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  • Bruxelles contre l’Europe Christian Rioux - 8 Février 2019 - Le Devoir
    https://www.ledevoir.com/opinion/chroniques/547418/bruxelles-contre-l-europe

    Faut-il y voir un nouvel exemple du déclin de l’Europe ? Mercredi, la commissaire à la Concurrence, Margrethe Vestager, a annoncé qu’elle imposerait son veto à la fusion des entreprises Alstom et Siemens. Selon Bruxelles, la fusion des géants français et allemand du chemin de fer, pourtant souhaitée par les deux pays, enfreint les règles de la concurrence européenne. C’est ainsi que Bruxelles vient d’immoler sur l’autel du sacro-saint marché libre la possibilité de créer un géant européen du chemin de fer, et cela, alors même que le mastodonte chinois CRRC est déjà numéro un mondial.

    Pourtant, faites le test. Demandez à n’importe qui de nommer la plus grande réalisation de l’Europe depuis 50 ans et il y a fort à parier que surgira le nom d’Airbus. Mais ce qui était possible dans l’Europe de de Gaulle et de Willy Brandt pour contrer l’Américain Boeing ne l’est plus aujourd’hui. Avec pour résultat que l’Europe ne compte pratiquement aucun géant dans des domaines aussi importants que le nucléaire, la téléphonie, l’Internet et le numérique.

    De là à conclure qu’en passant du Marché commun à la monnaie unique, le continent a fabriqué son propre déclin, il n’y a qu’un pas. C’est la thèse que défend brillamment le livre de l’économiste Ashoka Mody intitulé Eurotragedy (Oxford University Press). Ancien du FMI et de la Banque mondiale, Mody ne flirte ni avec le Rassemblement national, en France, ni avec Syriza, en Grèce. Son livre a d’ailleurs remporté le prestigieux prix du Livre économique de l’année décerné par l’Association des éditeurs américains.

    Dans ces 600 pages, l’économiste de Princeton raconte une tragédie qui, depuis vingt ans, mène l’Europe de déboires en déboires. Selon lui, non seulement la monnaie unique fut une erreur magistrale, mais depuis, l’Europe s’est enfermée dans une véritable « bulle cognitive » qui ne fait qu’aggraver son erreur et la rend sourde à ce que disent les peuples et la réalité économique.

    Les esprits les plus éclairés avaient pourtant tiré la sonnette d’alarme. Trente ans avant la crise grecque, Nicholas Kaldor, de l’Université de Cambridge, avait mis en garde les Européens contre un projet qui, en obligeant les pays les plus riches à soutenir les plus pauvres, diviserait profondément les vieilles nations européennes. Car il a toujours été clair que jamais l’Allemagne n’accepterait la moindre forme de péréquation, une condition pourtant indissociable de toute union monétaire.

    Bien avant la monnaie unique, le « serpent monétaire européen » et le Mécanisme européen des taux de change avaient montré l’impossibilité d’imposer une discipline monétaire commune à des pays aussi différents, explique Mody. Mais l’idéologie ne s’embarrasse ni du réel ni des peuples et de leur histoire. Les résultats ne se feront pas attendre. Sitôt les taux de change devenus fixes, la France verra ses excédents commerciaux fondre au soleil. Avec le recul, on voit que Paris a été pris à son propre jeu, dit Mody, lui qui croyait harnacher ainsi l’étalon allemand. Non seulement l’économie allemande a-t-elle continué à dominer l’Europe, mais l’euro permet aujourd’hui à Berlin de dicter ses réformes économiques à la France.

    Parodiant Aristote, l’économiste se demande comment « des hommes et des femmes éminemment bons et justes » ont pu déclencher une telle tragédie « non par vice et dépravation », mais par « erreur et faiblesse ». Selon lui, l’euro fut d’abord et avant tout un choix idéologique défiant toutes les lois de l’économie et de la géopolitique. Dans un monde de taux flottants, les pays européens se privaient de cette souveraineté monétaire qui agit comme un « pare-chocs ». Les dévaluations permettent aux plus faibles de reprendre leur souffle, contrairement à ce que croyaient Pompidou et Giscard d’Estaing, qui y voyaient un objet de honte.

    En entrevue sur le site Atlantico, https://www.atlantico.fr/decryptage/3565100/-la-tragedie-de-l-euro-ou-l-incroyable-bulle-cognitive-dans-laquelle-l-eur l’économiste note que les électeurs qui avaient voté en France contre le traité de Maastricht (1992) ressemblent étrangement à ces gilets jaunes qui ont récemment occupé les ronds-points. C’est de cette époque que date, dit-il, le début de la rébellion d’une partie de la population contre l’Europe. « Au lieu d’entendre la voix du peuple et de colmater la fracture, les responsables européens ont décidé de l’ignorer. »

    Ashoka Mody n’est pas antieuropéen. Au contraire, il rêve même d’une « nouvelle république des lettres » fondée sur la diversité des peuples européens. Selon lui, l’idéologie du « toujours plus d’Europe » est en train de déconstruire l’extraordinaire réussite économique qui avait caractérisé le Marché commun. Le refus de fusionner Alstom et Siemens en fournit aujourd’hui la preuve par l’absurde. Même le « couple franco-allemand » s’en trouve ébranlé.

    Soit Bruxelles accepte de redonner leur souveraineté aux États membres, dit l’économiste, soit l’euro continuera à agir comme « une force de décélération économique ». Dans ce cas, l’optimisme n’est guère de mise. Chaque nouvelle crise « surviendra dans un contexte de vulnérabilité financière et économique encore plus grand ». Or, la prochaine pourrait bien « déchirer durablement le délicat tissu européen ».

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    • #Ashoka_Mody est professeur de politique économique internationale à l’Ecole Woodrow Wilson de l’Université de Princeton. Il fut Directeur Adjoint du Fonds Monétaire International, et a également travaillé à la Banque Mondiale, et aux Laboratoires AT&T Bell. Ashoka Mody a conseillé des gouvernements pour des projets financiers et de politique de développement. Il est le lauréat du prix du livre économique de l’année 2018, de l’association des éditeurs américains pour son livre EuroTragedy A Drama in 9 acts (éditions OUP USA).

  • Emmanuel Macron, chronique d’une mort (politique) annoncée | Atlantico.fr
    https://www.atlantico.fr/decryptage/3560666/emmanuel-macron-chronique-d-une-mort-politique-annoncee-jean-sebastien-fer

    1) Le volet revendications du mouvement est en train d’être noyauté par l’extrême gauche. Les trotskistes et autres militants savent y faire et la question sociale leur offre un biais en or pour prendre le contrôle des plateformes de doléances. La sémantique des demandes des Gilets jaunes montre cette évolution.

    2) Pour autant, le mouvement des Gilets jaunes reste largement un mouvement à l’ethos de droite ou d’extrême-droite pour paraphraser le président Macron.

    3) Le discret décrochage des Français de droite dans les sondages en ce qui concerne le soutien aux Gilets jaunes montre d’ailleurs que la question de l’ordre refait surface. S’il existe une demande latente de violence dans le pays depuis que l’abus de violence symbolique et le mépris social d’une bonne partie du pouvoir macronien ont fait sortir le mauvais génie de la bouteille, la peur du chaos politique s’installe en sourdine. La crainte que la journée de samedi se conclue par des morts est évidente pour tous, celle du dérapage total et d’une perte de contrôle du pays et de son avenir émerge. Discrètement encore.

    4) Si l’extrême-gauche parvient à ses fins sur l’instrumentalisation des revendications du mouvement, une réaction chimique se produira : la demande d’ordre -au sens d’ordre politique tout autant que d’ordre public- se fera entendre fortement. La tentation de régime autoritaire analysée ici ou là, dans Atlantico depuis déjà trois ans comme par le Cevipof, pourrait faire irruption sur la scène politique française. Les derniers chiffres sur la sécurité du quotidien, + 21 % sur les cambriolages en 2017 ne sont, qui plus est, certainement pas de nature à tempérer le mouvement. Le Point titrait récemment sur la France livrée aux pillards, cette France des campagnes mise à sac par les voleurs de cuivre ou de tout et n’importe quoi et il suffit d’ouvrir la presse quotidienne régionale pour tomber quasi-quotidiennement sur des récits de braquage, qui dans une pharmacie, qui dans une boulangerie, qui dans un PMU bar tabac etc...