Les siphonnés d’Emmaüs - CQFD, mensuel de critique et d’expérimentation sociales

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  • Les siphonnés d’Emmaüs par Noël Godin
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    Si vous avez envie de vous shooter à l’utopie, quelques conseils de lecture.

    Orchestré par un ex-PSU chargé de mission auprès du conseil général du Rhône (Pierre Thomé), ce qui nous engagerait plutôt à jeter son livre à la flotte, Créateurs d’utopies (éd. Yves Michel) n’est effectivement pas très poilant. Mais il fourmille d’infos éclairantes. La différence claire et nette comme balayette, par exemple, entre l’autogestion, fondée sur l’initiative populaire autonome, et la démocratie participative, fondée sur l’initiative d’élus locaux veillant à ce que les citoyens qu’ils invitent à s’exprimer n’aient aucune vraie marge de manœuvre. L’autogestion, l’ouvrage la raconte, un peu mollassement, à travers les précurseurs utopistes (Rabelais, Fourier, Cabet), à travers les frères ennemis anarchistes et marxistes, à travers la Commune et les conseils ouvriers, à travers les Canuts, les Lip, les Tanneurs, les femmes en lutte, les rebelles algériens, le Larzac, Plogoff, mai 68, les Indignés et désobéissants d’aujourd’hui « bravant les pouvoirs institués ».

    Je m’apprêtais à transmuer en torche-cul Quelle utopie pour le mouvement Emmaüs ? de Germain Sarhy, que m’ont expédié les éditions Golias, quand mon attention fut harponnée par le sous-titre du livre : Emmaüs Lescar-Pau (1982-2012) : Histoire d’une pépinière d’alternatives. Et j’ai alors réalisé que le mouvement Emmaüs international, ce n’était pas seulement les chiffonniers scrofuleux de l’abbé Pierre. Mais aussi un laboratoire d’altruistes souvent « insoumis et belliqueux », refusant en général le misérabilisme catho, guerroyant contre les normalités-flics, construisant des « lieux de vie alternatifs » sans permis de construire et pratiquant l’accueil inconditionnel « à l’opposé de toute la politique actuelle en matière d’immigration » (un gros crachat multicolore en passant sur le Hortefeux hollandesque Manuel Valls !).

    Deux lectures autrement palpitantes : Un homme de tempérament de David Lodge (Rivage) qui retrace les combats pour l’amour libre – et les esclandres qu’ils déclenchèrent dans le Londres de la Belle Époque – de H. G. Wells, l’auteur de La Guerre des mondes et d’Une utopie moderne (1905). ce qui n’alla pas sans quelques esclandres dans le Londres de la Belle Époque. L’utopie de Wells apparaît trop élitiste, hélas, et trop cruchement platonicienne pour qu’on en pince pour elle. L’autre livre-clé pour l’été, c’est Insurrection de Paolo Pozzi (Nautilus), un reportage à chaud, touchant en diable, sur les autonomes italiens de 1977 qui désiraient changer le monde tout de suite « et qui croyaient que le changer pouvait être marrant. »