• OPINIONS : : CHRONIQUES : : Les médias, les luttes populaires et l’Islam
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    Cette manière de faire de l’information montre une nouvelle fois la quête de sensationnalisme des médias, et surtout la face islamophobe de leur représentation de la région. A nouveau, la religion est interprétée comme étant l’unique élément qui pousserait les masses à se mobiliser. Alors que, dans contexte marqué par des injustices sociales et un interventionnisme impérialiste à haute dose, sa défense ne fait qu’exprimer, pour certains pans de la société, une colère entretenue par l’absence d’alternatives. Oubliées, les révolutions arabes et les demandes démocratiques, sociales et d’indépendance, oubliés, les combats quotidiens que ces pays n’ont eu de cesse de développer. On revient au vieux cliché de populations irrationnelles, pour qui la religion constitue le motif unique de mobilisation, loin de toute analyse des dynamiques et frustrations socio-économiques qui expliquent ce genre d’événement.
    En dépit du nombre dérisoire de manifestants, de la faible envergure de ces manifestations, les médias les ont décrites comme des rassemblements de masse embrasant à nouveau les pays arabes, en occultant la réalité d’une région où les populations se mobilisent effectivement, mais pour revendiquer leurs droits politiques, sociaux et économiques. Ignorées des médias, ces luttes populaires rassemblent pourtant des dizaines, voire des centaines de milliers de personnes.
    Ainsi, en Cisjordanie, les protestations de début septembre contre les hausses de prix et la politique néolibérale du Premier ministre de l’Autorité palestinienne Salam Fayyad, qui ont mobilisé plusieurs dizaines de milliers de personnes à travers le pays, n’ont quasiment pas été relayées par les médias traditionnels.
    En Egypte, les 16 et 17 septembre, une nouvelle vague de protestations syndicales a frappé les écoles, les universités et les services publics, pour exiger de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail. Les images d’étudiant-e-s, d’enseignant-e-s et de fonctionnaires mobilisés par centaines de milliers et paralysant des pans entiers du pays n’intéressent pas les médias. Pas plus que la manifestation du 1erseptembre au centre-ville du Caire, où plus de 5000 personnes ont protesté contre les tentatives de mainmise du mouvement des Frères musulmans sur les institutions étatiques et ont demandé, entre autres, la libération de tous les prisonniers politiques. Rien, non plus, sur les manifestations de cet été pour protester contre le prêt du FMI que le gouvernement voudrait se voir octroyer. La dynamique des luttes en Egypte reste inconnue du grand public, mais une manifestation de moins de 200 personnes devant une ambassade fait le tour du monde.