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  • C’est sans doute le secret le plus étonnant de l’histoire de l’humanité. Nous ne serions pas devenus agriculteurs pour nous nourrir, mais pour nous saouler.

    Le plus important, c’est que toutes ces activités - le fait de raconter des histoires, d’échanger des ragots et des blagues, et de chanter - déclenchent la production d’endorphines dans le cerveau, dit-il. « À leur tour, les endorphines engendrent un sentiment positif, un peu comme la morphine. Donc on se sent bien. Et surtout, l’alcool active aussi le système des endorphines, ce qui, en soi, renforce les liens sociaux entre ceux qui boivent ensemble. »

    En d’autres termes, l’alcool joue un rôle essentiel dans la consolidation des liens sociaux et le dépassement des inhibitions - et il en va ainsi depuis les premiers temps de notre évolution. Il est plus que certain que nous maîtrisions l’art d’en produire longtemps avant de fabriquer ces cuves de pierre et ces récipients en poterie il y a dix mille ans. Prenons l’exemple de l’agriculture. On a toujours considéré que nous nous étions tournés vers l’exploitation des végétaux et des sols afi de faire du pain et donc de nous assurer une source de nourriture durable. Or, d’après les chercheurs, le genre de céréale que l’on cultivait à l’époque, l’engrain, ne fournit qu’un pain de piètre qualité. En revanche, il permet de faire une excellente bière.

    « Ce qui nous amène à formuler la grande théorie de l’histoire de l’humanité, à savoir que nous nous sommes mis à l’agriculture non parce qu’on voulait manger - de la nourriture, il y en avait en quantité partout, ironise Mark Forsyth dans son livre A Short History of Drunkenness [’Une brève histoire de l’ivresse’, non traduit en français]. On a commencé à cultiver parce qu’on voulait se murger . »
    Courrier international, no. 1467 /HISTOIRE, jeudi 13 décembre 2018 1062 mots, p. 51. Dix mille ans de soirées arrosées -The Guardian (extraits) Londres. Robin McKie
    #alcool #agriculture #biere

    • La nourriture, avant tout une histoire de société Reporterre
      https://reporterre.net/La-nourriture-avant-tout-une-histoire-de-societe

      Bouffes bluffantes. La véritable histoire de la nourriture, de la préhistoire au kebab, de Nicolas Kayser-Bril , éditions Nouriturfu, mai 2018, 120 p., 14 €.

      L’engouement pour le caractère « traditionnel » de la cuisine et de ses recettes est à tempérer, nous explique Nicolas Kayser-Bril, auteur de « Bouffes bluffantes », une petite histoire culinaire de l’Europe farcie d’anecdotes passionnantes et édifiantes. Au menu : pâtes, épices, camembert et bouillabaisse.

      L’histoire de l’alimentation, c’est un peu comme une étiquette de plat préparé : on nous raconte une belle histoire, en gros caractères, sur le devant de l’emballage. Mais la liste des ingrédients, en petites lettres derrière le paquet, nous apprend que le hachis parmentier au canard contient en fait pas mal de porc et d’additifs. C’est ce que tend à démontrer le petit ouvrage fort instructif du journaliste et apprenti cuisinier Nicolas Kayser-Bril, publié en mai 2018 chez la jeune maison d’édition Nouriturfu. Le titre, avec son assonance, vous en met déjà plein la bouche : Bouffes bluffantes. La véritable histoire de la nourriture, de la préhistoire au kebab.

      L’ambition du sous-titre peut paraître, en revanche, démesurée, comparée à l’épaisseur de la tranche que l’on nous met dans l’assiette — à peine une centaine de pages. Mais, plutôt qu’un menu gastronomique, c’est une dégustation de tapas soigneusement choisies que nous sert l’auteur : une série d’anecdotes documentées, parlantes, démonstratives. « Dans les livres de cuisine, on trouve plein de choses sur le comment — comment préparer, cuire et présenter les aliments. Dès qu’arrive le pourquoi, on nous renvoie à la tradition, qu’importe qu’elle soit vraie ou complètement inventée », introduit Nicolas Kayser-Bril.

      On apprend ainsi que les débuts de l’agriculture ont été plutôt très difficiles, et que les premières céréales étaient probablement réservées à la confection de boissons alcoolisées destinées à certaines personnes ou cérémonies particulières. Ce sont finalement les puissants qui ont favorisé le développement de l’agriculture. Au XVIIe siècle, encore la moitié de la population vivait de chasse et cueillette ! On découvre aussi comment les pâtes sèches sont devenues un plat national italien (grâce au développement de la banque à la Renaissance), d’où vient vraiment le foie gras (pas du Sud-Ouest), comment la bouillabaisse est devenue marseillaise et la brandade nîmoise (alors que cela aurait pu être le contraire), on apprend encore le lien entre l’adoption du beurre comme matière grasse quotidienne et la réforme protestante, pourquoi et comment la patate a sauvé l’Europe au XIXe siècle, les conséquences gastronomiques de la grande peste noire de 1348.
      L’histoire de l’alimentation est étroitement liée à l’histoire économique et politique

      Présentées dans un ordre chronologique, ces « petites » histoires nous dessinent à grands traits le développement de l’agriculture en Europe, permettent de comprendre comment périodes de bombance et de disette se sont succédé, puis comment l’industrialisation et le marketing ont ces dernières décennies remodelé nos habitudes et notre culture alimentaires. Or, les décrire permet utilement de s’en détacher.

      Autre rappel salvateur : l’histoire de l’alimentation n’est pas secondaire, elle est étroitement liée à l’histoire économique et politique. Les aliments n’ont pas toujours été choisis pour leurs qualités nutritives ou la facilité avec laquelle on les obtient, tant s’en faut, mais aussi — et surtout ? — parce qu’ils sont faciles à taxer par le pouvoir, à transporter pour les armées, à cacher de l’ennemi, qu’ils permettent de se distinguer socialement, qu’ils sont rémunérateurs pour ceux qui les produisent, etc. Bref, chaque exemple nous rappelle à quel point l’alimentation est à la fois conditionnée par la société et source de liens sociaux.

      Facile à lire, l’ouvrage s’engloutit aussi vite que des petits fours. Mais, à la fin, ce que l’on prenait pour un apéritif se révèle nous avoir bien nourris, et nous avoir ouvert de nouvelles perspectives culinaires.

      #Alimentation

    • toujours intéressant d’apprendre que « Au XVIIe siècle, encore la moitié de la population vivait de chasse et cueillette ! ». Je me demande quel est le pourcentage actuel. Forcément pas autant mais sans doute plus que 0... j’avoue pratiquer la cueillette et le glanage régulièrement...