Réflexions sur le mouvement des gilets jaunes - OCL

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  • Climat jaune et changement de gilet – ZADIBAO
    https://zadibao.net/2018/11/30/climat-jaune-et-changement-de-gilet

    Le 17 novembre est-il destiné à retentir comme une date aussi saisissante que politiquement paradoxale ? Depuis 2012, nous chérissons dans ce bocage le samedi 17 novembre comme celui des 40.000 personnes de la manifestation de réoccupation qui a renversé l’opération César. Mais ce fut aussi une journée symbolique de l’autre côté du spectre politique avec le surgissement massif à Paris de la manif pour tous, premier grand mouvement de cette décennie à être soutenu visiblement par une droite dure et à tenir un temps les rues.

    Le 17 novembre de cette année, jamais autant d’habitants de ce pays ne s’étaient décidés aussi brusquement à bloquer en tellement de points et avec une telle efficacité les flux économiques partout autour de chez eux. Cela fait à présent trois semaines que le phénomène des #gilets_jaunes a retourné l’ensemble du champ politique et l’idée même que l’on se faisait, dans les dernières décennies, d’un mouvement social « à la française ». Quel que soit l’essoufflement possible des blocages, la confusion persistante des perspectives ou l’ampleur de leur récupération par des forces adverses, le 17 novembre et les jours qui ont suivi ont été un coup de tonnerre pour quiconque se préoccupe sincèrement de ce à quoi pourrait ressembler les débuts d’un soulèvement populaire ici et maintenant. Le conflit qui s’est ouvert a contraint ceux d’entre nous qui le rejoignaient à accepter de perdre un temps leurs repères, ainsi qu’à se requestionner profondément sur les enjeux de la phase contemporaine d’aggravation de la domination sociale au nom de l’évidence du désastre écologique.

    « Alors, vous allez soutenir des gens qui luttent pour le droit à la bagnole, maintenant ? »

    La mine perplexe de notre voisin lorsque nous sommes allés lui demander du lait à la traite pour la marmite de chocolat chaud du lendemain sur les ronds-points, tout comme les divers échanges que nous avons eus depuis trois semaines à la #zad, avec d’autres habitants, camarades paysans et comités de soutiens en visite, nous ont poussés à revenir sur les raisons d’une rencontre. Il n’y a sans doute pas d’évidence à ce que les habitants d’un territoire rescapé de l’extension des infrastructures de déplacements dévoreuses de pétrole et marqué par un refus des formes dominantes de production comme de consommation aillent se mêler à des foules d’individus qui revendiquent apparemment la « liberté » de pouvoir continuer à rouler et consommer comme avant. Et ce alors qu’on demande à ces derniers de faire un effort de « transition écologique ». C’est encore moins évident quand cet élan aux contours flous reçoit les soutiens bien visibles de ce qui se fait de plus nauséabond dans la classe politique. Mais nous avons sans doute tendance à vouloir privilégier la curiosité quand souffle un tel vent de #révolte et de passage à l’#acte, plutôt que de rester dans notre zone de confort en ressassant par avance l’ensemble des distances possibles. D’autant qu’après avoir perçu de l’intérieur le grand écart constant entre ce que nous vivions réellement et ce que nous devenions dans le langage médiatique, on doit bien admettre qu’il est difficile de prétendre #savoir quoi que ce soit sur un #mouvement sans le rencontrer vraiment. Les gilets jaunes s’avéreraient peut-être dans le fond autant des beaufs individualistes que nous étions des hippies primitivistes ultra-violents. Et puis nous avions été invités avec enthousiasme à ce premier blocage par des camarades syndicalistes iconoclastes du bassin industriel de #Saint-Nazaire, rencontrés ces dernières années entre les piquets à la raffinerie de Donges, les manifs nantaises ou la zad. Il faut bien dire quand même que nous étions plutôt timides du gilet et loin de nous sentir appartenir d’emblée à la grande fraternité fluorescente lorsque nous avons rejoint par une aube gelée un rond-point à la périphérie de Pont-Château.

    • Réflexions sur le mouvement des gilets jaunes
      Du nouveau dans la brume, Organisation communiste libertaire
      http://www.oclibertaire.lautre.net/spip.php?article2155

      La question de la représentation

      Ce mouvement n’a pas été au début dans une logique de représentation. C’est là un des éléments qui ont fait son succès, et c’est ce qui a été insupportable aux yeux des politiques, des « journalistes » TV et des commentateurs-spécialistes dont les dents rayent les parquets des plateaux. Il n’est que de voir les tout bons conseils qui jaillissent un peu partout, de la part des ennemis comme des amis : organisez-vous, désignez des représentants, que le pouvoir puisse négocier, etc. Or c’est justement parce qu’il ne le pouvait pas que ce mouvement a eu un réel succès et qu’il est intéressant.
      L’abandon de cette logique de non-représentation pourrait bien sonner son glas. Il se pourrait en effet que les structures représentatives dont se doterait le mouvement des gilets jaunes soient autrement plus dangereuses pour son avenir que les contradictions idéologiques qui s’y affronteraient. Parce que ceux qui ont le plus intérêt à ce qu’il se dote de « représentants », ce sont les patrons et l’Etat (et/ou les récupérateurs de tous bords).
      Bien entendu, vont se dégager petit à petit des « délégués porte-parole » ; ils seront une dizaine au début puis se dégageront deux ou trois têtes. Les délégués seront contestés, mais la sclérose finira par l’emporter. Pourtant, ce n’est pas parce qu’on sait que ça se passera certainement comme cela qu’il faut abandonner cet axe primordial : conserver aussi longtemps qu’on peut la non-représentation, et, quand il y a représentation, la maintenir sous le contrôle d’un mandat précis et surtout sous celui de l’action sur le terrain.

    • Moi ça me fait toujours mal au cœur de voir du wordpress pour un site « résistant » alors qu’il y a eu tellement d’investissement et d’énergie de personnes qui ont œuvré à créer des outils internet -vraiment- libres comme SPIP.
      Ce système opportuniste et utilitariste me fait grave chier, dire c’est plus pratique ne me suffit pas à comprendre, j’ai toujours le sentiment d’une forme de collaboration avec l’ennemi. Tu prends aujourd’hui gratuitement ce qui te rendras dépendant.

      C’est un peu comme si un·e artisan/paysan/ouvrier utilisait des outils qu’ille n’a pas pensé et créé lui même pour son propre usage et dont ille ne connaitra jamais ni la provenance ni la qualité.
      Et en plus c’est décourageant pour toutes celles qui ont lutté à maintenir du #libre #autonome de voir que leurs outils seraient maintenant hasbeen, comme si la lutte et les moyens de son autonomie n’étaient pas une question actuelle.