans sa genèse et avec les médias fiables dans sa diffusion.
    Ce #biais était attendu et il transparaissait déjà dans la lettre de mission du Président, qui, on l’a vu, présente la #prise_du_Capitole comme une conséquence de l’éclatement des sources d’information, mais omet de mentionner le discours de monsieur Trump ou l’organisation tout sauf spontanée des émeutiers. A lire le Président, on pourrait penser que la prise du Capitole a été un effet émergent des réseaux sociaux et que tel est le cas aussi pour les antivaccins.
    Il faut cependant noter que le Président affirme aussi que ces antivaccins n’ont pas prospéré. Il vous a fallu donc vous intéresser à la montée des antivaccins provoquée par la révolution virtuelle en dépit du fait que cette montée n’a pas prospéré.
    A titre subsidiaire, on observera que le Président affirme que les antivaccins ont cessé d’être des citoyens, ce qui est inexact, et qu’il veut les emmerder, ce qui pourrait être un propos haineux, sur la prévention desquels le Président vous demande aussi, dans sa lettre de mission, de réfléchir. Sans doute avez-vous manqué de temps pour vous intéresser à ces propos, tenus peu de temps avant la remise de votre rapport, mais on se souvient ceux de février 2019 au sujet du prétendu parler des boxeurs gitans et de l’impossibilité pour cette catégorie de la population de s’exprimer correctement. On ne sait pas si les conséquences de ce genre d’affirmations, devenues virales, doivent être imputées aux réseaux ou au Président. C’est une question importante que vous n’approfondissez pas.
    Mais en vérité, le Président va plus loin, car, selon lui, les développements d’#Internet mettent en cause rien de moins que la #cohésion_nationale et c’est en tant que garant de cette dernière qu’il agit lorsqu’il vous demande de prendre la tête de la commission qu’il met en place. Imputer à Internet l’affaiblissement de la cohésion nationale a pour effet de rendre moins visibles d’autres causes plus massives, plus directes, plus politiques et qui ne relèvent pas du fonctionnement des algorithmes des gafam, mais se trouvent dans le périmètre d’action du politique. La cohésion nationale est-elle affaiblie parce que le Président exclut de la #citoyenneté une partie de la population ou parce que cette déclaration, pensée sans doute pour l’être, devient virale ?
    Se concentrer sur ce qui est périphérique et occulter l’essentiel est une tactique de désinformation fréquemment utilisée par l’industrie du tabac et autres marchands de doute, connus pour financer des études sur tous les sujets possibles afin de noyer l’essentiel. Situer Internet au centre de la question de la désinformation et de l’affaiblissement de la cohésion nationale et en faire le point de départ, comme le veut la lettre de mission que vous avez reçue, donne une vision déformée de ces problèmes qui exonère le pouvoir politique et les médias fiables de leurs #responsabilités.
    On peut craindre dès lors que votre rapport ait surtout pour effet de renforcer la croyance selon laquelle la désinformation n’est jamais le fait de #médias fiables, des gouvernants ou des entreprises et que l’affaiblissement de la cohésion nationale découle d’Internet et non, par exemple, des inégalités sociales et de l’absence de volonté de les réduire ou de l’impuissance du politique à le faire.
    Par construction, par commande du Président, le #désordre_informationnel devait être rattaché par votre commission aux sites non fiables et aux réseaux sociaux. Vous ne deviez pas chercher à savoir si le gouvernement, les sites fiables ou les lobbies désinforment. Vous deviez, pour ainsi dire, vous intéresser aux 5%, pas aux 95%. C’est ce que vous avez fait. Que votre analyse de ces 5% soit souvent pertinente n’y change rien.
    C’est cette démarche, au demeurant, qu’adopte l’Education Nationale ; votre rapport y sera sans doute cité et diffusé. Il y sera fait appel dans les stages par lesquels notre institution veut centrer notre réflexion sur la désinformation aux phénomènes que vous commentez. Votre rapport contribuera probablement à rendre plus difficile notre mission de traiter de façon objective la question de la désinformation.

    Bien à vous,

    Nowenstein, professeur agrégé.

    [1] La video est consultable ici : https://www.dailymotion.com/video/x83wskh

    [2] Cet article du Monde reprend certaines déclarations du docteur Raoult qui ont contribué à semer le doute sur l’intérêt du vaccin contre le COVID : https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2022/01/12/la-tumultueuse-fin-de-regne-de-didier-raoult-desavoue-par-sa-fille-medecin-e

    [3] Sur ces quatre derniers sujets, j’ai écrit par la voie hiérarchique aux intéressés sans jamais obtenir de réponse. Voir ici.

    [4] On se rappelle, par exemple, les déclarations su président Macron en faveur du #vin (https://sebastiannowenstein.org/2020/01/21/lettre-au-president-macron-par-la-voie-hierarchique-au-sujet-du) : il arrive souvent qu’il soit difficile de dissocier acteurs privés et publics dans des actions qui ont pour effet de produire de la désinformation dans l’#opinion_publique.

    #désinformation #Bronner #vaccins #santé #mensonges #Macron #Emmanuel_Macron #Macronisme #Raoult #anti-vaxx #anti-vax

  • En #Grèce, sur l’île d’Eubée dévastée par le feu, les habitants survivent dans un décor d’apocalypse

    Par Marina Rafenberg (Limni, envoyée spéciale) // photographies d’Enri Canaj
    Publié le 09 janvier 2022 à 01h56 - Mis à jour le 09 janvier 2022 à 15h30

    REPORTAGE

    En août 2021, plus de 50 000 hectares de l’île ont été anéantis par des #incendies. La plupart des aides promises par l’Etat grec se font toujours attendre, fragilisant les espoirs de reconstruction.

    Sur la route sinueuse qui mène à Limni, petite ville balnéaire du nord de l’île grecque d’Eubée, la pluie ruisselle sur les collines décharnées et les carcasses d’arbres brûlées, souvenirs d’un été cauchemardesque où le feu a détruit plus de 50 000 hectares. La terre a toujours la couleur du charbon mais sa consistance est boueuse. Le brouillard enveloppe le paysage de désolation où la nature est loin d’avoir repris ses droits. Des mules qui transportent des troncs entiers apparaissent dans la pénombre d’une soirée froide de novembre.

    La scène semble être sortie d’un film en noir et blanc du réalisateur grec Theo Angelopoulos. Avec le bruit des tronçonneuses, les poils se dressent. « Attention, c’est parti ! », s’exclament Dimitris Stamoulis et son ami Yannis. Perchés sur les hauteurs d’une falaise, les deux acolytes lancent une grume de bois vers le précipice. La terre tremble légè­rement. Plus bas, des collègues récupèrent les rondins pour construire des digues.

    Dans cette région dévastée en août par les flammes, les habitants craignent désormais de subir de fortes inondations et des éboulements de terrain. « Maintenant que les arbres ne sont plus là pour retenir les pluies, il y a un grand risque d’une nouvelle catastrophe, explique le trentenaire Dimitris Stamoulis, ­casquette sur la tête et barbe ébouriffée. On a évité qu’il y ait des morts sur l’île cet été. Mais au­jour­d’hui on craint d’enterrer du monde si les travaux anti-inondations n’avancent pas assez vite. »

    L’Etat a débloqué 24 millions d’euros, et 33 coopératives forestières, soit 600 personnes, s’affairent dans toute la région pour couper les arbres, installer des digues et des barrages. La plupart des ouvriers viennent du nord de la Grèce. Mais certains, comme Dimitris Stamoulis, sont des résiniers, au chômage depuis les flammes de l’été.

    Comme lui, environ 1 500 personnes vivaient de la résine du pin à Eubée. Elle sert à fabriquer des colles industrielles, des cosmétiques, de la peinture, ou le retsina, vin traditionnel grec. Jusqu’en 2020, sur les 6 500 tonnes produites dans toute la Grèce, 5 500 provenaient d’Eubée. L’exploitation de la résine apportait à l’île environ 5,5 millions d’euros de revenus chaque année. Une manne financière aujourd’hui disparue.

    « 35 % de la population est actuellement au chômage, constate, exaspéré, le maire de Limni, Giorgos Tsapourniotis. Nous attendons encore les aides de l’Etat… Malheureusement, nous sommes en Grèce et la bureaucratie ralentit tout le processus. » Le gouvernement s’est pourtant engagé à dépenser 500 millions d’euros, soit 0,3 % du PIB nominal, pour l’indemnisation, la restauration et la reconstruction. Des aides allant jusqu’à 8 000 euros ont été promises aux agriculteurs et aux entreprises ­touchés. Mais ils sont encore nombreux à les attendre.

    Emplois perdus

    Dans cette région de l’île, 300 maisons, une trentaine d’entreprises, plus de 300 bêtes et un millier de ruches ont brûlé, selon les estimations que le maire a dressées auprès des autorités. Station balnéaire un peu désuète de 2 000 âmes, Limni vivait du tourisme, et l’arrière-pays des terres agricoles et de la résine. Les maisons néoclassiques du petit port ont été épargnées mais sur les ­hauteurs quelques pins et bâtiments ont été attaqués par les flammes.

    Certains craignent que les touristes ne reviennent pas de sitôt. Giorgos Tsapourniotis redoute aussi l’exode des plus jeunes vers les villes : « Pour le moment, peu de familles sont ­parties, mais jusqu’à quand ? Tout le monde sait que si la situation ne s’améliore pas, il faudra envisager l’exil. Même si beaucoup d’habitants éprouvent un grand amour pour leurs terres et ne veulent pas s’y résoudre. »

    Dimitris Stamoulis, père d’un fils de 5 ans, a déjà fait l’expérience de la ville. En 2012, il avait quitté son ­village, Myrtias, situé à 5 kilomètres de Limni, pour Athènes, où il s’était reconverti en chauffeur de taxi. La crise sanitaire a eu raison de ses rêves de citadin. Début 2020, il est revenu dans son hameau, où « l’air était pur et la vue reposante ». Mais les flammes ont anéanti ses projets de résinier passionné, et son verger qu’il aimait tant. Il doit de nouveau trouver un autre métier.

    « Il faudra une trentaine d’années pour que les pins puissent repousser et être de nouveau exploitables. Je dois subvenir aux besoins de ma famille. C’est pourquoi j’ai accepté d’intégrer un programme de l’Etat qui, pendant sept ans, me permet de travailler à nettoyer les bois et à replanter des pins. » Un nouveau contrat qui lui rapporte 788 euros net par mois. Avec la collecte de résine, son salaire atteignait environ 1 000 euros net par mois. « Le travail avec les pins, c’est fini. C’est avec regret que je quitte ce métier. Je l’ai aimé, il me ­rapportait bien mais je n’ai plus le choix… Et je ne veux pas retenter une nouvelle aventure en ville », note-t-il avec amertume.

    Le père de Dimitris Stamoulis, Zisimos, travaillait lui aussi dans la résine. Dans les années 1980, 3 500 résiniers habitaient le nord de l’île. Au début des années 2000, une soixantaine d’enfants étaient encore inscrits à l’école du village. Elle n’existe plus. « Nos campagnes se désertifient. Le drame de cet été ne va évidemment pas améliorer cette tendance », soupire Zisimos Stamoulis dans son jardin bien entretenu, à Myrtias.

    Outre les emplois perdus et la nature réduite en cendres, le sexagénaire s’inquiète de la subsistance au quotidien. « L’hiver est rude dans le nord d’Eubée. Il nous faut des tonnes de branchages pour nous chauffer. D’ici trois ans, les bois saccagés ne pourront plus être utilisés. Va-t-on devoir acheter du pétrole ? Et donc dépenser près de 3 000 euros par an ? Personne ici n’en a les moyens. »

    A une dizaine de kilomètres de Myrtias, dans le village de Strofilia, un autre résinier broie du noir. Par des températures glaciales, cloîtré dans son garage près d’un poêle, Kostas Chatzis, 62 ans, se désole : « Notre métier va disparaître. » Blotti à ses pieds, son chihuahua, Rouf, n’avait pas l’habitude de passer autant de temps avec lui. D’ordinaire, dès l’aube, son maître était au travail. « Depuis trente-deux ans, après la fermeture des mines de pierre ponce de Limni, j’arpentais cette pinède qui a disparu en quelques minutes », raconte-t-il, emmitouflé dans son blouson.

    Pendant des années, il a entretenu la forêt, et percevait pour cela une aide de l’Etat. Ses deux fils sont aussi résiniers. Jusqu’à la fin des années 1990, peu de feux survenaient dans cette zone, affirme-t-il. « Le changement climatique est indéniable. Quand on vit si près de la nature, on le voit concrètement. Mais, dans les événements survenus cet été, il y a d’autres responsabilités. Pendant une décennie, les plans d’austérité ont laminé les moyens des pompiers, des gardes forestiers… »

    Kostas Chatzis dénonce aussi le manque de réaction des secours : « Ils ont laissé les forêts partir en fumée… Pendant trois jours, les Canadair étaient déployés dans le nord d’Athènes où un autre incendie s’était déclaré. Dans les alentours, les jeunes luttaient seuls contre les flammes pour protéger en priorité les maisons. » Ce n’est qu’au bout de dix jours, grâce au Mécanisme européen de protection civile, que les pompiers grecs et plus de 1 000 soldats du feu européens arrivés avec 230 véhicules et 9 avions ont réussi à maîtriser les différents incendies du pays, dont ceux d’Eubée.

    Pour autant, le dynamique sexagénaire ne veut pas se laisser abattre : « Il faudra du temps, plusieurs générations vont subir les conséquences de cette tragédie. Mais le vert va refaire partie de nos vies. » Il sait déjà ­comment faire face : « Il y a quelques années, j’avais investi dans 800 figuiers qui n’ont pas tous brûlé. Je vais développer un business de fruits secs et pousser mes fils sur cette voie. »

    Aides au compte-gouttes

    D’après l’Observatoire national d’Athènes (l’institut qui fait le relevé des catastrophes naturelles), le nombre de feux en Grèce en 2021 a augmenté de 26 % par rapport à 2020, et la superficie carbonisée a bondi de 450 %. Sous l’effet d’une vague de chaleur exceptionnelle, avec une canicule qui a duré plus de dix jours, les incendies ont été particulièrement violents et nombreux au mois d’août.

    Les autorités locales ont dénoncé le manque de pompiers, de moyens aériens, et de prévention. Durant la crise économique, le budget alloué aux brigades du feu est passé de 452 millions d’euros, en 2009, à 354 millions, en 2017, et n’a pas été suffisamment revalorisé depuis. En juin, deux mois avant les feux, le gouvernement avait promis d’investir près de 1,7 milliard d’euros pour lutter contre les incendies, grâce à des fonds européens et à la Banque européenne d’investissement.

    Le nombre de gardes forestiers a lui aussi été réduit dans tout le pays, passant de 1 200 à 500 en dix ans, selon l’Union nationale des employés des services forestiers. Des problèmes de gestion des forêts se posent aussi depuis des décennies : le débroussaillage des champs et l’élagage des arbres se font trop rares, les chemins d’accès pour les pompiers et les citernes dans les forêts sont quasi inexistants, et des cartes forestières ­précises manquent.

    A la sortie de la commune de Strofilia, au croisement de plusieurs routes, des agriculteurs sont réunis devant un conteneur blanc. Ce centre de lutte et de solidarité pour les victimes des incendies a été mis en place après les feux pour récolter des vivres, des médicaments et du foin pour les animaux.

    Autour de Babis Tsivikas, représentant du syndicat des agriculteurs d’Eubée, les plaintes fusent lors de cette réunion informelle, mi-novembre. « Pourquoi le premier ministre met-il tant de temps à venir sur place ? », lance un jeune résinier en chemise à carreaux. « Quand allons-nous recevoir l’argent promis ? », enchaîne un apiculteur aux traits tirés et à la barbe de plusieurs jours. « Où sont les représentants du ministère de l’agriculture ? », continue un éleveur quadragénaire à la carrure imposante.

    Le premier ministre, Kyriakos Mitsotakis, est venu constater les dégâts le 14 décembre 2021. Accueilli à Istiaia par des manifestants énervés, vite écartés par des forces antiémeutes, il a annoncé la construction d’une nouvelle route afin de désenclaver la région, la mise en place d’une plate-forme, « Eubée après », sur laquelle tous les citoyens pourront faire leurs propositions pour aider à la reconstruction, et ­réitéré la promesse de dédommagements aux victimes.

    Devant une assemblée d’habitants d’Istiaia et de l’ensemble de la région, il a fait son mea culpa : « Le mois d’août a été traumatisant pour tout le monde, en premier lieu pour vous, car vous avez été confrontés à une immense catastrophe naturelle et écologique. C’était aussi une période très difficile pour nous. Des efforts immenses ont été déployés pour faire face à cet incendie. Mais nous n’y sommes pas parvenus. Je suis très honnête, je l’ai dit au Parlement, je le répète ici, malheureusement, ce feu nous a dépassés. »

    Un aveu qui n’apaise pas la colère. « Les agriculteurs, les professionnels du tourisme, tous les secteurs ont été touchés et n’ont pour l’instant reçu que des aides infimes, s’agace le syndicaliste Babis Tsivikas, assis sur une chaise en plastique devant la caravane blanche de Strofilia. Même les personnes qui ont perdu leurs maisons n’ont reçu que 2 000 ou 3 000 euros ! »

    Un responsable chargé de la reconstruction pour Eubée a été nommé par le gouvernement conservateur. « Il nous parle de master plan, d’investissements d’avenir, de construction de groupes hôteliers, d’éoliennes et de panneaux solaires, poursuit le trentenaire. Ils veulent qu’on devienne tous des entrepreneurs et, bien sûr, qu’un musée des résiniers soit créé pour que les futures géné­rations se souviennent du métier de leurs ancêtres. Nous sommes dans une situation ­tragicomique, mais nous n’avons pas envie de rire. »

    Installé à sa droite sur un tabouret, sirotant un verre de tsipouro, eau-de-vie traditionnelle, Giorgos Kedris ne mâche pas non plus ses mots. Sur les 1 200 oliviers qu’il possédait, seule la moitié va redevenir productive dans cinq ou six ans. Son champ est désormais rempli d’arbres aux branches dorées ou grisâtres, certains ont été déracinés. « Le ministère de l’agriculture donne 16 euros de dédommagement pour un olivier abîmé, mais rien que pour le planter, l’entretenir, l’arroser, ce n’est pas suffisant, ils se moquent de nous », s’énerve le cultivateur aux cheveux poivre et sel.

    Kostas Papagelis, apiculteur, arrive en pick-up gris au point de réunion. Il revient de Chalkida, à près de deux heures de route, où il a relocalisé les 50 ruches sauvées des flammes sur la centaine qu’il possédait autour de Strofilia. Le nord d’Eubée était parmi les régions grecques les plus prisées des apiculteurs en raison de son microclimat, sa biodiversité et ses forêts de pins préservées qui offraient des ­conditions idéales à la production d’un miel recherché.

    Environ 2 500 apiculteurs y exerçaient, et environ 40 % du miel de pin grec était produit sur l’île. « A Chalkida, au moins, il reste des fleurs à butiner, explique-t-il. La seule aide que ­j’obtiens provient de citoyens qui nous envoient des caisses de nourriture – des sirops et du pain de sucre – pour les abeilles. Je les en remercie mais c’est une goutte d’eau pour mes reines assoiffées ! »

    Recours au privé

    Prairies fertiles, vallées abondantes, Eubée, dont le nom signifie « bon bétail » en grec ancien, était aussi idyllique pour l’élevage. Dans le nord, des milliers d’éleveurs s’étaient installés sur ses terres riches, depuis des générations. Dans le village perché de Kourkouli, Vassilis Christodoulou a réussi à ­sauver 120 chèvres et moutons sur les 600 bêtes de son troupeau. Président de la commune de 200 habitants, il dit ne plus rien attendre du gouvernement. Il souhaiterait mettre en place une coopérative des éleveurs, éviter les intermédiaires et vendre à un meilleur prix la viande et le lait.

    Le quadragénaire a fait appel à la fondation Stavros Niarchos, du nom du célèbre armateur mort en 1996. « Puisque l’Etat n’est pas efficace, nous devons nous tourner vers le privé, estime Vassilis Christodoulou dans un café du village. La fondation est venue nous rendre visite avec un ingénieur agronome, un avocat, un comptable pour nous conseiller et proposer des projets concrets. »

    A une dizaine de kilomètres, au bout d’un chemin cabossé, dans le vallon de Kechries, Aris Tsoupros, 60 ans, serait partant pour la mise en place d’une coopérative. « Nous vendons notre lait 80 centimes alors que dans d’autres régions il est à 1,20 euro : pourquoi ? Il faut trouver une solution ! »

    Cet été, il a perdu 20 chèvres, il lui reste encore une cinquantaine de moutons. « Le ministère de l’agriculture propose 35 euros de dédommagement par bête, mais il faut compter près de 100 euros pour en racheter une. » Son fils, qui a perdu la moitié de son troupeau de 40 moutons, a déménagé à Athènes. « Il est parti mais moi, à mon âge, je ne vais pas refaire ma vie, lance-t-il. Je vais rester ici et me battre pour ma terre. »

    Alors, avec des amis et sous l’œil de Garyfallia, sa mère de 80 ans, Aris Tsoupros rebâtit un hangar, avant la naissance des agneaux qui approche. La retraitée mène à la baguette son fils, qui l’appelle ­ « l’architecte », mais elle prend aussi le temps de caresser le sanglier de 4 ans qu’elle a adopté. « Nous avons perdu des chevreaux, leurs fantômes nous hantent encore mais la vie reprend le dessus, assure la vieille femme. J’ai connu la guerre, la dictature, cette épreuve ne doit pas nous effrayer, nous allons retrouver nos collines verdoyantes. »

    A l’entrée d’un village désert, Thanassis Livadias, un marin qui a navigué sur toutes les mers du monde, avait nommé le restaurant qu’il avait ouvert à sa retraite Paradiso. « C’était pour moi l’endroit sur terre où je me sentais le mieux, mon jardin d’Eden, témoigne-t-il, ému. Les pins, les oliviers, les vergers, la flore et la faune si riches… Il ne reste rien. Désormais, nous nous regardons les uns les autres en nous demandons de quoi notre avenir sera fait… »

    A l’orée des bois, pourtant, il a trouvé il y a quelques jours des cyclamens et des repousses d’arbustes. Le soleil perce les nuages et la luminosité redonne des couleurs chatoyantes à la campagne. « Ça doit être le signe ­qu’Eubée va renaître. Malgré ma tristesse, je veux y croire. »

    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2022/01/09/en-grece-la-difficile-reconstruction-de-l-ile-d-eubee-apres-les-incendies-de

  • La tumultueuse fin de règne de Didier Raoult, désavoué par sa fille médecin et inquiété par la justice
    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2022/01/12/la-tumultueuse-fin-de-regne-de-didier-raoult-desavoue-par-sa-fille-medecin-e

    Même sa famille se fracture. La querelle couvait à bas bruit chez les Raoult, elle éclate désormais au grand jour. Le prénom de la fille de Didier, Magali (Carcopino-Tusoli), avait déjà disparu de la fiche Wikipédia de son père. Gommée du CV paternel, comme répudiée en ligne : elle n’est plus qu’« une fille née d’une précédente union » au côté de Sacha et Lola, les deux autres enfants du microbiologiste marseillais. Mais depuis que cette spécialiste en médecine vasculaire, qui ­officie à l’hôpital public marseillais de Sainte-Marguerite, s’est opposée aux avis médicaux du célèbre professeur, la guerre a pris un nouveau tour.

    La fille de Didier Raoult a décidé de citer en comparution directe pour « diffamation et injures » l’un des plus proches collaborateurs du fondateur de l’institut hospitalo-universitaire (IHU) de Marseille : le biochimiste Eric Chabrière, sniper chargé par l’institut de le défendre sur les réseaux sociaux. Une

  • « La cinquième vague arrive sur un hôpital qui est exsangue » : Laurent Zieleskiewicz, médecin anesthésiste-réanimateur
    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2022/01/07/la-cinquieme-vague-arrive-sur-un-hopital-qui-est-exsangue-laurent-zieleskiew

    Le professeur, chef de service adjoint du département d’anesthésie-réanimation de l’#hôpital Nord de Marseille, dresse un constat d’échec sur l’état de l’hôpital face à l’augmentation des contaminations au #Covid-19 liées au variant Omicron.

    Un tableau synthétique, clair et en accès libre (et vu la publi, c’est étonnant pour toutes ces raisons).

    #APHM vent debout contre le sabotage local de la santé, donc.

    edit
    appel à la vaccination à destination des Marseillais (40% de non vaccinés) par plusieurs centaines de médecins ; témoignage d’un hospitalisé qui subit un report de soins

    « 85 % des patients sont des patients #non-vaccinés, des hospitalisations qui sont parfaitement évitables » - Professeur Lionel Velly, chef du service de réanimation de La Timone à Marseille #AFP #AFPTV

    https://seenthis.net/messages/943261

    #Marseille

  • Emmanuel #Cappellin, le #documentariste qui en savait trop sur l’avenir de la #planète
    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2021/09/22/emmanuel-cappellin-le-documentariste-qui-en-savait-trop-sur-l-avenir-de-la-p
    #quand_on_sait

    Chez la première, il se sensibilise aux odeurs de la #forêt, fréquente une école Freinet, où ses instituteurs (qu’il découvrira plus tard anarchistes militants) lui apprennent la médiation entre enfants et la mise en projets de ses idées. Avec son père, qui n’a pas de voiture, faute de moyens, il parcourt la France à vélo et en canoë. Dès le collège, il prend des cours de biologie, par passion.

    [...]

    Une forme de réponse lui apparaît lors du #tournage de son film. Il rencontre Susanne Moser, une #géographe allemande qui accompagne des populations victimes de la montée des eaux. « Elle m’a dit quelque chose qui me guide : “Même au cœur d’une situation dans laquelle on se sent dépossédé du pouvoir d’agir, il nous reste le pouvoir de décider comment vivre ce qui nous est imposé.” »

    Comme si ses actes n’étaient toujours pas à la hauteur, Emmanuel Cappellin « décide de vivre ce qui lui est imposé » en s’engageant auprès d’#Extinction_Rebellion (XR), mouvement qui alerte sur l’urgence climatique par des actions de désobéissance civile non violentes. « Grâce à cela, je réconcilie le politique et l’intime. Je suis plus apaisé. » Il s’est ainsi allongé devant l’Assemblée nationale contre la loi climat, a envahi le Muséum national d’histoire naturelle pour alerter sur l’effondrement de la diversité.

    Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Nous n’avons pas besoin que ces jeunes viennent nous dire quoi faire » : un squat d’Extinction Rebellion divise un village en Seine-et-Marne
    « Ces actions peuvent paraître anecdotiques mais sont les prémices de #mouvements plus larges qui n’auront peut-être plus la forme #non_violente d’aujourd’hui… » à l’approche de la sortie de son #film, il se moque du baby-blues. « Je travaille sur la réponse que la société va donner à la crise climatique. » De quoi faire encore quelques insomnies.

  • A Paris, inauguration en grande pompes d’un laboratoire de la philantropie
    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2021/09/30/a-paris-inauguration-en-grande-pompes-d-un-laboratoire-de-la-philantropie_60


    Le Philanthro Lab, dans le 5e arrondissement de Paris. STEPHANE LAGOUTTE/CHALLENGES-REA

    ÉCONOMIE FRANÇAISE

    Le tout premier Philanthro-Lab, un environnement entièrement consacré aux projets philanthropiques, sera inauguré par Anne Hidalgo, Valérie Pécresse et Gabriel Attal ce jeudi 30 septembre dans le 5e arrondissement de #Paris.

    C’est Phillipe Journo (Compagnie de Phalsbourg) qui régale

    « Philippe Journo est un patron « très exigeant », « sur le terrain en permanence » mais « loyal et généreux, c’est son côté méditerranéen » et -« profondément humain », confient ses collaborateurs, qui lui doivent une disponibilité vingt-quatre heures sur vingt-quatre « voire quarante-huit heures sur vingt-quatre ». (...) J’ai alors découvert qu’être investisseur dans l’immobilier commercial, c’était le rêve »

    https://justpaste.it/7oe88

    Présenté comme un self made man à la Tapie, ce fils d’instituteur et de petit commerçant s’est lancé avec 500 000 francs fournit par son père, commerçant pas si « petit » semble-t-il.

    #immobilier #centres_commerciaux #Philippe_Journo #philantropie

  • « Laisser mariner le DRH a été une revanche sur tous les refus que je me suis pris » : ces candidats à l’embauche qui se sont volatilisés
    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2021/09/23/laisser-mariner-le-drh-a-ete-une-revanche-quand-les-candidats-a-l-embauche-d

    Le postulant ne décroche plus, le collaborateur tout juste arrivé disparaît… Le « ghosting » devient de plus en plus courant dans le monde du travail. Une inversion du rapport de force entre recrutés et recruteurs, déstabilisante pour ces derniers.

    Dans la dernière ligne droite, à quelques heures de la signature du contrat, ils se volatilisent. D’autres ne font que quelques tours de piste sur moquette avant de prendre la poudre d’escampette. Sans tambour ni trompette, d’un coup, sans prévenir ni se retourner. Candidats en cours de recrutement comme salariés récemment embauchés, ils sont de plus en plus nombreux à se transformer en fantômes, abandonnant leur futur employeur ou leur emploi sans même un message ou un coup de fil.

    On connaissait le phénomène du ghosting (de l’anglais ghost, fantôme) sur les applications de rencontres, voilà qu’il touche le monde du travail. Pendant longtemps, se faire planter du jour au lendemain a fait partie des risques du métier dans les secteurs dits difficiles de la restauration, du bâtiment, ou des services à la personne. « Quelques jours et puis s’en vont », résume Georges, artisan plombier près de Nancy. « C’est rare d’avoir une explication mais quand c’est le cas, les mêmes raisons reviennent : ils ont trouvé mieux, plus près, mieux payé, moins fatigant. »

    Aujourd’hui, la pratique s’étend à une population de cadres, qui jusqu’à récemment respectaient le pas de deux avec les entreprises. Pas de données chiffrées sur la tendance mais, sur le terrain, les professionnels confirment (sous le couvert de l’anonymat le plus souvent) une diffusion de la disparition soudaine, en particulier chez les moins de 35 ans. « Nous nous sommes habitués à ne pas avoir de retour quand nous sollicitons des candidats, concède Hymane Ben Aoun, fondatrice d’Aravati, un cabinet de chasseurs de têtes spécialisé dans les profils high-tech. C’est plus surprenant quand on a commencé une vraie discussion, voire signé un contrat comme cela arrive parfois. » Il y a peu, après quinze jours de silence radio, un consultant avec une dizaine d’années d’expérience ne s’est pas présenté le jour de son embauche. « Il a semble-t-il été retenu par son entreprise, mais n’a pas songé à nous avertir. »

    Inversion du rapport de force
    Certains se défilent après avoir mis un pied dans leur boîte. Patrick Barrabé, conférencier et consultant en stratégie d’entreprise, se rappelle ainsi cette recrue, embauchée après deux longs mois de recherches au service marketing d’une société de distribution. Présentée à l’ensemble des équipes, elle n’est pas réapparue le lendemain. « On l’a retrouvée quelque temps après sur LinkedIn, en poste ailleurs. »

    « C’est une problématique qui monte, particulièrement dans la tech où le turnover avoisine les 20 %, confirme Aude Barral, cofondatrice de CodinGame, un site de programmation informatique, qui a aussi une activité de recrutement. Les rapports de force sont alors bien souvent inversés. Ce sont les candidats qui décident ou non de donner suite aux messages. » Dans ce secteur où, selon l’enquête semestrielle de juillet 2021 de Numeum, le syndicat professionnel des entreprises du numérique, « 95 % des recrutements ont déjà été relancés dès début 2021, pour répondre à la forte croissance attendue », l’ère post-Covid ressemble furieusement au monde d’avant. Avec les mêmes difficultés, voire davantage, pour trouver la perle rare. « En 2020, nombre d’entreprises ont gelé leurs recrutements. Parallèlement, pendant la crise, le seul levier de croissance a été le digital, décrypte Mme Ben Aoun, d’Aravati. Résultat, aujourd’hui tout le monde veut accélérer sur les projets de transformation Internet et recherche les mêmes compétences », poursuit la dirigeante, qui observe une hausse de 25 % des offres d’emploi par rapport à 2019.

    Une embellie qui, selon la dernière note de conjoncture de l’Insee (juillet 2021), et sauf remise sous cloche de l’économie, devrait concerner d’autres secteurs et entraîner un rebond massif des créations d’emplois. Le marché du travail devrait ainsi retrouver son niveau d’avant-crise, et les plus courtisés, leurs prétentions. Et parfois leur désinvolture.

    Facile de disparaître
    L’embarras du choix, un secteur porteur, une expertise recherchée, ne sont pas les seules explications à ces comportements irrespectueux. Certains glissent, au risque de généraliser, que les nouvelles générations, habituées à « swiper » les profils sur Tinder, seraient plus enclines à agir de même dans le cadre professionnel. On zappe un entretien comme une « date » (rendez-vous amoureux) décevante. Plus distantes envers le travail et l’entreprise, en quête de sens, mais aussi de satisfactions immédiates, elles n’hésiteraient pas à se dérober, sans même se donner la peine de répondre. Pour Aude Barral, de CodinGame, en agissant ainsi, « les candidats veulent souvent éviter les conflits ou le malaise ». « Pour eux, il est plus facile de tout simplement “disparaître” que d’envoyer un message de refus ou de décrocher un téléphone. »

    Il est vrai que la fuite coupe court à toute explication, une stratégie d’autant plus confortable quand on manque d’arguments. Processus de recrutement jugé trop long ou opaque, « mauvais feeling », « flemme », manque de temps, sont autant de raisons difficilement avouables. « Quand on est contacté par des entreprises sur LinkedIn plusieurs fois par semaine, il faut que ça aille vite, quinze jours au maximum, confirme Lucas, jeune ingénieur informaticien. Au-delà, on perd en motivation et on se lasse », avoue celui qui affirme ne pas répondre aux nombreuses sollicitations mais n’être « jamais allé jusqu’à poser un lapin ».

    D’autres ont moins de scrupules. « Nous avons eu le cas de ce candidat senior avec qui tout s’était admirablement bien passé, évoque la DRH d’une PME. Mais après la signature de la proposition d’embauche, nous l’avons complètement perdu. Il nous a blacklistés, impossible de le joindre, plus aucune nouvelle. Nous sommes une petite structure, nous l’imaginions déjà parmi nous, tout le monde l’attendait en somme. Mine de rien, même si on sait que cela arrive de plus en plus fréquemment, quand vous y êtes confronté, vous vous sentez un peu trahi, c’est abrupt. »

    Effet boomerang
    Les mauvais esprits rétorqueront que les recruteurs paient là leurs mauvaises manières. Qu’ils sont victimes de leurs propres pratiques. Qui n’a pas attendu en vain un retour après une candidature spontanée ou en réponse à une offre d’emploi ? Qui ne s’est pas agacé des sollicitations « à côté de la plaque » de cabinets de recrutement ? « Les salariés reproduisent aujourd’hui les comportements de certains recruteurs. On peut le déplorer mais c’est une réalité, un effet boomerang », considère le consultant Patrick Barrabé.

    A la première occasion, il est alors tentant pour le « ghosté » de devenir « ghosteur ». Comme Juliette, 28 ans, responsable achats, frustrée des accusés de réception automatiques et des non-retours après entretien. C’est donc sans culpabilité qu’elle a laissé se perdre dans le silence le soudain intérêt d’un DRH pour son profil. Il est vrai qu’entre-temps, elle avait une promesse d’embauche d’un autre employeur. « Ce n’est pas une attitude très mature, mais le laisser mariner a été un peu une revanche sur tous les refus que je me suis pris dans la figure, explique la jeune femme. Il a en quelque sorte payé pour les autres, même si je doute que cela lui ait fait grand-chose. »

    Non-réponse pour non-réponse, impolitesse pour impolitesse. La loi du talion en milieu professionnel. Une stratégie dangereuse, selon le cabinet de recrutement S & you. « Il n’est jamais bon d’insulter l’avenir, d’autant que le monde professionnel est petit. Le consultant en recrutement que vous avez “ghosté” aujourd’hui sera peut-être, demain, votre DRH. Le candidat que vous avez oublié d’informer deviendra peut-être un manageur influent », poursuit le chasseur de têtes. « Jouer les fantômes, c’est prendre le risque qu’à chaque prise de références, chaque dîner de promo, au gré d’une rencontre de hasard, surgisse le spectre de votre égarement d’un jour. » Une situation peu confortable qui peut hanter longtemps.

    #travail #emploi #recrutement #candidat #DRH

    • Bonjour les geignards, on se croirait dans une réunion d’incels  : les gus qui effectivement, reprennent dans leur gueule leurs mauvaises pratiques. Le fait aussi que beaucoup de gens, en mettant de la distance avec la boiboite, ont découvert qu’ils ne supportaient plus les comportements inacceptables qui sont devenus la norme. Quand tu as le énième gros lourd qui te demande en entretien si tu vas pondre, je ne vois pas pourquoi se faire chier ensuite à être polis.

    • J’ajouterai à ce que vient de dire @monolecte qu’il y a peut-être matière à voir dans ces comportements le début d’une prise de conscience des rapports pervers engendrés par le rapport de subordination induit par le salariat.

      Mais peut que je rêve là en fait...

    • Pour être côté recruteur, ce qui me met mal à l’aise, ce sont les gens qui postulent à une annonce pour CDI 2 ans d’expérience alors qu’ils ont besoin d’un stage ou d’une alternance et qu’ils sont sans expérience. En terme de charge mentale, j’ai un mal fou à suivre.
      Pour revenir à ce que les RH se prennent dans la tronche, qui sont à mon avis des erreurs de casting de leur part, erreurs anecdotiques, plutôt que des phénomènes de masse, les coups bas, on peut en faire dans tous les sens. J’ai découvert sur Twitter que la possession d’un iPhone, ça faisait de toi autre chose qu’un prolo. Un prolo++ que les prolos— pouvaient mépriser en retour des mépris réciproques que l’on se doit les uns les autres.
      Méprisons nous les uns les autres. On en sortira tous par le haut.

  • A Paris, la guerre des voisins est déclarée contre le futur écoquartier Saint-Vincent-de-Paul
    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2021/09/17/a-paris-la-guerre-des-voisins-est-declaree-contre-le-futur-ecoquartier-saint


    L’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul, à Paris. MICHEL GAILLARD/REA

    Porté par la Mairie de Paris, le projet de reconversion du site de l’ancien hôpital mobilise contre lui une partie des riverains et des personnalités du monde de la culture.

    accès libre

  • Sur TikTok, des profs changent de tactique
    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2021/09/17/sur-tiktok-des-profs-changent-de-tactique_6094965_4500055.html

    En classe, ce sont des enseignants comme les autres. Mais sur ce réseau social ultrapopulaire chez les 13-24 ans, ils se lâchent : sketchs, défis, quiz, leçons en accéléré… Un moyen de désacraliser leur métier sans le décrédibiliser.

    #Education #TikTok

  • Pluriactivité. « OnlyFans m’assure un complément de revenus de 200 à 600 euros par mois » : Pierre-Nicolas, créateur de porno amateur
    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2021/09/03/onlyfans-m-assure-un-complement-de-revenus-de-200-a-600-euros-par-mois-pierr

    Je travaille pour le service après-vente d’une chaîne de restauration et je gagne 1 500 euros net par mois. Après avoir payé mon loyer et mes charges fixes, il ne me reste que 150 euros. Mais OnlyFans m’assure un complément de revenus de 200 à 600 euros par mois.
    Sur mon profil, je publie des photos de moi nu et des vidéos de masturbation. J’ai actuellement 72 abonnés, uniquement des hommes, principalement gays, qui payent 10 dollars par mois pour y avoir accès. La plateforme prend 20 % de commission. (...)

    Je me suis lancé le 2 mai 2020. J’étais en #CDD avec une promesse d’embauche en CDI, mais avec le confinement, elle ne s’est pas concrétisée. Je me suis retrouvé sans #travail [il veut dire #salaire ? ndc] pour la première fois de ma vie. Il m’a fallu dans l’urgence trouver de quoi payer un mois de loyer. OnlyFans, j’y pensais déjà depuis quelque temps. Comme j’avais déjà un compte privé sur Twitter, où je poste des photos de moi un peu dénudé, j’ai annoncé sur ce réseau que je créais un profil sur cette plateforme.

    à la rubrique renouveau des "petits métiers"...

  • En Haute-Savoie, un gisement de « vacanciers » venus des Emirats arabes unis
    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2021/07/25/en-haute-savoie-un-gisement-de-vacanciers-venus-des-emirats-arabes-unis_6089

    En Haute-Savoie, un gisement de « vacanciers » venus des Emirats arabes unis

    Cet été, les deux hôtels de luxe d’Annemasse affichent complet. Venue se rafraîchir près du lac Léman, la famille régnante des Emirats arabes unis les a entièrement réservés pour héberger son personnel.Cet été, la famille régnante des Emirats arabes unis a privatisé la totalité des 180 chambres et les restaurants des deux hôtels de luxe d’Annemasse (Haute-Savoie). Un Mercure et un Novotel, du groupe Accor, où logeront le personnel des Al Nahyane, les ministres et une partie du service d’ordre. (...) Annemasse, 35 000 habitants, n’est pas réputée pour son effervescence culturelle. Sa localisation, proche de la frontière suisse et au pied des Alpes, en fait plutôt un lieu de départ de randonnées ou une étape sur la route de Genève et de Chamonix. Les touristes arrivent rarement en masse et encore moins depuis le début de la crise sanitaire. La venue du personnel du clan royal ne semble pas faire trop de tort à la ville.
    L’été dernier, pandémie oblige, la royale tribu n’était pas venue profiter de ses villas françaises à Vétraz-Monthoux, à 10 minutes d’Annemasse. Et si, habituellement, le personnel est logé dans des hôtels genevois, cette année les Emiratis ont préféré garder leur suite près d’eux, par précaution. Une grande première. Chaque entrée et sortie de l’hôtel est minutieusement contrôlée afin d’éviter toute forme de contamination. Impossible alors d’imaginer partager l’hôtel avec d’autres touristes. Une bulle sanitaire bienvenue tandis que, en Suisse et en France, une hausse des cas se dessine.

    #Covid-19#migrant#migration#france#emiratsarabesunis#sante#bullesanitaire#elite#tourisme#contamination#pandemie

  • En Haute-Savoie, un gisement de « vacanciers » venus des Emirats arabes unis
    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2021/07/25/en-haute-savoie-un-gisement-de-vacanciers-venus-des-emirats-arabes-unis_6089


    L’hôtel Novotel d’Annemasse (Haute-Savoie), privatisé pour l’été par la famille régnante des Emirats arabes unis.
    ADELAIDE SCHUTZ/LE DAUPHINÉ/PHOTOPQR/MAXPPP

    Cet été, les deux hôtels de luxe d’Annemasse affichent complet. Venue se rafraîchir près du lac Léman, la famille régnante des Emirats arabes unis les a entièrement réservés pour héberger son personnel.

    Un accord avec Accor
    Cet été, la famille régnante des Emirats arabes unis a privatisé la totalité des 180 chambres et les restaurants des deux hôtels de luxe d’Annemasse (Haute-Savoie). Un Mercure et un Novotel, du groupe Accor, où logeront le personnel des Al Nahyane, les ministres et une partie du service d’ordre. Le maire de la commune, Christian Dupessey, n’a pas eu son mot à dire. L’élu ne fait aujourd’hui d’ailleurs plus aucun commentaire sur cette histoire même s’il avait trouvé « choquant (…) qu’un Etat privatise les deux plus beaux hôtels de la ville pendant la saison touristique », selon ses mots, rapportés par Le Parisien.
    […]
    Un cocon sanitaire
    L’été dernier, pandémie oblige, la royale tribu n’était pas venue profiter de ses villas françaises à Vétraz-Monthoux, à 10 minutes d’Annemasse. Et si, habituellement, le personnel est logé dans des hôtels genevois, cette année les Emiratis ont préféré garder leur suite près d’eux, par précaution. Une grande première. Chaque entrée et sortie de l’hôtel est minutieusement contrôlée afin d’éviter toute forme de contamination. Impossible alors d’imaginer partager l’hôtel avec d’autres touristes. Une bulle sanitaire bienvenue tandis que, en Suisse et en France, une hausse des cas se dessine.

    Des propriétés de vacances
    Depuis des décennies, Mohammed Ben Zayed Al Nahyane et sa famille viennent passer l’été sur les collines de Vétraz-Monthoux, une localité de 9 000 habitants. Le prince héritier et ministre de la défense d’Abou Dhabi s’y plaît tant qu’il a demandé à construire un héliport sur sa propriété, pour faciliter ses déplacements depuis l’aéroport de Genève. Plusieurs membres de la famille royale possèdent aussi des terres dans la région. L’actuel président, le cheikh Khalifa Ben Zayed Al Nahyane, passe par exemple quelques mois de l’année à Maxilly-sur-Léman, un village de 1 300 habitants, sur les bords du lac. Un domaine que son père avait acquis en 1991.

  • « On veut juste obtenir un billet pour retrouver nos vies » : la diaspora algérienne privée de retour au pays
    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2021/07/23/on-veut-juste-obtenir-un-billet-pour-retrouver-nos-vies-la-diaspora-algerien

    Plus d’un mois après la timide réouverture des frontières de l’Algérie, ils sont encore des milliers bloqués en France à cause du nombre limité de vols et des conditions d’accès au territoire très strictes. Un exil qui génère souffrance et incompréhension.
    « Mes enfants ne rencontreront jamais leurs grands-parents… Trop âgés et malades », lâche Karim, résigné. Deux ans ont passé depuis sa dernière visite dans sa famille, non loin d’Oran. Entre-temps, l’Algérie a fermé ses frontières, le 17 mars 2020, à cause de l’épidémie de Covid-19. Karim est né en France et vit en Lorraine. A 39 ans, il travaille en usine et, malgré la rareté des congés, il a besoin de rejoindre sa famille plusieurs fois par an.
    Le 16 mai, quand le gouvernement algérien a annoncé la reprise des vols commerciaux pour les détenteurs d’un passeport du pays sous certaines conditions à partir du 1er juin, le jeune père a eu un brin d’espoir. Un sentiment de courte durée en apprenant que seuls deux vols hebdomadaires étaient disponibles. Selon Karim, le chiffre est monté depuis à une dizaine, une fréquence encore loin des 250 trajets habituels. Environ 800 000 Algériens vivent en France, selon l’Insee ; et, pour des milliers d’entre eux, les nuits blanches passées à rafraîchir les pages des compagnies aériennes en quête d’un billet s’enchaînent. Pour un certain nombre, leur vie est en Algérie. Derrière leurs ordinateurs, ils attendent l’ouverture de la billetterie, jamais annoncée à l’avance, pour ne pas louper les vols au départ de Paris ou de Marseille, pris d’assaut en moins de quinze minutes. Des billets qui peuvent être réservés seulement quelques jours avant le décollage, car les compagnies aériennes reçoivent les autorisations de vol par le gouvernement algérien généralement une semaine avant le départ.

    Les centres d’appels d’Air Algérie sont saturés et ses agences physiques à Paris et à Marseille fermées depuis le 31 mai pour « raisons de sécurité ». Sur les réseaux sociaux, des milliers d’Algériens bloqués en France s’échangent alors des conseils. Le principal groupe Facebook recense 25 000 personnes. « Ne réservez pas de billets à l’avance, pourtant disponibles sur les sites des compagnies, ils ne correspondent pas à des vols autorisés », répètent les internautes.
    Si trouver un billet n’est pas chose aisée, encore faut-il réussir à réunir la somme demandée. Leur prix a doublé par rapport au tarif habituel. Près de 700 euros pour un aller simple auxquels doivent s’ajouter pour la grande majorité des voyageurs environ 200 euros, le prix de cinq nuits d’hôtel à passer confinés. Seuls les étudiants et les personnes âgées à faibles revenus sont exemptés de ces frais de logement. « Le prix et le confinement ne sont même plus à prendre en compte. On veut juste obtenir un billet pour retrouver nos vies. Mais, aujourd’hui, il faut connaître quelqu’un pour réussir à partir », souffle Sofia Djama, qui dénonce une forme de clientélisme. Depuis janvier 2020, la réalisatrice algérienne est bloquée en France alors qu’elle ne devait y passer que quelques semaines avec son compagnon. Tous les matins, elle pense à Alger, la ville où elle a grandi et où elle réside. « Je n’ai pas pu assister à l’enterrement de ma mère. Le problème est qu’avec si peu de vols les drames continuent… Tous les Algériens qui résident en France veulent rentrer voir leurs parents une dernière fois, car l’épidémie progresse. » Adlène Détentrice de la double nationalité, la cinéaste a laissé derrière elle une boîte de production, son nouveau projet, son chat et une maison qu’elle venait d’acheter. « Désormais, il est impossible de réfléchir à l’avenir. Ils ont réquisitionné nos vies les plus intimes, ils nous ont exilés de force de notre propre pays. Ce qui me choque, c’est que mon passeport algérien ne me sert même pas à rentrer chez moi. Je ne leur pardonnerai jamais », sanglote Sofia Djama.
    Nesrine, 26 ans, vit en banlieue parisienne depuis six ans. L’étudiante en graphisme a dû assister au mariage de sa sœur en visioconférence. « J’ai pleuré, évidemment », se souvient la jeune fille en souriant. Elle relativise sa situation en se comparant avec d’autres étudiants, plus précaires. Malgré des moments difficiles, Nesrine ne veut pas inquiéter ses parents, qui vivent près d’Alger, du côté d’El Biar : « Etonnamment, l’isolement est devenu une habitude. Je les appelle moins souvent mais plus longtemps. J’évite aussi de les joindre si je ne suis pas dans mon assiette, ce qui arrivait souvent l’année dernière. »Des mariages manqués mais aussi des deuils à surmonter… L’année dernière, Adlène, qui réside en France depuis douze ans, a perdu ses deux parents : « Je n’ai pas pu assister à l’enterrement de ma mère. Le problème est qu’avec si peu de vols les drames continuent… Tous les Algériens qui résident en France veulent rentrer voir leurs parents une dernière fois, car l’épidémie progresse. » Depuis le début de la pandémie, le pays a officiellement enregistré seulement 3 938 décès. Adlène regrette la manière dont est gérée la crise par le gouvernement de son pays natal : « En utilisant la fermeture des frontières comme levier sanitaire, les autorités algériennes pointent du doigt la diaspora. Nos compatriotes pensent désormais que ce sont ceux qui viennent de l’extérieur du pays qui amènent la maladie. » Pour la première fois depuis novembre 2020, le pays a dépassé la barre des 500 contaminations quotidiennes. Dans le plus grand pays du Maghreb, 10 % de la population est vaccinée et les hôpitaux commencent à être saturés. « La dernière chose que l’on souhaite est de se retrouver dans un hôpital là-bas… Un ami à Alger me disait : “Tout le monde ici veut se casser et toi, tu veux rentrer !” », se désole Sofia, pourtant loin d’être prête à abandonner.

    #Covid-19#migrant#migration#algerie#diaspora#retour#frontiere#circulation#stigmatisation#mesuresanitaire#famille

  • De la téléréalité à la sphère politique, comment les influenceurs imposent leurs goûts au public | Enquête sur le « marketing d’influence » (Claudia Cohen, Le Figaro, 21/06/2021)
    https://www.lefigaro.fr/actualite-france/de-la-telerealite-a-la-sphere-politique-comment-les-influenceurs-imposent-l

    La vidéo du président de la République Emmanuel Macron aux côtés des youtubeurs McFly et Carlito fut sans précédent dans l’histoire de la communication politique française. Un temps décriés, les influenceurs ont rebattu les cartes de la communication. Des créateurs de contenus passionnés par un domaine sur YouTube aux personnalités populaires sur les #réseaux_sociaux comme Instagram, TikTok, Snapchat ou Twitch, en passant par les candidats d’émissions de téléréalité, la France compte aujourd’hui près de 150 000 influenceurs. EnjoyPhoenix (3,7 millions d’abonnés), Tibo InShape (6 millions d’abonnés) ou Nabilla (5,6 millions d’abonnés), comment expliquer un tel succès ?

    Porté par la pandémie, le business mondial du marketing d’influence a dépassé 15 milliards de dollars l’an passé. Un influenceur est « une personne qui influence l’opinion, la consommation par son audience sur les réseaux sociaux », selon les lexicographes du Petit Robert. Leur capacité à fidéliser de jeunes communautés virtuelles fascine jusqu’à la sphère politique, à la veille d’une nouvelle campagne présidentielle. Celle-ci y voit l’opportunité de toucher un public d’ordinaire très peu réceptif à la #communication traditionnelle. Lors du premier tour des régionales, dimanche, l’#abstention chez les jeunes a atteint des records : 87 % des 18-24 ans ne se sont pas exprimés dans les urnes, selon Ipsos.

    La promotion de projets gouvernementaux par des influenceurs, qui se définissent comme « apolitiques », s’est accélérée avec La République en marche. Le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, s’est affiché avec eux pour discuter des préoccupations étudiantes. Le ministère de la Jeunesse et des Sports en a fait une stratégie de communication à part entière. Plusieurs youtubeurs, dont Tibo InShape, avaient fait la promotion du service national universel (SNU), destiné aux 15-17 ans. Lorsque les partenariats sont rémunérés, les rétributions peuvent atteindre jusqu’à 30 000 euros, selon nos informations. Une communication qui reste moins coûteuse et plus ciblée qu’une campagne de publicité classique. Et qui présente l’intérêt de s’exprimer sans filtre.

    Avant que certains n’envahissent l’espace politique, les influenceurs étaient surtout connus pour la vente de produits à la manière d’un téléachat 2.0. Thé amincissant, ceinture gainante ou robot de cuisine : ils mettent en scène l’utilisation d’un produit au quotidien à partir d’un brief rédigé par la marque. Grâce à des codes promotionnels personnalisés proposés aux abonnés, les annonceurs peuvent mesurer la rentabilité de chaque influenceur. Depuis quelques années, des agences comme Webedia, We Events ou Shauna Events s’attachent à monétiser la popularité de leurs poulains. « Nous gérons la carrière de nos influenceurs comme les agents de la série Dix pour cent s’occupent de leurs talents », résume Hugues Dangy, patron de la chaîne Non Stop People, associé au groupe Banijay (en 2018, Banijay intégrait le capital de l’agence Shauna Events). Dans les prochains jours, la société de production va annoncer le lancement de l’entité Banijay Talent, qui regroupe l’ensemble de ses activités de #marketing d’influence. Pour constituer son catalogue, elle signe des contrats d’exclusivité avec des candidats d’émissions de télévision comme le concours de beauté Miss France, le jeu d’aventures « Koh-Lanta » ou la téléréalité « Les Marseillais ».

    Certains candidats devenus influenceurs peuvent gagner entre 80 000 et 300 000 euros par mois. Cinq cents personnalités issues de la téléréalité sont sous le feu des projecteurs. Voyages de rêve, opérations de chirurgie esthétique et premiers pas de leurs enfants, elles alimentent leurs réseaux sociaux en filmant leur vie, entre deux placements de produits. Du moins ce qu’elles souhaitent en montrer. Instagram peut s’apparenter à un temple du bonheur de pacotille.

    Parfois, le placement de produit sur les réseaux sociaux vire à l’absurde. Il n’est pas rare de croiser sur Snapchat un jeune homme faisant la promotion d’une culotte menstruelle ou mettant en avant de fausses promotions. « Les influenceurs ont un devoir de responsabilité. Certains se servent du lien de confiance avec leur communauté, souvent très jeune, pour vendre des produits de mauvaise qualité et réaliser des bénéfices démesurés », explique Sam Zirah, créateur de contenu aux plus de 2 millions d’abonnés sur YouTube et spécialiste du milieu. Conscient de ces quelques dérives, Bercy a récemment renforcé plusieurs dispositifs pour protéger le consommateur.

    À l’image des gagnants du Loto, certains influenceurs connaissent une gloire soudaine et amassent des sommes considérables en peu de temps. Les plus malins se tournent vers des avocats fiscalistes pour gérer leur rémunération. D’autres préfèrent fuir le pays pour s’installer à Dubaï. Ce nouvel eldorado dispose d’un taux d’imposition proche de zéro.

    Devenir un influenceur, c’est le rêve de nombreux jeunes qui se voient déjà en haut de l’affiche. Abandonner une partie de sa vie privée au public est perçu par certains comme un moyen de parvenir à une réussite financière sans être issu d’un milieu social favorisé ou passer par la case études. Et ce, parfois, sans aucun talent. Cependant, les candidats de téléréalité ne sont pas représentatifs de cet écosystème très hétérogène, explique Guillaume Doki-Thonon, fondateur et directeur général de l’entreprise experte du marketing d’influence Reech. En effet, la majorité des influenceurs français sont des personnes devenues célèbres sur internet grâce à leur passion pour la cuisine, le sport, l’humour ou les cosmétiques, et la qualité de leurs contenus. Ces personnalités consacrent des dizaines d’heures par semaine à leurs vidéos pour ravir leurs fans.

    Mais le chemin est long pour parvenir à conquérir de nouveaux abonnés. Et les places sur le devant de la scène sont peu nombreuses. Malgré une professionnalisation du métier, très peu réussissent à vivre de cette activité. En France, 85 % d’entre eux gagnent moins de 5 000 euros par an. Et ils ne sont que 6 % à gagner plus de 20 000 euros par an. Face à cette réalité du marché, de nouvelles agences s’ouvrent pour mettre les marques en relation avec ces micro-influenceurs, suivis par 10 000 à 100 000 abonnés sur un réseau social, et ces nano-influenceurs, qui comptent entre 1 000 et 5 000 abonnés.

    Outre son nombre d’abonnés, la valeur d’un influenceur réside surtout dans la qualité des connexions qu’il crée avec le public. Pour scanner les réseaux sociaux, les agences et les marques utilisent désormais des outils technologiques. En France, plusieurs acteurs, dont l’entreprise parisienne Reech, développent ces algorithmes. « Nous avons créé un “Google de l’influence”, explique Guillaume Doki-Thonon. Notre technologie permet d’identifier, à partir de mots-clés, l’influenceur idéal pour maximiser le taux d’engagement d’une campagne. » Il a déjà vendu sa technologie à de grandes marques comme Yves Rocher et Boulanger, ou à l’agence de #publicité BETC. Les équipes de communication de l’Élysée et plusieurs ministères ont également recours à ce type d’outils, selon nos informations.

    À l’ère de la bataille pour l’#attention, les agences #médias traditionnelles commencent, elles aussi, à recourir à ces personnalités. « Face à la perspective d’un monde sans cookies publicitaires, les influenceurs représentent un vrai avantage pour les annonceurs car ils sont parfaitement intégrés dans le contrat de lecture des internautes », analyse Mathieu Morgensztern, country manager de WPP France. Récemment, GroupM (WPP) et Dentsu, en partenariat avec TF1 PUB et Unify, se sont lancés dans le live streaming e-commerce.

    Entre téléréalité et téléachat, la pratique a déjà révolutionné le commerce en ligne en Chine, où elle a généré 154 milliards de dollars de ventes en 2020, selon KPMG et Alibaba. Pendant des dizaines de minutes, les produits d’une marque sont testés en direct par des influenceurs dans un décor semblable à une virée shopping entre amis. Une mini-boutique en ligne permet aux internautes de commander en profitant de codes promo. Réalisés dans des studios professionnels, ces contenus se veulent plus créatifs et engageants. De quoi ringardiser le simple placement de produits ?

  • « C’est vrai que l’on se sent coupable et égoïste de partir, mais tout régresse » : la Tunisie affaiblie par une hémorragie de médecins
    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2021/06/01/c-est-vrai-que-l-on-se-sent-coupable-et-egoiste-de-partir-mais-tout-regresse

    « C’est vrai que l’on se sent coupable et égoïste de partir, mais tout régresse » : la Tunisie affaiblie par une hémorragie de médecins. La dégradation du système de santé publique pousse toujours plus de praticiens à l’exode vers la France et l’Allemagne, ce qui complique la gestion de la pandémie. Le thème doit être abordé lors de la visite de Jean Castex à Tunis les 2 et 3 juin. En pleine pandémie, Narjes Soua, médecin tunisienne, a posé ses valises en Ardèche méridionale pour travailler en tant que stagiaire associée avant d’obtenir le concours d’équivalence. « C’était très rapide, j’ai commencé ma procédure de départ en août 2020. J’ai eu un contrat assez facilement parce qu’il y a une grande demande de soignants en France », explique la jeune femme de 29 ans, qui est arrivée dans l’Hexagone en octobre, après avoir soutenu sa thèse en Tunisie et fini ses années de stage.Ce départ à l’étranger était un projet de longue date. Au début, il s’agissait d’acquérir « une expérience différente ». Aujourd’hui, Narjes Soua l’envisage plus comme une installation sur le long terme. « C’est très difficile pour moi de savoir si je reviendrai travailler dans mon pays un jour. Nous n’avons aucune perspective d’avenir en Tunisie avec les salaires qu’on nous propose, et la qualité de vie n’est plus la même. Je me sens plus libre ici », confie-t-elle. Maamoun Khamassi, médecin En Tunisie, près de 80 % des jeunes inscrits à l’ordre des médecins ont fait une demande de radiation et sont partis à l’étranger en 2020. Entre 700 et 800 praticiens quittent le pays chaque année, et leur nombre ne fait qu’augmenter. Cette fuite des cerveaux vers la France ou l’Allemagne s’est banalisée pour les nouveaux diplômés, en souffrance face aux salaires proposés dans le secteur public, autour de 1 200 dinars, soit 360 euros par mois (pour un revenu minimum tunisien de 120 euros).« Pendant la pandémie, j’ai préféré travailler bénévolement aux services du SAMU plutôt qu’à l’hôpital, tellement je trouvais ça ridicule d’être payé ce prix-là, lorsqu’on enchaîne les gardes et que l’on est exposé au virus », explique Maamoun Khamassi, 34 ans, lui aussi débarqué en Ardèche, il y a deux mois.
    L’arrivée du Covid-19 en Tunisie a accentué l’effet de loupe sur les défaillances du système de santé publique, pointées du doigt par les soignants depuis des années. « La plupart des recrutements sont bloqués à cause de l’endettement de l’Etat et, lorsqu’on recrute, les contrats sont très précaires et ne fournissent même pas une couverture santé en cas de Covid, considéré comme une maladie professionnelle seulement pour les salariés », explique Ridha Dhaoui, président de l’ordre des médecins de Tunisie.
    « Il est arrivé qu’en plein Covid-19 nous ayons des lits de réanimation, mais sans le personnel nécessaire pour s’en occuper. » Ahlem Belhadj, secrétaire générale du Syndicat des médecins. Ce chirurgien appartient à la génération partie en France pendant sa jeunesse pour enrichir son expérience, avant de revenir exercer en Tunisie. Aujourd’hui, cette mobilité est plus compliquée. D’abord parce que de nombreux professionnels ne souhaitent plus rentrer au pays, découragés par les conditions de travail. En décembre, la mort de l’un d’entre eux après une chute dans une cage d’ascenseur, en panne, dans un hôpital régional, avait suscité la colère et incité les jeunes médecins à descendre dans la rue. Signe que leur statut social s’est dégradé, « les violences de certaines familles de patients se sont multipliées dans les urgences, nous n’avions pas cela il y a dix ans », rappelle Ridha Dhaoui.
    Autre préoccupation, l’impossibilité de la bi-appartenance, un médecin inscrit à l’ordre tunisien ne peut pas exercer en France, et inversement lorsqu’il s’inscrit en France. Un problème pour les anesthésistes et les réanimateurs, l’un des plus gros contingents de l’exode. « Je connais certains médecins de cette spécialité qui font des cycles de garde en France sur quelques mois et qui pourraient revenir exercer dans le public en alternance en Tunisie s’ils en avaient la possibilité », ajoute Ridha Dhaoui, qui estime que cette mobilité pourrait pallier les nombreux départs.
    Douloureux dilemme. De son côté, Ahlem Belhadj, pédopsychiatre et secrétaire générale du Syndicat des médecins, plaide pour la négociation d’accords bilatéraux entre les deux pays, « afin de lutter contre l’hémorragie, sans limiter les libertés individuelles de nos jeunes ». Cet exode a de lourdes conséquences en Tunisie. Et la crise sanitaire n’a rien arrangé. « Il est arrivé qu’en plein Covid-19 nous ayons des lits de réanimation, mais sans le personnel nécessaire pour s’en occuper », poursuit Ahlem Belhadj. Si bien que le gouvernement a été contraint en 2021 d’augmenter de 13 % le budget du ministère de la santé et d’annoncer le ­recrutement de près de 300 médecins. Pour Maamoun Khamassi qui s’acclimate progressivement à son travail dans le service des urgences d’un centre hospitalier régional français, le dilemme est toujours présent. « C’est vrai que l’on se sent coupable et égoïste de partir parce que l’on sait que l’on a besoin de nous, mais tout régresse en Tunisie. Un jeune médecin passe son temps à faire le travail de cinq personnes en même temps, c’est un gaspillage d’énergie. »
    La France ne représente pourtant pas toujours la panacée pour les expatriés tunisiens, qui doivent patienter de longues années avant de pouvoir s’inscrire à l’ordre français et espérer un salaire supérieur à 3 000 euros. Le statut des 5 000 médecins diplômés hors de l’Union européenne et travaillant aux services des urgences et de réanimation des établissements publics français, dont les salaires sont souvent inférieurs à ceux de leurs homologues français, avait été dénoncé à plusieurs reprises au cœur de la crise sanitaire. Mais ces contraintes ne découragent pas les plus jeunes. « Je pense rentrer un jour avec un projet, mais c’est tributaire de l’amélioration de la situation en Tunisie. Le départ n’est jamais une décision facile », conclut Sleh Chehaibi, urgentiste installé en France depuis plusieurs années. Son hôpital a recruté huit Tunisiens cette année.

    #Covid-19#migrant#migration#tunisie#france#sante#personnelmedical#circulationthérapeutique#systemesante#circulation#frontiere#diplome#economie

  • Les adeptes du candomblé, une religion afro-brésilienne, persécutés par les pentecôtistes et les narcotrafiquants au Brésil
    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2021/05/14/dans-les-favelas-de-rio-les-narcopentecotistes-persecutent-les-pratiquants-d

    ReportageDans les favelas de Rio, les « terreiros », lieux de culte du candomblé, sont détruits les uns après les autres et ses adeptes subissent l’intolérance religieuse, à tel point qu’ils doivent abandonner leur religion.

    « Je n’étais pas revenue depuis deux ans. C’est affreux. Ici, c’était un lieu de vie, de paix, de fête ! », sanglote Carla. Mis à sac par des assaillants, l’Ilê Axé de Bate Folha de la ville de Duque de Caxias, dans la banlieue nord de Rio, était autrefois, dans la région, l’un des principaux terreiros, lieux de culte du candomblé, une religion afro-brésilienne mêlant croyances chrétiennes et rites ­africains. Un endroit où, des décennies durant, fidèles et croyants dansaient en robes blanches ou tenues chamarrées, au rythme des tambours atabaques sacrés et des chants entonnés en langue yoruba, célébrant les pouvoirs de la belle Oxum, déesse noire des rivières, de la joie et de l’amour vrai.
    Une atmosphère de terreur

    Carla, qui fut initiée au culte ici même, se calme et s’assoit. « C’était le 11 juillet 2019. Il était aux alentours de 9 h 30 et il faisait très beau », commence-t-elle. Ce jour-là, Maria Eduarda*, 85 ans, grande prêtresse du candomblé – mãe de santo Yatemyquiamasi, selon son nom religieux – vient passer un coup de balai dans son terreiro. Quelques minutes plus tard, on frappe à la porte. Face à la vieille dame, « trois garçons de moins de 25 ans en short et sandales, armés de pistolets ». L’un d’eux, menaçant, pénètre dans les lieux : « Maintenant, ma vieille, fini de plaisanter. Tu vas arrêter avec ta sorcellerie du démon ! »

    Une heure durant, la mãe de santo est contrainte à briser elle-même, un à un, les objets sacrés de son sanctuaire. Les tenues rituelles et les instruments de musique, eux, sont jetés en pleine rue et incendiés. « Elle a essayé de les calmer, les a suppliés d’arrêter, elle pleurait », poursuit Carla. La barbarie prend fin au bout d’une heure avec l’arrivée de la police. Mais, le calme revenu, les fidèles épouvantés se résolvent à fermer le terreiro. « Tout ce qui était sacré a été détruit. Ce sont nos vies qui ont été brisées », soupire Carla.

    Ces rituels mystérieux, où les femmes tiennent une place prépondérante, honorant divinités Orixas et autres figures ésotériques, faisant alterner danse transcendantale, offrandes d’animaux ou jeux de coquillages, ont toujours fasciné les voyageurs étrangers. Mais suscité aussi un profond rejet au Brésil. « Le candomblé a longtemps été vu comme quelque chose de honteux, de marginal et d’inférieur, associé aux esclaves et à la magie noire », explique Reginaldo Prandi, sociologue spécialiste des religions afro-brésiliennes.

    Les choses ne s’améliorent vraiment qu’à partir des années 1950 et 1960 : le cinéma, la musique, la littérature s’emparent alors des racines africaines du Brésil. Vinicius de Moraes, poète fondateur de la bossa-nova, « Blanc le plus noir du Brésil », comme il se décrit lui-même, chante en hommage à Xangô et Iemanjá, divinités du feu et de la mer.

    Arrêté à une barricade, Roberto se retrouve avec un pistolet sur la tempe. « Ils ont hurlé : “Le diable est en toi ! Si tu reviens habillé comme ça, tu vas souffrir” », poursuit le jeune homme, qui subit une fouille en règle de son logement et se voit finalement intimer l’ordre de quitter la favela sous sept jours. « Ça a été le moment le plus terrifiant de ma vie. Les trafiquants armés étaient postés devant chez moi en permanence pour vérifier que j’obtempérais et emportais tout avec moi. » Les voisins ne réagissent pas. « Tout le monde était terrifié », soupire Roberto.

    Au Brésil, la progression des néopentecôtistes, très présents auprès des plus exclus, est foudroyante : jusqu’à un tiers de la population se déclare évangélique. L’alliance des religieux et des narcos apparaît comme naturelle. « Ces trafiquants sont très croyants. Ils voient le monde comme une guerre du bien contre le mal et se donnent pour devoir de détruire les religions dites diaboliques, comme le candomblé », explique l’anthropologue Sonia Giacomini, spécialiste des religions afro-brésiliennes.

    Mais des raisons bien plus prosaïques président aussi à cette alliance d’apparence contre-nature. « Persécuter les pratiquants de religions afro-brésiliennes, c’est aussi une manière pour les trafiquants et les pasteurs d’assurer leur domination sur un quartier, en expulsant toute autorité concurrente de leur territoire », poursuit notre source judiciaire. Qui ajoute : « Il existe également de forts soupçons, selon lesquels les Églises permettraient aux gangs de laver l’argent sale de la drogue. »

    « La religion est manipulée par les religieux, mais aussi par les politiciens », ajoute Kátia de Lufan. Le « lobby de la Bible », composé de pasteurs néopentecôtistes, riches et médiatiques, hostiles au candomblé et aux religions afro-brésiliennes, a une grande influence auprès des politiques, depuis les conseils municipaux jusqu’au sommet de l’Etat, en la personne de Jair Bolsonaro. Né catholique, le président a été « baptisé » en 2016 dans les eaux du Jourdain par un pasteur évangélique.

    Dans cette lutte, les candomblécistes ont obtenu l’appui d’une pasteure évangélique : Mônica Francisco, militante de la cause noire et, depuis 2019, députée socialiste à l’assemblée régionale de Rio. « Il faut défendre les religions afro-brésiliennes, elles sont la matrice de ce pays, le reflet de notre diversité, de notre histoire », clame cette femme chaleureuse de 50 ans, née dans les favelas de la zone nord de Rio.

    Mais les succès récents sont avant tout symboliques, reconnaît la députée. « L’intolérance se diffuse et menace de devenir majoritaire dans la communauté évangélique. Il faut à tout prix offrir un discours alternatif aux pasteurs qui manipulent la foi », s’inquiète-t-elle.

    Dans les favelas, le modèle du narcopentecôtiste séduit au-delà du TCP. « Toutes les factions criminelles comptent désormais des trafiquants évangéliques », confirme la chercheuse Christina Vital, professeure à l’université fédérale Fluminense (UFF) et autrice du livre Oração de traficante (2015, non traduit), traitant des liens entre religion et narcotrafic dans les favelas de Rio.

    #Candomblé #Destructivité #Désir_Détruire #Daniel_Oppenheim

  • Lettre à propos de ReinfoCovid - IAATA
    https://iaata.info/Lettre-a-propos-de-ReinfoCovid-4775.html

    Du coup, le « complotisme » étant du vent, on rejoint les anti-masques ? Non, toujours pas.
    Toujours pas, parce que pour nous comme pour beaucoup de militants le refus de se joindre aux anti-masque n’est pas lié à une hypothétique peur de se voir traiter de « complotiste », ça nous ferait une belle jambe, mais parce que d’une part leurs discours nous est politiquement ennemi et d’autres part leurs alliances sont nauséabondes.

    Un discours libéral empreint de darwinisme social :

    La minimisation constante de l’épidémie au prétexte que cela ne toucherait « que les vieux et les personnes fragiles ». Quel est le problème avec les personnes de plus de 60 ans, les diabétiques, les personnes immunodéprimés ou les personnes obèses pour ne citer qu’elles ? En quoi sont-elles des quantités négligeables ?

    Plus généralement la minimisation de l’épidémie nous semble être un point que le mouvement anti-masque partage de façon constante avec le gouvernement, lui qui a décidé de privilégier l’économie à la vie des gens et qui nous contraint de vivre avec une marée haute de contaminations et de morts, laissant le virus circuler et donc muter tranquillement. De plus la minimisation de l’épidémie, si ce n’est sa négation, nous empêche de penser sérieusement des outils de prévention et de santé communautaire pour protéger les personnes fragiles.

    Nous partageons avec Cerveaux Non Disponible le désarroi face à la focalisation sur la question du port du masque. Cela serait risible si ce n’était pas si grave quand par ailleurs s’empile les avancées sécuritaires autrement inquiétantes. Si le port du masque n’a pratiquement aucune utilité en extérieur, c’est par contre une méthode simple pour freiner la circulation du virus en intérieur. Exiger des masques gratuits serait une revendication sociale sensée, revendication qui a très tôt été porté par les Brigades de Solidarité Populaires alors que le gouvernement prétendait à l’inutilité du masque pour cacher la pénurie.

    Si la gestion sécuritaire de la pandémie nous semble catastrophique l’exaltation de la « liberté » contre la « dictature sanitaire » des mouvements anti-masque nous semble relever d’un individualisme des plus libéraux. La structuration sociale de l’épidémie, le fait qu’elle touche en très grande majorité les populations pauvres pendant que les riches se font des restos clandestins voila qui est complètement absent du discours des anti-masques, qui évoquent à peine la destruction concertée de l’hôpital public.

    Pour toutes ces raison le discours des anti-masques nous semblent faire le lit de positions ultralibérales et validistes tout en éclipsant les dominations systémiques que l’épidémie exacerbe, ce qui explique leur grand succès auprès des groupes politiques et des médias d’extrême-droite comme Sud Radio ou FranceSoir.

    • Faut il séparer le Fouché du facho ?
      https://seenthis.net/messages/899150#message915159

      (...) dans son combat politique il ne côtoie exclusivement que du catho intégriste, du conspi antisémite et du faf.

      (...) Mettez dans une poubelle Raël et Pétain, ajoutez quelques gouttes d’huiles essentielles de carotte bio, secouez vigoureusement et, miracle de l’Immaculée conception, sortez en un Louis Fouché tout chaud.

      #spencerisme #fascistes

    • Oui, carrément #merci. Ça redonne un peu de courage quand il faut faire face à des anti-masques soit-disant épris de liberté et d’amour mais si égoïstes et ignorants que c’est à en pleurer devant l’attrait que les fascistes exercent sur eux.
      Et j’ai essayé diverses méthodes : écouter et discuter, donner de la doc, des liens, des infos, réclamer de rester cohérent et de viser la raison, et même me mettre en colère quand je sature …

    • L’annonce sur les sites d’immobilier est alléchante. « A vendre : corps de ferme avec cachet préservé sur une parcelle d’environ 2 000 mètres carrés exposé sud. » De l’extérieur, cette maison de brique rouge ne paie pas de mine, coincée entre deux bâtisses d’une calme bourgade de la campagne lilloise. La boîte aux lettres anthracite n’affiche aucun nom. Pourtant, c’est ici qu’est domicilié RéinfoCovid.fr, le site du collectif contre les restrictions sanitaires. Une voiture familiale est garée dans la cour. On toque à la porte, mais personne ne répond. Ce silence insistant, c’est celui d’une famille embarquée dans l’engrenage d’une possible dérive sectaire.

      Selon les associations de protection contre les situations d’emprise mentale, ses propriétaires, Marie B., ancienne sage-femme reconvertie en institutrice, et Maximilien B., consultant formateur indépendant en marketing et élu municipal, envisageraient de quitter leur emploi, leur maison et leur bourgade, et de s’installer avec leurs trois enfants dans un village de l’Aveyron. Objectif : former une « arche de Noé », une sorte de refuge tourné vers la construction d’une société alternative. L’idée, qui suscite l’incompréhension et la terreur de leur entourage, a donné lieu cet été à de vives tensions intrafamiliales.

      Dans le quotidien, le couple tente de donner le change. Marie, 40 ans, grande allumette aux yeux noirs et aux cheveux de jais coupés à ras, continue d’enseigner normalement dans une école de la région, tandis que son époux, Maximilien, 42 ans, carrure de rugbyman et barbe poivre et sel, ne fait jamais faux bond au conseil municipal, dont il est le premier élu de l’opposition. Mais leurs discours contestataires récurrents ont fini par attirer les soupçons de leurs proches, tout comme leur refus poli de se faire vacciner par la mairie, une exception parmi les membres du conseil municipal.

      Une mère intelligente, un père charismatique

      Malgré l’absence de pancarte « à vendre » sur leur maison, leur projet de changement de vie s’est ébruité. Tous ceux qui les côtoient décrivent une mère intelligente et un père charismatique. « C’était une famille modèle, des gens investis », se désole le directeur de l’école de leur commune . Même impression d’une colistière de Maximilien B., qui se souvient d’un « chef d’entreprise directif, organisé, qui sait ce qu’il veut » , d’un « couple très instruit ». Les proches partagent une même interrogation : comment deux époux aussi éduqués, stables et épanouis ont-ils pu ainsi dériver ?

      Cette mue coïncide avec l’investissement du couple au sein du collectif RéinfoCovid, né à l’occasion de la crise sanitaire. Ce groupe informel, qui revendique 3 000 soignants, est à l’origine de nombreuses rumeurs anxiogènes sur les vaccins, enrobées d’un discours ésotérique sur les bienfaits du « retour au réel » et de la « sagesse du vivant ». Il partage des connexions avec des mouvements écologistes utopistes surveillés par les associations de lutte contre les dérives sectaires, comme l’anthroposophie, courant philosophico-religieux fondé par le penseur Rudolf Steiner (créateur de la pédagogie du même nom), ou les Colibris, organisation ruraliste créée par l’écrivain et agriculteur bio Pierre Rabhi.

      La Miviludes (mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires), qui se dit « vigilante » au sujet du jeune mouvement RéinfoCovid, a déjà reçu plusieurs saisines le concernant. L’une d’elles mentionne le couple du Nord. Comme tant d’autres, les époux sont tombés sous le charme du fondateur du collectif, Louis Fouché, alors réanimateur-anesthésiste à l’hôpital de La Conception, à Marseille.

      Ce trublion de 42 ans au regard malicieux et aux mimiques à la Tex Avery est longtemps resté anonyme : soignant dans le service des grands brûlés, il réalisait au printemps 2020 des pastiches viraux sur Facebook à propos de ce virus qu’il n’estimait pas aussi dangereux qu’on voulait le dire. Sa blouse blanche et son ironie suffisaient pour convaincre.

      Nul ne connaissait alors son parcours, son penchant pour les médecines non conventionnelles, ni son engagement dans le mouvement Colibris. Louis Fouché, qui, comme la quasi-totalité des membres de son collectif, n’a pas donné suite à nos sollicitations, entre véritablement dans la lumière à la fin de l’été 2020, alors que s’esquisse une deuxième vague épidémique dont il conteste la réalité.

      Le 16 août 2020, par courriel, il lance solennellement un « appel » à ses confrères de l’AP-HM [Assistance publique-Hôpitaux de Marseille] dans lequel il exhorte les médecins à faire corps contre les « lois liberticides », puis se rapproche de plusieurs médecins et penseurs dits « rassuristes », comme le sociologue de la criminalité Laurent Mucchielli. Mais, en disciple de Pierre Rabhi, Louis Fouché veut aller plus loin, « prendre [sa] part », comme il l’écrit sur la page d’un site du réseau Colibris, et fonder un collectif portant un projet de société fort, qui remettrait « l’Art » et le « Nous » au centre des préoccupations.

      « Au début, Louis Fouché essayait de mobiliser des citoyens et des scientifiques, et ça ne paraissait pas malsain. Sauf que les scientifiques qui sont arrivés n’en étaient pas vraiment. » Une avocate qui a connu RéinfoCovid à ses débuts

      Le 6 octobre 2020, le site RéinfoCovid.fr est lancé. Celui-ci se présente comme une initiative scientifique collégiale de « soignants, médecins, chercheurs, universitaires », qui va jusqu’à la création d’un « conseil scientifique indépendant » pour aider les citoyens à « questionner, comprendre, sortir de la peur et agir ensemble ». Grâce à sa forte présence sur les réseaux sociaux et des relais dans des associations de parents d’élèves, il s’installe dans le paysage contestataire.

      « Au début, Louis Fouché essayait de mobiliser des citoyens et des scientifiques, et ça ne paraissait pas malsain, se souvient Louise (le prénom a été modifié), une avocate qui a connu RéinfoCovid à ses débuts. Sauf que les scientifiques qui sont arrivés n’en étaient pas vraiment. » La plupart n’ont aucune compétence dans le domaine de l’épidémiologie, s’expriment sur des thématiques éloignées de leur expertise, ou encore font preuve de raisonnements caricaturaux, à l’image d’un de ses premiers membres, le docteur Denis Agret, qui prétend, dans une boucle d’e-mails, défendre la « vérité » face à une « sphère capitalo-dictatoriale ».

      Prosélyte par nature, le collectif tend les bras aux inquiets, quel que soit leur parcours ou leur profil. Chanteur, professeur de violon, écrivaine autoéditée… Dès novembre 2020, les propos des universitaires sont dilués au milieu de ceux de citoyens mi-paniqués, mi-décidés à agir. Parmi ceux-ci, Marie et Maximilien B.

      2020, année noire pour le couple

      Coincée dans sa ferme, l’institutrice a très mal vécu le premier confinement, qu’elle a passé à coudre frénétiquement des masques artisanaux. Puis, lorsque la deuxième vague de Covid-19 déferle, l’irruption de protocoles sanitaires à l’école et le développement fulgurant de vaccins la plongent dans un profond désarroi. « Rien n’avait de sens pour moi, je ne comprenais pas », répète-t-elle, hagarde, dans une vidéo du collectif intitulée « Les gardiens du vivant », sa seule prise de parole publique, qui a depuis été supprimée. « A force de me renseigner, y détaille-t-elle, aux vacances de la Toussaint, là je me suis dit, ça suffit, il faut passer à l’action. »

      De son côté, son mari a échoué aux élections municipales de juin 2020 : sa liste n’a réuni que 32 % des suffrages. Maximilien, qui a toujours baigné dans la politique, doit se contenter de trois places au conseil municipal, et sa femme a perdu son siège. Pour le couple, cette année 2020 est décidément une année noire. Leur rencontre personnelle avec Louis Fouché, à l’automne, sera leur éclaircie. A l’angoisse de l’incertitude scientifique, le médecin oppose un discours dédramatisant sur la crise sanitaire. Puis, contre l’amertume de l’échec personnel, il propose sa confiance et une montée en responsabilité flatteuse.

      « Entrée en résistance », comme elle se décrit, Marie se met à distribuer des tracts pour RéinfoCovid. Puis, après quelques semaines seulement, Louis Fouché promeut Maximilien responsable de la communication du groupe, et charge Marie du développement du jeune collectif au niveau national à travers des « antennes locales bébés RéinfoCovid », comme les appelle l’ancienne sage-femme.

      Suivant le leitmotiv de leur nouvel ange gardien, les voilà qui ont « transformé la peur en prudence et la colère en courage ». Le couple devient un élément central du collectif, au point d’accepter de domicilier dans sa maison les statuts du site RéinfoCovid.fr, puis ceux de sa coquille légale, RéinfoLiberté. Le 9 décembre 2020, Marie crée sur son canal de discussion interne, la messagerie instantanée Discord, un groupe consacré à son expansion. En image de profil, une silhouette de femme brisant ses chaînes.

      Des fans de Trump et de QAnon

      Au sein de RéinfoCovid s’engouffrent dès l’automne 2020 des homéopathes, des naturopathes, des acupuncteurs, des adeptes de la pensée new age ; des fans de Trump et ses zélotes de la mouvance conspirationniste QAnon, convaincus de combattre un vaste trafic pédosatanique, ou encore des « Etres souverains », autre mouvance anarchiste conspirationniste ne reconnaissant par l’Etat. L’évolution des conversations est à l’avenant. Loin de la « prudence » revendiquée en public par Louis Fouché, les membres se partagent sur Discord d’exotiques rumeurs affirmant que la neige serait artificielle, ou que les tests PCR serviraient au fichage ADN.

      Louis Fouché lui-même s’affiche en novembre sur YouTube avec la complotiste suisse Ema Krusi, qui soutient que les vaccins sont liés à la 5G et que Bill Gates est poursuivi pour crime contre l’humanité. Le collectif bascule dans des représentations paranoïaques de la société. « Au départ, il y avait des gens sympas, mais sur le Discord, j’ai vu arriver tout ce qu’il y avait de pire en termes de désinformation et de conspirationnisme, se désole Louise. Des personnes sincères, normales, juste inquiètes, qui cherchaient des réponses simples, se sont fait laver le cerveau en un rien de temps. »

      Le couple ne reste pas insensible à ce mélange foutraque de complotisme échevelé et d’utopisme new age. A force de recherches Internet sur des sites douteux, Marie B. plonge dans un monde de représentations noires. « Avant d’écrire à RéinfoCovid, j’étais très angoissée, relate-t-elle encore dans la vidéo “Les gardiens du vivant”. L’angoisse est passée, je suis beaucoup moins en colère, mais ça m’arrive encore. J’ai surtout très peur, et la peur, je n’arrive pas à l’enlever. »

      D’inquiétants monologues

      La mère de famille, qui avait ouvert son premier compte Facebook spécialement pour les municipales, se met à l’hiver 2021 à publier d’inquiétants monologues contre les scandales de la dictature sanitaire et les complots qu’ourdiraient des élites fantasmées, jusqu’à se laisser convaincre que la seconde guerre mondiale a été orchestrée par la famille Rothschild. « Elle ne devait pas avoir beaucoup d’amis sur ces sujets, car même si ses posts étaient très longs, personne ne répondait », constate avec empathie une colistière.

      C’est le début de l’isolement. « J’ai arrêté de les côtoyer car je n’étais plus en phase avec leurs postures », résume pudiquement un partenaire de campagne électorale de leur village. Enfermé dans sa bulle, le couple n’entend plus les voix discordantes. « J’ai essayé de la recontacter pour lui dire d’être vigilante, lui conseiller de s’informer autrement, je lui ai donné des arguments », égrène Louise, qui l’a vue entrer dans le collectif et a tenté de l’en faire sortir en même temps qu’elle. « Mais c’était déjà trop tard. Nos contacts se sont arrêtés là : il n’y avait plus de discussion possible. »

      Surtout, la déchirure se fait intime. Interrogée à propos de sa famille dans un entretien vidéo mené par Louis Fouché, l’institutrice raconte d’une moue embarrassée que celle-ci est divisée à « cinquante-cinquante ». Sa détresse et sa tristesse affleurent. Les proches de Marie au sein du collectif le savent : elle est désormais en froid avec les siens. Eprouvée, sa famille n’a pas souhaité commenter.

      Un « cercle de cœur » en guise d’état-major

      En retour, Marie s’investit de plus en plus dans RéinfoCovid. En début d’année 2021, face à l’afflux de nouveaux membres venus de toute la France, Louis Fouché réorganise son mouvement en cercles concentriques. Au plus haut niveau, il constitue un état-major informel d’une vingtaine de personnes de confiance, le « cercle cœur » - nouvel emprunt aux Colibris. Maximilien et Marie y côtoient des citoyens en colère, des naturopathes ou encore des mystiques fiévreux, qui se réunissent chaque lundi en visioconférence pour discuter de la stratégie du collectif.

      L’appartenance à ce cénacle est d’autant plus gratifiante que, en apparence au moins, l’organisation y est horizontale. « J’ai vu beaucoup de gens aller bien car ils avaient l’impression d’agir, de reprendre le contrôle, mais au fond, c’est Louis qui gère », témoigne Terry (qui souhaite garder l’anonymat), qui fut membre pendant plusieurs mois de ce « cercle cœur », au sein duquel il était notamment chargé de la vidéo.

      Ce noyau dur partage ses idées sur la crise sanitaire qui serait un « déferlement totalitaire », la supériorité des médecines alternatives, et le besoin de laver la société de ses maux. Comme l’anesthésiste le déclame dans une lettre pleine de lyrisme, « cette crise est une révélation, un dévoilement, une apocalypse. Et après l’apocalypse vient un autre monde ». Autour de lui, le « cercle cœur » aspire à aller vers un nouveau modèle de société, qu’ils entendent définir, construire, et même inaugurer. A la mi-mai, Marie et Maximilien B. prennent le volant et parcourent plus de 800 kilomètres pour se retrouver en chair et en os avec leur nouvelle famille, dans un lieu en Aveyron.

      Olivier Soulier, l’autre personnage-clé

      Après avoir passé Saint-Cyprien-sur-Dourdou, une sage commune d’environ 800 habitants dont les façades de grès couleur saumon s’étalent dans le sac de la vallée de Conques, une route s’élève jusqu’à une clairière. C’est là, dans l’ancienne propriété de son grand-père, ancien maire du village, que le médecin Olivier Soulier, autre personnage-clé de RéinfoCovid, a établi sa résidence de villégiature. A la mi-mai, il y a accueilli une partie du « cercle cœur », dont Louis Fouché et le couple B.

      Au fin fond de l’Aveyron, nid de douces sorcelleries, Olivier Soulier ne détonne que par sa stature. Cet homéopathe et acupuncteur, dont le cabinet est situé à Marcq-en-Barœul (Nord), est une sommité nationale dans le monde de la médecine alternative, avec ses multiples livres et congrès donnés depuis 1988 à travers la France. « C’est un vrai médecin, très diplômé, pas un médecin alternatif. Mais c’est vrai que ses conférences sont aussi intéressantes qu’étonnantes », hésite Bernard Lefebvre, maire de Conques-en-Rouergue, la commune nouvelle dont dépend Saint-Cyprien-sur-Dourdou. « C’est un très grand monsieur . Mais si vous venez vous faire soigner chez lui, n’espérez pas être remboursé par la sécurité sociale », ajoute avec un sourire entendu Gaston, un artisan qui a fait les finitions de sa piscine.

      Depuis de longues années, le généraliste aux airs de jeune premier s’est en effet spécialisé dans ce qu’il appelle la « médecine du sens ». Rien d’illégal mais il jure dans la presse naturopathique que le corps « a une sagesse » et, dans une vidéo du « conseil scientifique indépendant », prescrit le Mertensia maritima, la plante au goût d’huître, contre le Covid-19.

      Le couple nordiste l’a rencontré pour la première fois chez eux, à la première réunion de la jeune antenne locale qu’ils avaient créée, RéinfoCovid Nord-Pas-de-Calais, le 18 janvier 2021. Au milieu de citoyens désorientés avides de contre-discours, ce conférencier au ton si enveloppant avait alors séduit son auditoire. « Il joue de son autorité de blouse blanche, prétend guérir avec les symboles, du grand n’importe quoi, fulmine Louise, restée de marbre ce jour-là, et effarée par le manque de réactions. Je me suis rendu compte que si les gens commençaient à faire confiance à ce genre de personnes, ça allait dérailler. »

      En quête d’argent

      Olivier Soulier, qui officie toujours comme médecin, fait aujourd’hui partie des dirigeants du collectif. C’est lui qui, dans une vidéo récente, invite ses sympathisants à verser de l’argent à RéinfoLiberté, la structure légale fraîchement montée par RéinfoCovid pour engager des procédures judiciaires et se financer. Lui aussi qui fournit au « cercle cœur » sa base reculée, dans l’anonymat de l’Aveyron.

      Le domaine, qui constitue un hameau, porte les traces d’un long abandon. A l’entrée, marquée par un visage sculpté sur une épaisse pierre posée à côté d’un autel, des fougères se prélassent dans une baignoire abandonnée. Une bétonnière ici, quelques cadavres de bières plus loin : le lieu est à la recherche d’une seconde vie. Le médecin nordiste en a racheté l’usufruit en 2015. Il emploie régulièrement des artisans du bourg pour participer à sa lente rénovation. Une piscine a déjà été creusée ; les dépendances, elles, sont en travaux, mais peuvent déjà recevoir des convives, comme elles l’ont fait à la mi-mai.

      Quelle était alors la raison d’être de cette réunion qui a tant alimenté les rumeurs et les inquiétudes ? Marie et Maximilien n’ont jamais donné suite à nos demandes de contact. « C’était un week-end pour tous ceux qui participent à la stratégie [du collectif]. Ils se sont réunis pour griller des saucisses entre copains, ce n’est pas allé plus loin », assure Terry, qui n’a pas pu en être. Selon plusieurs associations de lutte contre les dérives sectaires aux antennes tournées vers l’Aveyron, il s’agissait plutôt d’un moment ésotérique, un « pow wow », c’est-à-dire « une réunion dans un lieu sacré où l’on se purifie », décrypte Catherine, une rebouteuse qui connaît les usages du coin.

      Une petite communauté

      Le domaine détenu par Olivier Soulier offre en tout cas les infrastructures les plus adaptées pour l’installation d’une petite communauté. Louis Fouché n’a jamais caché sa volonté de créer un écolieu, un village soudé par des valeurs écologiques et sociales communes, de même qu’il promeut volontiers l’école à la maison, des réseaux de soins alternatifs et de nombreuses autres formes d’organisations parallèles. « Louis encourage à rester dans le système et à le combattre de l’intérieur, assure Terry. Ce n’est pas comme Alice [des Etres souverains, qui a récemment acquis un domaine dans le Lot] . RéinfoCovid ce n’est pas du tout ça, il n’y a pas de volonté de faire sécession. » Le collectif a même soutenu des listes politiques intitulées « Un nôtre monde », aux élections régionales de juin.

      Mais depuis qu’en juillet Louis Fouché a quitté son poste hospitalier sous la pression de l’AP-HM, son discours glisse de manière de plus en plus marquée vers la rupture. « C’est le moment d’aller jusqu’au bout de votre pensée. Il y a moyen de manger, il y a moyen de survivre, il y a moyen de se loger », explique-t-il dans une vidéo destinée aux non-vaccinés, tout en promettant une société meilleure à « ceux qui survivront ».

      Simple métaphore, ou vrai appel à un projet alternatif ? Si l’on en croit les signalements auprès des associations de lutte contre les dérives sectaires et les témoignages de proches recueillis par M Le magazine du Monde, plusieurs membres, comme Marie et Maximilien, se sont déjà engagés dans la voie d’un changement de vie, quittant pour certains leur emploi, pour d’autres leur domicile, parfois les deux, pour fonder des lieux bâtis dans l’opposition au discours scientifique et les promesses new age.

      Un discours plus radical

      Les observateurs ne s’en étonnent guère : l’ambiance au sein de RéinfoCovid flirte régulièrement avec le culte de la personnalité, et la parole de Louis Fouché y vaut pour beaucoup parole d’évangile. Toutefois, si la vigilance est de mise, la Miviludes estime « que tous les éléments qui caractérisent l’emprise sectaire ne sont pas réunis ». Les associations surveillent néanmoins le collectif comme le lait sur le feu.

      Selon plusieurs sources locales, le couple est revenu en août dans l’Aveyron pour une nouvelle réunion avec le « cercle cœur », et participer aux travaux de rénovation du domaine d’Olivier Soulier. Leur départ pour cette « arche de Noé » ne serait plus qu’une question de temps. Si les deux aînés, bientôt majeurs, ont quitté le domicile familial à la rentrée, les craintes se portent désormais sur la benjamine de 11 ans, qui n’aurait d’autre choix que de suivre ses parents.

      Pour autant, le projet peut encore évoluer, en fonction des directives de Louis Fouché. Depuis peu, son discours semble se radicaliser un peu plus. « La voie de RéinfoCovid est une voie de la non-violence, c’est une voie ghandienne, expliquait-il début octobre. Mais Gandhi l’a dit lui aussi, ceux qui n’arrivent pas à rester dans la non-violence, il faut bien qu’ils fassent quelque chose. Chacun fera comme il peut. » La maison en briques du Nord n’attend plus qu’un acquéreur.

  • Les citoyens « référents » font couac à Saint-Briac
    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2021/05/06/on-n-a-pas-besoin-de-petits-flics-ca-ne-peut-qu-entrainer-des-derives-les-ci


    Le front de mer de Saint-Briac (Ille-et-Vilaine), qui concentre de nombreuses résidences secondaires, ici en 2013.
    JEAN-DANIEL SUDRES / VOYAGE GOURMAND / SAIF IMAGES

    Comme d’autres communes bretonnes, cette ville de près de 2 000 habitants envisageait de mettre en place un dispositif de vigilance citoyenne en rapport avec la gendarmerie. Elle y a renoncé après une pétition signée par un millier de personnes.

    A Saint-Briac-sur-mer (Ille-et-Vilaine), le calme règne sur les villas au bord des falaises escarpées. On est loin d’imaginer que ce village huppé de près de 2 000 habitants et plus de 60 % de résidences secondaires est en proie, depuis le mois d’avril, à une polémique entre la municipalité et certains de ses administrés. La raison ? La visite, lundi 22 mars, lors du conseil municipal, du commandant Aubry de la compagnie de gendarmerie de Saint-Malo, venu présenter la « participation citoyenne ».

    Sous cette expression très évasive se cache un système de citoyens « référents » volontaires et bénévoles, désignés pour être en contact avec les forces de l’ordre et leur remonter les informations concernant des problèmes d’insécurité rencontrés dans la commune. Lors de la séance, l’opposition a dénoncé une initiative qui « est le contraire du mieux vivre ensemble », selon l’une des élus, Françoise Saulais.

    Quelques jours plus tard, deux habitants ont lancé une pétition demandant l’abandon du projet. Fred Mary est l’un d’eux. Ce gérant de plusieurs restaurants, au look décontracté, craint le pire : « On n’a pas besoin de petits flics dans les quartiers. Ça ne peut qu’entraîner des dérives. » En peu de temps, la pétition a atteint le millier de signatures. Et le maire, Vincent Denby-Wilkes (sans étiquette) a fini par renoncer au projet en criant aux fake news : « Nous voulions simplement alerter sur les manières de faire, car, ces derniers temps, nous avons un cambriolage par semaine. Ça n’allait pas plus loin. »

    Avantage budgétaire
    Saint-Briac est loin d’être la seule. Pleurtuit, La Richardais, Miniac-Morvan, Le Minihic-sur-Rance… depuis début 2021, dans les environs de Saint-Malo, des communes de toute taille s’intéressent à ce dispositif national. Inspiré du neighbourhood watch britannique, la « surveillance de voisinage » par des habitants, il a été instauré en 2006, institutionnalisé en 2011 par un projet de loi et refondu par une circulaire du ministère de l’intérieur en 2019. Une convention signée entre la commune, la préfecture et la police ou la gendarmerie encadre le processus mis en branle par le maire, qui choisit ensuite les « référents ».

    « Ça ne va pas mettre fin aux cambriolages et aux atteintes aux biens, mais cela peut faciliter les passages de notre patrouille. » Guillaume Catherine, commissaire

    D’après la Place Beauvau, environ 5 700 communes avaient signé un protocole en 2020. Elles étaient 24 en février en Ille-et-Vilaine, cinq de plus que six mois auparavant. « Ce système fait son retour dernièrement. Une des motivations principales est le rapport coûts-avantages puisqu’il fait travailler des gens gratuitement. Un agenda politique ou l’envie d’une solution pratique qui ne coûte pas cher suscitent l’intérêt des mairies », commente Sebastian Roché, directeur de recherche au CNRS (laboratoire Pacte), spécialiste des questions de police et de sécurité.

    #paywall

  • Cyril Hanouna, le côté obscur de la farce
    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2021/04/23/cyril-hanouna-le-cote-obscur-de-la-farce_6077723_4500055.html

    Connu pour ses clowneries et ses provocations à l’antenne, l’animateur vedette de « Touche pas à mon poste ! » et de « Balance ton post ! » sur C8 est, en coulisses, un redoutable homme d’affaires. A 46 ans, ce proche des Bolloré compte bien jouer les premiers rôles cathodiques pour la présidentielle de 2022.

    #paywall si d’aucuns d’aucunes savent passer le mur du son...

  • Au bon vieux temps des vols low cost soviétiques

    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2021/04/11/au-bon-vieux-temps-des-vols-low-cost-sovietiques_6076353_4500055.html

    De manière assez curieuse, Aeroflot était à l’avant-garde de ce qui allait arriver pour le reste du monde à partir des années 1990

    Cela dépasse largement le cas du transport aérien...

    En librairie le 16 avril : Robert Kurz, L’Effondrement de la modernisation. De l’écroulement du socialisme de caserne à la crise du marché mondial.

    http://www.palim-psao.fr/2021/04/en-librairie-le-16-avril-robert-kurz-l-effondrement-de-la-modernisation.d

    Examinant l’ensemble du processus de modernisation capitaliste dans ses différents modèles, l’auteur procède ici à une analyse originale de la chute des pays socialistes, qui comprend le bout du chemin que ces économies avaient atteint dans le contexte d’une crise fondamentale du capitalisme qui allait, hier, toucher l’Est, comme aujourd’hui, l’ensemble du marché mondial.