https://www.ladn.eu

  • Elon Musk considère notre planète comme condamnée selon Jonathan Taplin
    https://www.ladn.eu/tech-a-suivre/comment-4-milliardaires-de-la-tech-profitent-du-chaos-pour-imposer-leur-vision-

    Dans son ouvrage The End Of Reality, Jonathan Taplin alerte sur le futur amoral qu’imaginent Elon Musk, Mark Zuckerberg, Marc Andreessen et Peter Thiel.

    On ne présente plus Elon Musk ni Mark Zuckerberg. On connaît moins bien en France l’investisseur Marc Andreessen, qui a financé la plupart des grosses entreprises de la Silicon Valley, tout comme Peter Thiel, fondateur sulfureux de Paypal et de la société de renseignement technologique Palantir. 

    Jonathan Taplin a fait de ces quatre oligarques de la tech ses cibles dans son nouvel ouvrage The End of Reality : How Four Billionaires Are Selling Out Our Future (Public Affairs, septembre 2023). L’ex manager de Bob Dylan et producteur de Martin Scorsese, reconverti en observateur du monde des médias et de la tech, explique que ces quatre « technocrates » imaginent un futur très loin des préoccupations de 90 % de l’humanité (à savoir : le changement climatique et les inégalités sociales, par exemple). Puisque le monde selon Musk et compagnie repose sur des concepts qui nous menacent tous d’un point de vue « moral » et « politique », estime Jonathan Taplin. Il détaille quatre de ces concepts en particulier : le métavers, les cryptomonnaies, le transhumanisme et la colonisation de Mars, que défendent ces hommes, chacun à leur manière. Pour Jonathan Taplin, il y a donc urgence à combattre ces milliardaires. Son livre, qui s’appuie majoritairement sur des faits connus, a le mérite de relater leur pensée de manière claire et incisive. Interview.

    #Pensée_tech #Libertarianisme #Dystopie

  • Pourquoi l’Internet des trentenaires est en train de disparaître
    https://www.ladn.eu/media-mutants/internet-trentenaires-disparaitre
    https://www.ladn.eu/wp-content/uploads/2024/01/fingerstache-1200x630.jpg.webp?v=202403

    Back to the dark social

    À cette fragmentation dissociative vient s’ajouter un autre phénomène. De plus en plus d’internautes ne participent plus vraiment à la production de contenus sur les réseaux sociaux et deviennent de simples consommateurs. Pour vous en convaincre, il suffit d’aller faire un tour sur votre vieux profil Facebook et regarder les "souvenirs" d’il y a 5 ou 10 ans que la plateforme fait remonter. Au début des années 2010, nous postions régulièrement des photos ou des statuts, nous alimentions un blog ou un fil Tumblr pendant quelques mois avant de « faire une pause ». À présent, cette production s’est largement déportée vers ce qu’on appelle le « dark social », des réseaux plus privés comme Discord pour les plus jeunes ou dans les messageries privées embarquées tel WhatsApp pour les plus anciens. Ainsi Adam Mosseri, responsable d’Instagram, a déclaré en juillet que les utilisateurs de l’application partageaient plus de photos et de vidéos en messages directs que dans leurs stories.

    Comme le dit Shubham Agarwal, journaliste qui a écrit un article sur le sujet pour Business Insider, nous sommes passés d’un Internet qui ressemblait à une sortie au centre commercial à un Internet plus semblable à une soirée entre amis. La publicité omniprésente, l’exacerbation des tensions politique, la culture du clash perpétuel et la sensation de burn-out informationnel ont sans doute précipité la chute des grandes plateformes sociales.

    #Médias_sociaux #tendances #Mini_social

  • Laurent Mauduit : entre Bolloré et Bezos, le monde de l’édition en danger
    https://www.ladn.eu/media-mutants/laurent-mauduit-bollore-bezos-edition-danger

    Ces maisons agglomérées les unes aux autres ont mené à une banalisation de l’édition de livres trash faits rapidement ou vendus sur des cours laps de temps. En gros, on a une marchandisation du livre avec une baisse de qualité globale et une menace d’instrumentalisation avec de la censure d’ouvrages qui gênerait les actionnaires. L’article 1 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse indique que l’édition et la librairie sont libres. À mon sens, cette loi met en pratique la Déclaration des droits de l’Homme qui est ici directement menacée. Au même titre que la presse, l’édition garantit le droit de savoir des citoyens et il ne devrait pas avoir un statut marchand.

  • C’est quoi le mouvement Web Revival qui veut rendre Internet plus cool ? | David-Julien Rahmil
    https://www.ladn.eu/media-mutants/mouvement-web-revival-internet-cool

    « L’Internet n’est plus amusant ». Cette petite phrase, vous l’avez peut-être entendue de la part de vieux briscards du Web, mais aussi de jeunes internautes lassés des réseaux sociaux et de la surconsommation de contenu. C’est pour contrer ce marasme général qu’un petit mouvement plein d’espoir est en train de décoller. Source : L’ADN

  • Mangez les riches, ou la lutte des classes dans l’assiette et l’#alimentation
    https://www.ladn.eu/nouveaux-usages/he-les-pauvres-vous-pouvez-pas-apprendre-a-preparer-un-curry-vege-au-lieu-de-vo

    N. B. : La présomption d’incompétence des pauvres est omniprésente : ils sont accusés de ne pas savoir gérer leur budget et d’être dépourvus de connaissances diététiques. Émerge alors la notion de « bon pauvre » : celui qui ne fume pas, fait du jogging autour de sa barre d’immeuble, ne s’achète pas d’écran plat avec son allocation de rentrée scolaire, et mange des carottes et du thon en conserve. L’idée implicitement colportée, c’est que nous ferions mieux qu’eux : regarder le prix au kilo, acheter en gros etc. Cela est particulièrement visible depuis l’inflation, qui conduit la classe politique à venir « richesplainer » (ndlr : donner une explication avec condescendance à une personne pauvre) en plateau comment aider les gens à acheter, à manger. Rares sont ceux à défendre la revalorisation des salaires et des prestations sociales ; la plupart des politiques plébiscitent les chèques alimentaires (à l’instar des fameux food stamps américains) permettant de se procurer uniquement de la nourriture. Aux États-Unis, le mépris de classe va encore plus loin. En 2015, le sénateur américain républicain Arthur Delaney s’offusquait de voir des pauvres « se payer des filets de bœuf et des pattes de crabe », et suggérait d’exclure cookies, chips, jus de fruits, sodas, steaks, coquillages et crustacés de l’éligibilité aux coupons. En plus d’être punitive, cette ambition propage plusieurs idées : la nourriture ne serait que fonctionnelle, une somme de nutriments absorbés, et non un rituel culturel, gourmand et traditionnel ; tout le monde devrait manger la même chose et s’astreindre à la même ambition morale de se nourrir sainement.

  • Pourquoi le fisaco de Burning Man fascine autant les internautes ?
    https://www.ladn.eu/media-mutants/ebola-brulures-chimiques-les-inondations-de-burning-man-nourissent-les-rumeurs-

    Si l’on en croit TikTok, le festival Burning Man s’est transformé en catastrophe postapocalyptique. Sur place, les choses sont pourtant bien plus calmes. Et si cet emballement avait quelque chose à voir avec notre envie de voir des riches souffrir ?

    Depuis deux jours, le monde de la tech est sous l’eau… ou plutôt, il patauge dans la gadoue. En effet, le célèbre festival Burning Man qui se déroule tous les ans dans le désert de Black Rock au Nevada, et accueille tout le gratin de la Silicon Valley, vient de connaître un épisode de fortes pluies rendant le terrain impraticable. Si les véhicules à 4 roues motrices peuvent se déplacer, les vélos, les voitures ou les camping-cars sont totalement enlisés dans une boue visqueuse rendant le départ presque impossible. À cause des conditions météorologiques, la mise à feu de l’effigie qui siège au milieu de « la Playa » et qui donne le signal de la fin du festival a été repoussée à ce lundi 4 septembre. 

    @hkenza33
    BURNING MAN 2023 #burningman #burningman23

    ♬ Funny - Gold-Tiger
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    Un arrière-goût de Fyre Festival

    Plusieurs vidéos montrant des festivaliers en train de quitter le désert à pied pour rejoindre l’unique route ainsi que l’annonce d’un mort durant les averses a fini par transformer ces difficultés en véritable feuilleton catastrophe. Il faut dire que les images rappellent un autre évènement ; le fameux Fyre Festival de 2017 durant lequel de jeunes gens avaient payé une fortune pour se retrouver coincés dans un camp de fortune aux Bahamas. Mais cette ressemblance n’explique pas les multiples exagérations que l’on a pu entendre depuis ces dernières 24 heures. 

    Si l’on se fie aux très nombreuses vidéos YouTube et TikTok sur le sujet, les festivaliers souffriraient de faim et de soif, coincés dans un désert boueux sans moyen de contacter le monde extérieur. Les routes étant impraticables, les organisateurs du festival ont demandé à rationner l’eau et la nourriture, chaque participant étant censé avoir apporté de quoi se nourrir et s’hydrater en autonomie pendant une semaine. Certaines vidéos font référence au sable de Black Rock qui est si fin qu’il aspire l’humidité de la peau et provoque des blessures semblables à des brûlures chimiques. D’autres rumeurs plus folles évoquent des cas de maladies semblables à Ebola et un confinement du festival décidé par la FEMA (l’agence américaine spécialisée dans les situations d’urgence).

    #Burning_man #Paniques_morales #Médias #Médias_sociaux

  • Une association spécialisée dans la santé débranche un chatbot nuisible
    https://www.ladn.eu/nouveaux-usages/une-association-specialisee-dans-les-troubles-alimentaire-debranche-en-urgence-

    C’est l’une de ces histoires dans lesquelles rien ne va. Des salariés montent un syndicat, se font virer, sont remplacés par un chatbot. Chatbot qui doit être désactivé car il incite des utilisateurs en détresse à s’affamer.

    Spécialisée dans la prévention des troubles alimentaires (TA), la National Eating Disorder Association (NEDA) a décidé de virer tous les employés chargés de répondre à la ligne verte de l’association américaine. Un mois plus tôt, ces salariés avaient décidé de se syndiquer, et l’organisation avait naturellement conclu qu’il était temps de les remplacer par un chatbot. Baptisé Tessa, l’agent conversationnel avait vocation à devenir le principal soutien à disposition des personnes souffrant de TA, rapporte Motherboard. Seulement voilà : deux jours seulement avant que Tessa ne remplace complètement les employés, la NEDA a dû mettre le chatbot hors ligne. Au lieu d’être de bon conseil, Tessa incitait les utilisateurs à maigrir et à prendre leurs mensurations toutes les semaines. Qui aurait pu le voir venir ? À peu près tout le monde.

    #chatbot #Troubles_alimentaires

  • #Bien-être : « Tant qu’on utilisera le #yoga pour être en forme au #travail, on aura un problème »

    Loin de nous apporter le bonheur promis, la sphère bien-être perpétue un système nuisible qui ne peut que nous rendre malheureux. Interview de #Camille_Teste.

    Huiles essentielles, massages et salutations au soleil promettent de nous changer de l’intérieur, et le monde avec. À tort ? C’est le sujet de l’essai Politiser le bien-être (https://boutique.binge.audio/products/politiser-le-bien-etre-camille-teste) publié en avril dernier chez Binge Audio Editions. Selon l’ex-journaliste Camille Teste, non seulement nos petits gestes bien-être ne guériront pas les maux de nos sociétés occidentales, mais ils pourraient même les empirer. Rassurez-vous, Camille Teste, aujourd’hui professeur de yoga, ne propose pas de bannir les sophrologues et de brûler nos matelas. Elle nous invite en revanche à prendre conscience du rôle que jouent les pratiques de bien-être, celui de lubrifiant d’un système capitaliste. Interview.

    Le bien-être est la quête individuelle du moment. C’est aussi un #business : pouvez-vous préciser les contours de ce #marché ?

    Camille Treste : La sphère bien-être recouvre un marché très vaste qualifiant toutes les pratiques dont l’objectif est d’atteindre un équilibre dit « intégral », c’est-à-dire psychologique, physique, émotionnel, spirituel et social, au sens relationnel du terme. Cela inclut des pratiques esthétiques, psychocorporelles (yoga, muscu...), paramédicales (sophrologie, hypnose...) et spirituelles. En plein boom depuis les années 90, la sphère bien-être s’est démultipliée en ligne dans les années 2010. Cela débute sur YouTube avec des praticiens et coachs sportifs avant de s’orienter vers le développement personnel, notamment sur Instagram. Rappelons que le milieu est riche en complications, entre dérives sectaires et arnaques financières : par exemple, sous couvert d’élévation spirituelle, certains coachs autoproclamés vendent très cher leurs services pour se former... au #coaching. Un phénomène qui s’accélère depuis la pandémie et s’inscrit dans une dynamique de vente pyramidale ou système de Ponzi.

    Pourquoi la sphère bien-être se tourne-t-elle autant vers les cultures ancestrales ?

    C. T : Effectivement, les thérapies alternatives et les #néospiritualités ont volontiers tendance à picorer dans des pratiques culturelles asiatiques ou latines, comme l’Ayurveda née en Inde ou la cérémonie du cacao, originaire d’Amérique centrale. Ce phénomène relève aussi bien d’un intérêt authentique que d’une #stratégie_marketing. Le problème, c’est que pour notre usage, nous commercialisons et transformons des pratiques empruntées à des pays dominés, colonisés ou anciennement colonisés avant de le leur rendre, souvent diluées, galvaudées et abîmées, ce qu’on peut qualifier d’#appropriation_culturelle. C’est le cas par exemple des cérémonies ayahuasca pratiquées en Amazonie, durant lesquelles la concoction hallucinogène est originellement consommée par les chamanes, et non par les participants. Pourquoi cette propension à se servir chez les autres ? Notre culture occidentale qui a érigé la #rationalité en valeur suprême voit d’un mauvais œil le pas de côté spirituel. Se dissimuler derrière les pratiques de peuples extérieurs à l’Occident procure un #alibi, une sorte de laissez-passer un peu raciste qui autorise à profiter des bienfaits de coutumes que l’on ne s’explique pas et de traditions que l’on ne comprend pas vraiment. Il ne s’agit pas de dire que les #pratiques_spirituelles ne sont pas désirables, au contraire. Mais plutôt que de nous tourner vers celles d’autres peuples, peut-être pourrions-nous inventer les nôtres ou renouer avec celles auxquelles nous avons renoncé avec la modernité, comme le #néodruidisme. Le tout évidemment, sans renoncer à la #médecine_moderne, à la #science, à la rationalité, et sans tomber dans un #traditionalisme_réactionnaire.

    Vous affirmez que la sphère bien-être est « la meilleure amie du #néolibéralisme. » Où est la connivence ?

    C. T : La #culture_néolibérale précède bien sûr l’essor de la sphère bien-être. Théorisée au début du 20ème siècle, elle s’insère réellement dans nos vies dans les années 80 avec l’élection de Reagan-Thatcher. Avant cette décennie, le capitalisme laissait de côté nos relations personnelles, l’amour, le corps : cela change avec le néolibéralisme, qui appréhende tout ce qui relève de l’#intime comme un marché potentiel. Le capitalisme pénètre alors chaque pore de notre peau et tous les volets de notre existence. En parallèle, et à partir des années 90, le marché du bien-être explose, et l’économiste américain Paul Zane Pilzer prédit à raison qu’au 21ème siècle le marché brassera des milliards. Cela a été rendu possible par la mécanique du néolibéralisme qui pose les individus en tant que petites entreprises, responsables de leur croissance et de leur développement, et non plus en tant que personnes qui s’organisent ensemble pour faire société et répondre collectivement à leurs problèmes. Peu à peu, le néolibéralisme impose à grande échelle cette culture qui nous rend intégralement responsable de notre #bonheur et de notre #malheur, et à laquelle la sphère bien-être répond en nous gavant de yoga et de cristaux. Le problème, c’est que cela nous détourne de la véritable cause de nos problèmes, pourtant clairement identifiés : changement climatique, paupérisation, système productiviste, réformes tournées vers la santé du marché et non vers la nôtre. Finalement, la quête du bien-être, c’est le petit #mensonge que l’on se raconte tous les jours, mensonge qui consiste à se dire que cristaux et autres cérémonies du cacao permettent de colmater les brèches. En plus d’être complètement faux, cela démantèle toujours plus les #structures_collectives tout en continuant d’enrichir l’une des vaches à lait les plus grasses du capitalisme.

    Il semble que le #collectif attire moins que tout ce qui relève l’intime. Est-ce un problème d’esthétique ?

    C. T : La #culture_individualise née avec les Lumières promeut l’égalité et la liberté, suivie au 19ème et 20ème siècles par un effet pervers. L’#hyper-individualisme nous fait alors regarder le collectif avec de plus en plus d’ironie et rend les engagements – notamment ceux au sein des syndicats – un peu ringards. En parallèle, notre culture valorise énormément l’#esthétique, ce qui a rendu les salles de yoga au design soignées et les néospiritualités très attirantes. Récemment, avec le mouvement retraite et l’émergence de militants telle #Mathilde_Caillard, dite « #MC_danse_pour_le_climat » – qui utilise la danse en manif comme un outil de communication politique –, on a réussi à présenter l’#engagement et l’#organisation_collective comme quelque chose de cool. La poétesse et réalisatrice afro-américaine #Toni_Cade_Bambara dit qu’il faut rendre la résistance irrésistible, l’auteur #Alain_Damasio parle de battre le capitalisme sur le terrain du #désir. On peut le déplorer, mais la bataille culturelle se jouera aussi sur le terrain de l’esthétique.

    Vous écrivez : « La logique néolibérale n’a pas seulement détourné une dynamique contestataire et antisystème, elle en a fait un argument de vente. » La quête spirituelle finit donc comme le rock : rattrapée par le capitalisme ?

    C. T : La quête de « la meilleure version de soi-même » branchée sport et smoothie en 2010 est revue aujourd’hui à la sauce New Age. La promesse est de « nous faire sortir de la caverne » pour nous transformer en sur-personne libérée de la superficialité, de l’ego et du marasme ambiant. Il s’agit aussi d’un argument marketing extrêmement bien rodé pour vendre des séminaires à 3 333 euros ou vendre des fringues censées « favoriser l’#éveil_spirituel » comme le fait #Jaden_Smith avec sa marque #MSFTSrep. Mais ne nous trompons pas, cette rhétorique antisystème est très individualiste et laisse totalement de côté la #critique_sociale : le #New_Age ne propose jamais de solutions concrètes au fait que les plus faibles sont oppressés au bénéfice de quelques dominants, il ne parle pas de #lutte_des_classes. Les cristaux ne changent pas le fait qu’il y a d’un côté des possédants, de l’autre des personnes qui vendent leur force de travail pour pas grand-chose. Au contraire, il tend à faire du contournement spirituel, à savoir expliquer des problèmes très politiques – la pauvreté, le sexisme ou le racisme par exemple – par des causes vagues. Vous êtes victime de racisme ? Vibrez à des fréquences plus hautes. Votre patron vous exploite ? Avez-vous essayé le reiki ?

    Le bien-être est-il aussi l’apanage d’une classe sociale ?

    C. T : Prendre soin de soi est un #luxe : il faut avoir le temps et l’argent, c’est aussi un moyen de se démarquer. Le monde du bien-être est d’ailleurs formaté pour convenir à un certain type de personne : blanche, mince, aisée et non handicapée. Cela est particulièrement visible dans le milieu du yoga : au-delà de la barrière financière, la majorité des professeurs sont blancs et proposent des pratiques surtout pensées pour des corps minces, valides, sans besoins particuliers.

    Pensez notre bien-être personnel sans oublier les intérêts du grand collectif, c’est possible ?

    C. T : Les espaces de bien-être sont à sortir des logiques capitalistes, pas à jeter à la poubelle car ils ont des atouts majeurs : ils font partie des rares espaces dédiés à la #douceur, au #soin, à la prise en compte de nos #émotions, de notre corps, de notre vulnérabilité. Il s’agit tout d’abord de les transformer pour ne plus en faire un bien de consommation réservé à quelques-uns, mais un #bien_commun. C’est ce que fait le masseur #Yann_Croizé qui dans son centre masse prioritairement des corps LGBTQI+, mais aussi âgés, poilus, handicapés, souvent exclus de ces espaces, ou la professeure de yoga #Anaïs_Varnier qui adapte systématiquement ses cours aux différences corporelles : s’il manque une main à quelqu’un, aucune posture ne demandera d’en avoir deux durant son cours. Je recommande également de penser à l’impact de nos discours : a-t-on vraiment besoin, par exemple, de parler de féminin et de masculin sacré, comme le font de nombreux praticiens, ce qui, en plus d’essentialiser les qualités masculines et féminines, est très excluant pour les personnes queers, notamment trans, non-binaires ou intersexes. Il faut ensuite s’interroger sur les raisons qui nous poussent à adopter ces pratiques. Tant que l’on utilisera le yoga pour être en forme au travail et enrichir des actionnaires, ou le fitness pour renflouer son capital beauté dans un système qui donne plus de privilèges aux gens « beaux », on aura un problème. On peut en revanche utiliser le #yoga ou la #méditation pour réapprendre à ralentir et nous désintoxiquer d’un système qui nous veut toujours plus rapides, efficaces et productifs. On peut utiliser des #pratiques_corporelles comme la danse ou le mouvement pour tirer #plaisir de notre corps dans un système qui nous coupe de ce plaisir en nous laissant croire que l’exercice physique n’est qu’un moyen d’être plus beau ou plus dominant (une idée particulièrement répandue à l’extrême-droite où le muscle et la santé du corps servent à affirmer sa domination sur les autres). Cultiver le plaisir dans nos corps, dans ce contexte, est hautement subversif et politique... De même, nous pourrions utiliser les pratiques de bien-être comme des façons d’accueillir et de célébrer nos vulnérabilités, nos peines, nos hontes et nos « imperfections » dans une culture qui aspire à gommer nos failles et nos défauts pour nous transformer en robots invulnérables.

    https://www.ladn.eu/nouveaux-usages/bien-etre-tant-quon-utilisera-le-yoga-pour-etre-en-forme-au-travail-on-aura-un-
    #responsabilité

    voir aussi :
    https://seenthis.net/messages/817228

  • Non, les jeunes ne sont pas des crétins passifs face à l’information - Interview de Anne Cordier
    https://www.ladn.eu/media-mutants/non-jeunes-cretins-passifs-information

    Une interview indispensable.

    Vous pensez que les adolescents sont juste bons à regarder des influenceurs débiles sur YouTube ? Au terme de 10 ans d’enquête sur les pratiques informationnelles des jeunes, la sociologue Anne Cordier n’est pas du tout du même avis.

    Loin du cliché qui voudrait que les enfants et adolescents soient des victimes complaisantes des réseaux sociaux incapables de s’informer correctement, le livre Grandir informés de la sociologue Anne Cordier a de quoi rassurer. Depuis 2012, cette enseignante-chercheuse en Sciences de l’Information et de la Communication à l’Université de Lorraine, suit la vie connectée de jeunes de 6 à 20 ans afin de comprendre leur rapport au numérique et à l’information au fur et à mesure de leur parcours et de leur entrée dans le monde adulte. Il en ressort un constat qui va bien souvent à l’encontre des idées reçues. Pour beaucoup d’ados, il est important – et même plaisant – de bien s’informer même si cette action ne se fait pas sans difficulté. Forgées par le Web et un écosystème d’information décentralisé, les pratiques des jeunes sont pourtant toujours mal perçues par une majorité d’adultes. Explications.

    #Anne_Cordier #Grandir_informés

    • Quand toute l’industrie mondiale du sucre fait tout pour en mettre partout, être pédagogue ne suffit pas, expliquer que « le sucre c’est mal » n’empêche pas de vouloir en manger toujours plus : il faut être proactifs, et interdire au max le sucre transformé à la maison, et manger des brocolis à table. Et de temps en temps quand c’est la fête, anniv, noel etc, on sort un peu de bonnes confiseries et bons chocolats qu’on a choisit si possible avec soin.

      Du coup la comparaison tient plutôt bien : il faut être proactifs aussi et ne pas laisser de chamalows numériques librement à disposition en permanence. Et donc manger des brocolis informationnels en priorité = de la presse papier ou numérique choisie avec vraiment des nutriments informationnels dedans càd du vrai travail journalistique et pas du temps de cerveau pour les publicitaires = Mediapart plutôt que Brut pour schématiser mais yen a d’autres. Avoir des infos ingurgitables en 2min, 5min max, c’est la mort de l’information et de l’analyse. Ne pas laisser le portable et l’ordi dispo en continu. Faire lire des romans, des essais, de la presse totalement papier sans aucune distraction autour.

      Le goût complexe et la diététique (et il faut les deux) ça s’apprend, un enfant n’aimant pas forcément immédiatement sans apprentissage le roquefort et les champignons.

      Cela dit la pression sociale est tellement forte pour le sucre (alimentaire et informationnel) qu’il faut être super surveillant et pointilleux.

      J’ai un bon exemple d’ado à la maison, qui a totalement décliné en capacité d’expression oral/écrite depuis qu’il a le portable disponible en permanence. Et c’est marrant car la comparaison avec le sucre continue de marcher.
      – Toute son enfance ya jamais eu de bonbons et trop de trucs sucrés à la maison. Et bien il mangeait du roquefort à 1 an, et il préfère toujours un bout de comté ou du houmous de papa qu’une sucrerie.
      – Toute son enfance il avait accès à uniquement du papier, des dizaines de livres, et pas youtube bien sûr mais pas de télé non plus : les vidéos étaient uniquement des DVD choisis (et donc à demander pour y accéder). Et bien il a lu ultra tôt, avait un vocabulaire deux fois plus que le moyenne, etc. Il n’y avait pas besoin de surveillance, on pouvait le laisser seul dans sa chambre ou dans la maison, puisque ce qu’il avait accès c’était plein de trucs de qualité en papier.

      À partir de fin collège, sa mère lui a pris un mobile, et il a eu aussi ordi, youtube, tiktok, tous les « médias de flux », etc. Depuis il ne lit plus de papier par lui-même, seulement quand on le force, et il a des difficultés scolaires importantes dans les matières de socle (français, expression, argumentation, etc).

      Alors on pourrait dire « bah fallait pas juste lui donner, fallait surveiller plus ». Certes, mais déjà c’était pas mon choix, et surtout on n’a pas forcément le temps et l’énergie (charge mentale, travail, courses, manger, loyer, etc). Alors que quand il n’y avait pas le mobile du tout, cette surveillance de tous les instants pour ne pas se gaver de sucre pourri n’avait pas lieu d’être. C’est une charge mentale énorme qui s’ajoute aux parents !
      (Perso quand j’étais ado, je jouais énormément aux jeux vidéos, collège et lycée. Mais il y avait la presse papier dans le salon toujours dispo, Libé, Télérama, etc, que je lisais toujours.)

    • Figure toi que le notre, en 1ère, il ne parle plus beaucoup spontanément, et il a du mal quand il faut argumenter, aussi ; c’est aussi l’âge. Mais quand il faut qu’il raconte un film qu’il a vu, c’est affligeant la difficulté qu’il a à synthétiser les éléments importants. A l’approche du bac, on est en train de se dire que bon, mais pourquoi ils ne rédigent plus rien en français au collège et au lycée ? Je n’arrive pas à comprendre pourquoi on leur demande de faire des commentaires de texte littéraire, et des dissertations au bac, alors qu’on ne leur demande plus d’en faire ni en cours, ni à la maison, sauf 2 ou 3 fois l’an pour les devoirs surveillés. Au collège à une époque, on demandait de faire des résumés, des rédactions. Je n’ai pas le souvenir d’une seule fois où il a eu à faire cet exercice. C’est très bien que la charge de travail à la maison soit moindre, mais... si l’exercice n’est pas réalisé non plus en cours, quand est-ce que le gamin va s’y frotter ? C’est ça la fameuse « baisse de niveau » ?

    • Je n’arrive pas à comprendre pourquoi on leur demande de faire des commentaires de texte littéraire, et des dissertations au bac, alors qu’on ne leur demande plus d’en faire ni en cours, ni à la maison, sauf 2 ou 3 fois l’an pour les devoirs surveillés.

      Aah mais purée ça fait 3 ans que je me demande la même chose depuis fin collège !

      Moi au collège au moins depuis la 4ème, on nous demandait de faire des « fiches de lecture » super longues, qui devaient avoir un résumé de plusieurs pages A4 + avis personnel long et argumenté (et je détestais ça). Là, même en seconde ils ont pas ça ! WTF pour faire le bac ensuite… Il a dû faire 2 pauvres commentaires en un an…

    • De notre côté, on a retiré le portable depuis plus d’un an à la grande, malgré une nouvelle tentative à Noël. Donc elle l’a au compte-goutte. Parce que c’était totalement ingérable : les gamins ont encore moins de moyens que nous de résister au fait que l’« économie de l’attention », depuis des années, c’est le principal investissement de la Silicon Valley. Les meilleurs psys, comportementalistes, ingénieurs, que sais-je, et des milliards de dollars sont consacrés à la seule et unique tâche de savoir comment capter l’attention. Notre ado est rigoureusement incapable d’y résister (même si elle a conscience du problème, comme c’est dit par Anne Cordier). Les confinements n’ont sans doute pas aidé, d’ailleurs, ce sont des périodes où les mauvaises habitudes semblent s’être lourdement installées.

      Et la différence du smartphone avec la téloche, c’est que c’est rigoureusement incontrôlable : tu te retrouves avec une gamine qui semble épuisée, tu crois qu’elle couve quelque chose et tu te rends compte seulement à la fin de la semaine que c’est parce qu’elle binge-watchait des « les Gacha commentent des animés » jusqu’à 4 heures du mat toutes les nuits sous la couette. (Je me souviens que je bouquinais en loucedé sous ma couette, avec la lampe-poche destinée à aller pisser la nuit ; mais tu peux pas bouquiner tous les soirs jusqu’à 4 heures du mat avec une lampe-poche, tu finis forcément par roupiller avec la loupiotte allumée. Par contre, le smartphone, c’est redoutable.)

      Du coup on a repris le smartphone et les petits n’en auront pas. La grande a un dumbphone pour… téléphoner (ce qu’elle ne fait quasiment jamais, téléphoner apparemment c’est beaucoup trop intrusif). Anne Cordier le dit d’ailleurs à la fin de l’article : les gamins ont bien conscience des pièges, mais n’ont aucun moyen de ne pas y céder. (On a tenté pendant trop longtemps de contrôler grâce aux contrôles parentaux, qui sont directement intégrés dans les trucs Apple, mais c’est un échec retentissant – alors même qu’on est loin d’être des parents analphabètes en matière d’interwebz…).

      La difficulté se déplace alors sur l’ordinateur, parce que là aussi dès qu’on a le dos tourné ça te me binge watch des conneries au lieu de faire les devoirs (c’est pas qu’on voudrait qu’elle ne fasse que ses devoirs avec l’ordi : c’est qu’on voudrait qu’elle ne passe pas 4 heures chaque soir à glander parce que les devoirs prennent des plombes et que tout ça est d’une inefficacité épouvantable). Et qu’on aimerait bien, aussi, qu’elle fasse autre chose dans sa vie d’ado que de rester à glander devant l’ordinateur avec les devoirs toujours à faire, et à n’avoir plus le temps pour rien (ne serait-ce que sortir avec les ami·es).

      Les petits (en sixième), pour l’instant les mauvaises habitudes ne sont pas totalement prises (vu que pas de smartphone), mais ça commence : le collège leur fournit un ipad chacun, qui est relativement bridé, mais ça n’empêche que ça commence à devenir un problème.

      Dans tous les cas, on constate en plus les comportements pénibles. C’est pas totalement surprenant que ça se développe avec l’âge, mais pour le coup, je pense que l’accès aux écrans accentue les mensonges, les tromperies et les dissimulations. Quand la grande arrive à récupérer le smartphone (parce qu’un besoin ponctuel le justifie), derrière on peut être certains qu’on va se fader des méthodes de brigande pour planquer le truc, mentir (« nan, je sais pas où il est… »), attendre qu’on soit couchés pour binge-watcher des merdes, nous entuber pour réussir à faire sauter les limitations parentales…

      Je trouve Anne Cordier légère sur cette partie de l’entretien :

      Après, dans les faits, ils sont comme nous tous. On a conscience qu’on se fait avoir par ces applications : ça nous arrive de tomber facilement dans un tunnel de TikTok. Ils reconnaissent qu’ils sont victimes de ce genre de pratiques et ils se sentent démunis face à ça. Ils parlent de fermer le téléphone, de le mettre en silencieux, mais ils n’ont pas de solutions efficaces. Ce que je trouve difficile, c’est surtout de leur déléguer la responsabilité des pièges tendus par ces applications.

      Je comprends qu’elle ne développe pas parce que ce n’est pas le cœur du sujet, mais pour les parents, à nous lire je vois bien que c’est indissociable du sujet de l’accès à l’information. Elle dit : « ils se sentent démunis », « ils n’ont pas de solutions efficaces », et c’est « difficile de leur déléguer la responsabilité ». Certes, mais les parents n’ont pas de solution non plus, et le fait même que le smartphone soit un objet personnel et incontrôlable fait qu’il n’y a aucune autre solution que de leur « déléguer » la responsabilité de leur usage - sauf à confisquer l’objet…

      Sinon, pour revenir à la consommation d’info par les gamins, je suis assez d’accord sur le fait qu’ils peuvent utiliser les écrans de manière tout à fait constructive pour alimenter leurs centres d’intérêt. Certes on bloque les réseaux sociaux et on surveille pour limiter les comportements de binge-watching de trucs débiles, donc nos 3 gamins, dans le tram, ont l’habitude de discuter ou de dessiner plutôt que de scroller vainement de vidéos rigolotes en vidéos rigolotes sur Insta. Mais du côté de l’« information », franchement, je trouve pas les gamins d’aujourd’hui (y compris les gamins de nos amis) plus nuls que nos générations, qui ont été élevées avec la téloche.

      Après, les parents qui trouvent que leurs gamins sont incultes en matière d’information, ne s’intéressent pas aux « bons » sujets, faut peut-être un peu discuter d’autre chose avec ses gamins que du dernier épisode de Kolantha. On n’attend pas des niards qu’ils se passionnent spontanément pour l’information « noble », m’enfin si tu discutes à table de l’Ukraine, de la réforme des retraites et du SNU, les gamins ils s’intéressent, histoire de participer à la conversation. De plus, de la même façon qu’on n’attend pas qu’ils aillent au musée tous seuls où qu’ils apprennent spontanément le programme de math sans passer par l’école, l’accès à l’information c’est surtout quelque chose qui se fait en famille : outre discuter avec eux, tu peux regarder des documentaires avec eux, choisir un film sur tel sujet qui a éveillé leur intérêt, faire une recherche ensemble sur le Web…

    • Chaque enfant est unique décidément.

      Ici, il a son mobile depuis je ne sais plus quand au collège. En 4è ou 3è. Il se l’est acheté avec ses sous. Et il avait ordre de le déposer hors de sa chambre à 22h00 dernier délai. C’est plus souple désormais, au-delà de 22h je veux dire, mais il ne doit jamais le garder avec lui la nuit. Et il ne tente pas de contourner.

      En ce moment, il me demande de supprimer le contrôle parental de la Switch. Mais il n’a pas encore compris que ce n’était pas pour lui que je le conserve :-))

      On est du genre à faire confiance. Mais quand on détecte qu’il a abusé de cette confiance, on le pourrit. Et ça suffit. Jusqu’alors.

    • Dans ce que vous dites, il y a un mélange entre les ruptures de l’adolescence (qui n’ont pas besoin du smartphone pour cela), les préceptes éducatifs (qui viennent de votre haute conception du travail intellectuel) et les manipulations massives des oligopoles de l’attention.

      Ce qui fait que ce n’est pas forcément facile à suivre.

      Pour mes enfants, c’était avant le numérique, et je n’avais pas la télé... mais j’ai vécu des choses semblables à ce que vous décrivez. Et pour mes petits-enfants, j’ai vu la manière dont elles se redressent après un plongeon dans le youtubisme.

      C’est tout l’intérêt de la sociologie de s’écarter des choses que l’on peut observer autour de soi pour prendre en compte de multiples éléments.

      Et dans le cas du livre de Anne Cordier, c’est sur plus de dix ans en longitudinal... le temps de voir des choses changer.

      Enfin, quand elle dit que les enfants sont démunis, elle dit autant des parents... sa cible est plutôt les pouvoirs politiques (et éducatifs, pouvoirs, pas profs) qui restent les bras croisés devant les méga-machines.

    • Sauf que ceux qui vivent au quotidien avec ces enfants puis ados, ce sont bien les parents, puis en deuxième ligne les profs. Donc on ne peut pas toujours attendre une solution de l’État et des pouvoirs publics/politiques. Surtout à partir du moment où le médium est majoritairement un objet purement personnel comme le smartphone, comme le rappel @arno plus haut, donc bien plus difficilement surveillable/controlable (que la télé ou un ordinateur central, que ce soit à la maison ou dans l’éducation).

      On se doute bien qu’il y a des choses propres à l’adolescence… Mais il faut quand même arriver à distinguer ce qui est propre à cette époque précise avec les objets et médias précis du moment (internet, smartphone, youtube, rézosocios, etc).

      Je trouve pour l’instant toujours que son analogie finale avec le sucre et les brocolis, correspond plutôt bien à la chose, même si je ne sais pas si elle en mesure vraiment toutes les conséquences pratiques.

      Avoir un smartphone dès le collège en libre accès, avec youtube etc, c’est donc très exactement comme si nous les parents on leur laissait un ÉNORME paquet de chamallows en libre accès dans leur chambre et leur sac à dos en permanence. Un paquet virtuellement sans fond. Et on les laisse s’auto-réguler avec ça.

      Pour le sucre, il y a à la fois l’éducation personnel au goût, au fait de pas juste laisser librement l’accès et le choix entre chamallow et brocoli sur une table, donc des actes durant l’éducation des parents et de la cantine de l’école ; et des actions politiques de grande échelle, sur les restrictions au sucre dans les produits transformés, aux lois sur la publicité, à l’organisation de campagne de santé nationale et dans l’éducation nationale, etc. Mais ya bien les deux et en premier lieu les parents au quotidien dès la petite enfance.

      Et je persiste à penser que l’éducation à la lecture, à l’analyse critique et à l’argumentation, ne peut être la même entre des générations qui ont appris ça sur papier et sans distractions puis ont été ensuite sur internet et ont appliqué ce qui avait déjà été intégré dans leur tête, et des générations a qui on tente d’apprendre ça directement dans la profusion d’écrans et des internets.
      Pour filer encore, c’est comme si on avait des générations éduquées à manger pas trop mal, doucement, et sans télé à table, avec peu de sucre accessible, un peu en fin de repas ; et d’autres générations où pendant tous les repas depuis l’enfance, ya des écrans et de la publicité flashy pour des trucs sucrés en continu, et ya des bols de bonbons et de trucs à l’huile de palme tout le long sur la table. On peut pas avoir le même rapport (personnel et social) à la nourriture entre ces deux manières.

    • Un aspect assez rigolo : depuis l’année dernière pour la grande, le sujet « Les réseaux sociaux » revient souvent en classe. Soit sous forme de débat organisé en classe (notamment en anglais pour faire causer les gamin·es), soit sous forme d’épreuve écrite.

      Du coup la grande vient en discuter, et la première chose qui me vient à l’esprit, c’est : « m’enfin tu as à peine 14 ans, les réseaux sociaux sont interdits aux moins de 13 ans, et avec l’autorisation des parents avant 15 ans ; donc je ne comprends pas qu’on t’impose un sujet sur lequel tu n’as potentiellement rigoureusement aucune expérience… ». Bientôt un sujet « Est-ce que vous pensez que vous payez trop d’impôts ? » au Brevet ?

    • Bah ouais mais rien à voir avec l’accès facile permanent de tous en 2 clics dès google. Là aussi c’est la diff entre « moi j’ai connu ci » et la moyenne d’âge d’une génération entière (rien qu’en 2017 c’était encore 14 ans, là 10 ans maintenant… en 1985 c’était largement plus de 14 la moyenne pour ça).

    • Au collège à une époque, on demandait de faire des résumés, des rédactions. Je n’ai pas le souvenir d’une seule fois où il a eu à faire cet exercice.

      @biggrizzly pour répondre à ton interrogation, il faut se rappeler que le « sujet d’invention » a été supprimé du bac il y a 4 ou 5 ans.
      L’imagination n’est plus au programme !

  • Robots et humains : comment cohabiter en bonne intelligence
    https://www.ladn.eu/tech-a-suivre/on-sattache-a-des-robots-de-plus-en-plus-parfaits-qui-vont-toujours-dans-notre-

    Comment envisager nos relations avec ces nouveaux objets virtuels qui imitent de mieux en mieux le langage et le comportement humains ? Pour en savoir plus, nous avons interrogé Cécile Dolbeau-Bandin, chercheuse en sciences de l’information et de la communication à l’Institut pour l’étude des relations homme robots de l’université de Caen. Elle s’est exprimée à l’occasion du festival Turfu à Caen, qui se déroule jusqu’au 15 avril. Cécile est notamment l’auteure d’Un robot contre Alzheimer, Approche sociologique de l’usage du robot PARO dans un service de gériatrie, publié aux éditions C&F, et a contribué à plusieurs ouvrages sur nos relations aux objets numériques.

    Dans le cadre de mes recherches, je me suis notamment intéressée aux robots sociaux utilisés en milieu médical. Ce qu’on appelle robot social est un robot capable d’identifier des émotions et de faire croire qu’il comprend les humains, et qu’il les aime. Le petit robot Paro est un exemple de cela. C’est un robot animaloïde en forme de phoque utilisé auprès de personnes âgées et de patients atteints de la maladie d’Alzheimer. Il est proposé aux patients, qui acceptent, ou non, la compagnie du robot. Ils peuvent lui parler, et celui-ci va réagir en fonction du son de leur voix, lever la tête, la tourner à gauche ou à droite, et pousser de petits cris. Ils sont intégrés, mais encadrés par un protocole défini car il s’agit d’un objet thérapeutique. L’acceptation des patients varie du rejet à l’attachement fort. Tout dépend de la personne et du moment où on l’utilise.

    Lorsque Paro est présenté en Ehpad, le personnel précise bien qu’il s’agit d’un robot. Il ne doit pas y avoir de leurre, ni de confusion. Or, ce n’est pas toujours le cas lorsque vous croisez un influenceur virtuel ou lorsque vous discutez avec un chatbot qui mime très bien notre langage.
    Pourquoi a-t-on besoin de rendre les robots plus humains ?

    C. D-B. : L’anthropomorphisme des objets est un phénomène ancien. L’animisme existe dans de nombreuses cultures dites primitives. Pour la robotique, cela est aussi une question d’adaptabilité – par exemple un robot humanoïde s’adapte mieux à notre environnement et cette ressemblance faciliterait l’acceptation sociale. Et surtout, il y a un but commercial derrière cet anthropomorphisme. Hanson Robotics, la société derrière le robot Sophia, lui a donné une apparence humaine très réaliste, lui a donné un genre – ce qui pose par ailleurs question – elle lui a créé un profil sur les médias sociaux. Et c’est la société Hanson Robotics qui parle à travers elle, puisque toutes ses interventions sont « scriptées ». L’objectif est de faire accepter les robots, afin de mieux les commercialiser, de les intégrer de plus en plus dans les domiciles. Sophia permet à Hanson Robotics de commercialiser « Little Sophia », une sorte de petit assistant qui aide les enfants à faire leur devoir. Pour moi, le problème n’est pas tant le fait d’anthropomorphiser les robots, mais plutôt l’empathie artificielle que cela provoque. On va s’attacher de plus en plus à ces objets parce qu’ils nous ressemblent.

    Et pourquoi est-ce problématique ?

    C. D-B. : On va s’attacher à des objets de plus en plus parfaits, qui vont toujours dans notre sens. Replika ou ChatGPT sont consensuels, ils ne font pas de vague. Cela pose question quant à notre esprit critique, mais surtout à notre attachement aux autres. Ne va-t-on pas préférer des objets qui vont nous paraître quasiment parfaits à une communication humaine, qui par nature, est imparfaite ?

    Dans vos travaux, vous montrez tout de même qu’il y a des bienfaits à ces robots compagnons…

    C. D-B. : Je ne suis pas technophobe ni technophile. J’observe ce qu’il se passe sur le terrain. Il y a des effets bénéfiques bien sûr dans le cas de Paro : une meilleure mémorisation chez certains patients, une baisse de l’agressivité, une baisse des angoisses crépusculaires… Mais un robot est un objet particulier, qui nécessite un certain accompagnement. Il ne faut pas qu’il soit utilisé seul par une personne vulnérable comme une personne âgée ou un enfant. Et c’est quelque chose que l’on a tendance à oublier. On commercialise très facilement et sans accompagnement des produits comme ChatGPT, qui sont des objets particuliers. Ce ne sont pas des tables basses ou des micro-ondes, ils nécessitent des explications, une éducation, y compris des plus jeunes. On pense que les enfants savent mieux que nous concernant l’usage des médias sociaux notamment, mais c’est une erreur, il faut les accompagner avec bienveillance. C’est ce que montrent notamment les travaux d’Anne Cordier ou de Danah Boyd.

    #paro #Cécile_Dolbeau_Bandin #Robots

  • Isabelle Clair : « Les ados se raccrochent à la norme du couple »
    https://www.liberation.fr/idees-et-debats/isabelle-clair-les-ados-se-raccrochent-a-la-norme-du-couple-20230310_NGEE

    Ils sont loin d’être non binaires, tentés par la fluidité sexuelle, le polyamour ou l’homosexualité. Ou alors pas encore, dans longtemps peut-être… A l’#adolescence, on rêve d’être en #couple, les #filles ont peur de passer pour des « putes », les #garçons pour des « pédés ». Le premier baiser, le rapprochement vers l’autre sont autant de moments d’excitation intense que d’angoisse profonde, de confusion aussi. La sociologue au CNRS #Isabelle_Clair appelle ces premières amours les Choses sérieuses, dans un livre enquête publié cette semaine au Seuil. La chercheuse a passé vingt ans à écouter des adolescents (de 15 à 20 ans) sur le thème de l’#amour et de la #sexualité, dans des cités de Seine-Saint-Denis, des villages de Sarthe ou des quartiers aisés parisiens. Un travail de recherches inédit qui déjoue les idées reçues sur les amours adolescentes.

    Comment expliquer que le couple soit si central dans les premières expériences amoureuses ?

    La norme conjugale n’arrive pas avec l’âge adulte, le mariage ou l’installation à deux. A 14 ans, les jeunes deviennent célibataires. C’est ainsi qu’ils se définissent… quand bien même ils étaient déjà seuls avant ! Mais ce que ce mot vient révéler, c’est le changement de statut, d’enfant à célibataire, ressenti comme un manque : le célibat est vécu comme quelque chose de déficitaire. Ce n’est que plus tard, au cours de la vingtaine, que la sexualité bouge et explore davantage, avec une remise en cause du couple et parfois une pluralité assumée des expériences sexuelles. Les ados, eux, sont plus balbutiants. Ils ont tendance à se montrer très conformes aux modèles amoureux classiques. L’inexpérience est plus paralysante que vraiment audacieuse, particulièrement durant les années collège. Un glissement intervient à partir du lycée.

    Vous dites que, dans l’enfance et en début d’adolescence, les filles et les garçons vivent « ensemble séparés »…

    L’expression du sociologue Erving Goffman décrit bien leur relation à cet âge : on se côtoie sur les bancs de l’école, mais assez peu dans les cours de récréation. Même si la mixité à l’école existe depuis plus de cinquante ans, la construction des garçons et des filles reste fondée sur la différence, de la façon de s’habiller aux loisirs. Pendant l’enfance et au début de l’adolescence, on apprend surtout à ne pas côtoyer « l’autre sexe » avec lequel il est attendu qu’on prenne ses distances quand on est un garçon, et dont il est difficile d’être proche quand on est une fille. Les premières rencontres amoureuses doivent donc dépasser la peur et l’angoisse de désirer l’autre de qui, jusque-là, on était éloigné : faire le premier pas pour les garçons et ne pas dire oui trop vite, sans non plus faire attendre trop longtemps, pour les filles. C’est pour cela que les ados se raccrochent aux normes, comme celle du couple. Elle rassure mais elle est aussi anxiogène, étouffante. Revient souvent dans les propos des adolescents la difficulté de se conformer à la norme, d’autant qu’elle prend racine et justifie sa reproduction dans la « nature ». Ainsi les filles seraient naturellement sentimentales, les garçons naturellement sexuels… ce qui veut dire qu’à un niveau subjectif individuel, on est à peu près sûr de ne jamais se sentir normal. On a souvent l’impression qu’individuellement on n’est pas raccord avec ce qu’on devrait être, ce qui crée un malaise.

    Mais le couple valorise aussi, rend désirable…

    Etre en couple donne le pouvoir de s’afficher, procure la possibilité d’être choisi ou de choisir quelqu’un : cela veut dire qu’on est désirable, qu’on a de la valeur, qu’on est populaire, beau, belle. C’est lié au désir et à la sexualisation qui survient à cet âge-là. Elle affecte les garçons et les filles de manière différenciée. Les filles entrent dans le radar de cette sexualisation dès qu’elles commencent à avoir un peu de poitrine, qu’elles se transforment physiquement. Elles doivent en permanence donner des gages pour ne pas passer pour des « putes ». Le couple leur assure une forme de protection, non dénuée de violence aussi, il leur donne une respectabilité.

    Vous citez cette jeune fille qui n’est pas amoureuse de son petit copain, mais elle a couché avec lui dès la première soirée et s’oblige donc à rester avec lui plusieurs semaines…

    Elle a eu une relation sexuelle à l’occasion d’une soirée et ne le vit pas très bien au réveil. Elle nourrit une forme de culpabilité, typique des filles, et s’invente un couple. Elle se force, donne le change et se rassure sur elle-même en tentant de respecter cette norme. La morale amoureuse pour les filles doit lier trois éléments : désir sexuel, sentiments et conjugalité. Il faut aimer et être en couple pour pouvoir coucher, le couple servant de preuve et de cadre. C’est cela qu’on attend d’elles. Les garçons, eux, sont plutôt encouragés à savoir dissocier ces trois aspects de la morale amoureuse. A mettre à distance le sentiment amoureux. Pour les garçons, l’enjeu est de devenir « grand », un « vrai mec » c’est-à-dire de ne pas passer pour un « pédé ». Beaucoup de garçons qui auront à partir du lycée ou plus tard une trajectoire sexuelle gay passeront, au collège, par des expériences conjugales avec des filles pour brouiller les pistes.

    A quoi ressemblent ces couples adolescents ?

    Cela peut être simplement un « veux-tu sortir avec moi ? ». Cela dure deux jours, un peu de parades dans la cour et quelques serments. Il y a des caresses aussi, le premier rapport sexuel vers 14 ans est très minoritaire. Le premier baiser arrive autour de 13 ans et le premier rapport sexuel autour de 17 ans, un âge qui ne bouge pas vraiment depuis des décennies. Bien sûr, il n’y a pas de cohabitation, il y a quelque chose de l’ordre de l’artifice en fait. Les couples adolescents sont en tension : « C’est du sérieux », disent-ils souvent, mais ils sentent bien qu’il y a une inadéquation, qu’ils n’arrivent pas complètement à coller au modèle. Cela sonne faux.

    Il y a beaucoup de jalousie ?

    La conjugalité, même à cet âge, c’est l’exclusivité sexuelle, particulièrement pour les filles. C’est aussi un espace de contrôle pour les autres, public et visible. Celle qui déroge à la frontière du couple est dénoncée, jugée. La jalousie est donc fréquente, surtout dans les classes populaires où elle est davantage valorisée comme signe d’amour. Les garçons sont beaucoup plus inhibés sur l’expression de l’amour. Ils n’ont pas intérêt à avoir l’air d’être trop amoureux, signe de dépendance et d’infériorité par rapport aux filles. La jalousie leur permet une forme d’expressivité affective. Les filles le prennent pour une preuve d’attachement, quand bien même cela peut les exposer à de la violence, à du contrôle, à de la remontrance dont elles souffrent assez souvent. Dans la bourgeoisie en revanche, la jalousie est plus souvent mal perçue : c’est de l’enfantillage. Etre pris au sérieux, c’est plutôt arriver à maîtriser ces sentiments.

    Le fantasme est aussi une façon de traverser l’instabilité sentimentale de cette période…

    Beaucoup de filles traversent l’adolescence en fantasmant des relations… Il suffit parfois de peu – un regard, un premier rendez-vous qui n’a pas abouti, pour monter une histoire dans sa tête, qui peut durer plusieurs années, parfois une adolescence entière, parfois de manière très intense, sans que rien ne se passe jamais. Je me souviens d’une jeune fille qui m’a confié un jour qu’elle était amoureuse depuis deux ans d’un garçon dont elle ne savait quasiment rien. Un amour secret. Elle se rendait souvent au garage où il travaillait juste pour l’apercevoir… Elle en avait un peu honte, mais ces relations fantasmées sont aussi une forme de liberté. Ces amours seulement dans la tête peuvent être des pis-aller, faites de peurs et d’échecs, des relations que ces jeunes filles n’arrivent pas à réaliser. Mais pas seulement. C’est aussi le vertige du fantasme. Cela procure du plaisir. Les garçons que j’ai rencontrés pour mon enquête ne m’ont jamais confié ce genre d’histoires. Elles étaient probablement encore plus difficiles à raconter que pour les filles, surtout à une femme.

    De manière plus générale, l’homosexualité n’est toujours pas bien acceptée chez les jeunes que vous avez rencontrés…

    L’homosexualité est très disqualifiée, dans les classes populaires davantage que dans la bourgeoisie progressiste où la gayfriendliness est devenue une « morale de classe », un enjeu de distinction sociale. Mais nulle part, les couples de garçons ne s’affichent dans les espaces scolaires, et la rencontre se fait sur les réseaux sociaux, pas dans les soirées du samedi soir qui sont une extension du milieu scolaire. Parmi les jeunes parisiens aisés que j’ai rencontrés, les garçons homosexuels pouvaient afficher des vêtements ou des goûts musicaux ouvertement gays au lycée, en tout cas en filière littéraire, alors qu’ils ne le faisaient pas au collège. Certains ont brouillé les pistes au collège en formant des couples avec des filles, mais plusieurs sont entrés dans la sexualité génitale directement par l’homosexualité sans passer par l’hétérosexualité, un phénomène qu’on voyait jusqu’alors très rarement.

    Et l’homosexualité féminine ?

    Dans les milieux populaires où j’ai enquêté, il n’en était pas question. Ça ne voulait pas dire qu’il n’y en avait pas, mais on n’en parlait pas. Plusieurs filles issues de milieux bourgeois m’ont en revanche expliqué être entrées dans la sexualité avec des filles. Surtout, certaines s’affichent comme des couples de filles, y compris à l’école ou sur Instagram. Elles ne s’identifient jamais comme lesbiennes. Aucune. A leurs yeux, c’est péjoratif. Elles se disent que si elles passent pour lesbiennes, les garçons ne voudront plus d’elles.

    Vous notez que la notion de consentement est très présente dans tous les milieux.

    L’école, même si elle participe aussi à la reproduction du genre, a beaucoup fait sur la question du consentement, très intériorisée chez les garçons comme chez les filles. Ceci dit, la question du consentement était déjà posée depuis longtemps à travers l’idée qu’une fille « bien » doit faire attendre les garçons, et que le garçon doit attendre qu’elle soit « prête »… Il y a déjà bien une vieille histoire de consentement dans cette transaction. Mais alors comment savoir où est le consentement réel ? Les filles disent à un moment « je suis prête ». Mais elles ne disent pas, contrairement aux garçons, « j’ai envie ». Dans toute cette négociation avec elles-mêmes, avec ce qu’on attend d’elles socialement, la question de leur propre désir passe après. D’abord il y a l’amour, la respectabilité sexuelle… Les enquêtes de grandes échelles sur la sexualité montrent d’ailleurs que les femmes devenues adultes sont très nombreuses à regretter leur « première fois » : ce n’était pas la bonne personne, c’était trop tôt…

    Comment se passe la rupture, chez ces jeunes couples ?

    Elle peut être synonyme de chagrin et de perte pour celui qui est quitté. Le chagrin peut prendre la forme de la colère de manière plus acceptée chez les garçons. Une partie de la conjugalité reste construite sur l’idée d’appropriation des filles par les garçons, et quand elles les quittent, ils peuvent continuer à se sentir propriétaires d’elles, à les insulter, à se sentir avilis si elles couchent avec d’autres. Mais une chose surprend souvent les jeunes quand ils rompent, c’est de ne rien ressentir, à part le monde qui s’ouvre à nouveau. Les garçons, plus que les filles, évoquent le sentiment d’enfermement conjugal, sans doute aussi parce qu’il est plus légitime pour eux de parler du couple comme d’un problème. Je pense qu’en réalité, beaucoup de filles se sentent enfermées elles aussi, mais ne le formulent pas ainsi. Et par ailleurs, pour elles, la rupture est plus coûteuse. D’une part parce qu’elle peut être l’occasion d’une décharge de violence de la part des garçons. Et de l’autre parce que, « seules », en dehors de tout lien d’appropriation, elles sont à nouveau exposées au stigmate de la "pute".

  • Pour comprendre le numérique : 3 livres sur la tech à dévorer
    https://www.ladn.eu/tech-a-suivre/vous-vous-voulez-comprendre-la-culture-numerique-sans-oser-le-demander-trois-li

    On vous recommande trois livres : l’un analyse en profondeur YouTube, le deuxième décortique le mythe des entrepreneurs de la tech et le dernier explique comment le numérique nous fait passer dans l’ère de la prédiction.
    La machine YouTube, pour sortir des analyses basiques sur les youtubeurs

    L’ancienneté de YouTube, créée en 2005, et sa puissance en font un excellent objet d’étude pour comprendre les dynamiques du Web. Dans cet ouvrage, YouTube est analysée sous toutes les coutures. Rassemblant différents travaux de recherches et 16 auteurs et autrices, le livre s’intéresse à l’esthétique mise en avant par la plateforme, sa professionnalisation, le profil des vidéastes, sa polarisation politique... Les angles choisis sont originaux. On trouve notamment une comparaison savoureuse de la trajectoire du vidéaste français Usul à celle de la chanteuse Ariana Grande, très active sur YouTube. Ou encore une analyse des commentaires de la chaîne de Dieudonné.

    À lire : La Machine YouTube, contradictions d’une plateforme d’expression, Yvette Assilaméhou-Kunz et Franck Rebillard (C&F Éditions, 2023)

    #YouTube #Machine_YouTube #Yvette_Assilamehou-Kunz #Franck_Rebillard

    • Ça me rappelle une conversation que j’ai eue avec une camarade de la fédé CGT de la santé, lors de la lutte sociale de cet automne à la clinique Floréal de Bagnolet.

      Il se trouve que nous avons évoqué la PMA, qui est une activité très rentable de façon générale et, en particulier, à Floréal ainsi qu’à la maternité des Bluets, historiquement liée à la CGT.

      Je lui ai fait part de mes interrogations sur la pratique de la PMA, d’un point de vue éthique.

      Mon interlocutrice m’a d’abord demandé si je n’avais pas confondu PMA et GPA, car, m’a-t-elle dit : « nous sommes féministes et, donc, contre la GPA ! ».

      Je lui ai confirmé que mes doutes concernaient bien la PMA, et que cela n’avait rien à voir avec les causes féministes et LGBT, lesquelles me semblent, en soi, totalement légitimes.

      Pour ce qui me concerne, l’interrogation porte sur la généralisation du diagnostic pré-implantatoire (DPI), associé à la PMA, ainsi qu’à la FIV : la DPI, dont le spectre de « prédispositions » sélectives s’élargit dangereusement, ne pourrait-il pas ouvrir la voie à la commercialisation du vivant et à l’eugénisme ?

      La camarade m’a regardé interloquée puis elle a tourné les talons avant de me lancer « ah oui mais ça, c’est un truc de conspirationniste ! »

    • C’était bien l’argument principal du livre « La reproduction artificielle de l’humain » avec force exemples déjà existants de la vie réelle (et ça ya déjà plusieurs années, dans d’autres pays que la France). Par ici on se dit toujours qu’on va faire de « l’eugénisme éthique, égalitaire, encadré par la loi » (mais on vit dans un monde capitaliste globalisé).

    • C’est sans doute largement lié à l’offensive médiatique actuelle (et donc sans doute antérieure aux États-Unis, puisque nous finissons toujours par hériter de leurs pires idées de merde) pour promouvoir l’« héritabilité génétique » de l’intelligence.

      Dénoncée en 2018 par exemple dans cette tribune du Monde :
      https://www.lemonde.fr/sciences/article/2018/04/25/halte-aux-fake-news-genetiques_5290360_1650684.html

      Et que Pr. Logo, par exemple, dénonce régulièrement dans son flux. (Parce que ça revient beaucoup en ce moment, semble-t-il.)

    • bé c’est l’histoire factuelle telle qu’elle est connue : eugénisme vent en poupe au 19ème, début 20ème (y compris sous forme d’eugénisme « de gauche », ou socialiste), puis suite aux nazis, dans les années suivant la WW2 le mot et les concepts derrières ont eu une grosse baisse et c’est devenu (très) négatif, et là depuis relativement peu, 15, 20 ans, c’est de nouveau en train de remontada, dans plusieurs milieux sociaux différents (dont de gauche donc). C’est pas qu’une question d’intelligence, ça vaut pour le corps parfait etc.

      Depuis le 19ème, ça reste sensiblement les mêmes ressorts, les mêmes débats, les mêmes arguments, les mêmes buts, sauf que maintenant avec le génie génétique comme technique (FIV, DPI).

      Ça ne dit rien des arguments pour ou contre à ce niveau, c’est parfaitement factuel de dire que ya eu remords et que ça a totalement baissé/presque disparu après les nazis, et que maintenant après plusieurs décennies une fois cette « affaire » tassée, ça remonte partout.

    • De ce que je comprends ils appellent robot un bout de métal dirigé par un champ magnétique externe et qui se liquéfie via un courant d’induction. Et c’est incapable de reprendre sa forme original sans être mis dans un moule.
      Au final c’est juste un bout de soudure mobile…

  • Que vont changer Bard et le nouveau Bing au Web ?
    https://www.ladn.eu/tech-a-suivre/changement-bing-bard-web

    Nos hypothèses : un internet plus intuitif et (encore) moins fiable, une relation à la machine plus ambiguë où le Web devient notre copilote, et le dévissage des audiences.

    Cette semaine Microsoft et Google ont annoncé l’intégration d’une intelligence artificielle génératrice de texte à leur moteur de recherche. Bing sera augmenté d’une version plus avancée de ChatGPT. Et Google Search de Bard, un chatbot similaire. Cette course à l’échalote nous projette-t-elle dans « un nouveau paradigme », comme le suggère Satya Nadella, PDG de Microsoft ? Pensez à un changement équivalent à l’arrivée du smartphone.

    Méfions-nous des discours grandiloquents. Après tout, on attend encore la grande révolution du Web promise il y a deux ans par les NFT, et il y a quelques mois par le métavers. Mais il est certain que si Google, la porte d’accès au Web de plus de 90 % des internautes, se métamorphose ou se fait remplacer par Bing, cela changera la donne.
    Bonjour, ceci est Bing. Je peux vous aider : )

    En gros : plutôt que de taper dans votre moteur de recherche préféré une requête, puis de faire votre tri naviguant de lien en lien, vous vous adresserez à un chatbot qui fournira une réponse déjà toute faite en langage naturel. (Les liens ne disparaîtront pas, mais la réponse des chatbots sera mise en avant).

    #Synthetic_medias #Intelligence_artificielle #Bing #Google

    • Le cauchemar. S’il n’y a plus qu’une réponse à chaque requête, il n’y aura donc plus à véritablement choisir. Or, s’il n’y a plus à comparer, à sélectionner, à choisir, à quoi bon maintenir un sens critique ?

      Et si, dans le fond, la victoire de l’IA, faute de pouvoir encore nous surpasser en intelligence, ne procedait pas d’abord de l’abrutissement généralisé ?

      Une nouvelle étape dans la fabrique du crétin digital ?

  • Comment mieux utiliser les algorithmes de recommandation : ils expliquent
    https://www.ladn.eu/tech-a-suivre/touche-pas-a-mon-spotify-ces-utilisateurs-qui-bichonnent-leurs-algorithmes-de-r

    Leurs algorithmes de recommandation sont devenus si affûtés, que certains les considèrent comme une partie de leur intimité. Ils et elles nous racontent leurs usages de ces programmes informatiques qui régissent Deezer, Spotify, TikTok et YouTube.

    Ils nous assaillent de publicités, nous enferment dans des petites cases, nous radicalisent, nous rendent accros, tristes et idiots. Voilà ce qu’on dit souvent des algorithmes de recommandation qui régissent une bonne partie de notre vie en ligne. Pourtant, nous avons appris à vivre avec. Certains ont même fait le pari de s’en servir intelligemment, de ne pas se laisser complètement happer par leur biais, mais d’essayer de les dompter, d’en faire des alliés de vie.

    #SNT #NSI #Algorithmes

  • Pourquoi la plainte de Getty contre Stable Diffusion est importante ?
    https://www.ladn.eu/mondes-creatifs/plainte-getty-stable-diffusion

    Le géant de la banque d’images attaque en justice le générateur d’images par IA en l’accusant d’avoir volé des milliers de photos dans son catalogue. Mais les choses ne sont pas aussi simples que ça.

    Il fallait bien que ça arrive. Le 17 janvier 2022, le média The Verge a annoncé que l’agence Getty Images avait porté plainte contre Stability AI, l’entreprise derrière l’intelligence artificielle de génération d’images Stable Diffusion. Cette action en justice fait suite à une class action lancée le 16 janvier dernier par un trio d’artistes à l’encontre de Stability AI ainsi que MidJourney et la plateforme Deviant Art qui a lancé son propre générateur. Derrière ces actions en justice, une question récurrente est posée : ces entreprises ont-elles le droit de copier et d’analyser des milliards d’images sous copyright pour entraîner leur IA générative ?
    Les bases de données de la discorde

    Pour comprendre les raisons de ce litige, il faut se pencher sur le mode de fonctionnement des générateurs d’images. Pour créer un portrait, une photographie synthétique (une « synthographie » dans le jargon) ou bien un paysage, les IA ont besoin de s’entraîner sur des références qui existent déjà. Voilà pourquoi les entreprises comme Open AI ou Stability utilisent de gigantesques bases de données remplies d’images et de phrases qui les décrivent. Stable Diffusion a ainsi été entraîné sur LAION 2B, une banque se basant sur plus de 2 milliards d’images. Cette dernière est issue d’une banque de données encore plus imposante intitulée LAION 5b qui repose sur 5,85 milliards d’images. Sortie en 2022, cette gigantesque réserve de datas open source a été constituée par l’ONG Common Crawl dont l’objectif est de copier l’intégralité des contenus présents sur Internet à destination de chercheurs.
    Une base de données juridiquement irréprochable

    Une fois ces images et leur description collectées, ces dernières sont passées au travers d’un filtre appelé Clip. Cet élément permet de calculer les correspondances entre un texte et une image. Cette étape est essentielle, car une fois ces correspondances recueillies, les images et les textes sont tout simplement effacés de la base. Les résultats de Clip sont gardés, car ils suffisent – avec l’aide d’autres outils – à reconstituer l’image d’origine. Cette méthode permet à Common Crawl d’échapper aux questions de copyright puisque techniquement, ils ne fournissent pas les images qui ont été récoltées sur le Web. Seuls les générateurs d’IA qui ont été entraînés avec LAION peuvent les reconstituer.
    Un logo fantôme

    D’après une enquête menée par le blogueur Andy Baio, plus de 15 000 images issues de Getty Images ont été utilisées au sein de LAION 2B pour entraîner Stable Diffusion. Pour appuyer sa plainte, Getty a indiqué que le générateur open source savait recréer son logo quand on lui demande de le mettre sur une synthographie. Cette capacité serait pour l’agence, la preuve que ses images sont bien présentes dans les bases de données et que ce matériel est utilisé en dehors du cadre du « fair use » américain qui autorise l’usage des images sous copyright dans un objectif non commercial ou éducatif. Reste à voir si cet usage si particulier des images de Getty par les IA génératives tombe sous le coup de la loi. En attendant le verdict final, cette action en justice va être passionnante, car elle pourrait faire jurisprudence et va sans doute déterminer l’avenir commercial des générateurs d’image par IA.

    #Banques_Images #IA_générative #Intelligence_artificielle

  • Pourquoi le camion Tesla ne convainc pas certains chauffeurs
    https://www.ladn.eu/tech-a-suivre/camion-tesla-jouet-pour-riche

    Les premières livraisons de ce poids lourd de 37 tonnes au design futuriste ont commencé en décembre, cinq ans et quelques de retard sur le calendrier après sa présentation en 2017. Le véhicule a pour ambition d’être le « futur du transport routier » . Durant sa présentation, Elon Musk et son ingénieur Dan Priestly ont insisté sur le fait qu’il avait été « construit autour du conducteur » grâce notamment à sa cabine spacieuse. Mais cet argument est loin de convaincre Tomasz Oryński.
    Espace inutile

    À ses yeux, son design n’aide au contraire en rien les routiers dans leur quotidien. Il prend notamment l’exemple du siège conducteur placé au centre de la cabine, et donc loin des portes et des fenêtres. Cette position est censée donner une meilleure visibilité au chauffeur sur la route. Mais pour Tomasz Oryński, elle risque de le gêner pour payer un péage, sortir du véhicule. « Les portes de la cabine sont à l’arrière. On entre, on accroche son manteau, puis on doit faire quelques pas pour s’asseoir derrière le volant. Cela signifie que vous gaspillez l’espace de la cabine pour un couloir, en fait. Vous ne pouvez pas y placer un lit pour que le conducteur puisse se reposer, car il y a des portes à cet endroit », poursuit-il. 

    Le chauffeur évoque également les tablettes tactiles qui servent d’écrans de contrôle. Il a eu l’occasion de tester ce type de système dans d’autres modèles et estime que le tout écran entrave l’attention du conducteur sur la route. « Il faut un bouton physique que l’on peut actionner sans avoir à quitter les yeux de la route. » Le design des rétroviseurs lui semble également peu fonctionnel. Ceux-ci sont très éloignés des fenêtres, rendant leur nettoyage plus compliqué. 
    800 km d’autonomie, mais pour quoi faire ?

    Par ailleurs, le journaliste minimise la hype autour de ce semi-remorque censé permettre à l’industrie de se décarboner. Il estime que le Tesla Semi n’est pas si novateur. « L’industrie du camion roule déjà à l’électrique depuis des années. Des constructeurs qui savent comment construire un camion proposent déjà de très bons produits : Volvo FM Electric et Mercedes e-Actros », avance-t-il. Le secteur est toutefois loin d’avoir fait sa transition énergétique. En 2021, le diesel alimentait toujours 95,8 % des camions immatriculés dans l’Union européenne, contre 19,6 % des voitures neuves particulières. 

    En revanche, le Tesla Semi se distingue de la concurrence par son autonomie : il est capable de rouler 800 km non stop. Mais là encore, notre twitto s’interroge sur l’intérêt de cette autonomie prolongée. « Personne n’a vraiment besoin d’un camion qui peut rouler non-stop pendant 10 heures. Les conducteurs ont besoin de repos, de pauses toilettes pour le déjeuner… »

    Le thread de Tomasz Oryński n’est évidemment qu’un témoignage, qui plus est par un chauffeur qui n’a pas encore eu l’occasion de tester le véhicule. Mais sa publication, aimée par près de 11 000 personnes et retweetée plus de 3 000 fois, est approuvée par d’autres chauffeurs routiers. Elle illustre bien la façon dont certaines innovations ont pour ambition de transformer une industrie à coups de tech, en semblant ignorer les besoins de ses utilisateurs.

    #Tesla #Camion #UX