• (1) Gilets jaunes, verts, rouges, roses, convergeons ! - Libération
    https://www.liberation.fr/debats/2018/12/04/gilets-jaunes-verts-rouges-roses-convergeons_1695973
    https://medias.liberation.fr/photo/1177596-gilet-jaune-narbonne-aude-ul-myop-1005757jpg.jpg?modified_

    La hausse du prix du diesel était la goutte de trop dans l’océan des « emmerdes » et des violences du quotidien sur les chantiers, dans les usines, les Ehpad ou à Pôle Emploi. Les organisations de gauche et les inorganisés doivent se rencontrer pour fabriquer ensemble un plan Orsec d’urgence sociale.

    Gilets jaunes, verts, rouges, roses, convergeons !

    Par Jacques Bidet Philosophe Philippe Boursier Professeur de SES Patrick Chamoiseau Ecrivain Stéphanie Chevrier Editrice Laurence De Cock Historienne Annie Ernaux Ecrivaine
    Christine Delphy Féministe Mathilde Larrère Historienne
    Gérard Noiriel Historien Willy Pelletier Sociologue
    Barbara Romagnan Ex-députée

    Certains s’indignent de vitrines brisées, de voitures brûlées. Mais où est la violence, la vraie, dissimulée, perpétuelle, qui sans cesse ruine les vies ? Où est l’obscénité, l’insupportable ?

    La violence est à Pôle Emploi, aux guichets sociaux des services publics, avec des agents empêchés d’aider. Et des millions de chômeurs ou de pauvres, surtout des femmes, des jeunes, méprisés, sans prise sur l’avenir, dans l’insécurité économique ad vitam, qui ne reçoivent rien. La violence est chaque mois, quand au 12, plus un centime, carte bancaire rejetée, et qu’enflent les découverts. La violence est aux urgences des hôpitaux publics sommés d’être rentables. La violence est dans les impayés de loyer, de gaz, d’électricité, qui s’amoncellent, et les lettres de recouvrement chaque jour. La violence, elle est sur les chantiers, dans les usines, les hypermarchés. Dans l’intensification du travail. Sur un chantier, André a eu le bras broyé. René s’est fait amputer de deux doigts par sa machine. Caissière, Samia rentre chez elle cassée du dos, en CDD, avec un emploi du temps « à trous » qui l’empêche de voir sa fille. Tous pour un salaire de rien : 1 000 euros, trois restaurants pour ceux qui ne payent plus l’ISF. Depuis 1995, les maladies professionnelles ont plus que doublé, les salaires, les retraites, dégringolent, les droits au travail ont été cassés, les profits flambent et ne sont plus imposés quasiment. Ce sont des chiffres ? Non, ce sont des vies. Des vies de douleurs, d’angoisses. Des vies où se soigner devient difficile, car il faut payer de sa poche les forfaits et franchises, les dépassements d’honoraires, les médicaments plus remboursés, les mutuelles qui augmentent. La violence, ce sont les cantines des enfants impossibles à régler, les Ehpad sans secours. Dans certains clubs de judo dans l’Aisne, la cotisation est de 20 euros, un tiers des parents demandent à payer en trois fois. Le prix du diesel est cette goutte de trop dans l’océan des « emmerdes » et des mépris reçus.

    La violence est dans les phrases du Président des riches : « Traverse la rue pour trouver un job », « Apprends à te nourrir tout seul », « Pognon de dingue des aides sociales », et tellement d’autres. La violence est dans les inégalités criantes, partout, inégalités fiscales, inégalités à l’école, inégalités entre « beaux quartiers » et territoires abandonnés.

    Nous appelons les organisations de gauche et les inorganisés à se rencontrer, nous appelons certains à une trêve électorale, pour fabriquer ensemble un plan d’urgence sociale qui permettra aux salariés, aux précaires, aux retraités, aux locataires qui galèrent, aux étudiants pauvres, d’exister avec les moyens qu’il faut. Alors que l’argent dans ce pays ruisselle, mais du bas vers le haut, des pauvres vers les plus riches. Un plan Orsec d’urgence sociale. Vite. Avant d’être plus ambitieux, de rebâtir l’Etat social. Il est temps de converger, plus que temps vraiment, ou bien nous servons à quoi ?

    #Gilets_jaunes