• L’Israélien MeaTech veut mettre sur la table du porc cultivé en laboratoire Shoshanna Solomon
    https://fr.timesofisrael.com/lisraelien-meatech-veut-mettre-sur-la-table-du-porc-cultive-en-lab

    MeaTech 3D Ltd, un fabricant de produits carnés cultivés en laboratoire, a déclaré avoir entamé des recherches sur la production de viande de porc cultivée, pour éventuellement produire en masse la viande la plus consommée dans le monde sans tuer de porcs dans le processus.

    En fonction de l’avis des rabbins, le bacon pourrait également être considéré comme casher, a déclaré Simon Fried, responsable du développement commercial de l’entreprise Ness Ziona, basée en Israël, qui a été fondée en 2018 par Omri Schanin et Sharon Fima.


    Image illustrative de bacon en train de cuire dans une poêle à frire (Crédit : Krasyuk ; iStock by Getty Images)

    « Le jury est encore en train de délibérer », a déclaré Fried dans une interview. « Il n’y a pas de réponses toutes faites pour savoir si cela sera jugé casher ou non. »

    Les aliments casher sont des produits conformes aux exigences alimentaires définies par le judaïsme. La viande de porc n’est jamais casher, alors que les vaches ou les poulets, par exemple, sont casher s’ils sont abattus d’une manière particulière et que leur viande est traitée d’une manière prescrite qui implique un trempage et un salage.

    La production de MeaTech n’implique pas l’abattage d’animaux, a déclaré M. Fried, mais le produit final a des propriétés « identiques » à celles de la chair animale.

    MeaTech puise les cellules souches des animaux et les reproduit par une sorte de processus de fermentation dans des bioréacteurs, dans lesquels « nous recréons les conditions à l’intérieur de l’animal », a déclaré Fried dans une interview.

    Cela permet aux cellules de se multiplier « de manière exponentielle », a-t-il ajouté. Elles peuvent ensuite être utilisées comme additifs alimentaires ou pour créer des tissus animaux cultivés, puis des morceaux de viande cultivés.

    Les bioréacteurs, a expliqué M. Fried, « sont comme un hôtel cinq étoiles » dans lequel les cellules « reçoivent tout ce dont elles ont besoin pour se propager, comme dans la nature. »

    Le « scénario idéal », selon M. Fried, serait de continuer à utiliser les cellules cultivées pour créer encore plus de cellules, en laissant les vrais animaux en dehors du processus, à terme. Les morceaux produits ne seraient que des parties que les gens sont prêts à manger – pas d’os, de sabots ou de queues.

    La société MeaTech prévoit d’imprimer à terme des produits à base de bœuf, de volaille, de porc et de poisson, ainsi que de la graisse de poulet et d’oie.

    Le fait que l’on se demande même si la viande de porc cultivée pourrait être casher est un signe de l’ »énorme révolution » qui se produit sur le terrain, a déclaré le cofondateur Schanin dans l’interview.

    Une quarantaine d’entreprises dans le monde entier se battent pour être les premières à commercialiser des produits carnés à base de cellules qui ont le goût et l’apparence de la vraie viande et qui peuvent être produits en masse à un prix abordable pour répondre à la demande massive de protéines dans un monde dont la population augmente et s’enrichit.



    Omri Schanin, cofondateur et PDG adjoint de MeaTech, à gauche, et Sharon Fima, cofondateur et PDG (MeaTech)

    Selon une étude publiée dans la revue Nature , l’élevage de vaches pour la viande a l’un des plus grands impacts négatifs sur l’environnement mondial. Il est donc nécessaire de réduire la consommation de viande pour diminuer les émissions de gaz et éviter le dérèglement climatique. Quelque 56 milliards d’animaux – vaches, agneaux et volailles – sont abattus chaque année pour nourrir le monde, où la consommation de viande devrait augmenter de 70 % d’ici à 2050, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, les classes moyennes d’Asie et d’Afrique devenant de plus en plus carnivores.

    Israël joue un « rôle substantiel » sur le marché mondial des protéines alternatives et est considéré comme un pionnier dans ce domaine, les startups israéliennes ayant levé un montant record auprès des investisseurs en 2020, indique un rapport de The Good Food Institute Israel, une organisation à but non lucratif qui cherche à promouvoir la recherche et l’innovation dans ce domaine.

    La semaine dernière, la société israélienne Aleph Farms a déclaré avoir obtenu un investissement de 105 millions de dollars pour mettre sur le marché des steaks cultivés en laboratoire. Future Meat Technologies, qui produit également de la viande à partir de cellules animales, a bouclé un tour de table de 27 millions de dollars en février. Selon le rapport, le secteur de la viande cultivée est appelé à prospérer dans les années à venir, lorsque les entreprises passeront du stade du développement à celui de la production.

    Même si leurs processus cellulaires sont similaires, a expliqué M. Schanin, ce qui différencie MeaTech des autres entreprises, c’est qu’elle développe également ses propres technologies d’impression 3D pour imprimer à terme les produits carnés entiers. Pour les imprimantes, l’entreprise travaille en étroite collaboration avec Tal Dvir, de l’université de Tel Aviv, dont l’équipe de chercheurs a imprimé en 2019 un cœur humain en 3D, avec des tissus et des vaisseaux, dans un développement décrit comme une avancée médicale majeure.

    Dvir est le conseiller scientifique de MeaTech, a déclaré Schanin, ajoutant que MeaTech a eu l’idée d’imprimer en 3D ses produits de viande de culture à partir de la technologie médicale. Tout comme les chercheurs impriment des organes à des fins médicales, a déclaré M. Shanin, les mêmes technologies peuvent être utilisées pour créer des protéines de viande de culture.

    Les produits de MeaTech et les imprimantes en sont encore au stade de la recherche et du développement, a précisé M. Fried. L’entreprise a déclaré en mai qu’elle prévoyait de mettre en place une usine de production de graisse de poulet de culture en Belgique. Le processus de production de graisse de poulet de culture utilisera des technologies développées par la filiale belge de MeaTech, Peace of Meat, que l’entreprise israélienne a acquise au début de l’année.

    L’idée est de produire de la graisse de poulet de culture, fabriquée à partir de cellules de poulet, pour l’utiliser comme additif et arôme dans l’industrie alimentaire, notamment pour donner aux aliments d’origine végétale comme les hamburgers végétariens la saveur, le parfum et la sensation du vrai produit.



    Simon Fried, responsable du développement commercial de MeaTech (Crédit : MeaTech)

    D’ici la fin de l’année, a déclaré M. Fried, la société a pour objectif d’imprimer un steak de 100 grammes, afin de démontrer sa technologie.

    L’objectif de MeaTech est de développer les lignées cellulaires et les imprimantes et d’octroyer des licences pour ses technologies aux producteurs de viande et à d’autres fabricants de produits alimentaires, qui cherchent à fournir des protéines de remplacement sous la forme de produits hybrides – un mélange de protéines végétales et de cellules cultivées pour une meilleure saveur – ou de versions hachées ou entières des produits de viande cultivée. Ces dernières sont plus difficiles à produire et prendront plus de temps à développer, a déclaré M. Fried.

    Les actions de MeaTech ont commencé à être négociées à la bourse de Tel Aviv en octobre 2019 et la société a organisé une offre d’actions sur le Nasdaq en mars 2021. La société a déclaré en mai qu’elle prévoyait de retirer ses actions de la Bourse de Tel Aviv le 5 août.

    La radiation de la bourse de Tel Aviv facilite la gestion des relations avec les investisseurs en envoyant un seul ensemble de messages à une seule bourse plutôt qu’à deux, a déclaré M. Fried, et résout les problèmes de délai d’information, étant donné le décalage entre les marchés boursiers, et de bureaucratie, a déclaré M. Fried.

    La valeur de marché de la société sur le Nasdaq est de 90 millions de dollars et ses actions ont baissé d’environ 26 % depuis le début de leur négociation en mars de cette année.

    L’extension des activités de recherche et de développement de MeaTech au porc fait partie de sa stratégie visant à développer une offre plus large de sa technologie, qui comprend déjà des lignées cellulaires de bœuf et de poulet. L’agriculture cellulaire porcine, si elle est développée avec succès, pourrait élargir la portée du marché potentiel de MeaTech, a déclaré la société.

    Ses activités de fabrication de viande de porc ont déjà suscité l’intérêt du groupe Tiv Ta’am, propriétaire d’une chaîne de supermarchés en Israël et producteur et fournisseur de viande non casher, notamment de viande de porc. Tiv Ta’am a déclaré mercredi qu’il avait signé une lettre d’intention non contraignante avec MeaTech pour coopérer au développement conjoint de produits de viande cultivée, en mettant l’accent sur son porc cultivé.

    Selon l’accord, que les parties s’efforceront de transformer en accord contraignant, Tiv Ta’am et MeaTech coopéreront dans le domaine de la recherche, mettront en place une usine de production de produits carnés cultivés et accorderont des droits de distribution et de commercialisation à Tiv Ta’am, y compris d’éventuels droits exclusifs sur les produits développés conjointement.

    Tiv Ta’am s’attend à ce que la demande croissante entraîne une augmentation de l’utilisation de la graisse de porc comme matière première dans les années à venir, ont déclaré les entreprises dans un communiqué.

    « Nous voulons reconnecter l’ensemble de l’industrie », a déclaré M. Fried, et il y a « beaucoup de place » pour les concurrents. « Nous voulons rendre l’accès à la nourriture plus compétitif et permettre aux fabricants de produire des produits de culture n’importe où, y compris dans les pays où le bœuf et la volaille ne sont pas produits, a-t-il ajouté.

    #MeaTech #MeaTech_3D #religion #lignées_cellulaires #matière_première #casher #cellules_souches #bioréacteurs #os #sabots #queues #protéines #startups #recherche_&_développement #impression_3d #imprimante_3d #imprimantes_3d

  • Sebastian Roché : « En France, la démocratisation de la police n’est pas achevée »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/01/30/sebastian-roche-en-france-la-democratisation-de-la-police-n-est-pas-achevee_

    Selon les forces de l’ordre, le LBD 40 est indispensable pour se sortir de situations d’ultraviolence sans faire usage de l’arme à feu. L’usage de cette arme est-il un mal nécessaire ?

    En Europe, beaucoup de pays gèrent les foules et les groupes radicaux sans arme à feu et sans arme intermédiaire, et ils ne tuent pas pour autant des manifestants. De plus, plusieurs gouvernements ont révisé leurs positions : en Espagne, la Catalogne a par exemple banni le LBD après l’épisode de dispersion de la manifestation des « indignés » sur la Puerta del Sol, à Madrid.
    Lire le décryptage : « On ne tire pas à la légère avec le LBD, si on s’en sert, c’est qu’il y a une raison »

    Permettre de tirer sur la foule avec des armes à « létalité réduite » (LBD, grenades diverses, etc.) est une décision politique. Il ne s’agit pas pour autant de laisser penser que le système français est le pire du monde ou que nous vivons dans une dictature. Comparativement au Venezuela ou à l’Egypte, notre police est, évidemment, bien plus démocratique. Mais à qui veut-on se comparer ? A ces pays-là ou aux pays du nord de l’Europe, comme le Danemark ou l’Allemagne, qui font beaucoup mieux que nous sans les LBD ?

    On doit reconnaître les limites de notre système sans le caricaturer excessivement. Malheureusement, cette approche nuancée a du mal à être entendue. Comme toutes les polices des pays où j’ai travaillé – la Turquie, l’Egypte ou l’Italie –, la police française pense qu’elle est la meilleure. L’idée que le maintien de l’ordre « à la française » est un modèle dans le monde n’a, pourtant, pas de base sérieuse : aucun classement n’a jamais été réalisé. C’est une légende, un imaginaire professionnel.

    #maintien_de_l'ordre

  • Qui sont vraiment les « gilets jaunes » ? Les résultats d’une étude sociologique
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/01/26/qui-sont-vraiment-les-gilets-jaunes-les-resultats-d-une-etude-sociologique_5

    Cinq chercheurs de Sciences Po Grenoble ont mené une #enquête par questionnaire en ligne diffusé sur 300 #groupes_Facebook. Parmi leurs principaux constats : le fait que 60 % des personnes interrogées ne se situent pas sur l’échelle gauche-droite.

    Tribune. Qui sont les « #gilets_jaunes » ? Depuis le lancement du mouvement à l’automne 2018, les commentateurs ont largement souligné son caractère composite. Sur le plan sociologique, les « gilets jaunes » feraient converger les perdants de la mondialisation, sans distinction d’âge, de sexe ou d’origine. Sur le plan politique, ils s’affranchiraient des logiques de mobilisation traditionnelles pour réunir dans une même contestation des élites les citoyens les plus éloignés de la politique, les proches de la gauche et de la droite radicales.

    Si plusieurs sondages ont mesuré le soutien des Français aux « gilets jaunes », peu de données chiffrées sont aujourd’hui disponibles pour apprécier objectivement la diversité du mouvement. Les premières enquêtes sur le terrain ont dessiné un portrait type, mettant notamment en lumière la forte présence des femmes, des revenus modestes et des primo-manifestants (tribune d’un collectif d’universitaires dans Le Monde du 12 décembre 2018).

    Fin novembre 2018, un questionnaire diffusé sur les réseaux sociaux précisait leur profil politique, soulignant le poids des personnes qui refusent de se situer politiquement (tribune du collectif Quantité critique dans L’Humanité du 19 décembre 2018).

    L’enquête quantitative que nous avons lancée le 22 décembre 2018 cible près de 300 groupes Facebook de tous les départements de France (voir encadré méthodologique). Elle offre quatre atouts par rapport aux enquêtes existantes. D’abord, la taille importante de notre échantillon – plus de 1 750 réponses à ce jour, dont 1 455 exploitées – permet d’approfondir la compréhension des ressorts sociologiques du mouvement. Ensuite, pour dépasser l’approche par le revenu ou la profession, nous avons mesuré le degré de précarité des répondants à travers le score « Epices » (Evaluation de la précarité et des inégalités de santé dans les centres d’examens de santé), un indicateur utilisé par les organismes de santé publique.

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    Un échantillon diversifié

    Nous avons tiré parti de la mobilisation des « gilets jaunes » sur les groupes Facebook, où le mouvement est né et où il continue de se structurer. En pratique, un lien vers le questionnaire à remplir en ligne a été distribué sur les principaux groupes Facebook nationaux de « gilets jaunes », mais aussi sur les groupes locaux, afin d’optimiser la couverture géographique. Le questionnaire a été distribué du 22 décembre 2018 au 20 janvier 2019 à environ 300 groupes du réseau social en France métropolitaine.
    L’échantillon analysé ici est celui des « gilets jaunes » présents sur les réseaux sociaux, et qui déclarent participer ou soutenir le mouvement (1 455 réponses exploitées). Cette population étant potentiellement différente de celle mobilisée et active sur le terrain, nous avons distingué deux types de « gilets jaunes ». Les « plus actifs » sont ceux qui déclarent avoir pris part à au moins une manifestation ou blocage (74 %). Les autres répondants (26 %) ont été qualifiés de « moins actifs ». Les deux sous-populations sont très proches sur le plan sociologique, avec une légère surreprésentation des femmes, des plus âgés et des plus précaires chez les moins actifs. Elles se ressemblent aussi beaucoup sur le plan des valeurs politiques et des comportements électoraux, ce qui limite l’intérêt de les distinguer.
    Au final, l’échantillon est bien diversifié géographiquement. Toutes les régions de France métropolitaine sont représentées, avec un effectif d’au minimum 95 répondants. Ainsi, 35 % des « gilets jaunes » interrogés vivent dans un village de campagne, 7 % dans une ferme ou une maison à la campagne, 38 % dans une ville ou une petite ville et 20 % dans une grande ville ou en banlieue. Les femmes (56 %) sont plus nombreuses que les hommes (44 %) : un phénomène plutôt rare dans les grands mouvements sociaux, mais conforme à ce qu’ont mis en évidence les précédentes études et auquel fait écho la visibilité grandissante des femmes dans les manifestations. L’échantillon est aussi diversifié en termes d’âge (avec une dominante de 38 % des 35-49 ans et de 29 % des 50-64 ans), de situation familiale (45 % de couples avec enfant[s], 25 % de célibataires, 18 % de couples sans enfant et 12 % de familles monoparentales). S’agissant du niveau de diplôme, les bac + 2 et plus, les personnes niveau bac et celles au niveau d’études inférieur au bac se répartissent en trois tiers.
    Troisième atout, nous avons intégré des questions qui existent déjà dans les enquêtes d’opinion pour analyser en quoi les interrogés diffèrent de la population française dans leur rapport au politique et dans leurs valeurs. Enfin, grâce à des questions ouvertes dont les répondants se sont largement saisis pour s’exprimer, nous avons identifié les grandes classes de discours utilisées et par quels profils ces discours sont portés (voir encadré sur l’analyse lexicale). Nous complétons ainsi l’étude lexicale menée fin novembre 2018 par une équipe de chercheurs toulousains.
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    Prendre aux riches pour donner aux pauvres

    En termes d’emploi et de profession, les interrogés se distinguent très peu de la population française. Ceux qui exercent une activité professionnelle sont nettement majoritaires (67 %, 4 points de moins que la moyenne nationale), les chômeurs étant 13 % (un peu plus que la moyenne) et les retraités 12 % (deux fois moins que la moyenne). Parmi les actifs occupés, à l’exception des cadres, nettement sous-représentés (10 % de l’échantillon, soit 8 points de moins que dans la population active en emploi), et des artisans et commerçants, surreprésentés (deux fois plus nombreux, avec 14 %), les autres catégories sont à l’image des Français : 29 % occupent des professions intermédiaires, 28 % sont employés, 19 % ouvriers et 1 % agriculteurs.
    Plus de 68 % vivent dans un ménage dont le revenu disponible net est inférieur à 2 480 euros – soit le revenu médian en France
    S’il y a un trait distinctif des « gilets jaunes », c’est plutôt leur situation de forte précarité. Plus de 68 % vivent dans un ménage dont le revenu disponible net est inférieur à 2 480 euros – soit le revenu médian en France. Et 17 % vivent dans un ménage avec moins de 1 136 euros – tranche dans laquelle on trouve les 10 % des Français les plus pauvres. Ce constat est étayé par le score Epices, qui offre une lecture plus fine que la pauvreté monétaire ou la profession. Notre échantillon compte ainsi 74 % de personnes précaires, près du double de la moyenne nationale ! La précarité touche plus largement les femmes (78 %) que les hommes (68 %).

    La précarité explique pourquoi les inégalités (26 %), le pouvoir d’achat (25 %) et la pauvreté (14 %) arrivent en tête des quatorze enjeux importants pour la France proposés dans le questionnaire, suivis par les impôts et les taxes (11 %). Elle explique aussi le fort sentiment de colère vis-à-vis des « différences entre les riches et les pauvres », mesuré par une note moyenne de 7,7 sur une échelle de 0 à 10. On ne sera pas davantage surpris par l’adhésion massive à l’idée que « pour établir la justice sociale, il faudrait prendre aux riches pour donner aux pauvres » (87 %, environ 20 points de plus que les Français). L’expérience d’une même situation de travailleur précaire, combinée avec un rejet des inégalités et une demande de redistribution très consensuels, tisse la cohésion du mouvement.

    A distance des partis, sans être apolitiques

    Quel est le rapport à la politique des « gilets jaunes » ? Un premier point commun est leur distance avec Emmanuel Macron. Seulement 4 % d’entre eux ont voté pour lui au premier tour de l’élection présidentielle. Mais l’élément le plus frappant est leur rejet des catégories politiques traditionnelles. Ainsi, 60 % des interrogés ne se situent pas sur l’échelle gauche-droite ! Précisément, 8 % se déclarent « ni à gauche ni à droite », et 52 % indiquent qu’ils « ne se retrouvent pas dans ces catégories ». C’est nettement plus que dans les enquêtes sur la population générale.

    « La part de primo-manifestants – 55 % de l’échantillon – invalide l’idée d’une mobilisation qui serait téléguidée par les extrêmes politiques »
    Cette distance par rapport à la vie politique se lit aussi dans la part importante de primo-manifestants : 55 % de l’échantillon. Un chiffre qui monte à 61 % chez ceux qui ne se positionnent pas sur l’échelle gauche-droite. Ces résultats invalident l’idée d’une mobilisation qui serait téléguidée par les extrêmes politiques. Mais les interrogés ne sont pas pour autant apolitiques, comme l’ont parfois conclu certains analystes : 23 % se disent « beaucoup » intéressés par la politique et 33 % « assez » intéressés. Ce chiffre est peut-être surévalué en contexte de mobilisation, mais il est plus élevé que l’ensemble des Français (généralement 10 et 30 % sur des items semblables).
    Parmi ceux qui se situent sur l’échelle gauche-droite, la gauche domine : 23 % se disent très à gauche, 42 % à gauche, 7 % au centre, 14 % à droite et 14 % très à droite. Ces « gilets jaunes »-là sont plus en phase avec le jeu électoral : 80 % des « très à gauche » indiquent avoir voté Jean-Luc Mélenchon en 2017, tandis que 90 % des « très à droite » disent avoir voté Marine Le Pen. Surtout, ils sont plus intéressés par la politique, notamment ceux qui se situent très à gauche. Les proches de la gauche et de la gauche radicale ont encore davantage participé à d’autres mouvements sociaux et sont (ou ont été) plus souvent syndiqués. Il est possible qu’ils jouent un rôle-clé dans l’acculturation politique du mouvement auquel on assiste au fil des semaines.

    Primauté à la souveraineté populaire

    Notre enquête comprend plusieurs questions sur la préférence pour la souveraineté populaire et l’antiélitisme, deux attitudes souvent associées au populisme. Elles sont très prononcées parmi les « gilets jaunes ». Typiquement, 93 % sont d’accord avec l’opinion selon laquelle « le peuple, et pas les responsables politiques, devrait prendre les décisions les plus importantes ». C’est seulement le cas de 50 à 60 % des Français dans les enquêtes récentes. Il en va de même pour le rejet des élites politiques : 95 % sont d’accord avec l’opinion selon laquelle « les responsables politiques parlent beaucoup et agissent trop peu ». Ces positions, à leur niveau maximal chez ceux qui ont participé à un grand nombre de manifestations, contredisent l’idée que la défiance politique conduirait forcément à l’apathie. Le fait que les deux attitudes soient par ailleurs majoritaires dans la population française explique probablement le socle de soutien dont bénéficie le mouvement dans l’opinion.

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    Du « pouvoir vivre » à la « crise du politique » : analyse lexicale
    Notre questionnaire inclut deux questions ouvertes sur l’image du mouvement et les raisons du soutien. Environ 80 % des personnes interrogées y ont répondu. La thématique du « pouvoir vivre » est celle qui apparaît le plus fréquemment dans les réponses aux deux questions. Elle se décline dans des revendications très ancrées dans le quotidien (perte de pouvoir d’achat, salaires et retraites insuffisants, ras-le-bol fiscal…), qui disent la volonté des « gilets jaunes « de pouvoir vivre de leur travail et de ne plus simplement survivre.
    Le lexique moral est aussi très présent à travers des thèmes comme le salaire décent, le fait de vivre dignement, l’espoir d’un avenir meilleur pour les enfants. Loin de la lecture initiale d’une révolte poujadiste, les « gilets jaunes » expriment un besoin de retrouver de la dignité et de la solidarité. Ces thèmes semblent aussi émerger des premiers cahiers de doléances et des réunions organisées à l’occasion du grand débat national. Si l’ensemble des « gilets jaunes » utilisent les mots du « pouvoir vivre », cette classe de discours est plus saillante parmi les plus précaires, les moins diplômés, les moins intéressés par la politique et les moins actifs dans le mouvement.
    Ressortant de notre analyse lexicale, la deuxième classe de discours la plus employée a trait au mouvement des « gilets jaunes » et aux différents acteurs impliqués. Elle s’articule autour d’une coupure symbolique entre « un mouvement populaire » contre les injustices sociales, et des élites jugées privilégiées et incompétentes, enfermées dans l’indifférence, voire le mépris. La dénonciation des violences policières et de la non-neutralité prêtée aux médias relève aussi de cette classe de discours, moins clivée sociologiquement et politiquement.
    La thématique de la « crise du politique » structure une troisième classe de discours spécifique. Les « gilets jaunes » mettent l’accent sur les nécessaires transformations d’un système vu comme au service des plus riches. Cette classe de discours, coloriée par des émotions fortes comme la colère et l’espoir, est la plus sophistiquée sur le plan lexical. Elle est davantage le fait des « gilets jaunes » les moins précaires, les plus diplômés, les plus intéressés par la politique, les plus actifs dans le mouvement et qui se situent très à gauche. Les thèmes propres à la gauche (anticapitalisme, exploitation économique, lutte des classes…) et à la droite (affirmation de la souveraineté et de l’identité nationales, dénonciation des immigrés…) radicales sont néanmoins assez en retrait. Ce qui confirme la structuration idéologique non conventionnelle des « gilets jaunes ».
    Une dernière classe de discours a trait à la « soif de justice ». Elle est marquée par l’affirmation des valeurs de la République et le rejet des injustices sociales et fiscales. Si sa tonalité est résolument positive, elle est plutôt utilisée par les plus diplômés et les plus intéressés par la politique.
    Les réponses ont été traitées avec un logiciel d’analyse de données qualitatives, Sphinx IQ2. Le site Web www.enquetegiletsjaunes.fr présente de manière interactive le nuage des mots les plus utilisés par les « gilets jaunes », ainsi que la méthodologie employée pour produire les quatre grandes classes de discours présentées ci-dessus.

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    Le thème du renouveau démocratique et citoyen est très saillant : 97 % des « gilets jaunes » estiment que la démocratie ne fonctionne pas très bien (25 %) ou pas bien du tout (72 %). C’est 37 points de plus que l’ensemble des Français. Lorsqu’on leur demande de choisir qui « devrait décider de ce qui est le meilleur pour le pays », les personnes interrogées font majoritairement confiance à des citoyens tirés au sort (53 %, contre 17 % pour les Français). Peu soutiennent une prise de décision par les députés (13 %) ou par le président de la République (2 %). Le recours aux experts est une solution envisagée par 30 % de l’échantillon, autant que l’ensemble des Français.

    Ceux qui souhaitent le plus tirer au sort des citoyens se trouvent parmi les plus précaires et les moins diplômés. Ils sont aussi les plus actifs dans le mouvement et les plus défiants envers les élites politiques. Ils se déclarent peu ou pas intéressés par la politique, ne se retrouvent pas dans les catégories gauche-droite et ont davantage tendance à s’abstenir. Inversement, les « gilets jaunes » qui soutiennent un régime plus parlementaire constituent une fraction moins défavorisée et plus diplômée. Ils sont plus intéressés par la politique, avec un tropisme de gauche. Enfin, l’option d’un gouvernement des experts est portée par des « gilets jaunes » moins défavorisés mais néanmoins peu intéressés par la politique et moins investis dans le mouvement. Beaucoup ont voté pour un parti de gouvernement en 2017, et présentent un léger tropisme de droite.

    Hostilité à la mondialisation

    Le thème de l’immigration est absent des revendications des « gilets jaunes ». Même si près de six sur dix pensent qu’« il y a trop d’immigration en France », cette opinion est tout aussi répandue dans la population française. Les plus opposés à l’immigration sont ceux qui s’intéressent le moins à la politique et, dans une moindre mesure, les plus précaires. Le rejet de l’immigration est aussi très net parmi les « gilets jaunes » préoccupés par les questions fiscales et le pouvoir d’achat. Ceux qui jugent prioritaires les questions de pauvreté ou d’inégalités y sont beaucoup moins hostiles.

    Les « gilets jaunes » sont très opposés à la mondialisation. Près de 87 % sont d’accord avec l’idée selon laquelle « les conséquences économiques de la mondialisation sont extrêmement négatives pour la France » (contre 63 % des Français). Les « gilets jaunes » partagent aussi un euroscepticisme bien ancré, puisqu’ils sont 83 % à s’opposer à l’idée que « la France doit aller plus loin dans la construction européenne ». Ce refus est d’autant plus fort que l’antiélitisme est élevé. A quelques mois des élections européennes, ce résultat suggère que certains d’entre eux pourraient être attentifs aux listes eurosceptiques et souverainistes, pour peu que les partis qui les portent parviennent à rendre cet enjeu plus saillant.

    Aussi peu écologistes que les Français

    Parce que leur mobilisation est née de la contestation d’une augmentation des taxes sur les carburants, les « gilets jaunes » ne sont pas spontanément apparus comme des défenseurs de la transition écologique. Les préoccupations liées à la dégradation de l’environnement ne sont toutefois pas absentes. Ainsi, 7 % de notre échantillon cite l’environnement et le réchauffement climatique comme le thème le plus important pour la France aujourd’hui. C’est évidemment peu par rapport au poids écrasant des questions économiques, mais lors de la dernière élection présidentielle, 6 % des Français seulement estimaient que l’environnement était l’enjeu le plus important pour la France !

    Les « gilets jaunes » sont néanmoins partagés sur la question de la transition écologique. Au sein de notre échantillon, 31 % se déclarent « prêts à accepter une réduction de leur niveau de vie afin de protéger l’environnement », contre 35 % qui refusent cette idée et 34 % qui ne s’estiment ni prêts ni pas prêts. Là encore, ce sont des proportions similaires à celles mesurées dans l’ensemble de la population française. Le week-end des 26 et 27 janvier, avec l’« acte XI » de la mobilisation des « gilets jaunes » et la quatrième Marche pour le climat, devrait nous en dire plus sur l’éventuelle convergence entre les deux mouvements.

    Tristan Guerra, Frédéric Gonthier, Chloé Alexandre, Florent Gougou et Simon Persico sont chercheurs à Sciences Po Grenoble et au laboratoire Pacte-CNRS. Sources : Insee ; « Baromètre de la confiance politique » du Cevipof, vague 10, 2018 ; « European Values Study », enquête française, 2018 ; « French Electoral Study », 2017 ; « International Social Survey Programme », enquête environnement, 2010.

  • Mark Zuckerberg : « Je souhaite clarifier la manière dont Facebook fonctionne »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/01/25/mark-zuckerberg-je-souhaite-clarifier-la-maniere-dont-facebook-fonctionne_54

    Face aux critiques, le fondateur et PDG du réseau social défend, dans une tribune publiée par « Le Monde », le « Wall Street Journal » et plusieurs titres européens, le modèle économique de son service, fondé sur la gratuité et la publicité ciblée.

    Par Mark Zuckerberg Publié le 25 janvier 2019 à 01h00 - Mis à jour le 25 janvier 2019 à 07h02

    Le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, le 1er mai 2018, à San José (Californie). MARCIO JOSE SANCHEZ / AP

    Tribune. Le 4 février, Facebook aura quinze ans. Lorsque j’ai lancé Facebook, mon but n’était pas de bâtir une entreprise mondiale. A l’époque, j’ai réalisé que l’on pouvait presque tout trouver sur Internet – musique, livres, informations –, tout, à l’exception de ce qui compte le plus : les gens. J’ai donc créé un service que chacun peut utiliser pour se rapprocher des autres et mieux les connaître. Au fil des années, des milliards de personnes l’ont trouvé utile, et nous avons créé de nouveaux services appréciés et utilisés tous les jours, partout dans le monde.

    Ces derniers temps, beaucoup de questions ont émergé autour de notre modèle économique, c’est pourquoi je souhaite clarifier la manière dont nous fonctionnons. Je suis convaincu que tout le monde doit pouvoir faire entendre sa voix et interagir. Si nous nous engageons à servir tout le monde, alors notre service doit être accessible à tous. La meilleure façon d’y parvenir, c’est d’offrir un service gratuit, et c’est ce que permet la publicité.
    Transparence et contrôle sur les publicités

    Les gens nous disent que s’ils doivent voir des publicités, celles-ci doivent être pertinentes pour eux. Pour cela, nous devons comprendre leurs centres d’intérêt. Nous créons donc des catégories – par exemple, « personne aimant le jardinage et vivant en Espagne » – à partir des pages qu’ils aiment ou encore des contenus sur lesquels ils cliquent.

    Puis, nous facturons les annonceurs pour qu’ils puissent montrer leurs publicités à ces catégories de personnes. La réclame à destination de groupes spécifiques existait bien avant Internet, mais la publicité en ligne permet désormais d’être plus précis et pertinent.

    Internet permet aussi d’offrir une plus grande transparence et un plus grand contrôle sur les publicités que vous voyez, par rapport à la télévision, la radio ou la presse écrite.

    Sur nos services, vous pouvez gérer les informations que nous utilisons pour vous montrer des publicités, et vous pouvez empêcher n’importe quel annonceur de vous atteindre. Vous pouvez savoir pourquoi vous voyez une réclame, et modifier vos préférences pour voir celles qui vous intéressent. Vous pouvez également utiliser nos outils de transparence pour voir les différentes publicités qu’un annonceur diffuse auprès d’autres personnes.

    Les pièges à clics et autres contenus sensationnalistes peuvent générer des interactions à court terme, mais il serait insensé de notre part de les mettre en avant de manière intentionnelle

    Néanmoins, certains s’inquiètent de la complexité de ce modèle. Dans une transaction classique, vous payez une entreprise pour un produit ou un service qu’elle fournit. C’est simple. Dans notre cas, pour que vous puissiez utiliser nos services gratuitement, nous travaillons avec les annonceurs pour vous montrer des publicités pertinentes. Ce modèle peut sembler opaque, et nous avons tous tendance à nous méfier de systèmes que nous ne comprenons pas.

    Parfois, les gens en déduisent que nous faisons des choses que nous ne faisons pas. Par exemple, nous ne vendons pas les données des gens, contrairement à ce qui est souvent rapporté. En réalité, vendre les données des utilisateurs aux annonceurs irait à l’encontre de nos intérêts commerciaux, car cela réduirait la valeur intrinsèque de notre service pour ces derniers. Il est donc dans notre intérêt de protéger les données personnelles et d’empêcher qu’elles soient accessibles à d’autres.

    Certains s’inquiètent du fait que la publicité crée un décalage entre nos intérêts et ceux des gens qui utilisent nos services. On me demande souvent si nous avons intérêt à accroître l’engagement sur Facebook parce que cela crée plus d’opportunités publicitaires, même si cela est fait au détriment de l’intérêt de nos utilisateurs.

    Je tiens à être clair : nous déployons beaucoup d’efforts pour permettre aux gens de partager et d’interagir davantage, car l’essence même de notre service est de les aider à rester en contact avec leur famille, leurs amis et leurs communautés.

    Mais d’un point de vue commercial, il est important que le temps des gens soit utilisé à bon escient, sinon, à terme, ils n’auront plus autant recours à nos services. Les pièges à clics et autres contenus sensationnalistes peuvent générer des interactions à court terme, mais il serait insensé de notre part de les mettre en avant de manière intentionnelle, parce que ce n’est pas ce que les gens veulent.
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    Par ailleurs, on nous demande si nous laissons des contenus nuisibles ou conflictuels sur nos services, au motif qu’ils généreraient plus de trafic. La réponse est non.

    Les gens nous disent constamment qu’ils ne veulent pas voir ce type de contenu. Les annonceurs ne veulent pas non plus que leurs marques y soient associées. Ces contenus inappropriés peuvent parfois rester sur nos services pour une seule raison : les équipes et les systèmes d’intelligence artificielle sur lesquels nous nous appuyons pour les examiner ne sont pas parfaits. Nous n’avons aucun intérêt à les ignorer. Nos systèmes continuent d’évoluer et de se perfectionner.

    Enfin, le modèle publicitaire soulève la question importante de l’intérêt pour des entreprises comme la nôtre d’utiliser et de stocker plus d’informations que nécessaire pour fournir des services aux consommateurs.

    En accord avec le RGPD

    Sur ce sujet, il ne fait aucun doute que nous recueillons certaines informations pour les publicités, mais ces informations sont également importantes pour la sécurité et l’exploitation de nos services. Par exemple, les entreprises utilisent souvent des codes informatiques dans leurs applications et sites Web afin que, lorsqu’une personne consulte un article, elles puissent lui montrer une publicité lui proposant de terminer son achat.

    Mais, ce type d’informations peut aussi être important pour détecter les fraudes ou les faux comptes. Nous donnons à nos utilisateurs un contrôle total sur l’utilisation éventuelle de ces informations à des fins publicitaires, mais pas à des fins de sécurité ou pour le fonctionnement de nos services.

    Selon une enquête réalisée à l’échelle mondiale, la moitié des entreprises sur Facebook affirment avoir embauché plus de personnes depuis qu’elles y sont présentes

    Et lorsque, en accord avec le Règlement général sur la protection des données (RGPD), nous avons demandé aux gens la permission d’utiliser ces informations pour améliorer les publicités qu’ils voient, la grande majorité a donné son accord, car ils préfèrent voir des réclames plus pertinentes.

    En définitive, je suis convaincu qu’en matière de données, la transparence, le choix et le contrôle sont les principes les plus importants. Nous devons être clairs sur la façon dont nous utilisons les données, et les gens doivent avoir des choix clairs sur la façon dont ils veulent que leurs données soient utilisées. Nous pensons qu’une régulation d’Internet fondée sur ces principes serait bénéfique pour tous.

    Service gratuit, croissance, emplois

    Il y a des avantages évidents à ce modèle économique. Des milliards de personnes bénéficient d’un service gratuit pour rester en contact avec leurs proches et s’exprimer. Des petites entreprises du monde entier bénéficient d’outils pour accélérer leur croissance et créer des emplois.

    Il y a plus de 90 millions de petites entreprises sur Facebook, et elles représentent une grande partie de nos activités. La plupart n’ont pas le budget pour passer des réclames à la télévision ou s’offrir des panneaux publicitaires, mais désormais, elles ont accès aux outils que seules les grandes entreprises pouvaient s’offrir.
    Article réservé à nos abonnés Lire aussi Comment réglementer Facebook ? Le débat agite les Etats-Unis

    Cela offre d’énormes opportunités, puisque ce sont aujourd’hui les petites entreprises qui créent le plus d’emplois et de croissance économique à travers le monde. Selon une enquête réalisée à l’échelle mondiale, la moitié des entreprises sur Facebook affirment avoir embauché plus de personnes depuis qu’elles y sont présentes. Cela signifie qu’elles utilisent nos services pour créer des millions d’emplois.

    Pour nous, la technologie a toujours consisté à mettre le pouvoir entre les mains du plus grand nombre. Si vous croyez en un monde où chacun peut faire entendre sa voix et avoir une chance d’être entendu, où chacun peut créer une entreprise à partir de rien, alors il est important que la technologie soit au service de tous. C’est le monde que nous contribuons à construire, et notre modèle économique rend cela possible.

    Mark Zuckerberg (Fondateur et PDG de Facebook)

    #Facebook #Zuckerberg

  • Le #Groupe_Jean-Pierre_Vernant décide d’arrêter de nourrir son fil twitter

    Ce qui est bien dommage, vu la richesse et la qualité de ce qui y défilait. Quelques morceaux choisis... En espérant que le fil continuera d’exister, pour les archives.

    Groupe J.-P. Vernant @Gjpvernant

    Une paire de jours avant de cesser de contribuer quotidiennement au flux cui-cuiesque — cela correspondra à 30 000 abonnés. On aimerait partir en forme de bilan, mais on ne voit pas bien par quoi commencer, ni ce qu’il y a à expliquer.

    C’est assez paradoxal d’avoir misé (ou du moins expérimenté) sur la capacité des réseaux sociaux à affecter le système normatif et de partir en ayant construit par essai/erreur l’un des comptes les plus visibles du supérieur.

    1/ S’il faut hiérarchiser les raisons d’arrêter le flux tendu, la principale est la suivante : même si l’Histoire n’est pas déterministe et que nous avons encore des marges pour engendrer une bifurcation socio-historique, on va vers le très gros temps, et pour longtemps.

    2/ Le plus probable (mais non sûr, et il faut tout faire contre) est de subir deux décennies d’extrême-droite (au sens commun) au pouvoir, avec toutes les conséquences que cela comporte de restriction des minces libertés restantes.

    3/ Pour tenir, il faut du souffle, voir loin, se ménager de la joie, préparer la lente sortie de l’ombre et surtout, surtout, il faut des amis, des vrais, avec qui l’on tisse des réseaux de solidarité effectifs, tangibles, solides, instantanément activables en cas d’alerte.

    4/ Or, la plus grosse déception de cui-cui est celle-là : on ouvre des réseaux de connaissances, on rencontre d’autres modalités de pensées, d’autres idées, mais rien qui soit de l’ordre de la solidarité. L’ami d’hier ne vous soutiendra pas le lendemain. La défiance est la norme.

    5/ Quiconque connait l’amitié sait bien de quoi il s’agit : du niveau de confiance qu’il faut pour sauter par la fenêtre sans regarder si l’ami vous dit qu’il y a le feu. Sur cui-cui, on a plus souvent affaire à des coups de poignard dans l’incendie que de solidarité.

    6/ Or nous voilà revenus au point de départ. Il importe plus maintenant de retisser des solidarités de solidarité que de produire des contre-expertises à la hache ou de contribuer à un contre-horizon émancipateur.

    Cela milite pour le laisser fonctionnel, soit jusqu’à ce qu’une équipe amie souhaite le reprendre sous un changement de nom, pour une fonction semblable mais un fonctionnement différent.

    On aimerait croire que l’on a réussi au moins ça : déprécier certaines pratiques claniques jusqu’à ce que des gens comme le Parrain soient écartés de l’appareil d’Etat. Vue sa violence, lui le croit peut-être.

    Mister Adien @Mister_Adien En réponse à @Gjpvernant

    Peut-être pas le meilleur moment pour partir, compte tenu du contexte actuel. Les lumières sont importantes quand la nuit tombe.
    Merci en tout cas d’avoir contribué à donner un point de vue différent et engagé.

    Mais d’autres sont venus, dont on n’est pas bien sûrs qu’ils ne soient pas pires : les néomanagers « limace », sans flamboyance, sans intrigue, sans idée, qui sont tellement désespérants qu’ils ne suscitent plus l’opposition, mais l’auto-démolition accélérée de l’institution .

    La croyance dans un pouvoir porté par les réseaux sociaux (et donc notre capacité de nuisance potentielle) a éloigné toute pression directe. Une seule plainte judiciaire en tout, avec un simple rappel à la loi.

    C’est le piège du militantisme — le stade suprême de l’aliénation — auquel on voudrait échapper : il n’y a jamais de « meilleur moment » [pour partir].

    Hoffmann @Chrishoffmann86 En réponse à @Gjpvernant
    Merci de vos contributions. On a toujours peur de se retrouver devant une chorale aux ordres et vous étiez une respiration. Ça va manquer

    La suspension du droit — l’Etat d’exception permanent — est la méthode par laquelle se produit mutation en cours du néolibéralisme au néofascisme. Les bleu-bruns, de Sarkozy à Castaner en passant par Valls en sont directement responsables : https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/01/26/le-droit-rempart-contre-les-derives-autoritaires_5414847_3232.html

    André Gunthert @gunthert retwitté par Groupe J.-P. Vernant @Gjpvernant

    Inconscience et incompétence, ou volonté de nuire ? A mesure que les informations se précisent, les violences policières de décembre-janvier se transforment en un scandale d’Etat, une tache indélébile sur le macronisme.

    Groupe J.-P. Vernant @Gjpvernant

    L’avantage de lire les inepties de Macron, c’est que vous pouvez mettre dessus la voix de Sarkozy, dans votre tête.

    Celle-ci est merveilleuse : sans banquier, pas de capitalisme de crédit… Il faut que cette vérité soit dite.

  • Des plébéiens aux « gilets jaunes »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/01/18/des-plebeiens-aux-gilets-jaunes_5410980_3232.html

    Dans sa tribune au « Monde », Claudia Moatti, professeure d’histoire antique, compare le comportement des sénateurs ­romains du dernier siècle de la République avec les politiciens d’aujourd’hui, qui, tout en reconnaissant l’utilité des révoltes passées, condamnent celles de leur époque.

    Tribune. Le paradoxe est éclatant : nous transformons en patrimoine la Révolution française mais nous tremblons devant les rébellions actuelles. Nous nous comportons ainsi comme les sénateurs ­romains du dernier siècle de la République, qui, tout en reconnaissant l’utilité des révoltes passées (les ­fameuses sécessions de la plèbe du Ve siècle avant notre ère), condamnaient celles de leur époque. Les historiens qui écrivirent sous l’Empire voyaient pourtant plus qu’une analogie entre les deux. Au moment où la situation politique nous met en demeure, à notre tour, de réfléchir et de comprendre l’état de notre société, leur récit a quelque chose à nous apprendre.

    Nous sommes en 494 avant notre ère, au début de ce que nous appelons la République romaine, quelques années après l’expulsion du dernier roi de Rome, Tarquin le Superbe ; les plébéiens, cette part de la population romaine qui n’avait aucun accès aux charges politiques et religieuses de la cité mais qui n’en était pas moins constamment appelée à défendre la patrie par les armes, réclama l’abolition des dettes. Ce que saisissaient les historiens, c’était à la fois l’état de pauvreté et de nécessité où la plèbe se trouvait, la cruauté des créanciers, et la surdité des sénateurs : une surdité de gens arrogants, hautains, et sans pitié.

    Ce qu’ils tâchaient de faire entendre aussi, c’est qu’un problème qui n’est pas résolu immédiatement est destiné à empirer ; et de fait les plébéiens, excédés, finirent par réclamer non seulement l’abolition des dettes mais aussi des droits politiques, par exemple la création de magistrats pour les défendre. Voici donc que de sociale la requête se fit politique.

    #paywall

    • Ça devient de plus en plus difficile de créditer les images : celles-ci ne figurant pas sur la page web… mais apparait dans l’extrait pris par le bookmarklet ST

      Et donc, ici


      Gaius Gracchus attempted to enact social reform in Ancient Rome but died at the hands of the Roman Senate in 121 B.C.
      sur le site du Smithsonian Institute, dans un article de novembre 2017 au contenu très proche de l’article ci-dessus (même s’il s’agit des Gracques et non de l’apologue des membres et de l’estomac de Ménénius Agrippa à l’époque des Sécessions de la plèbe (494 avant notre ère) où celle-ci décida de se retirer sur les ronds-points euh, non ! sur l’Aventin (je confonds toujours…)

      et donc, peut-être ! :
      Paul Fearn/Alamy

      et l’article illustré par C. Gracchus

      Before the Fall of the Roman Republic, Income Inequality and Xenophobia Threatened Its Foundations | History | Smithsonian
      https://www.smithsonianmag.com/history/fall-roman-republic-income-inequality-and-xenophobia-threatened-its-

      What inspired you to look into this story?
      When I was doing the History of Rome [podcast], so many people asked me, ‘Is the United States Rome? Are we following a similar trajectory?’ If you start to do some comparisons between the rise and development of the U.S. and rise and development of Rome, you do wind up in this same place. The United States emerging from the Cold War has some analogous parts to where Rome was after they defeated Carthage [in 146 B.C.]. This period was a wide-open field to fill a gap in our knowledge.

      One topic you describe at length is economic inequality between citizens of Rome. How did that come about?
      After Rome conquers Carthage, and after they decide to annex Greece, and after they conquer Spain and acquire all the silver mines, you have wealth on an unprecedented scale coming into Rome. The flood of wealth was making the richest of the rich Romans wealthier than would’ve been imaginable even a couple generations earlier. You’re talking literally 300,000 gold pieces coming back with the Legions. All of this is being concentrated in the hands of the senatorial elite, they’re the consuls and the generals, so they think it’s natural that it all accumulates in their hands.

      At the same time, these wars of conquest were making the poor quite a bit poorer. Roman citizens were being hauled off to Spain or Greece, leaving for tours that would go on for three to five years a stretch. While they were gone, their farms in Italy would fall into disrepair. The rich started buying up big plots of land. In the 130s and 140s you have this process of dispossession, where the poorer Romans are being bought out and are no longer small citizen owners. They’re going to be tenant owners or sharecroppers and it has a really corrosive effect on the traditional ways of economic life and political life. As a result, you see this skyrocketing economic inequality.

      par Mike Duncan, à propos de son livre
      The Storm before the Storm, The Beginning of the End of the Roman Republic, New York Times Bestseller, octobre 2017

      http://thestormbeforethestorm.com

  • « Les salariés à temps partiel ne tireront que peu, voire pas, d’avantage de la réforme de la prime d’activité », François Bourguignon, Paul Champsaur, ex-présidents du groupe d’experts sur le smic, et Gilbert Cette, le président actuel,
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/01/16/les-salaries-a-temps-partiel-ne-tireront-que-peu-voire-pas-d-avantage-de-la-

    Tribune. Le gouvernement a souhaité répondre à la demande de hausse du pouvoir d’achat exprimée ces dernières semaines par le mouvement des « gilets jaunes » en préférant la défiscalisation des heures supplémentaires et le relèvement de la #prime_d’activité à une hausse du smic.

    Le groupe d’experts sur le smic a souligné à plusieurs reprises que le salaire minimum n’était pas, en effet, un instrument efficace pour soutenir le pouvoir d’achat des personnes à bas revenus salariaux.
    D’une part, ses effets sur l’emploi risquent d’être contre-productifs.
    D’autre part, c’est un instrument mal ciblé pour lutter contre la pauvreté des travailleurs et, a fortiori, des personnes sans emploi. Une rémunération au smic ou à un taux proche ne signifie pas nécessairement que la famille concernée soit au-dessous du seuil de pauvreté. Il n’est pas rare en effet qu’un autre membre bénéficie d’un revenu supérieur, qui permet à la famille de dépasser ce seuil.

    Par ailleurs, divers transferts sociaux (prime d’activité, aides au logement, certaines aides locales) sont sous conditions de ressources ou diminuent avec la hausse du revenu d’activité : les effets d’une hausse du smic sur le revenu des ménages éligibles à ces transferts sont donc considérablement réduits.
    Ainsi, les simulations publiées dans les rapports du groupe d’experts ont montré qu’une hausse de 1 % du smic augmentait le revenu disponible moyen des 30 % des ménages les moins aisés de moins de 0,15 %, tandis qu’une hausse de la prime d’activité conduisant au même revenu agrégé de l’ensemble des ménages l’augmentait d’environ 0,4 %, la différence reposant essentiellement sur un meilleur ciblage de la prime d’activité vers le bas de la distribution.

    Bonus variable
    En revanche, ces mesures négligent les personnes et familles dont les revenus d’activité viennent d’un emploi salarié à #temps_partiel, souvent contraint, qui, par définition, ne font pas d’heures supplémentaires et qui sont peu, voire pas concernées par le relèvement de la prime d’activité.
    En effet, le relèvement annoncé de la prime d’activité, pour parvenir à une hausse de 100 euros du pouvoir d’achat au niveau du smic (une fois prise en compte la hausse réglementaire du smic au 1er janvier), ne concerne que la partie « bonification » de cette prime. Car la prime d’activité est constituée de deux parties distinctes.

    D’une part un montant forfaitaire : le montant de base est égal au RSA socle, soit 550 euros par mois pour un célibataire et plus selon la composition familiale, mais il est diminué de 38 % des revenus d’activité du ménage. Il s’amenuise donc au fur et à mesure de la hausse de ces revenus, jusqu’à disparaître lorsque le revenu atteint, pour une personne seule à temps plein, 1,2 smic.
    D’autre part, la prime d’activité comprend un bonus mensuel variable, destiné à inciter les salariés à travailler à plein-temps. Dans le barème de 2018, il est en effet versé à partir de 0,5 smic, atteint un maximum de 70 euros à 0,8 smic, puis diminue progressivement à partir de 1,2 smic pour disparaître à 1,3 smic.
    La nouvelle bonification est toujours nulle au-dessous de 0,5 smic, mais elle augmente fortement à partir de 0,8 smic. Le bonus atteint 90 euros au niveau du smic, puis reste constant avant de s’annuler progressivement entre 1,3 et 1,5 smic – il est encore de 45 euros à 1,4 smic. Les autres paramètres de calcul de la prime d’activité restent inchangés.

    Temps partiel contraint
    En conséquence, la hausse de pouvoir d’achat sera nulle pour les personnes qui ne travaillent qu’à mi-temps ou moins, et minime juste au-dessus. Les salariés à temps partiel réduit ne tireront donc que peu, voire pas, d’avantage de la réforme de la prime d’activité. Or, cette population est loin d’être négligeable : la proportion de l’emploi salarié travaillant à mi-temps ou moins pour qui la réforme n’apportera rien est de 11 % pour les femmes et de 4 % pour les hommes. Rappelons en outre que près de 45 % du temps partiel est contraint, et que ce chiffre est beaucoup plus élevé dans certains métiers – les caissières de supermarché par exemple.

    Il aurait été possible de jouer sur les autres paramètres de la prime d’activité pour atteindre l’objectif d’une hausse du pouvoir d’achat de 100 euros au niveau du smic, tout en améliorant celui des travailleurs à temps partiel. On aurait pu aussi simplifier l’ensemble du dispositif de la prime d’activité, dont la complexité et l’opacité contribuent sans doute à un taux encore élevé – environ 30 % – de non-recours.
    Souhaitons que ces limitations de la prime d’activité et plus généralement la complexité du système redistributif français figurent en bonne place parmi les questions à aborder dans le grand débat qui s’engage. Souhaitons aussi que, dans ce grand débat, ne soit pas oublié le fait que la France est l’un des rares pays développés à souffrir encore de chômage massif et que la priorité y reste la création d’emplois, la baisse du #chômage et celle de la #précarité.

    • Une lecture de la revalorisation du « bonus individuel » de la prime d’activité proposée par Ankhôlie @reventoline sur l’oiseau bleu
      https://twitter.com/reventoline/status/1090073920852684800

      C’est aujourd’hui que les bénéficiaires à temps partiel de la prime d’activité découvrent avec amertume - surtout ceux entre 0,5 et 0,6 smic - le montant pathétique de leur "gain"... bien loin des 90€ réservés à celles et ceux gagnant au moins 1203,60€ soit 1 smic net (ou +).

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      @loic_jeune En réponse à @le_pape_alain @stephaneeti @MalikAcher_RTFr : Et pourquoi j’ai 2,40€ de prime d’activité en plus maintenant ? C’est vrai, avec 695€ net de salaire je fais partie des privilégiés
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      Oui c’est normal (enfin façon de parler, c’est injuste mais normal en regard du mode de calcul :) La "hausse" de la prime passant par la revalorisation du #bonus_individuel qui en est une composante, et celui-ci croissant proportionnellement aux revenus plus on se rapproche du niveau de revenu plancher = 591,77€ ou le bonus=0, plus le gain est faible et inversement plus on va vers 1 #smic net, plus le Graal des 90 euros est proche. A 615 euros de revenus, le gain est de moins d’un euro. ?

      Je dois retourner travailler là mais fav si tu veux que je te prédise ce soir la hausse pour chaque tranche de revenu entre 0,5 et 1 smic. Je suis un simulateur de gain vivant :) (et je te révèle mon secret aussi :)

      Le montant du gain pour les temps partiel, donc. Eh bien c’est assez simple, la "hausse de prime" se résumant en fait comme je vous le disais à un gain de bonus individuel, le gain est égal à la différence entre le montant (variable en fonction des revenus) du nouveau bonus « augmenté » de 2019 et celui de l’ancien bonus en 2018 (pour une personne hein, s’il s’agit d’un couple les montants s’additionnent, le bonus étant individuel, et le gain peut aller jusqu’à 180 euros par foyer).

      180 euros si les deux gagnent au moins un smic et jusqu’à 2,4 smic pour un couple avec 2 enfants. A côté de ça le gain d’une mère isolée à mi-temps payée au smic est de : nada.

      J’avais fait un thread expliquant la raison pr laquelle AUCUN temps partiel ne toucherait la hausse de 90€ : à cause du choix du Gouvernement de passer par une revalorisation du montant max. de la bonification individuelle et d’élever le niveau de revenu à partir duquel on l’atteint de 0,8 smic à 1 smic dc (ce qui permet à la fois de réduire la hausse entre 0,5 et 0,8 smic et d’exclure au passage les tps partiels entre 0,8 et 1 smic du gain maximal qu’ils atteignaient en 2018 et dc de limiter les frais, mon 1er tir était le bon)

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      https://twitter.com/reventoline/status/1083840877527748608

      Je viens de comparer les décrets du Gouvernement sur la revalorisation de 20 euros de la prime d’activité en octobre (Décret n° 2018-836 du 3 octobre 2018) et celui de la revalorisation exceptionnelle de 90 euros pour le 1er février (Décret n° 2018-1197 du 21 décembre 2018)...

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      Ça a pu paraître technique à certains mais au-delà du fait que tout (s’)est (et était) vérifié, les choix techniques c’est politique vous savez :)

      Mais qu’est-ce au juste que cette "bonification individuelle" ? (Petite présentation avant l’estimation des gains :) Créée au départ avec un objectif unique d’incitation à l’emploi, mais fonctionnant davantage jusqu’à présent comme compensation de la décrue de la prime d’activité avec les revenus (le bonus individuel commence et croît en effet au moment où la prime décroît), la bonification est établie individuellement pour chaque travailleur(se) membre du foyer en fonction de ses revenus professionnels (plus ils sont hauts, plus elle est élevée) et est calculée selon des règles énoncées à l’article D. 843-2 du code de la sécurité sociale, modifié par le décret n°2018-1197 du 21 décembre 2018 dit de « revalorisation exceptionnelle de la prime d’activité » (en fait du bonus individuel) https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=E5DDAD269F25C078B37CFA0E4FD390A0.tpl

      Depuis le Décret du 21 décembre (prise d’effet en janvier 2019), le montant maximal de la bonification s’élève donc à 29,101 % du montant forfaitaire applicable à un foyer composé d’une seule personne (contre 12,782% du montant de ce forfait de base auparavant), soit à désormais 160,49€ contre 70,49€ avant la réforme, ce qui correspond bien une hausse de 90 euros… mais du montant maximal du bonus par rapport à 2018 et non du montant forfaitaire de la prime, montant maximum que seules les personnes d’un niveau de rémunération désormais égal ou supérieur à un smic (au lieu de 0,8 smic avant la réforme) peuvent percevoir, les autres percevant un bonus proportionnel à leur revenu dans le rapport de ce nouveau montant maximum : leur bonus augmente donc aussi p/r à celui de 2018, mais pas de 90 euros.

      Composante du calcul de la prime (rappel de sa formule de calcul : montant forfaitaire éventuellement majoré selon la composition du foyer + 61% des revenus pro + BONUS INDIVIDUEL – total des ressources du foyer dont revenus pro), cette bonification modulable est donc octroyée à chaque membre du foyer bénéficiaire dont les revenus professionnels sont supérieurs à 59 fois le smic horaire soit 591,77€ (et donc nulle pour les niveaux de revenu inférieurs ou égaux à ce seuil), et croît à partir de ce seuil de façon proportionnelle avec les revenus jusqu’à un certain plafond (désormais élevé au niveau d’un smic, donc) où elle atteint alors son maximum sans plus augmenter pr les revenus situés au-dessus.
      Comme son nom l’indique, la bonification individuelle majore la prime à titre INDIVIDUEL et non pas familial comme c’est le cas du montant forfaitaire (majoré de son côté en fonction de la composition du foyer), et la part des foyers comportant au moins une personne éligible à une bonification individuelle est de 87,4% selon la Cnaf.

      La bonification concerne donc 2,4 millions de foyers sur les 2,8 millions actuellement bénéficiaires de la prime d’activité, et dc au minimum 2,4 millions de personnes sur les 2,66 millions d’adultes au total responsables du dossier (sans compter les conjoints éligibles au bonus) à quoi il faut ajouter 100% des 1,2 millions des nouveaux foyers éligibles à la prime d’activité (chiffres du Gouvernement), puisque précisément (c’est le but) ils entrent ds le dispositif grâce à leur bonification maximale dont l’augmentation les rend mécaniquement éligibles.

      Ce qui nous fait 2,4 + 1,2 = 3,6 millions de foyers au total comportant AU MOINS une personne percevant un bonus individuel, dont 1/3 dc de foyers du haut ++ du panier, privilégiés par le Gouvernement ds l’arbitrage entre incitation et soutien aux plus modestes des "bonifiés".

      C’est - je le répète - un choix politique très clair du côté du renforcement du versant incitatif de la prime et un "soutien" (quasi symbolique pr certains) du pouvoir d’achat des classes moyennes au lieu des petits temps partiels au smic, considérés sûrement comme déjà bien assez aidés par la prime (dégressive avec les revenus, contrairement au bonus individuel), et pourtant de l’avis de certains rapports qui mettent en garde contre le risque de délaisser la lutte contre la pauvreté pas assez redistributive relativement au RSA activité qu’elle remplace.

      L’idée, c’est de calmer les classes moyennes qui n’ont pas droit aux aides sociales et se considèrent lésées par rapport aux plus pauvres alors qu’elles bossent (bien plus) dur. Bien au delà des stricts smicards, on privilégie ceux qui ont le moins besoin et exclut ceux qui ont le plus besoin de la revalorisation de la prestation et à qui elle aurait été vraiment salutaire, dans un but d’incitation au travail et dans le cas des couples, à la « biactivité ». C’était d’ailleurs dans le programme En Marche, si on s’en souvient : « Nous augmenterons encore plus le pouvoir d’achat de tous ceux qui travaillent davantage » par une « revalorisation des dispositifs d’incitation au travail tels que la prime d’activité ».

      Bon, les chiffres (j’ai creusé le sujet et vous ai même concocté des graphiques et tableaux, s’il vous plaît :). La bonification individuelle étant une fonction croissante sur l’intervalle de 591,77 à 1203,60 euros nets avec un bonus augmentant proportionnellement aux revenus de 0 à désormais 160,49 euros (nouveau montant maximum du bonus), le gain de toutes celles et ceux en-dessous de 591,77 euros est donc de 0 (on ne le répètera jamais assez, y’a pas je ne m’y fais pas).

      En dessous ou au niveau de 591,77 euros donc (c’est le seuil) : pas de bonification.
      Pour 602 euros net de revenus soit 0,5 smic en 2019, c’est moins d’1 euro de « gain ». Si vous êtes à 0,6 smic (720 euros environ), comptez la miette de 8 à 9 euros de hausse de bonus.

      A 0,7 smic (840€ net environ), vous devriez percevoir autour de 17 euros, et 26 euros si vous êtes à 0,8 smic. Pour celles et ceux qui gagnent dans les 1080 euros nets (0,9 smic), la miette tombée de la Macron-croquette de 90€ devrait être un peu plus grosse : autour de 58€.

      Et à partir de 1203,60 euros de revenus (très précisément, oui, car c’est le niveau de revenu où est attribué le bonus maximum fixé par décret) et jusqu’aux anciens plafonds (au-delà, c’est plus compliqué), le gain est maximal, soit de 90 euros,
      Cela pour une personne.

    • La prime d’activité va être versée à plus d’un million de nouveaux bénéficiaires
      https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/gilets-jaunes/prime-dactivite-plus-dun-million-de-nouveaux-beneficiaires_3219119.html

      Les conditions d’accès à la prime d’activité ont été élargies en décembre pour répondre à la colère de « gilets jaunes ».

      La prime d’activité a vu son montant augmenté et ses conditions de ressources élargies pour bénéficier jusqu’à 5 millions d’allocataires.
      La prime d’activité, dont les conditions d’accès ont été élargies pour répondre à la colère des « gilets jaunes », est versée à 1,1 million d’allocataires supplémentaires par rapport à l’an dernier, a indiqué mardi 5 mars le gouvernement. "C’est un succès remarquable. On se rapproche de la barre des 5 millions de bénéficiaires" , a indiqué Christelle Dubos, secrétaire d’Etat auprès de la ministre de la Santé.

      Le montant de la prime d’activité, allouée aux salariés autour du smic, a aussi été augmenté au 1er janvier de 90 euros maximum – avec effet réel sur le versement du 5 février. Pour une personne célibataire sans enfant rémunérée au smic (1 204 euros), la prime d’activité s’élève maintenant à 241 euros par mois.

      Les oppositions nous accusent de ne distribuer que des miettes. Mais 241 euros [soit 90 euros de plus qu’avant], pour un smicard, ce ne sont pas des miettes, c’est un joli coup de pouce. Christelle Dubos à l’AFP

      Avec cette prime bonifiée, le gouvernement entend honorer la promesse d’Emmanuel Macron d’augmenter de 100 euros les personnes ayant des revenus au niveau du smic.

      Des bénéficiaires qui ne demandaient pas la prime

      Les allocataires déjà enregistrés dans les fichiers des caisses d’allocations familiales ont bénéficié automatiquement de cette hausse. Sur les 1,1 million de nouveaux inscrits dans le dispositif, quelque 55% étaient des ménages qui remplissaient déjà les conditions pour en bénéficier l’an dernier – avant l’élargissement des critères – mais qui ne la demandaient pas , a précisé la secrétaire d’Etat. La ministre des Solidarités Agnès Buzyn et sa secrétaire d’Etat se sont félicitées dans un communiqué « que les Français se soient largement saisis » de cette prestation.

      On se souviendra que sous Jospin en 1998, la création d’un « fonds d’urgence sociale » en réponse aux mobilisations de chômeurs et précaires avait fait apparaître 30% de #demandeurs_de_revenu totalement inconnus de l’ensemble des services sociaux.

    • Quand a été créée la « prime pour l’emploi », ancêtre de la « prime d’activité » ? J’avais souvenir que c’était une réponse à la « prime de Noël » des chômeurs marseillais en 97-98...

    • La prime pour l’emploi a été crée en 2001 sous ce même Jospin qui disait « préférer une société de travail à l’assistance » (à rebours de la tradition révolutionnaire, cf. les traces laissées dans l’actuel préambule de la Constitution française ou l’assistance est une dette sacrée de la société vis-à-vis de ses membres).
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Prime_pour_l%27emploi
      C’était effectivement après que un peu partout des chômeurs s’essaient à vider en fin d’année des reliquats de caisse Assedic en fin d’année (prime de fin d’année ou prime de Noël, selon les obédience), et après la mobilisation massive qui avait eu pour point de départ la suppression du « fonds social des assedic ».
      Théoriquement elle s’appuie sur un principe avec lequel on en a pas finit (cf. RSA, PA) la Less eligibility , voir
      Less eligibility et activation
      http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=3738

      Le less eligibility (L.E.) est la logique qui régule l’attractivité de l’assistance par rapport au travail. Cette logique s’exprime sous forme d’un principe qui peut s’écrire ainsi : « que l’homme secouru par la nation, et qui est à sa charge, doit cependant se trouver dans une situation moins bonne que s’il n’avoit pas besoin de secours, et qu’il put exister par ses propres ressources (…) le besoin qui naît du manque de travail dans un homme qui n’en a pas cherché, dans celui qui n’a pas pensé à s’en procurer, pénible sans doute pour un cœur humain et compatissant, est, dans un Etat où il y a une grande masse de travail en activité, une punition utile et d’un exemple salutaire. ». Ce principe d’action répond au risque d’une trop grande attractivité de l’assistance par rapport au travail.

      #assitance #less_eligibility #travail #travaillisme (au sens actuel...) #activation_des_dépenses_passives

    • Donc, le post fb de la cip-idf n’était pas complètement délirant (je l’ai retrouvé)

      Cip- Idf
      10 décembre 2018 ·

      Rectifier les « fake news » présidentielles : il n’y aura pas d’augmentation du SMIC, il y aura accélération sur l’augmentation de la prime d’activité qui était déjà prévue ("Contacté par franceinfo, l’Elysée a confirmé que ces 100 euros d’augmentation comprenaient les hausses déjà prévues de la prime d’activité : 30 euros en avril 2019, 20 euros en octobre 2020 et 20 euros en octobre 2021.")
      La prime d’activité est financée non par les patrons, mais par l’impôt (donc, par les contribuables eux-mêmes), elle est sous condition de ressources (avec un conjoint au salaire correct, vous n’y avez pas droit - si, jeune, vous dépendez des impôts de vos parents, vous n’y avez pas droit), il faut la demander (tous les 3 mois à la CAF : 30% des gens qui y auraient droit ne la demandent pas), les étrangers doivent prouver 5 ans de résidence pour y accéder, et bien sûr elle n’est pas comptabilisée ni pour la retraite ni pour l’assurance chômage. Le bonus qu’elle constitue est ciblé sur le temps plein : le bonus individuel est nul à 0,5 smic, progressif entre 0,5 et 1 smic puis fortement régressif entre 1 et 1,2 smic. En l’état un.e salarié.e à mi-temps au Smic n’y gagnera rien...

      La « prime d’activité » est l’héritière de la « prime pour l’emploi », réponse au mouvement de chômeurs de la fin des années 90, qui exigeait la revalorisation des minima sociaux. Son principe est de diviser pour mieux régner et de monter les pauvres les uns contre les autres : petit bonus pour les pauvres « méritants » (qui acceptent n’importe quel boulot sous-payé, pourvu qu’ils travaillent) pour faire honte aux « mauvais » pauvres (les chômeurs qui réclament de quoi vivre dignement). Le but de la manœuvre est de créer une part la plus importante possible de « travailleurs pauvres », pour faire baisser les salaires de toutes et tous.

      L’autre aspect de l’allocution présidentielle était de dresser les pauvres français contre les pauvres immigrés en réouvrant le débat sur « l’identité nationale » - faire monter l’extrême-droite et diviser les pauvres entre eux est la meilleure chance de survie pour un président des riches. Quand le pays entier débat des questions sociales, rien de tel que de relancer la rengaine sarkozyste de « l’identité nationale » pour détourner le regard de la suppression de l’ISF, du CICE, de la casse des services publics, etc.

      Bref, une parfaite cohérence et une belle continuité.

      #BLOCAGESPARTOUT

  • Nicolas Maduro, l’illégitimité au pouvoir au Venezuela
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/01/12/nicolas-maduro-l-illegitimite-au-pouvoir-au-venezuela_5408172_3232.html

    Editorial. Le successeur d’Hugo Chavez a été investi le 10 janvier pour un deuxième mandat. Après la présidentielle sanglante de mai 2018, le pays traverse une crise dangereuse pour toute la région.

    Le 10 janvier, Nicolas Maduro a été officiellement investi pour un deuxième mandat à la tête du Venezuela. De manière symbolique, et contrairement à ce que prévoit la Constitution, l’héritier d’Hugo Chavez a choisi de prêter serment non pas devant l’Assemblée nationale, contrôlée par l’opposition et qu’il a dépouillée de ses prérogatives, mais devant la Cour suprême, composée de juges à ses ordres.

    Cette cérémonie d’investiture aura surtout été l’occasion pour le président Maduro de constater son isolement diplomatique, tant les rangs des dignitaires étrangers étaient clairsemés. Les Etats-Unis, le Canada et les pays membres de l’Union européenne brillaient par leur absence, de même que la majorité des pays d’Amérique latine. Quelques jours plus tôt, douze d’entre eux avaient appelé le président vénézuélien à renoncer et à transférer le pouvoir au Parlement. L’UE, considérant que l’élection présidentielle de mai 2018 n’avait été « ni libre ni crédible », a demandé l’organisation d’un nouveau scrutin, « libre et juste ». Seuls les dirigeants de Cuba, du Nicaragua et de Bolivie avaient fait le déplacement, aux côtés de représentants de la Chine et de la Russie.

  • Loi sur la prostitution : « Dépénaliser serait une catastrophe »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/01/09/loi-sur-la-prostitution-depenaliser-serait-une-catastrophe_5406832_3232.html

    Saisi par neuf associations, en novembre 2018, le Conseil d’Etat a transmis au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la loi de 2016 qui pénalise les clients de la prostitution. Un collectif de médecins dans une tribune au « Monde » s’alarme d’une possible abrogation du texte.

    Rien ne permet en 2019 d’affirmer qu’il y a plus de violences envers les personnes en situation de prostitution depuis la loi du 13 avril 2016 qui visait à renforcer la lutte contre le système « prostitutionnel » et à accompagner les personnes prostituées. Par contre, la loi a permis d’inverser la charge pénale et, ce faisant, oriente vers les vrais responsables de l’existence de la prostitution. Dépénaliser serait une catastrophe, tant sur le plan des violences que sur celui de la prise en charge sociale et sanitaire.

    Médecins du monde et d’autres associations réglementaristes questionnent le Conseil constitutionnel : la disposition de la loi pénalisant les clients n’est-elle pas contraire au droit au respect de la vie privée et à la liberté d’entreprendre ? Mais de quelle vie privée s’agit-il ? Sans doute pas de la vie privée des personnes en situation de prostitution dont la vie sexuelle et relationnelle est saccagée.
    Lire aussi La pornographie comme vengeance

    De quelle liberté d’entreprendre s’agit-il ? Probablement celle des proxénètes et des passeurs, au détriment du principe d’inaliénabilité et d’indisponibilité du corps humain, défini par le code civil et garanti par la Constitution à chaque citoyen et citoyenne, protégeant les plus vulnérables et précaires du commerce de leur corps.
    Violence

    « La prostitution, c’est la bouche, le vagin, le rectum, pénétrés d’habitude par un pénis, parfois par des mains, parfois par des objets, pénétrés par un homme et un autre et encore un autre et encore un autre et encore un autre. Voilà ce que c’est. » Ainsi s’exprimait Andréa Dworkin, survivante de la prostitution dans Pouvoir et violence sexiste (Ed. Sisyphe, 2017).

    Dans son essence même la prostitution est une violence pour retirer toute dignité humaine à la personne achetée en en faisant un simple objet de plaisir pour autrui. A cette violence initiale perpétrée sur des personnes vulnérables s’ajoutent les viols, les coups, les insultes, les actes de barbarie, les meurtres, et ce quelles que soient les formes de prostitution. Les clients achètent, ils exercent leur domination et se permettent tout. Toutes les survivantes de la prostitution en témoignent.

    Les violences du système prostitutionnel ont des conséquences dramatiques sur la santé physique, psychique et sexuelle des personnes prostituées quand elles ne sont pas à l’origine d’un décès. Dans un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), un gynécologue hospitalier ayant examiné de nombreuses femmes victimes constatait : « Des cicatrices consécutives au fait d’avoir été attachées, traînées, griffées, ainsi que des arrachages de cheveux et des brûlures de cigarette. Au niveau vulvo-vaginal, l’examen retrouve des vulves très déformées, et parfois des vagins cicatriciels durs et très douloureux, notamment dans la partie haute du vagin où il existe parfois des cicatrices rétractiles en diminuant nettement la longueur. »
    Santé publique

    L’Organisation mondiale de la santé (OMS) dénonce les conséquences de la violence et de la coercition sexuelles sur les femmes, car elles constituent un problème de santé publique de toute première importance. Ces violences vécues multiplient par cinq ou six les risques d’être à nouveau la cible de nouvelles violences, les risques de dépressions, et par dix-neuf les tentatives de suicide, selon Patricia Romito, professeuse de psychologie à l’université de Trieste.

    Vivre la prostitution, c’est avoir une espérance de vie très écourtée : 40 ans, contre 85 ans chez les femmes de la population générale

    Vivre la prostitution, c’est avoir une espérance de vie très écourtée : 40 ans, contre 85 ans chez les femmes de la population générale. Les personnes en situation de prostitution ont un taux de mortalité très supérieur à ce qu’il est dans la population générale dû notamment à des meurtres mais aussi à l’usage de drogues pour supporter la prostitution, à des accidents, à des maladies chroniques non traitées.

    C’est être six fois plus victime de viols qui font le lit du stress post-traumatique et de la mémoire traumatique (enquête Prosanté, 2010-2011).
    Lire aussi Le Conseil constitutionnel appelé à se prononcer sur la conformité de la loi sur la prostitution

    Et on le sait aujourd’hui, les conséquences du stress post-traumatique vont au-delà de l’impact neurologique pour diffuser leurs effets sur tout l’organisme, système cardiologique, endocrinologique, immunitaire… L’IGAS, dans son rapport sur la santé des personnes prostituées, avait déjà alerté sur la diversité et la gravité des problèmes liés à l’exercice de la prostitution. On ne peut donc s’en tenir à la prévention des risques infectieux évidemment nécessaire, il convient aujourd’hui de prévenir la violence inhérente à la prostitution qui est le premier facteur de mortalité et de morbidité.

    80 % à 95 % des personnes prostituées ont été victimes de violences sexuelles dans leur enfance et adolescence

    Cette prévention doit mobiliser les professionnels de santé, mais aussi l’ensemble de la société. La loi de 2016 le permet. En pénalisant l’achat d’acte sexuel elle montre l’origine de la prostitution, la demande des prostitueurs, et sans cet interdit il serait impossible d’éduquer les jeunes au respect de l’autre et à l’égalité entre les femmes et les hommes.

    La prévention, c’est aussi et d’abord celle des mauvais traitements infligés aux enfants : 80 % à 95 % des personnes prostituées ont été victimes de violences sexuelles dans leur enfance et adolescence. La loi de 2016 est équilibrée en ce qu’elle pénalise les prostitueurs (proxénètes et clients) ; elle met en place des moyens pour l’accompagnement des victimes à la sortie de la prostitution et organise la prévention auprès des jeunes notamment dans l’éducation nationale.

    Nous médecins refusons la marchandisation des corps et demandons à l’Etat de mobiliser tous les moyens pour appliquer cette loi et réduire les violences et les conséquences destructrices sur les victimes.

  • « Gilets jaunes » : il est temps d’expérimenter un revenu de base, Jean-Eric Hyafil
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/01/08/gilets-jaunes-il-est-temps-d-experimenter-un-revenu-de-base_5406121_3232.htm

    « Gilets jaunes » : il est temps d’expérimenter un #revenu_de_base
    Pour répondre aux revendications des « gilets jaunes » sur le pouvoir d’achat, le plus simple serait de verser la prime d’activité et le RSA à tous ceux qui y ont droit, plaide l’économiste Jean-Eric Hyafil dans une tribune au « Monde ».

    Tribune. Le mouvement des « #gilets_jaunes » est d’abord une mobilisation des travailleurs pour le pouvoir d’achat. Le coût de la vie augmente en grande partie du fait de la hausse des cours mondiaux du pétrole, mais aussi de la nécessaire progression de la taxe carbone afin d’inciter entreprises et ménages à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.
    L’augmentation du coût de la vie liée à cette #fiscalité_écologique peut être compensée par des mesures redistributives en faveur des familles pauvres et des travailleurs à bas salaire, par la revalorisation du revenu de solidarité active (#RSA) et par une extension de la #prime_d’activité (à laquelle le gouvernement a déjà décidé de donner un coup de pouce), afin que celle-ci puisse bénéficier aux travailleurs gagnant jusqu’à 1 700 euros de salaire mensuel net.

    L’efficacité d’une revalorisation de ces prestations est toutefois limitée par l’importance de leur #non-recours. Près d’un tiers des individus éligibles au RSA socle (selon la Caisse d’allocations familiales) et 27 % des travailleurs ayant droit à la prime d’activité (selon le ministère de la santé et des solidarités) ne sollicitent pas ces allocations auxquelles ils ont pourtant droit, soit par méconnaissance des dispositifs, soit en raison de la lourdeur des démarches administratives et du stigmate associé à une demande d’aide sociale. Le non-recours empêche donc non seulement de lutter contre la pauvreté – laborieuse ou non –, mais aussi de compenser efficacement les effets antiredistributifs de l’augmentation nécessaire de la fiscalité écologique.
    Il semble donc indispensable de remplacer le RSA et la prime d’activité par une allocation unique, dégressive avec le revenu, et dont le versement serait automatisé : les ayants droit n’auraient plus aucune démarche à effectuer pour toucher cette allocation, puisque la coordination des services fiscaux et sociaux permettra facilement d’identifier les individus éligibles à la prestation et de la leur verser automatiquement. Pour plus de simplification, cette #allocation_unique pourrait éventuellement absorber les aides au logement.

    Prestation unique automatique
    Le 31 janvier, l’Assemblée nationale devra se prononcer sur une proposition de loi d’expérimentation d’un revenu de base dégressif avec le revenu. Il s’agirait pour les départements candidats à cette expérimentation de tester la mise en œuvre d’une prestation unique versée de façon automatique afin d’y intégrer les ayants droit qui n’y recourent pas. Ce projet de loi fait suite à un rapport du Sénat sur le sujet (« Le revenu de base en France : de l’utopie à l’expérimentation », Daniel Percheron, 13 octobre 2016 http://www.senat.fr/notice-rapport/2016/r16-035-notice.html).
    L’objectif de ce revenu de base n’est pas seulement de renforcer le soutien au revenu des travailleurs à salaire bas ou médian. Il est aussi de renforcer l’accompagnement social des individus en insertion professionnelle et sociale. En effet, l’automatisation du versement du revenu de base permettra de supprimer les tâches d’instruction de dossier et de contrôle des #allocataires pour les travailleurs sociaux. Ceux-ci pourront alors se concentrer sur leurs tâches d’accompagnement social.

    Ce revenu de base est automatique, mais il n’est pas le revenu universel – versé sans condition de ressource – que défendent certains, puisqu’il est dégressif – il n’est donc plus versé au-delà d’un certain seuil de revenu. Un véritable revenu universel ne pourrait être expérimenté sans une #réforme_fiscale en profondeur, ce qui semble difficilement applicable. [tiens donc, ndc]
    Pour autant, ce revenu de base constituerait un progrès indéniable pour permettre une garantie de #revenu réellement efficace tant aux personnes sans revenu qu’aux #travailleurs à #salaire faible à médian. C’est aussi le seul outil qui puisse compenser efficacement les effets antiredistributifs de la nécessaire augmentation de la fiscalité écologique. Sans revenu de base, la fiscalité écologique, indispensable à la lutte contre le réchauffement climatique, restera dans l’impasse puisqu’elle ne pourra provoquer que désastre social et blocage politique.

    #APL

  • « Les difficultés des “gilets jaunes” sont la conséquence de cinquante ans de politique d’#urbanisme »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/01/02/les-difficultes-des-gilets-jaunes-sont-la-consequence-de-cinquante-ans-de-po

    Dans le mouvement des « gilets jaunes », une raison essentielle a été insuffisamment pointée, qui sous-tend la plupart des autres. Les difficultés des « gilets jaunes » sont pour une grande part la conséquence de la politique d’urbanisme mise en œuvre dans notre pays depuis cinquante ans. Pour la faire courte, celle-ci a consisté à vider les villages, bourgs et villes petites et moyennes d’une grande partie de leurs habitants et activités au profit de périphéries sans âme et sans vie. Cette politique, à laquelle peu de #territoires ont échappé, s’articule autour du triptyque : étalement urbain de l’habitat, centre commercial et voiture individuelle.

    • L’universitaire Gabriel Dupuy [professeur émérite d’aménagement de l’espace à l’université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne] a montré comment l’ensemble des décisions publiques et privées dans le champ de l’urbanisme de ces dernières décennies avaient concouru à la mise en place d’un véritable système de « dépendance automobile » : les investissements publics conséquents réalisés en faveur des voies rapides, rocades, échangeurs et autres giratoires – au détriment de la rénovation d’un réseau ferré vieillissant et du développement d’aménagements cyclables – ont rendu possible et favorisé l’urbanisation périphérique peu dense sous la forme de lotissements de maisons individuelles. Privés de commerces et de services publics, ces quartiers sont insuffisamment peuplés pour permettre leur desserte efficace par des transports en commun, rendant l’usage de l’automobile indispensable. Cercle vicieux conduisant fréquemment à l’acquisition de plusieurs véhicules par ménage.

      D’où le sentiment de relégation ressenti par nombre d’habitants de ces territoires dont les modes de vie sont pleinement urbains et qui aspirent en conséquence à accéder aux emplois, services et aménités de la ville, pour eux et leurs enfants, mais qui y parviennent de plus en plus difficilement. D’où l’hypersensibilité au prix des carburants.

      Besoin de rencontres
      Il y a cinquante ans déjà, le philosophe Henri Lefebvre alertait sur le risque de fragmentation des espaces et des groupes sociaux induit par cet éclatement des villes. La solution pour contrer ces tendances centrifuges résidait, selon lui, dans l’affirmation et la mise en œuvre effective d’un « droit à la ville », condition de préservation et d’approfondissement de la civilisation humaine grâce à l’accès aux services et aux lieux d’échanges et de rencontres offerts par la centralité urbaine.

      Cette ambition est plus que jamais d’actualité. Le fait que le mouvement des « gilets jaunes » ait très peu concerné les classes moyennes et populaires résidant dans les grandes villes et métropoles confirme que, en dépit des apparences, la vie quotidienne y est probablement plus facile et plus supportable. La proximité et la mixité fonctionnelle (mélange de l’habitat, de l’emploi, des commerces et services) et sociale qui caractérisent le milieu urbain démultiplient les opportunités de rencontres, de travail, de loisirs, d’autonomie des jeunes, le tout pour un faible coût de mobilité.

      La fraternité, la convivialité et la solidarité ressenties sur les ronds-points occupés par les « gilets jaunes » révèlent un fort besoin de rencontres, d’échanges, de coups de main, qui font de plus en plus défaut dans la vie quotidienne de nombre de ces personnes et que ni la télévision ni la sortie hebdomadaire au centre commercial ne compensent réellement.

      Centres-villes en état de mort clinique
      Le développement, sans équivalent en Europe, des centres commerciaux périphériques dans notre pays et la fermeture de nombre de commerces des villages et villes qui en découle – parfaitement décrite par le journaliste [et collaborateur du Monde] Olivier Razemon dans son enquête Comment la France a tué ses villes (Rue de l’Echiquier, 2016) – illustre tristement cette perte de lien social.

      Ces temples – privés – de la consommation attisent désirs d’achat et frustrations sans aucune des qualités et potentialités d’un véritable espace public urbain. Alors que notre pays est déjà suréquipé en centres commerciaux, des centaines de milliers de mètres carrés supplémentaires devraient encore voir le jour au cours des prochaines années, dans une fuite en avant qu’aucune des innombrables lois et commissions mises en place depuis quarante ans n’est parvenue à réguler, au détriment de milliers d’hectares de terres agricoles et d’espaces naturels. La vacance commerciale des centres-villes français a atteint le niveau sans précédent de 11 % en 2017 et dépasse 20 % dans nombre de villes petites et moyennes, dont les centres sont en état de mort clinique et renvoient une image désespérante à ceux qui les habitent encore. C’est une partie de l’histoire, de la civilisation et de l’identité françaises qui disparaissent sous nos yeux, victimes de politiques irresponsables.

      Le drame est que le modèle calamiteux des centres commerciaux périphériques est à présent imité par des services publics, hôpitaux, centres de santé, équipements sportifs, établissements culturels, etc., qui sont de plus en plus nombreux à quitter les centres-villes pour s’implanter eux aussi à proximité des rocades et échangeurs autoroutiers dans des lieux sans histoire, sans qualité et inaccessibles autrement qu’en automobile. Oubliant que seule une partie de la population est motorisée, les jeunes et les personnes âgées encore moins que les autres.

    • Encourager une densification raisonnée
      Alors, que faire pour remédier à cette évolution aux conséquences sociales et environnementales désastreuses ? Quelques mesures simples pourraient être mises en œuvre rapidement par le gouvernement et les élus locaux qui maîtrisent la politique d’urbanisme de leur territoire : planifier l’urbanisme à l’échelle des bassins de vie des populations, la seule pertinente, en confiant la responsabilité des plans locaux d’urbanisme aux intercommunalités, évolution programmée par la loi ALUR [pour l’accès au logement et un urbanisme rénové] de 2014 et qu’il est urgent de parachever ; réinvestir fortement les centres des bourgs et villes moyennes en rénovant les logements vétustes et en encourageant une densification raisonnée de ces territoires aux qualités patrimoniales souvent remarquables afin d’y accueillir de nouveaux habitants, ambition développée en 2018 par le programme gouvernemental « Action cœur de ville », qu’il est nécessaire d’amplifier ; atteindre le plus rapidement possible l’objectif promis par Nicolas Hulot dans son plan biodiversité annoncé en juillet 2018 de « zéro artificialisation nette des sols » ; décréter un moratoire immédiat sur toute nouvelle ouverture de centre commercial et conduire une politique active d’urbanisation des centres commerciaux existants en améliorant leur desserte par les transports publics et les modes actifs (vélo) et en les transformant en véritables quartiers de ville comportant des logements, des équipements publics et des espaces verts accessibles à tous ; aider les commerces de centre-ville à se moderniser et à développer de nouveaux services, grâce à la mise en place d’un fonds alimenté par une taxe sur les livraisons à domicile des sites de vente par Internet ainsi que sur les parkings des centres commerciaux ; enfin, amélioration des lignes de transports en commun et des modes actifs entre les territoires périphériques et ruraux et les centralités urbaines grâce à des liaisons fréquentes et rapides, dans une logique de partenariat entre territoires.

      L’adage du Moyen Age selon lequel « l’air de la ville rend libre » demeure pleinement valable. Contre l’assignation à résidence dénoncée par les « gilets jaunes » , il est urgent de mettre en œuvre une politique permettant à chacun de pleinement jouir de ce « droit à la ville » qui ne doit pas être réservé aux seuls habitants des centres-villes mais bien profiter à l’ensemble de la population qui aspire à la vie en société.

      Stéphane Lecler, urbaniste, a exercé diverses fonctions dans le secteur des transports et de l’urbanisme au sein de l’Etat et de collectivités locales. Il travaille actuellement à la Mairie de Paris.

    • En complément, ce chouette commentaire éclairé trouvé sur le réseau majoritaire :

      Viviane, Jane Jacobs, « grandeur et déclin des grandes villes américaines » où elle décrit dans le menu le jeu de relations sociales complexe d’une vraie ville, le rôle des rues, des places, la dictature des faux espaces verts. Mon livre de chevet.

      Complété par trois autres, « l’art de bâtir les villes » de Camille Sitte justement un autre angle de traitement des places et des rues, qui décrit au XIXe siècle en parcourant de long en large les villes européennes qui aime pourquoi une place ou une rue fonctionne ou pas, le rapport entre la largeur, la profondeur et la hauteur, l’exposition aux vents dominants, la circulation des véhicules, à l’époque des calèches, les débouchés des rues, le positionnement des monuments.

      Puis dans un autre genre, « garden cities of tomorrow, a Path to social reform » sur l’art des cités jardins ou dans une ville assez dense tout en ayant l’impression d’être dans un village urbain, le journaliste parlementaire et sociologue a avant l’heure, le socialiste Ebenezer Howard, horrifié par les miasmes de l’époque à Londres (absence d’égouts, incendies, pollutions au charbon de mauvaise qualité, smog, épidémies, misère sociale abondamment décrite par Dickens) imagine un maillage de villes autonomes, notamment sur le plan alimentaire, intégrant emplois, écoles, universités, habitations, dans des espaces paysagés, où l’on peut se déplacer en toute sécurité en vélo, adossés à une ligne de chemin de fer reliée à la capitale britannique. Non seulement il va l’imaginer, mais il va créer des fondations pour la mettre en place. D’abord à Letchworth, à 60 km au nord de Londres, puis à Welwyn garden city a mi chemin entre Londres et Letchworth. Je m’y suis rendu il y a 22 ans en scooter depuis le Pays Basque, et Welwyn m’est apparue comme une ville de la taille de Bayonne, et même population, avec à peu près la même surface construite et beaucoup plus d’espace consacrée à l’agriculture pour la nourrir, sans jamais se rendre compte qu’on est en ville, c’est troublant car toutes les fonctions de la ville sont là, tout en ayant l’impression d’être dans un village anglais avec un soupçon de verticalité en plus au fur et à mesure qu’on se dirige vers le cœur de la ville.

      En complément de des trois là, je recommanderais Friedrich Hundertwasser, peintre autrichien qui a imaginé des villes ou des quartiers qui ont été bâtis par des architectes après sa mort, avec des formes magnifiques et inédites, des toitures vegetalisées, ressemblant à des collines, des « arbres locataires » jaillissant des toits ou des fenêtres, des portes, des milliers, et des encadrements de fenêtres insolents de couleurs, des cours intérieures enveloppant des écoles ou des crèches et qu’on peut visiter dans des douzaines de villes autrichiennes, suisses, ou allemandes.

      Encore Franck Lloyd Wright, architecte de génie du bioclimatisme pendant pratiquement huit décennies, notamment, mais l’un des pires théoriciens de l’urbanisme et de l’étalement urbain, qu’il faut lire pour savoir ce qu’il ne faut pas faire ? mais dont l’œuvre architecturale doit nous inspirer pour nos villages urbains qui doivent être conçues comme des œuvres d’art que l’on vient visiter et non comme des quartiers monotones et déclinés à l’infini selon la pensée de « l’architecture moderne » de le Corbusier, d’abord dans tous les régimes productivistes autoritaires ou totalitaires de la planète des années 30 à 60, puis dans le reste du monde, sans savoir si vous vous trouvez dans une cité industrielle à Birmingham ou Pittsburgh, Buenos Aires ou Varsovie, en banlieue de Madrid ou de Bratislava, de Sarcelles ou de Turin, de Détroit ou de Toyota, de la banlieue ouvrière de Bilbao, ou soixante ans plus tard celle de Shenzen.

      L’art de bâtir des villes c’est aujourd’hui imaginer des « car free cities » comme celles imaginées par J.H. Crawford, ou encore comprendre les mécanismes décrits par Andres Duany, et Elizabeth Plater Zyberk, dans « suburban nation » ou James Howard Kunstler « geography of nowhere » ou encore ceux qui décrivent dans « fortress America » ou dénoncent des « gated communities » les communautés fermés, l’Amérique suburbaines et la géographie de nulle part que les français reproduisaient plus ou moins en les adaptant à la geographie plus réduite d’un urbanisme commercial délirant, une artificialisation et imperméabilisation des sols notamment dans des friches industrielles ou des zones humides en s’étalant à perte de vue.

      Jane Jacobs, journaliste et sociologue résident à Greenwich village à Manhattan, avait en 1961 un désaccord avec Ebenezer Howard (1895), sur le modèle des garden cities. Mais poussée à l’exil à Toronto au Canada pour que ses enfants ne soient pas envoyés au massacre dans la guerre du Vietnam, elle a commencé à nuancer sa position sur les cités jardins surtout depuis les progrès des matériaux, des formes constructives, des techniques bioclimatiques, et en rajoutant un minimum de compacité et de densité raisonnée aux théories d’Ebenezer Howard. Si on y rajoute l’art des places, des marchés, des halles, des rues, et les toitures végétalisées d’hundertwasser, de la ré-irruption de l’art, depuis le mobilier urbain, l’éclairage, les bancs, les jardins, les terrasses, les balcons, patios, rue intérieures, on aboutit à la pensée d’Herrikopolis d’Iker Zabalzagarai, mais ça, il vous faudra attendre encore un an ou deux pour la voir se décliner, avec d’autres dimensions que sont l’art de bâtir des villes qualitatives accessibles à tous, à faible empreinte écologique. ?

      https://pin.it/rxbvbpwi6yabzt

    • Et toujours un commentaire intelligent (je vais inviter l’autrice !) :

      il est frappant de voir que Jane Jacobs [qui avant de s’illustrer par la publication de son livre, était une militante écologiste qui avait livré un combat titanesque pour empêcher, avec succès, la création d’une autoroute urbaine à travers Manhattan, devant littéralement couper la ville en deux] n’a consacré que de manière plus qu’anecdotique, une seule référence au tramway (et encore elle parlait d’un tramway à cheval datant du début du siècle) et deux passages au métro, sans référence aucune à celui ci en terme de mobilité mais en terme de stations dans le paysage.

      J’adore le livre de jane jacobs au point de l’avoir numérisé et de l’avoir toujours sur moi, afin d’y faire référence dans les débats ou les conversations… et d’y faire des recherches en texte intégral.
      J’avais un doute sur le transport, mais non effectivement elle parle du bâti et de la ville, et quasiment pas des mobilités en dehors des voitures.

      Il faut préciser qu’à cette époque là, la question du métro ne se pose plus, l’essentiel du réseau new yorkais est déjà bâti, et les aménagements ne s’y font plus qu’à la marge.

      Le problème se pose en de tout autre termes dans les villes existantes dont le réseau existant est saturé, ou considéré comme obsolète, et que les autorités envisagent d’en construire un nouveau.

      Dans ma ville, et l’agglomération bayonnaise, on est en train de construire pour cette année un réseau innovant de trambus électrique (indépendant des caténairs et des voies sur rails dédiés des tramway) dont la recharge par induction se fera à chacune des stations. C’est une première mondiale, et de plus le trambus est construit en Pays Basque sud, à cinquante kilomètres à vol d’oiseau de chez nous… par une société coopérative ouvrière de production.

      Mais chaque construction d’un système de transport offre un certain nombre de désagréments, on défait des aménagements paysagers et urbains pour en reconstruire d’autres. Et le temps de la transition est douloureux. Et les travaux éprouvant, ce qui est le cas chez nous actuellement, où ça culmine en terme d’exaspération.

      L’urbanisme sous-terrain n’est quasiment évoqué par aucun des auteurs que je t’ai cité en amont.

      C’est pourtant une des pistes les plus intéressantes pour certains types d’activités, quoi qu’à mon tour je préfère plutôt les mobilités de surface, ou plus encore, les mobilités suspendues, qui peuvent s’affranchir des routes, des ponts, des rivières ou marécages, des baies et des collines…

      Ainsi un métro coûte environ 50 millions d’euros le kilomètre, contre 25 millions pour un tramway, 10 millions pour un trambus ou un système d’autobus en site propre, mais « à peine » 5 millions pour un sytème de téléphérique urbain.

      Avec un téléphérique urbain, pour le même prix qu’un métro, on peut irriguer dix fois plus un système de mobilité et toucher les périphéries, où les quartiers difficiles à desservir par un système conventionnel du fait d’une densité de population insuffisante.

      Mais chaque système a ses avantages et ses inconvénients.

      Il est étonnant de voir que le trambus bayonnais entre Bayonne-Anglet-Biarritz (et quelques communes de proximité) reprend le tracé du tramway ancien, d’abord à cheveaux, ensuite électrifié, qui prévalait avant ma naissance, remplacé par un système de bus jugé alors plus performant.

      On ne cesse de faire et de défaire puis de refaire des choses, même si les technologies ont considérablement évoluées entre temps.

  • « Les “gilets jaunes” veulent rompre avec le sentiment de dépossession », Ivan Bruneau et Julian Mischi
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/01/03/les-gilets-jaunes-veulent-rompre-avec-le-sentiment-de-depossession_5404581_3

    Pour les chercheurs Ivan Bruneau et Julian Mischi, le mouvement de contestation sociale traduit le malaise des populations établies dans les communes rurales en rupture avec tout, notamment les organisations politiques absentes de ces zones.

    Tribune. Le mouvement des « #gilets_jaunes » a donné lieu à de nombreuses analyses à chaud, parfois très survolantes, comme celles ayant mis l’accent sur « les frustrations des classes moyennes » ou « l’individualisation des inégalités ». Il nous semble préférable de revenir aux conditions qui rendent possibles la contestation, lesquelles peuvent être en partie communes aux zones urbaines et rurales, comme le sentiment d’injustice fiscale, mais le mouvement est aussi révélateur de la transformation des #conditions_de_vie et de travail des populations rurales et périurbaines. Certains observateurs ont déjà souligné avec justesse l’enjeu de la mobilité et le rôle central de l’automobile dans le monde rural. Au-delà, l’irruption politique des « gilets jaunes » dans l’espace public des petites communes apparaît comme une réaction collective aux multiples formes de #dépossession qu’ils subissent depuis de nombreuses années.

    Les campagnes françaises sont bien sûr diverses mais elles se caractérisent en général par la surreprésentation en leur sein des catégories populaires relevant du salariat (#ouvriers et #employés) ou du #travail_indépendant (petits artisans, commerçants et agriculteurs). La part considérable des actifs faiblement diplômés contraste avec la faible présence des classes supérieures et des professions intellectuelles, qui résident surtout dans les métropoles. Cette #ségrégation_sociospatiale s’explique par la pression du marché immobilier, mais aussi par le fait que les emplois intellectuels et de direction se concentrent dans les grandes villes alors que les activités de fabrication ou de logistique se déploient désormais essentiellement dans les périphéries rurales et périurbaines. Une telle distance spatiale entre classes sociales, sur fond de séparation entre « travail intellectuel » et « travail manuel », nourrit la mobilisation des « gilets jaunes », qui insistent sur le mépris dont ils se sentent victimes. C’est leur vécu et leur rapport au #travail qui alimentent le rejet de ce qu’ils perçoivent comme l’arrogance d’élites nationales et régionales ne connaissant pas leur quotidien, leurs pratiques, leurs savoirs.

    La distance spatiale entre classes sociales s’est renforcée

    Ainsi, au sein même des territoires ruraux, la distance spatiale entre classes sociales s’est renforcée dans la dernière période. Les dirigeants des entreprises résident de moins en moins sur place. Auparavant les cadres des usines ou des entreprises publiques étaient fréquemment des individus issus de familles « du coin » qui avaient connu une promotion interne et s’engageaient dans la #vie_locale. Rarement d’origine populaire, les nouveaux responsables, davantage mobiles, sont désormais seulement de passage à la tête des établissements en proie à des réorganisations managériales. Plus diplômés, ils connaissent peu le travail réalisé concrètement dans les ateliers et services, travail qu’ils n’ont jamais exercé directement. Vivant le plus souvent dans les #métropoles régionales ou à Paris, ils s’investissent peu dans la vie des communes contrairement à leurs prédécesseurs. Ils ne vont pas prendre part aux activités sportives avec les autres salariés ou fréquenter les mêmes commerces. Leurs enfants ne vont pas à l’école du bourg avec ceux des familles populaires. Ce sont en quelque sorte des citadins de passage, leur distance avec les #classes_populaires_locales est indissociablement sociale et spatiale.

    Le phénomène est général, il s’observe tant dans les usines que dans les établissements bancaires, hospitaliers ou encore scolaires. Symbole de ces mutations favorisant l’éloignement des figures intellectuelles du quotidien des classes populaires rurales : les enseignants des nouvelles générations s’insèrent de plus en plus rarement dans les petites communes où ils sont nommés. Tout comme les médecins ou cadres administratifs des collectivités locales, ils sont nombreux à venir chaque jour des zones urbaines pour exercer sur place. Pour les administrés, il en résulte un sentiment de dépossession à l’aune duquel on peut comprendre leur sensibilité à la violence du discours expert et à la #domination_culturelle des élites politiques nationales.

    Ce sentiment de dépossession est renforcé par l’évolution de la structuration politique des territoires. Les processus récents de fusion des communautés de communes constituent la dernière étape d’une évolution de plus longue durée marquée par l’éloignement du pouvoir décisionnel. Depuis une vingtaine d’années, le développement des structures intercommunales, de leurs budgets et de leurs compétences a accentué à la fois l’influence des « communes-centres » et le rôle des élus dirigeant ces assemblées, présidents et vice-présidents en particulier. La #distance_sociale entre la population et ces « grands élus » nourrit le sentiment de ne pas avoir d’emprise sur les décisions affectant la vie quotidienne, et ce d’autant plus que les enjeux communautaires sont peu discutés au niveau communal.

    Délitement des partis politiques, notamment de gauche

    La raréfaction des débats publics liés à l’élaboration des politiques locales prend place dans un affaiblissement plus général des mécanismes représentatifs. Les campagnes pour les élections municipales se font parfois sans réunion publique, et aujourd’hui les projets de « commune nouvelle » (regroupement de communes) peuvent être réalisés sans consultation de la population. La participation des habitants est peu sollicitée dans l’ensemble, et cette fragilisation de « la démocratie locale » n’est pas compensée par la présence de relais partisans.

    En effet, le délitement des partis politiques, et notamment des organisations de gauche (PCF, PS, PRG), est plus accentué dans ces zones rurales. Si les classes populaires peuvent encore s’appuyer sur des réseaux syndicaux, même fragilisés, elles ne disposent plus de relais proprement politiques. Certes le Front national a connu une forte progression électorale ces dernières années dans les campagnes mais le soutien dans les urnes ne se traduit quasiment jamais par un développement militant de l’organisation, qui a, par exemple, de grandes difficultés à constituer des listes pour les élections municipales. Cette crise des #sociabilités_militantes explique aussi probablement le rôle que jouent les barrages des « gilets jaunes », lieux de rencontres et de discussions, interclassistes et politiquement divers.

    Ivan Bruneau et Julian Mischi ont codirigé avec Gilles Laferté et Nicolas Renahy « Mondes ruraux et classes sociales » (EHESS, 2018)

  • Les syndicats critiquent le nouveau barème de sanctions contre les chômeurs, Bertrand Bissuel
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/12/31/les-syndicats-critiquent-le-nouveau-bareme-de-sanctions-contre-les-chomeurs_

    Les syndicats critiquent le nouveau barème de #sanctions contre les #chômeurs
    Le dispositif s’inscrit dans la volonté du gouvernement de renforcer le #contrôle des demandeurs d’emploi.

    Il faut toujours garder un œil sur le Journal officiel : à défaut d’être exaltante, la lecture de cette publication peut s’avérer instructive, en particulier entre Noël et le Jour de l’an. Démonstration vient d’en être faite avec l’édition du dimanche 30 décembre, qui contient près de 20 #décrets_d’application de la loi « avenir professionnel » – une réforme votée l’été dernier sous la houlette de la ministre du travail, Muriel Pénicaud. L’un des décrets parus dimanche a trait « aux droits et aux obligations » des chômeurs, ainsi qu’au « suivi de la recherche d’emploi ». Le contenu de ce texte, éminemment sensible, est grosso modo en ligne avec les intentions affichées initialement par le gouvernement. A une réserve près, qui n’est pas anodine : elle porte sur les sanctions prononcées contre un inscrit à Pôle emploi qui contrevient à ses devoirs.

    Dès le départ, l’exécutif avait manifesté le souhait de revoir le barème des « peines » applicables. Le 20 mars, des pistes très précises avaient été dévoilées à la presse par le ministère du travail. Il avait alors été indiqué qu’un chômeur qui ne se présente pas à un rendez-vous avec son conseiller chez #Pôle_emploi serait radié des listes durant deux semaines et non plus pendant deux mois. « On diminue par quatre [la durée de] la sanction, qui était complètement disproportionnée sur ce sujet-là », avait expliqué l’entourage de Mme Pénicaud. Finalement, la « punition » sera un peu plus lourde qu’annoncée : un mois de #radiation (au lieu de quinze jours, donc), ce qui la place tout de même à un niveau inférieur à celui en vigueur avant la réforme ; durant cette période, la prestation cesse momentanément d’être versée.

    Un autre changement s’est produit par rapport à la communication gouvernementale. Il concerne une option, également évoquée le 20 mars, pour l’ensemble des « manquements » du demandeur d’emploi (à l’exception du rendez-vous manqué avec son conseiller, sans motif valable). L’idée présentée à l’époque consistait à dire que, à la première incartade (par exemple, le fait de ne pas rechercher activement un poste), l’#allocation serait suspendue pendant un mois – les droits restant acquis et pouvant être utilisés plus tard, en cas de besoin. Si le chômeur commet un deuxième écart, le ministère avait précisé que la prestation serait supprimée durant deux mois – ce qui signifiait, cette fois-ci, une amputation des droits d’une durée équivalente. A la troisième « infraction », le coup de bâton serait de quatre mois.

    Ce schéma-là a été corrigé : à l’avenir, l’allocation sera supprimée (et non pas suspendue) un mois dès le premier manquement, sauf pour le chômeur qui omet de se rendre à une convocation par Pôle emploi ; dans cette dernière situation, la prestation ne sera supprimée qu’à partir du deuxième « loupé » et ce, pour deux mois (quatre mois, au troisième « loupé »). Une source au sein de l’exécutif justifie ces ajustements par la volonté d’être « plus simple et plus cohérent ».

    La teneur du décret ne constitue pas une surprise pour les syndicats. Ils avaient été consultés sur ce dispositif, notamment lors d’une réunion, le 4 décembre, du Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (Cnefop). Plusieurs centrales avaient, alors, exprimé leur désapprobation mais ces prises de position, en pleine crise des « gilets jaunes », étaient passées relativement inaperçues.

    « Chasse aux chômeurs »

    Aujourd’hui, leur analyse reste la même. Les mesures finalement retenues vont « globalement dans le sens du durcissement », déplore Marylise Léon (CFDT). « Nous avons pris connaissance du projet de décret, lors de son examen par le Cnefop, sans concertation préalable, renchérit Michel Beaugas (FO). Sous prétexte de simplification et d’équité, le texte durcit les dispositions existantes. Ce sont ces “petites découvertes” qui causent, parfois, l’exaspération des organisations de salariés. » « Depuis sa soi-disant contrition du 10 décembre [le jour des annonces faites en réponse aux doléances des « gilets jaunes »], Macron n’a pas changé dans sa volonté de faire la “chasse” aux chômeurs, en continuant à mélanger allègrement les 0,4 % de fraude et l’immense majorité des chômeurs qui cherchent à travailler dignement », confie Denis Gravouil (CGT).

    Par ailleurs, le décret transfère, comme prévu, de l’Etat vers Pôle emploi certains pouvoirs de sanction (notamment la suppression de l’allocation). Une innovation qui déplaît à Marylise Léon car elle risque, selon elle, de nuire à la « relation de confiance » qui doit prévaloir entre le chômeur et le service public de l’emploi.

    #contrôle_des_chômeurs

    • « M. Macron rêve d’une flexibilité à l’allemande » - Denis Gravouil, membre de la commission exécutive confédérale de la CGT, en charge du dossier #emploi/chômage.
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/01/22/denis-gravouil-cgt-m-macron-reve-d-une-flexibilite-a-l-allemande_5412529_323

      Le président demande un durcissement des #sanctions et des baisses d’#allocations-chômage aux partenaires sociaux. Des exigences inacceptables, estime le négociateur de la CGT dans une tribune au « Monde ».

      Tribune. Un décret pris le 30 décembre 2018 en application de la loi du 5 septembre 2018 « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » a attiré l’attention sur le durcissement des sanctions contre les #chômeurs. Il ne s’agit pas simplement de suspendre, et même de supprimer, les allocations pour de prétendus manquements : une redéfinition de « l’#offre_raisonnable_d’emploi » permet d’obliger une personne inscrite à Pôle emploi à accepter à peu près n’importe quel emploi sans référence au #salaire antérieurement perçu, voire sans référence à sa qualification.

      Au-delà de ces sanctions qui font l’amalgame entre l’immense majorité des chômeurs et les 0,4 % de fraudes, la nouvelle loi permet au gouvernement de faire rouvrir la négociation de la convention assurance chômage entre patronat et syndicats, un an avant l’échéance. Ainsi, le gouvernement peut désormais décider de faire modifier une convention Unédic en cours, ce qu’il s’est empressé de faire par sa lettre de cadrage du 25 septembre 2018 aux organisations siégeant à l’Unédic. Il entend ainsi imposer 3,9 milliards d’euros d’économies en trois ans, soit 1,3 milliard par an sur 37 milliards d’indemnités versées. Cela signifierait une perte moyenne considérable de 3,5 % sur les allocations, pour des personnes dont le revenu moyen est de 1 200 euros par mois.

      Mais cette lettre de cadrage vise particulièrement les travailleurs précaires, celles et ceux dits « en activité réduite », c’est-à-dire 800 000 personnes parmi les 2,2 millions inscrites dans les catégories B et C des chiffres mensuels du chômage. Elle exige de revoir à la baisse le calcul des allocations lorsqu’il y a « cumul » – en fait, alternance – de périodes de travail, généralement en CDD courts, et de chômage indemnisé, de revoir la durée de ce cumul, ou encore sa possibilité même ; par exemple lorsqu’une assistante maternelle, qui peut garder jusqu’à trois enfants, n’en garde plus qu’un ou deux (généralement parce que la famille inscrit son enfant à l’école maternelle).

      Destruction des droits
      Déjà touchés par des baisses de droits dues aux conventions 2014 et 2017, nombre de personnes pourraient ainsi perdre 10 % à 30 % de leur allocation, soit 100 à 200 euros par mois, voire ne plus percevoir d’allocations du tout. Ce sont des intérimaires, des extras de l’hôtellerie, des assistantes maternelles, souvent des jeunes ou des personnes poussées vers la sortie avant l’âge de la retraite : une armée de réserve aux contrats de plus en plus courts ou à temps partiel, un volant de précarité à laquelle sont « accros » bon nombre d’employeurs, petits et gros.

      La nouvelle sortie d’Emmanuel Macron sur « les Français qui ont perdu le sens de l’effort » est symptomatique : le président croit fermement que couper les vivres aux chômeurs, totalement ou partiellement, les obligera à accepter toutes sortes de contrats de travail que les employeurs s’empresseront de créer. Après tout, les Britanniques ont bien leur contrat zéro heure (par lequel un salarié est lié à un employeur, qui le fait travailler s’il le veut bien de 1 à 40 heures par semaine, et ne le paye qu’à ce moment-là) ; les Allemands ont les mini-jobs, mis en place en même temps que les lois Hartz IV, qui ont instauré de fortes sanctions pécuniaires, touchant chaque année un chômeur sur trois.

      Poursuivant la destruction des droits ouverte par la loi #travail et les ordonnances, M. Macron rêve de la même flexibilité : et tant pis si le nombre de #travailleurs_pauvres en Allemagne est proportionnellement cinq fois plus élevé qu’en France. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : plus de 6 millions de personnes sont inscrites à Pôle emploi, seulement 2,4 millions sont indemnisées, 11 millions de personnes sont dans le « halo du chômage » si on compte toutes celles qui ne sont pas inscrites, généralement par découragement.

      Fraude marginale
      Toutes les études de grande ampleur auprès des demandeurs d’emploi montrent qu’ils passent leur temps à chercher un emploi stable et digne, que la fraude, selon Pôle emploi même, n’est que de 0,4 %, malgré les amalgames développés à longueur de petites phrases par le président et sa majorité pour justifier une réforme purement financière.

      La fable des 300 000 emplois non pourvus ressort régulièrement, alors que les études de la direction générale de l’emploi et de la formation professionnelle elle-même montrent que 150 000 offres d’emplois qualifiés ne trouvent pas preneur facilement (faute de disponibilité de la qualification exigée) et que 150 000 autres offres sont retirées par des entreprises, généralement de petite taille et sans service de recrutement, bien qu’elles aient reçu des candidatures.

      Face aux millions de salariés privés d’emploi, en plein mouvement des « gilets jaunes », il est temps de proposer autre chose que les stages sans fin, les CDD à répétition, les huit ans en moyenne que mettent les jeunes à trouver un CDI, les temps partiels de quelques heures.

      Il faut cesser de détruire des emplois publics pour répondre aux besoins citoyens. Il faut répondre aux délocalisations par des investissements dans un développement durable de l’industrie et des services. Il faut faire reculer la précarité en décourageant les employeurs qui fractionnent les contrats au détriment des salariés comme de leurs concurrents. Il faut cesser de transformer la protection sociale en « filet de sécurité » minimal troué de toute part. Il faut instaurer une véritable sécurité sociale professionnelle assurant un revenu de remplacement à toutes celles et ceux qui sont privés du droit au travail, pourtant inscrit dans la Constitution.

      #chômeurs_en_activité_à_temps_réduit #précaires

    • La visite de Macron chez les teutons est de mauvais augure pour les chômeurs. On entend souvent et depuis longtemps :
      « les allemands y arrivent bien, pourquoi pas nous ? »
      LaREM finira par imposer une loi du style Hartz IV et la conclusion de l’article de Denis Gravouil sur le style " Y’a qu’à, faut qu’on " ni changera pas grand chose si les chômeur·e·s ne se syndique pas en masse ou n’investissent pas les associations de chômeurs. Je dis ça alors que je ne suis plus syndiqué et que la politique individualiste ultra-libérale de Macron fait rage. Je compte que sur moi-même et encore de moins en moins.