• « Emmerder les Français ? Une belle opération de communication. Macron a fait le pari de tout miser sur la vaccination. Faire porter la responsabilité de la contamination sur les non-vaccinés est une façon habile de faire oublier la sienne, à un moment où cette option s’avère insuffisante. »

    Les oligarques sans doute à la demande du sondage réalisé par William Thay, président du think tank gaulliste Le Millénaire, militant LR qui rêve de devenir « l’homme de l’ombre » puissant auprès d’un élu de premier plan - il cite volontiers en modèle le très influent cardinal de Richelieu et espère plus modestement être candidat aux régionales sur la liste de Valérie Pécresse.
    ( Source Le Figaro ).

    Les interprétations :

    – LREM championne du "self-made-man" et LFI à l’opposé.
    – Le P$ et Europe Écologie les Vendus : « laissez les crever ! »
    – Intéressant concernant ceux qui sont les mieux à même de défendre les fondamentaux de la sécurité sociale !
    – On veut nous faire croire que LREM serait le camp des raisonnables !
    Ne plus soigner les non-vaccinés est donc raisonnable ? Et demain quoi ? On abandonne les fumeurs qui ont un cancer, les accidentés de la route qui ont brûlé un feu ? https://twitter.com/Les__Infiltres/status/1479952085827436551?cxt=HHwWjoC-hZel7IkpAAAA
    Quand on voit le résultat de ce sondage on ne peut que constater que l’extrême centre est radicalisé et nous mène sur une pente glissante vers un crédit social à la chinoise voir : Bons et mauvais Chinois ! https://www.monde-diplomatique.fr/2019/01/RAPHAEL/59403

    – 74%… La radicalisation de l’électorat LREM en un chiffre !
    – C’est un bon révélateur de l’autoritarisme forcené de cet extrême-centre.
    ....

    • William Dab : « Insulter les personnes non vaccinées permet de masquer l’insuffisance de la santé publique de terrain »
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/01/09/william-dab-insulter-les-personnes-non-vaccinees-permet-de-masquer-l-insuffi

      Les propos tenus par le président de la République dans « Le Parisien » n’inciteront pas à la vaccination, au contraire, estime l’épidémiologiste et ancien directeur général de la santé, dans une tribune au « Monde ».

      Tribune. Les récentes déclarations agressives d’Emmanuel Macron vis-à-vis des personnes non vaccinées contre le virus SARS-CoV-2 ont suscité beaucoup de commentaires. Cependant, le point principal n’a pas été souligné : le président de la République a présenté ses propos comme une « stratégie ». D’où la question : qu’est-ce qu’une stratégie de santé publique ?

      Une stratégie recouvre l’ensemble des initiatives favorisant la faisabilité et l’acceptabilité des mesures de prévention. Elle vise à maximiser les bénéfices des actions et à minimiser leurs inconvénients. Elle part du constat que le risque sanitaire n’est pas qu’un objet médical : c’est une notion sociotechnique. Il existe de nombreux exemples d’actions de santé publique d’efficacité médicale démontrée, mais dont les résultats ne sont pas au rendez-vous faute d’une stratégie adéquate. Le dépistage des cancers du sein et de l’utérus chez les femmes et celui du cancer colorectal pour les deux sexes sont des exemples frappants. Si on applique cela à la question des personnes non vaccinées, qu’est-ce que cela signifie ? Nul doute qu’il s’agit d’un enjeu crucial pour l’évolution de l’épidémie et le fonctionnement du système de soins.

      Premièrement, il faut savoir qui sont les personnes non vaccinées et quelles sont leurs motivations. Il est évident que cette catégorie n’est pas homogène. Entre les antivax proprement dits, ceux qui ont des contre-indications médicales, ceux qui hésitent et ceux qui sont méfiants, les postures sont différentes et appellent des réponses différentes. Dans chaque situation, les risques attachés à la contagion et les bénéfices des outils de prévention sont perçus différemment. Qu’en sait-on ? Où sont les enquêtes scientifiques qui permettent de le savoir ? Sans cette compréhension, la santé publique est aveugle.

      Deuxièmement, pour chacun de ces groupes, il convient de lister les outils d’intervention disponibles et de s’interroger sur leur efficacité. Il y a des outils pour tenter de convaincre. Et des outils pour contraindre. Cela va de l’éducation à la santé, jusqu’à la répression, voire l’obligation. Que sait-on de leur intérêt, seuls ou en association ? Et si les données d’évaluation manquent, où est le nécessaire débat démocratique ?

      Troisièmement, il est essentiel de repérer les acteurs favorables et les opposants. Ici, il y a une dimension politique évidente, mais pas que. La question de la confiance dans les autorités et les scientifiques est cruciale, ce que les récents travaux du Conseil d’analyse économique ont bien montré. Comment renforce-t-on cette indispensable confiance dans un contexte éminemment incertain ? En accusant les opposants, en les invectivant, en les méprisant ? C’est trop facile et inefficace.

    • « Insulter les personnes non vaccinées permet de masquer l’insuffisance de la santé publique de terrain »

      « Ecouter avant et décider après »

      Comment gouverne-t-on l’incertitude dans une démocratie, de quelle pédagogie use-t-on ? A un moment, l’exécutif doit trancher, mais il vaut mieux écouter avant et décider après plutôt que l’inverse. De même, faut-il anticiper les risques et les bénéfices attendus et les intégrer dans les messages à destination de la population générale et des groupes non vaccinés, en particulier.

      Ces bases étant posées, la faisabilité s’analyse sur différents axes : techniques, juridiques, financiers et éthiques. Précisément, la question de l’acceptabilité est avant tout une question de valeurs et de culture. Heurter de front les différentes valeurs qui prévalent dans les groupes de personnes non vaccinées diminue fortement les chances de succès et peut susciter des mouvements de révolte sur le mode des « gilets jaunes ». C’est aussi une question de moyens : quelles sont les forces sur le terrain qui seront à même de déployer les actions décidées ?

      En traitant les personnes non vaccinées comme il l’a fait, le président de la République réduit la stratégie au niveau de l’insulte, ce qui permet de masquer que, depuis deux ans, la santé publique de terrain n’a pas été renforcée, les obstacles ne sont pas anticipés (comme la saturation actuelle des pharmacies pour les tests), les protocoles dans les écoles sont inapplicables, l’amélioration de la ventilation des locaux n’est pas promue comme elle le devrait.

      Il n’y a aucune chance que la stratégie présidentielle soit gagnante sur le plan sanitaire. La stigmatisation de certaines catégories de la population, la fabrique d’un conflit entre personnes vaccinées ou non, est une erreur stratégique en matière de santé. Quarante ans de lutte contre le sida nous l’ont démontré. Insulter les personnes non vaccinées, leur dénier le statut de citoyen est un mauvais service rendu à la santé publique.

      #covid-19 #vaccination #non_vaccinés #santé_publique_de_terrain

  • UN CAPITALISME DE SURVEILLANCE

    L’industrie numérique prospère grâce à un principe presque enfantin : extraire les données personnelles et vendre aux annonceurs des prédictions sur le comportement des utilisateurs. Mais, pour que les profits croissent, le pronostic doit se changer en certitude. Pour cela, il ne suffit plus de prévoir : il s’agit désormais de modifier à grande échelle les conduites humaines.

    Cette journée de juillet 2016 fut particulièrement éprouvante pour David. Il avait passé de longues heures à auditionner les témoins de litiges assurantiels dans un tribunal poussiéreux du New Jersey où, la veille, une coupure d’électricité avait eu raison du système d’air conditionné. Enfin chez lui, il s’immergea dans l’air frais comme on plonge dans l’océan. Pour la première fois depuis le matin, il respira profondément, se servit un apéritif et monta à l’étage afin de s’accorder une longue douche. La sonnette retentit au moment même où l’eau commençait à ruisseler sur ses muscles endoloris. Il enfila un tee-shirt et un short, puis dévala les escaliers. En ouvrant la porte, il se retrouva nez à nez avec deux adolescents qui agitaient leurs téléphones portables sous son nez.

    -- Hé ! vous avez un Pokémon dans votre jardin. Il est pour nous ! On peut aller l’attraper ?
    -- Un quoi ?

    Ce soir-là, David fut dérangé encore quatre fois par des inconnus impatients d’accéder à son jardin et furieux de se voir congédiés. Ils poussaient des cris et scrutaient sa maison à travers l’écran de leur smartphone, à la recherche des fameuses créatures de « réalité augmentée ». Vue à travers leurs appareils, cette portion du monde laissait paraître leurs Pokémon, mais aux dépens de tout le reste. Le jeu s’était emparé de la maison et du monde alentour. Il s’agissait là d’une nouvelle invention commerciale : une déclaration d’expropriation qui transforme la réalité en une étendue d’espaces vides prêts à être exploités au profit d’autres. « Combien de temps cela va-t-il durer ?, se demandait David. De quel droit ? Qui dois-je appeler pour que cela cesse ? »
    Ni lui ni les joueurs pendus à sa sonnette ne soupçonnaient qu’ils avaient été réunis ce soir-là par une logique audacieuse et sans précédent : le capitalisme de surveillance.

    En 1999, Google, malgré l’éclat de son nouveau monde, avec ses pages Web consultables en un clic et ses capacités informatiques croissantes, ne disposait d’aucune stratégie pour faire fructifier l’argent de ses investisseurs prestigieux.
    Les utilisateurs apportaient la matière première sous la forme de données comportementales, lesquelles étaient récoltées pour améliorer la vitesse, la précision et la pertinence des résultats afin de concevoir des produits annexes comme la traduction. Du fait de cet équilibre des pouvoirs, il eût été financièrement risqué, voire contre-productif, de rendre le moteur de recherche payant pour ses utilisateurs. La vente des résultats de recherche aurait aussi créé un précédent dangereux pour la multinationale, en assignant un prix à des informations dont son robot indexateur s’était déjà emparé sans verser de rétribution. Sans appareils du type de l’iPod d’Apple, avec ses chansons au format numérique, pas de plus-value, pas de marge, et rien à transformer en profit.

    À l’époque, Google reléguait la publicité à l’arrière-plan : l’équipe d’AdWords, sa régie publicitaire, comptait... sept personnes, dont la plupart partageaient l’antipathie des fondateurs à l’égard de leur spécialité. Mais, en avril 2000, la fameuse « nouvelle économie » entre brutalement en récession, et un séisme financier secoue le jardin d’Éden de la Silicon Valley. La réponse de Google entraîne alors une mutation cruciale, qui va transformer AdWords, Google, Internet et la nature même du capitalisme de l’information en un projet de surveillance formidablement lucratif.

    La logique d’accumulation qui assurera la réussite de Google apparaît clairement dans un brevet déposé en 2003 par trois de ses meilleurs informaticiens, intitulé : « Générer des informations utilisateur à des fins de publicité ciblée ». La présente invention, expliquent-ils, vise « à établir les informations de profils d’utilisateurs et à utiliser ces dernières pour la diffusion d’annonces publicitaires (1) ». En d’autres termes, Google ne se contente plus d’extraire des données comportementales afin d’améliorer les services. Il s’agit désormais de lire dans les pensées des utilisateurs afin de faire correspondre des publicités avec leurs intérêts. Lesquels seront déduits des traces collatérales de leur comportement en ligne. La collecte de nouveaux jeux de données appelés « profil utilisateur » (de l’anglais user profile information) va considérablement améliorer la précision de ces prédictions.

    D’où proviennent ces informations ? Pour reprendre les mots des détenteurs du brevet, elles « pourront être déduites ». Leurs nouveaux outils permettent de créer des profils par l’intégration et l’analyse des habitudes de recherche d’un internaute, des documents qu’il demande ainsi que d’une myriade d’autres signaux de comportement en ligne, même lorsqu’il ne fournit pas directement ces renseignements. Un profil, préviennent les auteurs, « peut être créé (ou mis à jour, ou élargi) même lorsque aucune information explicite n’est donnée au système ». Ainsi manifestent-ils leur volonté de surmonter les éventuelles frictions liées aux droits de décision de l’utilisateur, ainsi que leur capacité à le faire. Les données comportementales, dont la valeur a été « épuisée » du point de vue de l’amélioration des recherches, formeront désormais la matière première essentielle — exclusivement détenue par Google — à la construction d’un marché de la publicité en ligne dynamique. Ces informations collectées en vue d’usages autres que l’amélioration des services constituent un surplus. Et c’est sur la base de cet excédent comportemental que la jeune entreprise accède aux profits « réguliers et exponentiels » nécessaires à sa survie.

    L’invention de Google met au jour de nouvelles possibilités de déduire les pensées, les sentiments, les intentions et les intérêts des individus et des groupes au moyen d’une architecture d’extraction automatisée qui fonctionne comme un miroir sans tain, faisant fi de la conscience et du consentement des concernés. Cet impératif d’extraction permet de réaliser des économies d’échelle qui procurent un avantage concurrentiel unique au monde sur un marché où les pronostics sur les comportements individuels représentent une valeur qui s’achète et se vend. Mais surtout, le miroir sans tain symbolise les relations sociales de surveillance particulières fondées sur une formidable asymétrie de savoir et de pouvoir.

    Soudain autant que retentissant, le succès d’AdWords entraîne une expansion significative de la logique de surveillance commerciale. En réponse à la demande croissante de clics de la part des publicitaires, Google commence par étendre le modèle au-delà de son moteur de recherche pour transformer Internet tout entier en un vaste support pour ses annonces ciblées. Selon les mots de Hal Varian, son économiste en chef, il s’agissait alors pour le géant californien d’appliquer ses nouvelles compétences en matière « d’extraction et d’analyse » aux contenus de la moindre page Internet, aux moindres gestes des utilisateurs en recourant aux techniques d’analyse sémantique et d’intelligence artificielle susceptibles d’en extraire du sens. Dès lors, Google put évaluer le contenu d’une page et la manière dont les utilisateurs interagissent avec elle. Cette « publicité par ciblage de centres d’intérêt » basée sur les méthodes brevetées par l’entreprise sera finalement baptisée AdSense. En 2004, la filiale engendrait un chiffre d’affaires quotidien de 1 million de dollars ; un chiffre multiplié par plus de vingt-cinq en 2010.

    Tous les ingrédients d’un projet lucratif se trouvaient réunis : excédent d’informations comportementales, sciences des données, infrastructure matérielle, puissance de calcul, systèmes algorithmiques et plates-formes automatisées. Tous convergeaient pour engendrer une « pertinence » sans précédent et des milliards d’enchères publicitaires. Les taux de clics grimpèrent en flèche. Travailler sur AdWords et AdSense comptait désormais autant que travailler sur le moteur de recherche. Dès lors que la pertinence se mesurait au taux de clics, l’excédent de données comportementales devenait la clé de voûte d’une nouvelle forme de commerce dépendant de la surveillance en ligne à grande échelle. L’introduction en Bourse de Google en 2004 révèle au monde le succès financier de ce nouveau marché. Mme Sheryl Sandberg, ancienne cadre de Google passée chez Facebook, présidera à la transformation du réseau social en géant de la publicité. Le capitalisme de surveillance s’impose rapidement comme le modèle par défaut du capitalisme d’information sur la Toile, attirant peu à peu des concurrents de tous les secteurs.

    L’économie de surveillance repose sur un principe de subordination et de hiérarchie. L’ancienne réciprocité entre les entreprises et les utilisateurs s’efface derrière le projet consistant à extraire une plus-value de nos agissements à des fins conçues par d’autres — vendre de la publicité. Nous ne sommes plus les sujets de la réalisation de la valeur. Nous ne sommes pas non plus, comme d’aucuns l’ont affirmé, le « produit » que vend Google. Nous sommes les objets dont la matière est extraite, expropriée, puis injectée dans les usines d’intelligence artificielle de Google qui fabriquent les produits prédictifs vendus aux clients réels : les entreprises qui paient pour jouer sur les nouveaux marchés comportementaux.

    Sous couvert de « personnalisation »

    Premier responsable de la marque Google, M. Douglas Edwards raconte une réunion tenue en 2001 avec les fondateurs autour de la question « Qu’est-ce que Google ? ». « Si nous avions une catégorie, méditait M. Larry Page, cofondateur de l’entreprise, ce serait les informations personnelles (…). Les endroits qu’on a vus. Nos communications (…). Les capteurs ne coûtent rien (…). Le stockage ne coûte rien. Les appareils photographiques ne coûtent rien. Les gens vont générer d’énormes quantités de données (…). Tout ce que vous aurez entendu, vu ou éprouvé deviendra consultable. Votre vie entière deviendra consultable (2). »

    La vision de M. Page offre un fidèle reflet de l’histoire du capitalisme, qui consiste à capter des choses extérieures à la sphère commerciale pour les changer en marchandises. Dans son essai La Grande Transformation, publié en 1944, l’économiste Karl Polanyi décrit l’avènement d’une économie de marché autorégulatrice à travers l’invention de trois « marchandises fictives ». Premièrement, la vie humaine subordonnée aux dynamiques de marché et qui renaît sous la forme d’un « travail » vendu et acheté. Deuxièmement, la nature convertie en marché, qui renaît comme « propriété foncière ». Troisièmement, l’échange devenu marchand et ressuscité comme « argent ». Les détenteurs actuels du capital de surveillance ont créé une quatrième marchandise fictive, extorquée à la réalité expérimentale d’êtres humains dont les corps, les pensées et les sentiments sont aussi intacts et innocents que l’étaient les prairies et forêts dont regorgeait la nature avant son absorption par le marché. Conformément à cette logique, l’expérience humaine se trouve marchandisée par le capitalisme de surveillance pour renaître sous forme de « comportements ». Traduits en données, ces derniers prennent place dans l’interminable file destinée à alimenter les machines conçues pour en faire des prédictions qui s’achètent et se vendent.

    Cette nouvelle forme de marché part du principe que servir les besoins réels des individus est moins lucratif, donc moins important, que vendre des prédictions de leur comportement. Google a découvert que nous avions moins de valeur que les pronostics que d’autres font de nos agissements.

    Cela a tout changé.

    La première vague de produits prédictifs fut portée par l’excédent de données extraites à grande échelle sur Internet afin de produire des annonces en ligne « pertinentes ». À l’étape suivante, il fut question de la qualité des prédictions. Dans la course à la certitude maximale, il apparut clairement que les meilleures prédictions devraient s’approcher le plus possible de l’observation. À l’impératif d’extraction s’ajouta une deuxième exigence économique : l’impératif de prédiction. Ce dernier se manifeste d’abord par des économies de gamme.

    L’excédent de données comportementales doit être non seulement abondant, mais également varié. Obtenir cette variété impliquait d’étendre les opérations d’extraction du monde virtuel au monde réel, là où nous menons notre « vraie » vie. Les capitalistes de surveillance comprenaient que leur richesse future passait par le développement de nouvelles chaînes d’approvisionnement sur les routes, au milieu des arbres, à travers les villes. Ils tenteraient d’accéder à votre système sanguin, à votre lit, à vos conversations matinales, à vos trajets, à votre footing, à votre réfrigérateur, à votre place de parking, à votre salon.

    Une seconde dimension, plus critique encore que la variété, caractérise désormais la collecte des données : l’approfondissement. Pour obtenir des prédictions comportementales très précises et donc très lucratives, il faut sonder nos particularités les plus intimes. Ces opérations d’approvisionnement visent notre personnalité, nos humeurs, nos émotions, nos mensonges et nos fragilités. Tous les niveaux de notre vie personnelle sont automatiquement captés et comprimés en un flux de données à destination des chaînes de montage qui produisent de la certitude. Accomplie sous couvert de « personnalisation », une bonne part de ce travail consiste en une extraction intrusive des aspects les plus intimes de notre quotidien.

    De la bouteille de vodka « intelligente » au thermomètre rectal connecté, les produits destinés à interpréter, suivre, enregistrer et communiquer des données prolifèrent. Sleep Number, qui fournit « des lits intelligents dotés d’une technologie de suivi du sommeil », collecte également « des données biométriques et des données relatives à la manière dont vous, un enfant ou toute autre personne utilise le lit, notamment les mouvements du dormeur, ses positions, sa respiration et sa fréquence cardiaque ». Elle enregistre aussi tous les sons émis dans votre chambre…

    Nos maisons sont dans la ligne de mire du capitalisme de surveillance. Des entreprises spécialisées se disputaient en 2017 un marché de 14,7 milliards de dollars pour des appareils ménagers connectés, contre 6,8 milliards l’année précédente. À ce rythme-là, le montant atteindra 101 milliards de dollars en 2021. Commercialisés depuis quelques années, des objets absurdes se tiennent à l’affût dans nos intérieurs : brosse à dents intelligente, ampoule intelligente, tasse à café intelligente, four intelligent, extracteur de jus intelligent, sans oublier les couverts intelligents censés améliorer notre digestion. D’autres semblent plus inquiétants : une caméra de surveillance à domicile avec reconnaissance faciale, un système d’alarme qui repère les vibrations inhabituelles précédant un cambriolage, des GPS d’intérieur, des capteurs qui s’adaptent à tous les objets pour analyser le mouvement et la température, sans oublier des cafards cyborgs qui détectent les sons. Même la chambre du nourrisson est repensée pour devenir une source de surplus comportemental.

    Tandis que la course aux profits générés par la surveillance s’exacerbe, les capitalistes s’aperçoivent que les économies de gamme ne suffisent pas. Certes, l’excédent de données doit être abondant et varié ; mais le moyen le plus sûr de prédire le comportement reste d’intervenir à la source : en le façonnant. J’appelle « économies de l’action » ces processus inventés pour y parvenir : des logiciels configurés pour intervenir dans des situations réelles sur des personnes et des choses réelles. Toute l’architecture numérique de connexion et de communication est désormais mobilisée au service de ce nouvel objectif. Ces interventions visent à augmenter la certitude en influençant certaines attitudes : elles ajustent, adaptent, manipulent, enrôlent par effet de groupe, donnent un coup de pouce. Elles infléchissent nos conduites dans des directions particulières, par exemple en insérant une phrase précise dans notre fil d’actualités, en programmant l’apparition au moment opportun d’un bouton « achat » sur notre téléphone, en coupant le moteur de notre voiture si le paiement de l’assurance tarde trop, ou encore en nous orientant par GPS dans notre quête de Pokémon. « Nous apprenons à écrire la musique, explique un concepteur de logiciels. Ensuite, nous laissons la musique les faire danser. Nous pouvons mettre au point le contexte qui entoure un comportement particulier afin d’imposer un changement... Nous pouvons dire au réfrigérateur : “Verrouille-toi parce qu’il ne devrait pas manger”, ou ordonner à la télé de s’éteindre pour que vous vous couchiez plus tôt. »

    Depuis que l’impératif de prédiction a déplacé les opérations d’approvisionnement dans le monde réel, les fournisseurs de biens ou de services dans des secteurs bien établis, loin de la Silicon Valley, salivent à leur tour à l’idée des profits issus de la surveillance. En particulier les assureurs automobiles, impatients de mettre en place la télématique — les systèmes de navigation et de contrôle des véhicules. Ils savent depuis longtemps que les risques d’accident sont étroitement corrélés au comportement et à la personnalité du conducteur, mais, jusqu’ici, ils n’y pouvaient pas grand-chose. Un rapport des services financiers du cabinet de conseil Deloitte recommande désormais la « minimisation du risque » (un euphémisme qui, chez un assureur, désigne la nécessité de garantir les profits) à travers le suivi et la sanction de l’assuré en temps réel — une approche baptisée « assurance au comportement ». D’après le rapport de Deloitte, « les assureurs peuvent suivre le comportement de l’assuré en direct, en enregistrant les heures, les lieux et les conditions de circulation durant ses trajets, en observant s’il accélère rapidement ou s’il conduit à une vitesse élevée, voire excessive, s’il freine ou tourne brusquement, s’il met son clignotant (3) ».

    À mesure que la certitude se substitue à l’incertitude, les primes d’assurance, qui auparavant reflétaient les aléas inévitables de la vie quotidienne, peuvent grimper ou chuter d’une milliseconde à l’autre, grâce à la connaissance précise de la vitesse à laquelle vous conduisez vers votre lieu de travail après une matinée particulièrement tendue passée à vous occuper d’un enfant malade, ou d’un dérapage plus ou moins contrôlé effectué sur le parking du supermarché.

    Toutefois, les outils télématiques ne visent pas seulement à savoir, mais aussi à agir. L’assurance au comportement promet ainsi de réduire les risques à travers des mécanismes conçus pour modifier les conduites et accroître les gains. Cela passe par des sanctions, comme des hausses de taux d’intérêt en temps réel, des malus, des blocages de moteur, ou par des récompenses, comme des réductions, des bonus ou des bons points à utiliser pour des prestations futures.

    Spireon, qui se décrit comme la « plus grande entreprise de télématique » dans son domaine, suit et surveille des véhicules et des conducteurs pour les agences de location, les assureurs et les propriétaires de parcs automobiles. Son « système de gestion des dommages collatéraux liés à la location » déclenche des alertes chez les conducteurs qui ont un retard de paiement, bloque le véhicule à distance quand le problème se prolonge au-delà d’une certaine période et le localise en vue de sa récupération.

    La télématique inaugure une ère nouvelle, celle du contrôle comportemental. Aux assureurs de fixer les paramètres de conduite : ceinture de sécurité, vitesse, temps de pause, accélération ou freinage brusque, durée de conduite excessive, conduite en dehors de la zone de validité du permis, pénétration dans une zone d’accès restreint. Gavés de ces informations, des algorithmes surveillent, évaluent et classent les conducteurs, et ajustent les primes en temps réel. Comme rien ne se perd, les « traits de caractère » établis par le système sont également traduits en produits prédictifs vendus aux publicitaires, lesquels cibleront les assurés par des publicités envoyées sur leur téléphone.

    Lorsqu’il ouvrit la porte ce soir-là, David ignorait que les chasseurs de Pokémon et lui-même participaient à une expérience grandeur nature d’économies de l’action. Ils en étaient les cobayes, et le laborantin en blouse blanche se nommait John Hanke.

    Auparavant vice-président de Google Maps et responsable de Street View, M. Hanke a créé en 2010 sa propre rampe de lancement au sein de Google : Niantic Labs, l’entreprise à l’origine de Pokémon Go. Il caressait l’ambition de prendre possession du monde en le cartographiant. Il avait déjà fondé Keyhole, une start-up de cartographie virtuelle à partir d’images satellites financée par la Central Intelligence Agency (CIA) puis rachetée par Google, qui l’a rebaptisée Google Earth. Avec Niantic, il s’attelle à concevoir des jeux en réalité virtuelle qui permettront de traquer et de téléguider les gens sur les territoires que Street View a déjà audacieusement enregistrés sur ses cartes.

    Ce jeu repose sur le principe de la « réalité augmentée » et fonctionne comme une chasse au trésor. Une fois que vous téléchargez l’application de Niantic, vous utilisez votre GPS et l’appareil photographique de votre smartphone pour trouver des créatures virtuelles appelées Pokémon. Elles apparaissent sur l’écran comme si elles se trouvaient devant vous : dans le jardin d’un homme qui ne se doute de rien, dans la rue d’une ville, dans une pizzeria, un parc, une pharmacie, etc. Il s’agit de pousser les joueurs à « sortir » et à « partir à l’aventure à pied », dans les espaces à ciel ouvert des villes, des villages et des banlieues. Disponible aux États-Unis, en Australie et en Nouvelle-Zélande le 6 juillet 2016, Pokémon Go est devenue en une semaine l’application la plus téléchargée et la plus lucrative aux États-Unis, atteignant vite autant d’utilisateurs actifs sur Android que Twitter.

    Terrain de jeu grandeur nature

    Six jours seulement après la sortie du jeu, Joseph Bernstein, reporter pour le site d’information en ligne BuzzFeed, conseillait aux utilisateurs de Pokémon Go de se pencher sur les quantités de données que l’application recueillait sur leurs téléphones. TechCrunch, un site spécialisé dans l’actualité des start-up et des nouvelles technologies, exprimait des inquiétudes similaires au sujet de la « longue liste d’autorisations requises par l’application ».

    Le 13 juillet 2016, la logique de chasse aux données qui se cache derrière le jeu se précise. En plus des paiements pour des options supplémentaires du jeu, « le modèle économique de Niantic contient une seconde composante, à savoir le concept de lieux sponsorisés », a reconnu M. Hanke dans un entretien avec le Financial Times. Ce nouveau flux de revenus était prévu depuis le départ : les entreprises « paieront Niantic pour figurer parmi les sites du terrain de jeu virtuel, compte tenu du fait que cette présence favorise la fréquentation ». La facturation, expliquait-il, s’effectue sur la base d’un « coût par visite », semblable au « coût par clic » pratiqué par les annonces publicitaires du moteur de recherche Google.

    L’idée frappe par sa simplicité : les revenus issus du monde réel sont censés augmenter selon la capacité de Niantic à pousser les gens vers certains sites précis, tout comme Google a appris à extraire toujours plus de données comme un moyen d’adresser des publicités en ligne à des personnes précises. Les composantes et les dynamiques du jeu, associées à la technologie de pointe de la réalité augmentée, incitent les gens à se rassembler dans des lieux du monde réel pour dépenser de l’argent bien réel dans des commerces du monde réel appartenant aux marchés de la prédiction comportementale de Niantic.

    L’apogée de Pokémon Go, à l’été 2016, signait l’accomplissement du rêve porté par le capitalisme de surveillance : un laboratoire vivant de la modification comportementale qui conjuguait avec aisance échelle, gamme et action. L’astuce de Pokémon Go consistait à transformer un simple divertissement en un jeu d’un ordre très différent : celui du capitalisme de surveillance — un jeu dans le jeu. Tous ceux qui, rôdant dans les parcs et les pizzerias, ont investi la ville comme un terrain d’amusement servaient inconsciemment de pions sur ce second échiquier bien plus important. Les enthousiastes de cet autre jeu bien réel ne comptaient pas au nombre des agités qui brandissaient leurs portables devant la pelouse de David. Ce sont les véritables clients de Niantic : les entités qui paient pour jouer dans le monde réel, bercées par la promesse de revenus juteux. Dans ce second jeu permanent, on se dispute l’argent que laisse derrière lui chaque membre souriant du troupeau. « La capacité du jeu à servir de vache à lait pour les marchands et autres lieux en quête de fréquentation suscite d’intenses spéculations », s’est réjoui le Financial Times.

    Il ne peut y avoir de revenus assurés si on ne s’en donne pas les moyens. Les nouveaux instruments internationaux de modification comportementale inaugurent une ère réactionnaire où le capital est autonome et les individus hétéronomes ; la possibilité même d’un épanouissement démocratique et humain exigerait le contraire. Ce sinistre paradoxe est au cœur du capitalisme de surveillance : une économie d’un nouveau genre qui nous réinvente au prisme de son propre pouvoir. Quel est ce nouveau pouvoir et comment transforme-t-il la nature humaine au nom de ses certitudes lucratives ?

    Shoshana Zuboff
    Professeure émérite à la Harvard Business School. Auteure de The Age of Surveillance Capitalism : The Fight for a Human Future at the New Frontier of Power, Public Affairs, New York, 2019.

    Le Monde diplomatique, janvier 2019
    https://www.monde-diplomatique.fr/2019/01/ZUBOFF/59443

    --

    (1) NDLR. Pour les références, nous renvoyons à l’ouvrage de Shoshana Zuboff.

    (2) Douglas Edwards, I’m Feeling Lucky : The Confessions of Google Employee Number 59, Houghton Mifflin Harcourt, New York, 2011.

    (3) Sam Friedman et Michelle Canaan, « Overcoming speed bumps on the road to telematics » (PDF), Deloitte, 21 avril 2014
    https://www2.deloitte.com/content/dam/insights/us/articles/telematics-in-auto-insurance/DUP-695_Telematics-in-the-Insurance-Industry_vFINAL.pdf

  • Un capitalisme de surveillance, par Shoshana Zuboff (Le Monde diplomatique, janvier 2019)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2019/01/ZUBOFF/59443

    L’industrie numérique prospère grâce à un principe presque enfantin : extraire les données personnelles et vendre aux annonceurs des prédictions sur le comportement des utilisateurs. Mais, pour que les profits croissent, le pronostic doit se changer en certitude. Pour cela, il ne suffit plus de prévoir : il s’agit désormais de modifier à grande échelle les conduites humaines. Cette journée de juillet 2016 fut particulièrement éprouvante pour David. Il avait passé de longues heures à auditionner les (...)

    #Apple #Google #Niantic #CIA #Google_AdSense # #CCTV #domotique #iPod #GPS #biométrie #température #facial #métadonnées #prédiction #reconnaissance #vidéo-surveillance #bénéfices #BigData #marketing #notation #profiling #publicité #sommeil (...)

    ##_ ##publicité ##surveillance

  • The Messy Truth About Social Credit | Shazeda Ahmed, Logic (01/05/2019) via @oliviertesquet
    https://logicmag.io/china/the-messy-truth-about-social-credit

    (…) In some instances, blacklists are adapting to new media while retaining their original function of shaming people into changing their behavior. The enormously popular social video streaming app TikTok (抖音, douyin) has partnered with a local court in Nanning, Guangxi to display photographs of blacklisted people as advertisements between videos, in some cases offering reward payments for information about these people’s whereabouts that are a percentage of the amount of money the person owes. Much like the other apps and websites that take part in these state-sponsored efforts, TikTok does not disclose in its user-facing terms of service that it works with the local government of Nanning, and potentially other cities, to publicly shame blacklisted individuals.

    Sur le système dit de « crédit social » chinois, lire le très complet « Bons et mauvais Chinois » paru dans le @mdiplo en janvier 2019.
    https://www.monde-diplomatique.fr/2019/01/RAPHAEL/59403

  • Bons et mauvais Chinois | René Raphaël & Ling Xi
    https://www.monde-diplomatique.fr/2019/01/RAPHAEL/59403

    Public ou privé, local ou national, individuel ou sectoriel, un système de notation appelé « crédit social » se déploie en Chine. À l’origine, il imitait le système américain, qui attribue une bonne note aux emprunteurs payant régulièrement leurs échéances. Puis il s’est étendu à d’autres types de comportements. Reportage à Hangzhou, siège de l’entreprise Alibaba, et dans les campagnes du Shandong. Source : Le Monde diplomatique

  • Sur les pas de George Orwell, par Gwenaëlle Lenoir (Le Monde diplomatique, janvier 2019)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2019/01/LENOIR/59397

    À Wigan, dans l’Angleterre de l’austérité
    Sur les pas de George Orwell

    Présenté comme une simplification par la fusion d’allocations diverses, le « crédit universel » britannique plonge de nombreux foyers vulnérables dans le désarroi. Sur les quais de Wigan, dans le Lancashire, ce fiasco s’ajoute à la décomposition sociale due à quatre décennies de libéralisme. Comme au temps où George Orwell arpentait ces lieux, nombreux sont aujourd’hui les Anglais emmurés dans la pauvreté.

    En rapport avec ceci : https://seenthis.net/messages/782082

    Ken Loach : sur les pas de George Orwell ?

  • Pourquoi maintenant ?, par Laurent Bonelli (Le Monde diplomatique, janvier 2019)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2019/01/BONELLI/59444

    À partir d’une étude richement documentée sur les ouvriers allemands entre 1848 et la fin des années 1930, l’auteur recherche les raisons pour lesquelles ces derniers s’accommodaient ordinairement d’un ordre social et politique qui leur était défavorable, ainsi que les conditions qui les amenaient, plus exceptionnellement, à le rejeter. Sa principale conclusion est que la stabilité repose essentiellement sur les contreparties concédées par les dominants aux dominés : « Sans le concept de réciprocité — ou mieux, d’obligation morale, un terme qui n’implique pas l’égalité des charges ou des obligations —, il devient impossible d’interpréter la société humaine comme le résultat d’autre chose que de la force perpétuelle et de la supercherie. »

    Pour Moore, la rupture de ce « pacte social implicite » explique les contestations qu’il étudie. Souvent, remarque-t-il, elles découlent de transformations techniques ou économiques qui rebattent les cartes et fournissent autant d’occasions de réévaluer à la baisse les contreparties offertes antérieurement. Certaines fractions des élites « ne jouant plus le jeu » apparaissent alors comme « parasites » et perdent leur légitimité.

  • Quand tout remonte à la surface, par Serge Halimi (janvier 2019)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2019/01/HALIMI/59441

    Avec les « gilets jaunes », un pouvoir trop sûr de lui et prétendant servir de modèle à l’Europe a dû céder devant la révolte de groupes sociaux jusque-là peu mobilisés collectivement. En un mois, transports, fiscalité, environnement, éducation et démocratie représentative ont été remis en cause.

  • "Dans le plus grand affolement, la présidence de la République avait alerté directement les journalistes à la veille des rassemblements du 8 décembre : un « noyau dur de plusieurs milliers de personnes » s’apprêtait à venir à Paris « pour casser et pour tuer ». L’élément marquant de cette journée fut en définitive, dans de nombreuses villes de France, la convergence de dizaines de milliers de « gilets jaunes » et de populaires marches pour le climat. L’irruption d’« invisibles » dans l’espace public, et singulièrement sur les ronds-points, s’accompagnait d’une maturation politique accélérée. Chacun avec ses mots exprimait une même perception d’un système qui transforme l’homme en superprédateur, tout aussi funeste pour la nature que pour ses semblables."

    #Écologie #Pollution #Politique #Environnement #Décroissance #Mondialisation #Agroalimentaire #AccordInternational #France

    https://www.monde-diplomatique.fr/2019/01/DESCAMPS/59409

  • Violence contre violence

    Dans Le Talon de fer (1908), du romancier américain Jack London, Ernest, un militant socialiste, affronte « les maîtres du jour dans leur propre repaire » : le club des Philomathes.

    -- Et maintenant, déclara Ernest, il nous faut tout ce que vous possédez. Nous ne nous contenterons de rien de moins. Nous voulons prendre entre nos mains les rênes du pouvoir et la destinée du genre humain. Voici nos mains, nos fortes mains ! Elles vous enlèveront votre gouvernement, vos palais et toute votre aisance dorée, et le jour viendra où vous devrez travailler de vos mains à vous pour gagner du pain, comme le fait le paysan dans les champs ou le commis étiolé dans vos métropoles. Voici nos mains : regardez-les ; ce sont des poignes solides ! (…)
    Ce fut à la fin de la discussion que M. Wickson prit la parole. (…) Il fit soudain face à Ernest. L’instant était dramatique.

    -- Voici donc notre réponse. Nous n’avons pas de mots à perdre avec vous. Quand vous allongerez ces mains dont vous vantez la force pour saisir nos palais et notre aisance dorée, nous vous montrerons ce que c’est que la force. Notre réponse sera formulée en sifflements d’obus, en éclatements de shrapnells et en crépitements de mitrailleuses. Nous broierons vos révolutionnaires sous notre talon et nous vous marcherons sur la face. Le monde est à nous, nous en sommes les maîtres, et il restera à nous.

    source : Le Monde diplomatique janvier 2019
    https://www.monde-diplomatique.fr/2019/01/A/59407
    https://www.monde-diplomatique.fr/2019/01/A/59449
    http://www.editionslibertalia.com/catalogue/la-petite-litteraire/jack-london-le-talon-de-fer-poche
    https://comptoir.org/2016/11/21/le-talon-de-fer-de-jack-london-socialiste-pessimiste-et-visionnaire
    #Jack_London

  • La puissance insoupçonnée des travailleuses, par Pierre Rimbert (Le Monde diplomatique, janvier 2019)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2019/01/RIMBERT/59406

    La présence sur les ronds-points d’une forte proportion de femmes des classes populaires a frappé les observateurs. Ces travailleuses font tourner les rouages des services essentiels : santé, éducation. Au-delà du soulèvement de cet automne, elles représentent le pouvoir ignoré du mouvement social.
    par Pierre Rimbert  

    Elles portent un gilet jaune, filtrent la circulation sur les ronds-points, parlent de leur #vie_quotidienne, se battent. Infirmières, auxiliaires de vie sociale, assistantes maternelles ont elles aussi endossé la parure fluorescente pour déchirer le voile qui d’ordinaire dérobe au regard extérieur les travailleuses des coulisses. Femmes et salariées, double journée de labeur et revenu modique, elles tiennent à bout de bras la charpente vermoulue de l’État social.

    Et pour cause : les secteurs majoritairement féminins de l’éducation, des soins, du travail social ou du nettoyage forment la clé de voûte invisible des sociétés libérales en même temps que leur voiture-balai. L’arrêt de ces services fondamentaux paralyserait un pays. Qui, alors, s’occuperait des personnes dépendantes, des nourrissons, du nettoyage, des enfants ? Cadres briseurs de grève et forces de l’ordre lancées à l’assaut des barrages cette fois n’y pourraient rien : à l’école de gendarmerie, on n’apprend pas à laver les vieillards. Transférées au siècle dernier de l’univers familial, religieux ou charitable à celui du #travail salarié, ces tâches ne sautent aux yeux que lorsqu’elles ne sont plus prises en charge. À force d’infliger à ces travailleuses réputées endurantes des réductions de moyens alors que la demande croît, ça craque. #Femmes de ménage dans les hôtels et dans les gares, employées des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), personnel hospitalier ont tour à tour mené depuis la fin de l’année 2017 des batailles âpres et souvent victorieuses.

    La figure du mineur ou du travailleur à la chaîne, père d’une famille dont il assurait le revenu unique, a si puissamment symbolisé la classe ouvrière au cours du xxe siècle qu’on associe encore les classes populaires aux hommes. Qui pense spontanément aux travailleuses quand on lui parle de prolétariat ? Certes, les ouvriers, depuis longtemps remisés par les médias dans la galerie des espèces sociales disparues, représentent encore à eux seuls plus d’un actif sur cinq. Mais la féminisation du monde du travail compte au nombre des bouleversements les plus radicaux du dernier demi-siècle, en particulier à la base de la pyramide sociale. En France, les travailleuses représentent 51 % du salariat populaire formé par les ouvriers et employés ; en 1968, la proportion était de 35 % (1). Depuis un demi-siècle, le nombre d’emplois masculins n’a guère varié : 13,3 millions en 1968, contre 13,7 millions en 2017 ; dans le même temps, les emplois occupés par des femmes passaient de 7,1 millions à 12,9 millions. En d’autres termes, la quasi-totalité de la force de travail enrôlée depuis cinquante ans est féminine — dans des conditions plus précaires et pour un salaire inférieur d’un quart. À elles seules, les salariées des activités médico-sociales et éducatives ont quadruplé leur effectif : de 500 000 à 2 millions entre 1968 et 2017 — sans compter les enseignantes du secondaire et du supérieur.

    Alors qu’au XIXe siècle la montée en puissance du prolétariat industriel avait déterminé la stratégie du mouvement ouvrier, le développement prodigieux des services vitaux à dominante féminine, leur pouvoir potentiel de blocage et l’apparition de conflits sociaux victorieux n’ont pas jusqu’ici connu de traduction politique ou syndicale. Mais, sous une telle poussée, la croûte se craquelle et deux questions s’imposent : à quelles conditions ces secteurs pourraient-ils déployer leur puissance insoupçonnée ? Peuvent-ils s’organiser en un groupe dont la force rejoigne le nombre, forger une alliance sociale capable de lancer des initiatives, d’imposer son rapport de forces et de mobiliser autour d’elle d’autres secteurs ? À première vue, l’hypothèse paraît extravagante. Les travailleuses des services vitaux forment une nébuleuse de statuts éparpillés, de conditions d’exercice et d’existence hétéroclites, de lieux de travail éloignés. Mais, de même que l’absence d’unité interne n’a pas empêché le mouvement des « #gilets_jaunes » de faire corps, ce qui divise le prolétariat féminin des services paraît à l’examen moins déterminant que les facteurs d’agrégation. À commencer par la force du nombre et par un adversaire commun.

    Des classes populaires aux classes moyennes, ces salariées chargées de l’entretien et de la #reproduction_de_la_force_de_travail (2) se distinguent par leurs effectifs massifs (voir l’infographie ci-dessous). On y trouve les #ouvrières des services aux entreprises (elles sont 182 000 à nettoyer les locaux), mais surtout le prolétariat des services directs aux particuliers. Cinq cent mille aides ménagères, 400 000 assistantes maternelles et plus de 115 000 domestiques interviennent le plus souvent à domicile. Un plus grand nombre encore exercent dans des institutions publiques : 400 000 aides-soignantes, 140 000 auxiliaires de puériculture et aides médico-psychologiques et plus d’un demi-million d’agents de service — sans compter le personnel administratif. À ces effectifs féminins s’ajoutent ceux des hommes, très minoritaires. Ce salariat populaire mal payé, aux horaires décalés, qui effectue dans des conditions difficiles des tâches peu valorisées, côtoie dans la production des services vitaux les professions dites « intermédiaires » de la santé, du social et de l’éducation. Mieux rémunérées, plus qualifiées, plus visibles, les 2 millions de travailleuses de ce groupe en croissance continue exercent comme infirmières (400 000), enseignantes en primaire (340 000), puéricultrices, animatrices socioculturelles, auxiliaires de vie scolaire, éducatrices spécialisées, techniciennes médicales, etc.

    Population active par catégories socioprofessionnelles, Cécile Marin


    Bien sûr, un fossé sépare l’infirmière d’un hôpital public et la nounou sans papiers employée chez un particulier. Mais cet ensemble disparate, qui, avec les hommes, regroupe plus du quart des actifs, concourt à la production d’une même ressource collective et présente plusieurs points communs. En premier lieu, la nature même des services à la personne, des soins, du travail social et de l’éducation rend ces emplois non seulement indispensables, mais aussi non délocalisables et peu automatisables, car ils exigent un contact humain prolongé ou une attention particulière portée à chaque cas. Ensuite, tous ces secteurs subissent les politiques d’#austérité ; de l’école à l’Ehpad, leurs conditions d’exercice se dégradent et les conflits couvent. Enfin, ils jouissent d’une bonne réputation auprès d’une population qui peut s’imaginer vivre sans hauts-fourneaux, mais pas sans écoles, hôpitaux, crèches ou maisons de retraite.

    Cette configuration unique dessine les contours d’une coalition sociale potentielle qui rassemblerait le prolétariat des services vitaux, les professions intermédiaires des secteurs médico-social et éducatif, ainsi qu’une petite fraction des professions intellectuelles, comme les enseignants du secondaire.

    Au cœur du conflit entre les besoins collectifs et l’exigence de profit

    Si la formation effective d’un tel bloc se heurte à quantité d’obstacles, c’est peut-être qu’on a rarement tenté de les surmonter. Malgré la crue entêtante des statistiques, aucun parti, syndicat ou organisation n’a jusqu’ici fait le choix de placer ce socle à dominante féminine et populaire au cœur de sa stratégie, de faire part systématiquement de ses préoccupations, de défendre prioritairement ses intérêts. Et pourtant, les acteurs les plus conscients et les mieux organisés du mouvement ouvrier regroupés autour du rail, des ports et des docks, de l’électricité et de la chimie savent que les luttes sociales décisives ne pourront éternellement reposer sur eux, comme l’a montré en 2018 le conflit sur la réforme des chemins de fer. Ils ont vu depuis quatre décennies le pouvoir politique détruire leurs bastions, briser les statuts, privatiser leurs entreprises, réduire leurs effectifs, tandis que les médias associaient leur univers à un passé dépassé. À l’opposé, les secteurs féminins des services à la personne et des services publics pâtissent d’une organisation souvent faible et de traditions de lutte encore récentes ; mais ils croissent et occupent dans l’imaginaire un espace dont les classes populaires ont été depuis longtemps chassées : l’avenir. Pendant que les réflexions sur les transformations contemporaines exaltent ou maudissent les multinationales de la Silicon Valley et les plates-formes numériques, la féminisation du salariat impose une modernité sans doute aussi « disruptive » que la faculté de tweeter des photographies de chatons.

    D’autant qu’elle pourrait encore s’amplifier. Aux États-Unis, la liste des métiers à forte perspective de croissance publiée par le service statistique du département du travail prédit, d’un côté, la création d’emplois typiquement masculins, tels qu’installateur de panneaux photovoltaïques ou d’éoliennes, technicien de plate-forme pétrolière, mathématicien, statisticien, programmateur ; de l’autre, une myriade de postes traditionnellement occupés par des femmes, tels qu’aide de soins à domicile, aide-soignante, assistante médicale, infirmière, physiothérapeute, ergothérapeute, massothérapeute. Pour un million d’emplois de développeur informatique prévus d’ici à 2026, on compte quatre millions d’aides à domicile et d’aides-soignantes — payées quatre fois moins (3).

    Deux raisons fondamentales empêchent l’ancien sidérurgiste de Pittsburgh dont l’activité a été délocalisée en Chine de se reconvertir en auxiliaire de puériculture. La frontière symbolique des préjugés, d’abord, si profondément inscrite dans les têtes, les corps et les institutions qu’elle dresse encore un mur entre la culture ouvrière virile et les rôles sociaux assignés par les clichés patriarcaux au genre féminin. Mais aussi le décrochage scolaire masculin, qui freine sensiblement les possibilités de reconversion professionnelle. « Les adolescents des pays riches courent une fois et demie plus de risques que les filles d’échouer dans les trois disciplines fondamentales : les mathématiques, la lecture et les sciences », notait l’hebdomadaire The Economist dans un dossier spécial consacré aux hommes et intitulé « Le sexe faible » (30 mai 2015). À cette déconfiture correspond une hausse spectaculaire du niveau d’instruction féminin qui, a contrario, facilite la mobilité professionnelle. Cette grande transformation passée inaperçue installe un peu plus les travailleuses au cœur du salariat. Depuis la fin du siècle dernier, la part des femmes parmi les diplômés du supérieur dépasse celle des hommes : 56 % en France, 58 % aux États-Unis, 66 % en Pologne, selon l’Agence des Nations unies pour l’éducation, les sciences et la culture (Unesco)... En 2016, 49 % des Françaises de 25 à 34 ans détenaient un diplôme des cycles courts — brevet de technicien supérieur (BTS), diplôme universitaire de technologie (DUT) — ou longs — licence, master, doctorat —, contre 38 % des hommes (4). Ces derniers dominent toujours la recherche, les filières de prestige, les postes de pouvoir et l’échelle des salaires. Mais l’université forme désormais une majorité de diplômées susceptibles d’occuper les emplois qualifiés mais peu prestigieux de l’économie dite des services.

    En effet, ce basculement ne remet pas en cause la prépondérance masculine dans les formations liées aux mathématiques, à l’ingénierie informatique et aux sciences fondamentales. Résultat : une opposition de genre et de classe s’accentue entre deux pôles du monde économique. D’un côté, l’univers féminin, de plus en plus qualifié mais précarisé, dont les services médico-socio-éducatifs constituent le centre de gravité. De l’autre, la bulle bourgeoise de la finance spéculative et des nouvelles technologies, qui domine l’économie mondiale et où le taux de testostérone bat des records : les jeunes entreprises de la Silicon Valley emploient comme ingénieurs informatiques 88 % d’hommes, et les salles de marché 82 % d’analystes masculins (5). De ces deux cosmos que tout oppose, l’un domine l’autre, l’écrase et le dépouille. Le chantage à l’austérité des « marchés » (6) et la prédation qu’exercent les géants du numérique sur les finances publiques à travers l’évasion fiscale se traduisent par des réductions d’effectifs ou de moyens dans les Ehpad, les crèches, les services sociaux. Avec des conséquences inégalement réparties : en même temps que leur activité affaiblit les services publics, banquiers, décideurs et développeurs emploient quantité d’aides à domicile, d’auxiliaires de vie, de professeurs particuliers.

    Plus généralement, les ménages de cadres, professions intellectuelles supérieures et dirigeants d’entreprise recourent massivement aux services domestiques à la personne (7). Ils seraient les premiers touchés si les femmes souvent issues des classes populaires et, dans les métropoles, de l’immigration venaient à cesser le travail. Verrait-on alors professeurs d’université, notaires, médecins et sociologues féministes expliquer à leurs femmes de ménage qu’il faut continuer le travail au nom de l’obligation morale d’attention et de bienveillance, vertus que la domination masculine a érigées au cours des siècles en qualités spécifiquement féminines ? C’est pourquoi la coalition des services vitaux qui rassemblerait employées et ouvrières, professions intermédiaires et personnel de l’enseignement primaire et secondaire ne pourrait se constituer que par opposition aux classes supérieures qui les emploient.

    D’abord, le pourrait-elle, et à quelles conditions ? Isolées, parcellisées, peu organisées, plus souvent issues de l’immigration que la moyenne, les travailleuses des services à la personne ou du nettoyage cumulent les formes de domination. Mais surtout, leur addition ne forme pas un groupe. Transformer la coalition objective qui se lit dans les tableaux statistiques en un bloc mobilisé requerrait une conscience collective et un projet politique. Il incombe traditionnellement aux syndicats, partis, organisations et mouvements sociaux de formuler les intérêts communs qui, au-delà des différences de statut et de qualification, relient l’infirmière et la femme de ménage. De chanter aussi la geste d’un agent historique qui naît, sa mission, ses batailles, afin de ne laisser ni à BFM TV ni aux experts le monopole du récit. Deux thèmes pourraient y contribuer.

    Le premier est la centralité sociale et économique de ce groupe. De la statistique nationale aux médias, tout concourt à ce que le salariat féminin des services vitaux demeure invisible dans l’ordre de la production. Le discours politique renvoie les soins, la santé et l’éducation à la notion de dépense, tandis qu’on associe généralement ces métiers « relationnels » aux qualités supposément féminines de prévenance, de sollicitude et d’empathie. Que la soignante ou l’enseignante les engage nécessairement dans son travail n’implique pas qu’il faille l’y réduire. Assimiler les services vitaux à des coûts, évoquer ces bienfaits dispensés par des femmes dévouées plutôt que les richesses créées par des travailleuses permet d’éluder l’identité fondamentale des aides-soignantes, auxiliaires de vie ou institutrices : celle de productrices (8). Produire une richesse émancipatrice qui pave les fondements de la vie collective, voilà un germe autour duquel pourrait cristalliser une conscience sociale.

    Le second thème est celui d’une revendication commune à l’ensemble du salariat, mais qui s’exprime avec une intensité particulière aux urgences hospitalières, dans les Ehpad ou les écoles : obtenir les moyens de bien faire son travail. L’attention parfois distraite du grand public aux conditions de labeur des cheminots et des manutentionnaires se change en préoccupation, voire en révolte, lorsqu’il s’agit de réduire le temps de toilette d’un parent dépendant, de fermer une maternité en zone rurale ou de laisser des équipes sous-dimensionnées s’occuper de malades mentaux. Chacun le sait d’expérience : la qualité des soins croît en proportion de la quantité de travail investie dans leur production. D’apparence bonhomme, la revendication des moyens d’accomplir sa tâche dans de bonnes conditions se révèle très offensive. La satisfaire, c’est remettre en cause l’austérité, l’idée qu’on peut faire toujours plus avec toujours moins, les gains de productivité arrachés au prix de la santé des salariés. Et aussi les boniments culpabilisateurs qui reportent sur les agents la responsabilité de « prendre sur eux » pour atténuer les effets des restrictions budgétaires. Nombre d’Ehpad dispensent par exemple des formations « humanitude » — des techniques de « bientraitance » mobilisant le regard, la parole, le toucher, transformées en label dont se prévalent les établissements — à des employées qu’on prive simultanément des moyens de traiter les anciens avec l’humanité requise. Comme si la maltraitance dérivait non pas principalement d’une contrainte économique extérieure, mais d’une qualité individuelle qui manquerait au personnel...

    Que l’exigence de ressources allouées aux besoins collectifs contredise l’exigence de profit et d’austérité place les services vitaux et leurs agents au cœur d’un conflit irréductible. Depuis le tournant libéral des années 1980, et plus encore depuis la crise financière de 2008, dirigeants politiques, banquiers centraux, Commission européenne, patrons ingénieurs des nouvelles technologies, hauts fonctionnaires du Trésor, éditorialistes et économistes orthodoxes exigent la réduction du « coût » de ces activités. Et provoquent ce faisant leur dégradation intentionnelle au nom d’un bon sens des beaux quartiers : le bien-être général se mesure à la prospérité des premiers de cordée. Ce bloc conscient de ses intérêts a trouvé en M. Emmanuel Macron son chargé d’affaires.

    Un socialisme des services à dominante féminine contrôlé par les travailleurs eux-mêmes

    En face, la coalition potentielle dont les productrices de services vitaux forment le moyeu ne peut naître à sa propre conscience qu’en formulant explicitement la philosophie et le projet qu’elle porte en actes au quotidien sous les préaux, dans les chambres et les salles de soins. C’est l’idée qu’un financement collectif des besoins de santé, d’éducation, de propreté et, plus largement, de transports, de logement, de culture, d’énergie, de communication ne constitue pas un obstacle à la liberté, mais au contraire sa condition de possibilité. Le vieux paradoxe qui subordonne l’épanouissement individuel à la prise en charge commune des premières nécessités dessine une perspective politique de long terme susceptible de rassembler le salariat féminin et de le constituer en agent de l’intérêt général : un socialisme des services à la couverture étendue qui lui donnerait les moyens d’accomplir sa mission dans les meilleures conditions, prioritairement déployé auprès des classes populaires vivant dans les zones périurbaines frappées par le retrait de l’État social et contrôlé par les travailleurs eux-mêmes (9).

    Car, en plus d’accomplir le prodige de s’organiser, la coalition des services à dominante féminine aurait pour tâche historique, épaulée par le mouvement syndical, de rallier à elle l’ensemble des classes populaires, et notamment sa composante masculine décimée par la mondialisation et parfois tentée par le conservatisme. Ce dernier trait n’a rien d’une fatalité.

    On jugera volontiers irréaliste d’assigner à ces travailleuses qui cumulent toutes les dominations un rôle d’agent historique et une tâche universelle. Mais l’époque ne sourit décidément pas aux réalistes qui jugeaient en 2016 impossible l’élection de M. Donald Trump sur une stratégie symétriquement inverse : coaliser une fraction masculine des classes populaires frappées par la désindustrialisation avec la bourgeoisie conservatrice et les couches moyennes non diplômées. Ravis de cette capture, médias et politiques aimeraient réduire la vie des sociétés occidentales à l’antagonisme qui opposerait désormais les classes populaires conservatrices, masculines, dépassées, incultes et racistes qui votent en faveur de M. Trump, de M. Benyamin Netanyahou ou de M. Viktor Orbán à la bourgeoisie libérale cultivée, ouverte, distinguée, progressiste qui accorde ses suffrages aux formations centristes et centrales qu’incarne M. Macron. Contre cette opposition commode, qui occulte la passion commune aux dirigeants de ces deux pôles pour le capitalisme de marché (10), le salariat féminin des services vitaux met en avant un autre antagonisme. Celui-ci place d’un côté de la barrière sociale les patrons-informaticiens de la Silicon Valley et les cadres supérieurs de la finance, masculins, diplômés, libéraux. Pilleurs de ressources publiques et squatteurs de paradis fiscaux, ils créent et vendent des services qui, selon l’ancien vice-président chargé de la croissance de l’audience de Facebook, M. Chamath Palihapitiya, « déchirent le tissu social » et « détruisent le fonctionnement de la société » (11). De l’autre côté se regroupent les classes populaires à base féminine, fer de lance du salariat, productrices de services qui tissent la vie collective et appellent une socialisation croissante de la richesse.

    L’histoire de leur bataille commencerait ainsi :

    « Nous exigeons les moyens de bien faire notre travail ! » Depuis des semaines, les auxiliaires de vie, puéricultrices, aides-soignantes, infirmières, enseignantes, nettoyeuses, agentes administratives avaient prévenu : faute de voir leur revendication satisfaite, elles se mettraient en grève. Et ce fut comme si la face cachée du travail paraissait à la lumière. Les cadres et professions intellectuelles, les femmes d’abord puis les hommes, à contrecœur, durent à leur tour quitter leur poste pour s’occuper de leurs parents dépendants, de leurs nourrissons, de leurs enfants. Le chantage affectif échoua. Parlement, bureaux, rédactions se clairsemaient. En visite dans une maison de retraite, le premier ministre expliqua sentencieusement à une gréviste qu’une minute suffit bien à changer une couche ; des études d’ailleurs le démontraient. Au regard qu’elle lui lança, chacun comprit que deux mondes s’affrontaient. Après cinq jours de chaos, le gouvernement capitula. Les négociations sur la création du Service public universel s’engageaient avec un rapport de forces si puissant que le mouvement gagna le nom de « second front populaire » : celui de l’ère des services.

    Pierre Rimbert
    (1) Sources : « Enquête emploi 2017 », Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) ; Données sociales 1974, Paris (recodées conformément à la classification actuelle).

    (2) Cf. Siggie Vertommen, « Reproduction sociale et le féminisme des 99 %. Interview de Tithi Bhattacharya », Lava, no 5, Bruxelles, juillet 2018.

    (3) « Fastest growing occupations », Bureau of Labor Statistics, Washington, DC.

    (4) « Vers l’égalité femmes-hommes ? Chiffres-clés » (PDF), ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, Paris, 2018.

    (5) Kasee Bailey, « The state of women in tech 2018 », DreamHost, 26 juillet 2018. ; Renee Adams, Brad Barber et Terrance Odean, « Family, values, and women in finance » (PDF), SSRN, 1er septembre 2016.

    (6) Lire Renaud Lambert et Sylvain Leder, « L’investisseur ne vote pas », Le Monde diplomatique, juillet 2018.

    (7) François-Xavier Devetter, Florence Jany-Catrice et Thierry Ribault, Les Services à la personne, La Découverte, coll. « Repères », Paris, 2015.

    (8) Lire Bernard Friot, « En finir avec les luttes défensives », Le Monde diplomatique, novembre 2017.

    (9) Lire « Refonder plutôt que réformer », Le Monde diplomatique, avril 2018.

    (10) Lire Serge Halimi et Pierre Rimbert, « Libéraux contre populistes, un clivage trompeur », Le Monde diplomatique, septembre 2018.

    (11) James Vincent, « Former Facebook exec says social media is ripping apart society », The Verge, 11 décembre 2017.

    • Quand parlera-t-on de Sonia, employée de maison pour 600 euros brut par mois ? Alizée Delpierre
      http://www.slate.fr/story/171990/employees-maison-domestique-precarite-conditions-de-travail

      Beaucoup de #travailleuses_domestiques partagent les constats et revendications des « gilets jaunes », mais leurs histoires sont encore trop souvent invisibilisées. [...]

      L’intensité des journées de travail interpelle. Sonia travaille quotidiennement en Île-de-France de 6h à 19h pour faire des ménages chez des particuliers. Elle est employée directement par quatre familles et travaille pour chacune d’elles entre deux et trois heures par semaine.
      Elle fait donc au maximum douze heures de ménage par semaine, mais ses journées s’étendent bien au-delà, car ses employeurs vivent loin les uns des autres (il faut compter entre 45 minutes et 1h30 de trajet entre leurs maisons), et à plus d’1h15 de chez elle.
      Sonia, qui n’utilise pas sa voiture car cela lui coûte trop cher, prend les transports en commun plusieurs heures par jour. Elle doit à la fois planifier son temps de transport entre chaque maison, et prévoir les retards fréquents des trains qu’elle prend : « Je pars à 4h50 de chez moi, le temps de marcher trente minutes jusqu’à la gare, et je prends le premier train même si je commence un peu plus tard, car on ne sait jamais. »
      De nombreuses études statistiques produites sur le secteur des services à la personne dressent un portrait-type de l’#emploi_domestique en France, relativement stable depuis le début des années 2000 : un emploi majoritairement à temps partiel, faiblement rémunéré, qui pousse les employées de maison à multiplier les employeurs pour travailler plus d’heures.
      D’après les dernières données produites par la Dares, les employées embauchées directement par les particuliers-employeurs –soit 65% d’entre elles– ont en moyenne près de trois employeurs, et ce nombre passe à 4,5 lorsqu’elles travaillent à la fois directement pour un employeur et via un organisme.

  • Petite mise à jour postes ouverts (publiés) #MCF #ESR. On suit toujours la tendance qui conduit à 0 postes ouverts en 2030.


    https://twitter.com/mixlamalice/status/966986699040612352

    Avec ce commentaire intéressant :

    Pas étonnant alors qu’ils mettent en place #parcours_sup qui réduit l’accès à l’Université : plus de lycéens, moins de profs : la #sélection organisée ...

    https://twitter.com/ben_schnecken/status/967001264390361089

    #postes #travail #université #statistiques #chiffres #MCF #France #it_has_begun

    En route vers une université sans enseignant·es !

    • Commentaire reçu via la mailing-list Geotamtam, avec des références utiles :

      Sur ces questions de "sélection" (qui ne peut pas avoir d’autre fonction que d’éliminer les "indésirables") et les réformes en cours, mais aussi sur les questions angoissées de notre ex-collègue sur qui s’intéresse au devenir des étudiant-es et aux inégalités et injustices de ce système, le réflexe doit être selon moi de lire ce que les chercheurs et chercheuses spécialistes ont pu écrire de sérieux sur la question et les leçons qu’ils/elles en tirent. Il y aurait beaucoup de références à donner, surtout si on pense qu’il faudrait une mise en contexte par quelques décennies de travaux sur les trajectoires scolaires, leurs conditions et leurs effets...

      Par exemple, il y a certes un manque évident et énormissime de moyens, mais selon Beaud et Millet (réf plus bas) : "Au delà des questions pratiques, bien sûr importantes, que pose le pilotage de cette réforme et de la situation actuelle de l’université, affaiblie par la conjonction de 10 ans de LRU, de disette budgétaire et de plusieurs décennies d’accroissement des effectifs étudiants, il apparaît essentiel de replacer au cœur des débats la réflexion sur la fonction sociale de l’université en France."

      Pour ce faire, je vais me limiter à une seule analyse récente de la logique des réformes depuis le processus de Bologne (Economistes attérés, en PJ) et quelques publications, avec un livre qui est devenu un classique, et si vous n’avez pas le temps quelques textes qui en sont inséparables et dont certains titres sont très explicites : la "sélection à l’université" semble en effet "une fausse solution à un problème mal posé".

      – Trois courtes analyses des réformes en cours :

      BODIN Romuald, ORANGE Sophie, 2017, "Parcoursup, une réforme conservatrice ?", AOC, en ligne
      https://aoc.media/analyse/2018/02/06/parcoursup-reforme-conservatrice

      BEAUD Stéphane, "Les enjeux cachés de la réforme du bas", Alternatives économiques,
      https://www.alternatives-economiques.fr/enjeux-caches-de-reforme-bac/00083206

      BEAUD Stéphane, MILLET Mathias, "La réforme Macron de l’université", La Vie des idées,
      http://www.laviedesidees.fr/La-reforme-Macron-de-l-universite.html

      – Quelques publications sur des recherches sociologiques qui les fondent :

      BODIN Romuald, MILLET Mathias, 2011, « La question de l’« abandon » et des inégalités dans les premiers cycles à l’université », Savoir/Agir, vol. 17, no. 3, 2011, pp. 65-73.
      https://www.cairn.info/revue-savoir-agir-2011-3-page-65.htm

      BODIN Romuald, ORANGE Sophie, 2013, L’Université n’est pas en crise. Les transformations de l’enseignement supérieur : enjeux et idées reçues, Editions du Croquant, coll. savoir/agir, Bellecombes-en-Bauge, 213 p.
      http://journals.openedition.org/rfp/4259

      BODIN Romuald, ORANGE Sophie, 2013, « La barrière ne fera pas le niveau. La sélection à l’université : une fausse solution à un problème mal posé », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 199, no. 4, pp. 102-117.
      https://www.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2013-4-page-102.htm car PJ trop lourde

      + Un autre livre très récent que je n’ai pas encore lu :
      Annabelle Allouch, La Société du concours. L’empire des classements scolaires, 2017, Paris, Le Seuil.
      http://www.seuil.com/ouvrage/la-societe-du-concours-annabelle-allouch/9782021350258

    • Conférence de presse / collectif des E.C. lillois refus du classement sur #Parcoursup

      Reçu via la mailing-list GeoTamTam, le 3 avril 2018

      Nous sommes un collectif d’enseignant.e.s chercheur.e.s de l’Université de Lille. Nous avons organisé une conférence de presse jeudi 29 mars 2018 pour dire que nous ne classerons pas les dossiers des lycéens sur Parcoursup. Cette information a été relayée par TF1, France 3, France Inter, La Voix du Nord bientôt Libération et Médiacités.

      Nous vous transmettons le matériel que nous avons constitué - dossier de presse et une page synthétique d’arguments - pour réaliser depuis vos Universités des actions pour publiciser le refus et l’impossibilité technique d’appliquer la réforme ORE. Nous sommes de plus en plus nombreux à refuser ce classement : déjà sept Départements (Institut de Sociologie et d’Anthropologie,Département de sociologie et développement social, Départements de Science Politique, de Culture, d’Espagnol, d’Info Com, de Japonais) et de nombreux collègues dans l’ensemble des sites de l’Université de Lille.

      https://www.franceinter.fr/emissions/le-journal-de-7h30
      http://www.lavoixdunord.fr/347100/article/2018-03-29/des-enseignants-de-l-universite-de-lille-refusent-de-participer-au-clas
      https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/emissions/jt-1920-nord-pas-de-calais (à partir de 8 minutes environ)
      et la vidéo de la conférence de presse :https://www.pscp.tv/w/1lPJqnRQrrlxb

      Le Collectif des enseignant.e.s chercheur.e.s lillois.e.s pour l’égalité d’accès à l’université

    • Pourquoi s’opposer à Parcoursup ?

      Voici quelques éléments de réponse reçu d’une collègue qui elle-même a reçu d’un collègue le 05.04.2018 :

      1) Parcoursup est, qu’on le veuille ou non, un outil de sélection. Même si nous ne souhaitons pas faire de sélection, nous, à l’ARSH, l’outil est là à l’échelle nationale et ouvre la possibilité de le faire ; il est clair que certaines filières ou certains établissements vont s’en emparer (et les témoignages sur le site vers lequel conduit le lien que je vous ai envoyé sont explicites). La concurrence entre établissements est à prévoir à court terme. Nous sommes en train de prendre nos responsabilités à l’échelle nationale, pas simplement locale. Je tiens à ce que ce soit clair pour tout le monde.

      2) Le fonctionnement de l’outil n’est pas plus clair ni plus juste que celui d’APB : a) à cause du paramétrage local ; b) à cause de la correction par le Rectorat (selon des modalités opaques).

      3) L’outil n’empêche aucunement l’arbitraire le plus total dans le recrutement. (Là encore, je parle à l’échelle nationale, pas seulement de ce que nous nous apprêtons à faire ou non.)

      4) Les procédures à l’oeuvre dans les lycées en amont pour remplir Fiche Avenir, etc., sont elles-mêmes ouvertes au flou et à l’arbitraire. (Si l’on me répond qu’il faut faire confiance aux collègues du secondaire pour les remplir, je répondrais que l’évaluation nationale par l’examen du baccalauréat, préparé et corrigé par les collègues du secondaire, consistait précisément à leur faire confiance.)

      5) Le problème de l’outil, du paramétrage, etc. cache la misère des universités : diminution du nombre de postes ouverts au concours, tandis que le nombre d’étudiants augmentent (un rapport de 2015 prévoyait cette progression explicitement).

      6) Quand on comprime le nombre de postes alors que le nombre d’étudiants augmente, on prépare le terrain à une apparition de nouvelles « licences sous tension ».

      7) Actuellement, les « licences sous tension » concernent me semble-t-il 5% de l’effectif étudiant global. Mettre en place une procédure de sélection générale pour un problème qui concerne si peu de filières et d’étudiants paraît démesuré.

      8) Ce qu’on appelle « taux d’échec » n’est pas qu’un taux d’échec (mais inclut la réorientation, le mûrissement des projets, etc.). Il y a un taux d’évaporation normal en première année. Quand aux autres, il s’agit bien évidemment de les aider. Mais Parcoursup est une chose, le soutien aux étudiants qui en ont besoin en est une autre.

      Je rappelle également de nombreuses postures d’UFR et départements en France qui refuse la sélection.

      Par exemple :
      Université Paris Descartes

      UFR SHS, le département de sciences sociales « ne fera pas remonter de critères de classement et n’assumera pas la responsabilité de procéder au classement des candidatures. Il renvoie au rectorat la responsabilité et le soin de procéder à l’application de cette sélection. » (vote du 7 mars 2018, 28 votes pour, 1 contre et 1 abstention).

      UFR SHS, pour le département de Sciences de l’éducation idem.

    • L’Onisep menacé

      Message reçu via la mailing-list GeoTamTam, le 06.04.2018

      Mesdames, Messieurs,

      Les personnels de l’#Onisep, établissement public sous tutelle des ministères chargés de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur se mobilisent pour défendre le service public de l’orientation.

      Le gouvernement prévoit en effet de confier la compétence d’information sur l’orientation aux régions dès janvier 2019, d’après le projet de loi « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel », présenté en conseil des ministres le 18 avril prochain.

      Les délégations régionales de l’Onisep et leurs personnels seraient transférés aux régions. Les CIO seraient progressivement supprimés et les Psy EN affectés dans les EPLE.

      Ce qui est en jeu dans ce projet :

      – La neutralité de l’information : les régions auront tendance à valoriser les formations locales correspondant aux besoins économiques définis à court terme par les branches professionnelles suivant les besoins du moment.

      – L’égalité d’accès à l’information sur l’ensemble du territoire national. L’information donnée aux élèves, aux étudiants et à leurs familles s’arrêtera aux frontières régionales, ce qui est un non-sens à l’heure où les parcours de formation se réalisent à l’échelle nationale et internationale. Par ailleurs, cette information sera soumise aux changements et aléas politiques.

      – Le risque que l’orientation devienne un nouveau secteur marchand où fleuriront les « coaches en orientation » dans les espaces laissés libres par les CIO.

      Une autre dimension importante semble être ignorée dans ce projet : les délégations régionales déclinent en région académique les politiques éducatives nationales en matière d’information et d’orientation. Elles appuient les projets académiques portés par les recteurs, sous de multiples formes : publications dédiées ; conseils et appui aux équipes éducatives dans la mise en œuvre de leur mission d’aide à l’orientation des élèves (organisation de formations ; interventions sur sites ; mise à disposition des ressources documentaires et pédagogiques…).

      Ce démantèlement du service public d’information et d’orientation de l’Éducation nationale aura pour conséquence de priver les familles, les jeunes et les adultes d’un service de conseil et d’accompagnement gratuit, totalement neutre et accessible à tous.

    • Appel à une journée nationale de mobilisation et d’actions dans le supérieur et la recherche le 10 avril 2018

      Reçu via la mailing-list GeoTamTam, le 06.04.2018 :

      Le gouvernement doit entendre la colère qui monte, retirer la
      #loi_Vidal et répondre aux revendications du personnel du supérieur et de la recherche

      Paris, le 5 avril 2018

      Après le succès de la journée nationale de mobilisation du 22 mars dans la fonction publique qui a réuni plus de 400 000 manifestant.e.s dans toute la France, après celles des 3 et 4 avril avec la grève des cheminots et le soutien des étudiant.e.s et de toute une partie de la population, le nombre d’universités et d’établissements mobilisés pour le retrait de la loi Vidal-ORE et contre la plate-forme Parcoursup ne cesse de croître. À ce jour, des assemblées générales sont régulièrement organisées dans au moins 25 établissements et plusieurs d’entre eux sont bloqués ou occupés. Bientôt, une centaine de départements ou UFR se seront engagés à ne pas participer au tri social des dossiers des lycéen.ne.s et à accepter tous les bachelier/ière.s. Non seulement le gouvernement reste sourd aux revendications des étudiant.e.s et des travailleur/euse.s engagé.e.s dans ces mouvements, mais il ouvre d’autres chantiers de réformes qui apparaissent comme autant de provocations :
      ◼ les députés LREM, via la commission des finances de l’Assemblée nationale, viennent de passer commande à la Cour des comptes d’un rapport en vue d’augmenter les frais d’inscription à l’université ;
      ◼ la ministre de l’ESRI et le gouvernement entendent modifier l’arrêté licence avec les objectifs suivants : réviser à la baisse le nombre d’heures de formation, en finir avec la compensation des notes, individualiser les parcours, permettre des inscriptions « à la carte » au détriment des progressions pédagogiques, faire intervenir le monde « socio-économique » afin de « professionnaliser » ce diplôme, doubler l’évaluation des connaissances par la certification de « blocs de compétences »… Tout cela aura pour conséquence de casser les collectifs d’apprentissage et de mettre à mal le cadre national de la licence pour assujettir l’Université aux seules finalités économiques et du marché de l’emploi ;
      ◼ au travers des « chantiers de transformation publique » le gouvernement entend s’attaquer au statut de fonctionnaire pourtant garant de la liberté pédagogique, de l’indépendance de la recherche, de la qualification des agent.e.s et du service de l’intérêt général : il souhaite augmenter encore le recours aux contractuel.le.s, plus « flexibles », afin de diminuer le nombre d’agent.e.s sous statut et de recourir à de « nouvelles formes de contrat », ce qui pourrait bien se traduire par la mise en place du contrat de mission ; il souhaite individualiser encore plus les rémunérations en gelant le point d’indice pour tous les agent.e.s et en augmentant les primes données à une minorité ; il « offre » à celles et ceux qui refuseraient une mobilité forcée un « départ volontaire »…
      ◼ la ministre et le gouvernement remettent en cause les organismes nationaux de recherche, au travers des restructurations imposées et des politiques de site. Cette évolution est illustrée par les récentes propositions du jury des Idex validées par le Premier ministre qui permettraient aux président.e.s d’Idex d’amender les projets de budgets des institutions fondatrices et d’exercer un droit de veto sur le recrutement des enseignant.e.s-chercheur/euse.s, enseignant.e.s et chercheur/euse.s de ces mêmes institutions : soit une véritable mise sous tutelle des Idex, des différents établissements y compris des organismes nationaux de recherche, remettant en cause leur mission nationale de service public de la recherche.

      Toutes les lignes rouges que nos organisations avaient déjà explicitées lors de la pseudo-concertation des mois de septembre-octobre 2017 à propos de l’accès en premier cycle sont franchies et ce gouvernement, comme les précédents, refuse d’investir en proportion de l’augmentation, dont chacun devrait pourtant se féliciter, des effectifs dans l’ESR. Dans ce contexte, toutes ces réformes visent à casser la démocratisation en affaiblissant le service public, les statuts des fonctionnaires, et à ouvrir les missions de l’enseignement supérieur à un marché concurrentiel qui doit mener à une privatisation rampante. Elles conduisent à abandonner toute politique nationale de recherche. Les étudiant.e.s, les lycéen.ne.s et les personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche s’opposent à ces réformes et demandent au gouvernement de répondre à leurs revendications.

      LES ORGANISATIONS SOUSSIGNÉES EXIGENT :
      ◼ une augmentation des salaires ;
      ◼ l’abrogation du jour de carence ;
      ◼ la défense et la pérennisation du système de retraites par répartition et des régimes particuliers ;
      ◼ un plan pluriannuel de création d’emplois de fonctionnaires, enseignant.e.s-chercheur/euse.s, chercheur/euse.s, ingénieur.e.s, technicien.ne.s, personnels de bibliothèques et administratifs, à hauteur de 6 000 créations par an pendant dix ans ; et dès à présent, le dégel de tous les emplois vacants ;
      ◼ la fin de la politique de précarisation et la mise en place d’un plan de titularisation des contractuel.le.s et vacataires de l’ESR ;
      ◼ une réelle augmentation du financement public de l’ESR : 3 milliards d’euros par an pendant dix ans pour atteindre l’objectif de 1 % du PIB pour la recherche publique et de 2 % du PIB pour l’enseignement supérieur ;
      ◼ la préservation et la consolidation du statut général de la fonction publique ;
      ◼ un moratoire sur tous les processus d’expérimentation, de restructuration et de fusion d’établissements et organismes ;
      ◼ le maintien du baccalauréat comme diplôme national et premier grade universitaire, garantissant l’accès de toutes et tous les bachelier/ière.s sur tout le territoire aux filières post-bac et aux établissements de leur choix ;
      ◼ l’abandon de l’instauration de blocs de compétences en lieu et place des diplômes et des qualifications ;
      ◼ l’abandon du projet de loi sur le premier cycle post-bac, l’ouverture de places supplémentaires et le refus de toute sélection à l’entrée à l’université.

      AUSSI NOS ORGANISATIONS APPELLENT-ELLES :
      ➔ à organiser des assemblées générales dans tous les établissements afin de débattre des modalités d’actions locales et des suites à donner ;
      ➔ à construire en convergence avec les autres secteurs en lutte des actions dans la durée pour la défense des services publics et de nos statuts ;
      ➔ à définir les modalités d’action pour lutter contre toutes les formes de restructurations actuellement en cours dans l’enseignement supérieur et la recherche publics ;
      ➔ à organiser une journée nationale d’action et de manifestation, le mardi 10 avril 2018, contre la loi Vidal-ORE, sa plate-forme Parcoursup et contre tous les projets de démantèlement et de marchandisation de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la recherche. CGT FERC-SUP,

      SNTRS-CGT, CGT-INRA, SNASUB-FSU, SNCS-FSU, SNESUP-FSU, SNEP-FSU, SNETAP-FSU, SLU, SOLIDAIRES ÉTUDIANT.E.S, SUD ÉDUCATION, SUD RECHERCHE EPST, UNEF, FIDL, SGL, UNL

    • Sur Parcoursup-12 points

      Message de Sarah Mekdjian, reçu par email le 09.04.2018 via la mailing-list GeoTamTam:

      Alors que les contestations contre Parcousup s’intensifient, je me permets de partager avec vous 12 points d’analyse relatifs à cette réforme -je m’excuse d’avance pour les collègues qui ne sont pas en France- :

      1) Le fonctionnement de l’outil n’est pas plus clair ni plus juste que celui d’#APB : a) à cause du paramétrage local ; b) à cause de la correction par le Rectorat (selon des modalités opaques).

      2) L’outil n’empêche aucunement l’#arbitraire le plus total dans le recrutement. Là où il est annoncé un « #classement » (i.e « #sélection ») « qualitative » et au « mérite », les algorithmes locaux et tous différents ne permettent aucune appréciation qualitative des candidatures.

      3) Les procédures à l’oeuvre dans les lycées en amont pour remplir #Fiche_Avenir, etc., sont elles-mêmes ouvertes au flou et à l’arbitraire. (Si l’on répond qu’il faut faire confiance aux collègues du secondaire pour les remplir, je répondrais que l’évaluation nationale par l’examen du baccalauréat, préparé et corrigé par les collègues du secondaire, consistait précisément à leur faire confiance.)

      4) Le problème de l’outil, du paramétrage, etc. cache la misère des universités : diminution du nombre de postes ouverts au concours, tandis que le nombre d’étudiants augmentent (un rapport de 2015 prévoyait cette progression explicitement).

      5) Quand on comprime le nombre de postes alors que le nombre d’étudiants augmente, on prépare le terrain à une apparition de nouvelles « #licences_sous_tension ».

      6) Actuellement, les « licences sous tension » concernent environ 5% de l’effectif étudiant global. Mettre en place une procédure de sélection générale pour un problème qui concerne si peu de filières et d’étudiants paraît démesuré.

      7) Ce qu’on appelle « #taux_d'échec » n’est pas qu’un taux d’#échec (mais inclut la #réorientation, le mûrissement des projets, etc.). Il y a un taux d’évaporation normal en première année. Quand aux autres, il s’agit bien évidemment de les aider. Mais Parcoursup est une chose, le soutien aux étudiants qui en ont besoin en est une autre.

      8) Sélectionner les étudiant.e.s dès la Première revient à écarter des profils d’étudiant.e.s qui peuvent mûrir plus tard et à un autre rythme.

      9) Parcoursup est un outil de #marginalisation avancée des élèves qui sortent des bacs technologiques (possibilité de paramétrer l’#algorithme pour favoriser telle ou telle filière du bac), des élèves aux parcours non-linéaires, étudiant.e.s, personnes en reprise d’étude, personnes étrangères ayant fait une partie de leurs parcours ailleurs, et qui avaient jusque là encore le droit de choisir l’université pour se cultiver, apprendre dans des horizons disciplinaires différents, mûrir leurs parcours autrement ;

      10) En favorisant la mise en concurrence des étudiants comme des formations, plus ou moins sélectives parce que plus ou moins attractives, ce plan acte la mise en place d’un marché de l’enseignement supérieur. Chaque lycéen, autoentrepreneur de son #parcours_scolaire, doit faire en sorte de se faire recruter par une #formation.

      11) Les formations pour les « #oui_si » quand elles sont financées relèvent de fonds qui ne sont pas pérennes, tandis que les moyens structurels (les postes notamment) sont toujours soumis à la loi d’airain de l’ « austérité » présentée comme une « nécessité historique », alors qu’elle relève bien sûr de choix politiques contestables.

      12) Un autre choix est possible : la dernière explosion en date du nombre de bacheliers s’était traduite en 1991 par exemple par le plan #U2000, créant huit nouvelles universités dont quatre en Ile-de-France. Aujourd’hui, le gouvernement choisit une option qui se traduira par une marginalisation des bacheliers scolairement les plus faibles.

      Enfin, présenter Parcoursup comme un outil purement gestionnaire est particulièrement contestable ; Parcoursup relève d’abord d’un choix politique : celui de rendre le #service_public de l’enseignement sélectif, sur la base d’une mise en #concurrence des universités, des formations et des étudiant.e.s. Il s’agit d’une nouvelle mesure politique d’une réduction du service public, réduit à un marché.

    • Université du Mans : le vrai visage de Parcoursup

      Addendum [10 avril 2018 au soir] : Suite à la publication de cet article, un communiqué de l’Université du Mans est venu apporter un contre point à ce qui est décrit ci dessous. Nous avons effectué quelques modifications mineures suite à ce communiqué (voir les passages entre […]).

      Au final, il apparaît donc que la présidence de l’Université du Mans s’est clairement prononcée contre la sélection universitaire – mais qu’au niveau de l’UFR Sciences, certaines personnes ont fait du zèle dans leur présentation sur comment utiliser le logiciel de sélection… Par ailleurs ce que nous avons lu comme des « ordres » ne devrait finalement être interprété que comme des « incitations » de la part de ces sélectionneurs zélés. Faut-il en être soulagé ?

      https://obs-selection.rogueesr.fr/universite-du-mans-le-vrai-visage-de-parcoursup

    • #Observatoire de la sélection universitaire

      Ce site est un espace de témoignage. Il vise à offrir un regard sur les coulisses de Parcoursup et sur la manière dont la sélection des étudiant.e.s est effectuée.

      Nous faisons appel à vous, universitaires et à vous, enseignant.es du secondaire.

      Vous allez participer, de gré ou de force, à cette sélection. Comment allez-vous procéder pour classer des milliers de dossiers ? Avec quels moyens humains ? Sur quels critères ? Quels sont les algorithmes utilisés ? Témoignez ! Que vous soyez professionnel.le au lycée ou à l’université, vous aiderez les lycéen.ne.s à comprendre le fonctionnement de cette procédure pour l’instant extrêmement opaque. Grâce à votre témoignage, elles et ils seront mieux armé.e.s pour y faire face, voire pour demander sa modification ou son retrait.

      https://obs-selection.rogueesr.fr

    • Nous, universitaires, soutenons et accompagnons les étudiants dans leur contestation de la loi Orientation et réussite des étudiants (ORE) et de Parcoursup

      Nous, universitaires*, soutenons et accompagnons les étudiants dans leur contestation de la loi Orientation et réussite des étudiants (ORE) et de Parcoursup depuis le début de leur mouvement. Notre prise de position s’explique d’abord par notre rejet de toute forme de sélection à l’entrée de l’université. Or, la nouvelle loi instaure une sélection hypocrite : d’un côté, les responsables gouvernementaux refusent catégoriquement d’utiliser ce mot, mais de l’autre, on nous demande de classer les candidatures de sorte qu’un couperet tombera une fois les capacités d’accueil des filières saturées.

      Le gouvernement défend sa loi en invoquant une politique d’orientation destinée à pallier les échecs en premier cycle. Mais il ne donne aucun moyen pour mettre en place les cours de mise à niveau dont il annonce unilatéralement la mise en place. L’affirmation récente de Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, qui évoque un milliard d’euros destiné à la refonte du premier cycle est une « fake news » – c’est-à-dire, en réalité et en français, une propagande. Un milliard d’euros représente 7,5% du budget total 2018 de l’Enseignement supérieur (13,4 milliards d’euros). Une dotation supplémentaire d’un milliard d’euros, rien que pour le premier cycle, devrait être largement visible, ce qui n’est pas le cas. Et à notre connaissance, aucune loi rectificative du budget n’est annoncée.

      Autre argument utilisé par le gouvernement : rien ne serait pire que le tirage au sort pratiqué l’année dernière via le logiciel admission post-bac (APB) pour 1% des bacheliers dans les filières en tension. En réalité, le système APB a révélé l’impossibilité d’accueillir tous les étudiants faute de place et de moyens. En juillet 2017, le ministère a reconnu que 87 000 demandes d’inscription n’étaient pas satisfaites, soit plus du quart du total des nouveaux entrants à l’université en 2016 ! Le fait qu’un mode de sélection (sur dossier, pour tous les bacheliers) se substitue à un autre a pour objectif presque avoué de différer, sinon d’écarter dans l’immédiat, un certain nombre de candidats.

      Le problème posé par le nombre de candidatures n’a pas disparu. Au contraire, on sait, pour des raisons démographiques, qu’il va se tendre davantage. L’année 2018-2019 correspond au baby-boom de l’an 2000, et se traduit par une explosion démographique prévisible depuis longtemps. Le gouvernement préfère la sélection au financement des universités à la hauteur des besoins. Or, toute la politique du gouvernement est fondée sur la volonté de ne pas donner davantage de moyens à l’Enseignement supérieur malgré les difficultés auxquelles il est confronté depuis des années.

      Si nous soutenons les étudiants, c’est enfin parce nous assistons impuissants, à une inexorable dégradation de l’enseignement supérieur depuis une vingtaine d’années. Les dix dernières années ont été marquées par la réduction drastique des budgets et le gel des créations de postes à l’université. N’oublions pas que la Loi LRU de 2008 [Loi relative aux libertés et responsabilités des universités] a donné lieu en 2009 à une grève de plusieurs semaines dans l’enseignement supérieur, la plus longue jamais enregistrée. Depuis, la situation n’a cessé d’empirer. Le service public de l’enseignement supérieur se dégrade autant, sinon plus, que celui du transport ferroviaire ou des hôpitaux.

      Il serait vain, nous dit-on, d’accueillir davantage d’étudiants à l’université dès lors qu’ils n’ont pas le niveau. Ce serait un gaspillage des deniers publics ! Mais la finalité de l’éducation nationale n’est-elle pas d’éduquer et de former ? Ce qui fait la noblesse de notre métier n’est-il pas d’élever le niveau de ceux qui ne l’ont pas, c’est-à-dire pas encore ? Quel serait notre rôle s’il s’agissait seulement de dispenser des cours à ceux qui n’ont aucun problème et qui ont la chance d’avoir le niveau et d’être doués pour les études supérieures ? Qui prétendrait avoir trouvé son chemin à 16 ans ou 18 ans comme l’imposent Parcoursup et la loi ORE ?

      L’université est un formidable révélateur de talents, un lieu où s’expérimente l’autonomie, où se développe l’esprit critique. Bon nombre d’étudiants qui ont fait des études brillantes à l’université n’étaient pas des élèves remarquables dans le secondaire et n’ont pas eu une bonne mention au baccalauréat. Auraient-ils été retenus si la sélection s’était appliquée alors ? Pourquoi devrions-nous abandonner ce vivier et renoncer, par une sélection absurde, à donner leur chance à tous ceux qui ont le degré minimum, à savoir le baccalauréat ? La France est-elle riche à ce point de talents avérés pour que les enseignants renoncent à leur vocation première : former, éduquer et faire progresser vers les meilleurs niveaux ?

      Nous appelons les enseignants du second degré, les lycéens, les parents d’élèves, et tous les citoyens à soutenir notre action en signant cette #pétition !

      http://www.parcourssup.eu

    • Thomas Piketty : « Parcoursup : peut mieux faire »

      Chaque société a besoin d’un grand récit pour justifier ses inégalités. Dans les sociétés contemporaines, il s’agit du récit méritocratique : l’inégalité moderne est juste, car elle découle d’un processus librement choisi où chacun a les mêmes chances. Le problème est qu’il existe un gouffre béant entre les proclamations méritocratiques officielles et la réalité.

      Aux Etats-Unis, les chances d’accès à l’enseignement supérieur sont presque entièrement déterminées par le revenu des parents : elles sont d’à peine 20 % pour les 10 % les plus pauvres, et dépassent 90 % pour les 10 % les plus riches. Encore faut-il préciser qu’il ne s’agit pas du tout du même enseignement supérieur dans les deux cas. Il est possible que les choses soient un peu moins extrêmes en France. Mais en vérité on ne sait pas très bien, car il est impossible d’accéder aux mêmes données.
      « Malheureusement, il est à craindre que tout cela ne fasse que renforcer l’inégalité et l’opacité du système »

      Dans un tel contexte, la réforme française du système d’affectation des étudiants, avec le passage de la plateforme APB à Parcoursup, est potentiellement pleine de promesses. Malheureusement, il est à craindre que tout cela ne fasse que renforcer l’inégalité et l’opacité du système. Précisons d’emblée que la prise en compte des notes, des séries et du dossier scolaire dans les admissions universitaires (principale nouveauté de Parcoursup) n’est pas forcément une mauvaise chose en soi.

      A partir du moment où les notes sont prises en compte depuis toujours pour les admissions en classes préparatoires (dans le cadre d’#APB comme de Parcoursup), ce que personne ne semble remettre en cause, on voit mal pourquoi elles ne joueraient aucun rôle pour les universités. Certes, les notes ne sont pas toujours justes, et le système de notation lui-même doit être repensé. Mais elles contiennent tout de même un peu d’information utile, a priori davantage que le tirage...

      http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/02/10/thomas-piketty-parcoursup-peut-mieux-faire_5254719_3232.html

    • Message de la CGT Grenoble :
      Personnels, étudiant·e·s : ne nous laissons pas diviser !

      Sur le campus de Grenoble, les étudiant·e·s sont entré·e·s en lutte contre la loi ORE et son application à l’UGA.

      Il paraît clair, au vu des décisions et communications de ces derniers jours, que la présidence de l’UGA travaille activement à l’épuisement de ce mouvement étudiant, par tous les moyens imaginables : pressions, menaces, divisions de toutes sortes, désinformation.

      La CGT FERCSup Grenoble rappelle sa solidarité et son soutien aux étudiant·e·s mobilisé·e·s. La grève et les piquets de grèves sont des moyens d’actions pacifiques et légitimes. Ce qui nous paraît insupportable en revanche, c’est de voir des étudiant·e·s, usagèr·e·s de notre service public, ou des collègues, matraqué·e·s, blessé·e·s, hospitalisé·e·s pour avoir voulu manifester leurs opinions.

      Dans ce contexte, nous sommes particulièrement solidaires des personnels dont les conditions de travail, déjà fortement dégradées par les réformes, fusions et réorganisations successives, sont aujourd’hui impactées du fait du mouvement étudiant. Dans sa stratégie d’épuisement et d’opposition systématique des personnels aux étudiants et des étudiants aux personnels (déplacement massif de cours, instabilité des services, tournées nocturnes systématiques en vue de déblocages de bâtiments), la présidence joue un jeu dangereux pour le personnel de l’UGA. D’une part, en augmentant de manière très alarmante la charge de travail de certains personnels. D’autre part, en réquisitionnant les personnels ou des agents extérieurs pour débloquer les bâtiments par la force, parfois même la nuit. Ceux-ci se trouvent mis en porte à faux avec leurs missions. La présidence orchestre une situation de confrontation dangereuse pour les personnels et les étudiants.

      Personnels de l’université, notre mission première n’est pas de nous opposer aux étudiant·e·s. La mobilisation des personnels, syndicalistes et élues mardi soir a d’ailleurs fait reculer la présidence sur l’intervention des forces de l’ordre pour évacuer le CLV occupé, et permis l’apaisement de la situation pour le moment.

      Collectivement, nous pouvons réfléchir et agir, pour ne pas se retrouver seul face aux injonctions de nos directions, et plus largement pour contrer les réformes qui nous empêchent de faire correctement notre travail. Nous vous proposons de venir en discuter à l’assemblée générale des personnels ce midi.

      Reçu par email, le 12.04.2018

    • La réforme Macron de l’université

      Alors que l’université accueille les enfants de la démocratisation scolaire, la réforme Macron permet aux établissements d’enseignement supérieur de sélectionner leurs étudiants. Défendant l’université comme lieu de formation et de recherches, S. Beaud et M. Millet invitent à s’interroger sur le sens de la poursuite d’études dans une société démocratique.

      http://www.laviedesidees.fr/La-reforme-Macron-de-l-universite.html

    • Mariage pour tous – à propos de l’#algorithme de Parcoursup

      Comment faire pour que se correspondent les préférences des étudiants et les préférences des universités ? #APB s’appuyait sur le modèle du « mariage collectif » des mathématiciens Gale et Shapley (qui marier avec qui ? peut-on rester non marié ?), dans lequel les femmes (les étudiants) proposent et les hommes (les facs) disposent. Est-ce la même chose avec Parcoursup ? Alors que les premières réponses parviennent ce 22 mai aux candidats qui y ont inscrit leurs vœux, revenons sur le problème du choix algorithmique et de ce qu’il implique.

      https://aoc.media/opinion/2018/05/21/mariage-a-propos-de-lalgorithme-de-parcoursup

    • Voici une proposition de loi enregistrée à la présidence du Sénat le 17 mai 2018 qui vise à pénaliser (jusqu’à 1 an emprisonnement, 7500 euros d’amende) les blocages des examens dans le cas d’un mouvement social :
      https://www.senat.fr/leg/ppl17-485.html

      Après l’article 431-22 du code pénal, il est inséré un article 431-22-1 ainsi rédigé :

      « Art. L. 431-22-1. - Le fait de pénétrer ou de se maintenir dans l’enceinte d’un établissement d’enseignement supérieur sans y être habilité en vertu de dispositions législatives ou réglementaires ou sans y avoir été autorisé par les autorités compétentes, dans le but d’entraver l’organisation de l’examen terminal universitaire permettant d’apprécier les aptitudes et l’acquisition des connaissances mentionné à l’article L. 613-1 du code de l’éducation, est puni d’un an d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende. »

      https://www.publicsenat.fr/article/societe/des-senateurs-veulent-sanctionner-penalement-les-bloqueurs-dans-les-univ

    • Christine Jarrige : « On se dirige vers la fin du #service_public de l’#orientation_scolaire »

      Les centres d’information et d’orientation sont menacés, selon les syndicats, par un article du projet de loi « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel », examiné cette semaine à l’Assemblée nationale. Cette réforme prévoit le transfert de leurs compétences aux régions. Christine Jarrige, conseillère d’orientation-psychologue en Seine-Saint-Denis et membre du collectif des psychologues du Snes-FSU, revient sur l’inquiétude de ses confrères.

      https://www.mediapart.fr/journal/france/150618/christine-jarrige-se-dirige-vers-la-fin-du-service-public-de-l-orientation

    • Idéologique, injuste, infaisable : Parcoursup, largement refusé, va-t-il imploser ?

      La plateforme « Parcoursup » d’admission à l’Université fait l’objet de fortes critiques. Au moment où les demandes sont transmises aux universités pour réponse sous 6 semaines, de nombreux universitaires, départements, UFR et même universités entières refusent de le mettre en œuvre, soutenus par la plupart des syndicats du secondaire et du supérieur. Pourquoi ? Et si « Parcoursup » implosait ?

      https://blogs.mediapart.fr/philippe-blanchet/blog/070418/ideologique-injuste-infaisable-parcoursup-largement-refuse-va-t-il-i

    • Les universités britanniques contre la #marchandisation_du_savoir

      Au moment où, en France, le mouvement contre l’actuelle réforme de l’accès aux études supérieures prend de l’ampleur et que les blocages se multiplient, les universités britanniques connaissent une grève sans précédent. Les personnels enseignants et chercheurs protestent contre la remise en cause radicale du système des retraites. Mais ce qui se joue là, comme ailleurs, c’est d’abord une lutte contre la marchandisation du savoir, synonyme de dégradation des conditions de travail et d’appauvrissement généralisé.


      Depuis le 26 février, la quasi-totalité des universités britanniques est en grève : 65 universités sur 68 ont en effet cessé les enseignements et la recherche. Le personnel administratif et les bibliothécaires se sont joints au mouvement de protestation. Il s’agit d’une grève en défense des retraites qui concerne l’ensemble du personnel employé dans l’enseignement supérieur. Elle a été déclenchée à la suite de l’échec des négociations entre University UK (UUK), une structure indépendante qui représente les présidences des universités et Universities and Colleges Union (UCU), le principal syndicat des enseignants et du personnel administratif au sein de l’université. Une troisième partie est pour le moment restée en retrait : le Universities Superannuation Scheme (USS), qui est l’organisme chargé de gérer au quotidien les retraites dans le secteur.
      Le point de désaccord porte sur une remise en cause radicale du système des retraites. UUK, invoquant un déficit de 7 milliards d’euros de la caisse des retraites, veut mettre un terme au régime actuel. Le montant des retraites est indexé au salaire final, ce qui garantit une retraite stable et à un niveau décent (defined benefit pension). UUK veut lui substituer un système beaucoup moins favorable qui prévoit que le montant des retraites ne sera plus garanti. Celui-ci dépendra des fluctuations des marchés boursiers. Ce changement aboutit à la privatisation totale des retraites et à un appauvrissement des retraité.e.s de l’enseignement supérieur.

      L’inquiétude est réelle chez les plus jeunes collègues, chez les thèsard.e.s qui se destinent à une carrière universitaire : à quoi bon étudier longtemps dans un environnement sélectif pour toucher une retraite de misère ?
      Selon une étude de UCU, la perte en revenus serait en moyenne de 12 000 euros par an pour chaque enseignant.e. C’est une moyenne car un.e universitaire âgé.e d’une quarantaine d’années pourrait perdre entre 14 000 et 18 000 euros. Un.e maître.sse de conférences qui a débuté sa carrière en 2007 pourrait ne recevoir que 7.000 euros de retraite annuelle si le nouveau régime était adopté. Ajoutons à cela le problème du gel des salaires : ceux des universitaires n’ont augmenté que d’1 % sur les 10 dernières années. Mais le recul du pouvoir d’achat ne concerne pas tout le monde. Le dirigeant le mieux payé de UUK a perçu une augmentation de salaire de 50% en 2014. Il gagne plus d’1 million d’euros par an.
      Pour certain.es membres de la profession, ce coup de force est si désastreux qu’il remet en cause le fait même de pouvoir prendre sa retraite. L’inquiétude est réelle chez les plus jeunes collègues, chez les thèsard.e.s qui se destinent à une carrière universitaire : à quoi bon étudier longtemps dans un environnement sélectif pour toucher une retraite de misère ? Les conditions statutaires des universitaires au Royaume-Uni se sont dégradées en deux temps : à partir des années 80, leur pouvoir d’achat a sensiblement baissé. Il n’a jamais été revalorisé depuis. Dans les années 90, les méthodes du management du privé ont été introduites au motif de « professionnaliser » les pratiques (multiplication des audits et développement de la bureaucratie autour des tâches d’enseignement et de recherche, transfert de tâches administratives jusqu’alors assurées par des adminstrateur.ice.s aux universitaires). Les enseignant.e.s du supérieur doivent effectuer 35 heures de travail par semaine. Des études ont montré que si le corps enseignant s’en tenait à ce plafond légal, un tiers de leur travail hebdomadaire ne pourrait être effectué. Les universitaires travaillent donc gratuitement des centaines d’heures chaque année en connaissance de cause.
      Dans l’université britannique, en partie privatisée, il est difficile de décrocher un poste, les charges d’administration sont importantes et l’impératif de publication et d’obtention de bourses de recherche accentuent le stress général. Les conditions de travail et d’enseignement sont certes meilleures que dans la plupart des universités continentales, notamment la France (infrastructure moderne, bureau personnel, etc.). Étant données les cadences de travail et l’érosion continuelle des salaires, les retraites fixées à un niveau décent garantissent à toutes et à tous une vieillesse à l’abri du besoin. Cette réforme menace de détruire ce dernier « conquis » universitaire. D’où l’émoi et la colère générale.

      C’est sur la base de données chiffrées fallacieuses que UUK a prescrit la fin du système de retraite garantie et plongé l’université dans l’une des plus grandes crises de son histoire.
      Les universitaires britanniques sont traditionnellement peu enclin.e.s à faire grève. Mes collègues estiment que faire grève, c’est pénaliser injustement les étudiant.e.s et affaiblir leur position dans un paysage universitaire précarisé. Les postes à vie (tenured positions) sont devenus hypothétiques de nos jours. On peut perdre son emploi du jour au lendemain si l’institution considère que le département ou l’emploi lui-même n’est plus économiquement « viable ».
      Dans une évaluation contestée par UCU, UUK a affirmé que la caisse des retraites USS était en déficit à hauteur de 7 milliards d’euros. Les experts du syndicat ont estimé que ce chiffre était fantaisiste et qu’il n’y avait, de fait, aucun déficit. Une étude indépendante a montré que les recettes (paiement des cotisations) étaient supérieures aux dépenses (paiement des retraites). La majorité des contributeurs au fonds de pension USS sont dans les premières années de leur carrière. Le fond ne risque donc pas de se tarir. La question du « déficit » repose sur une hypothèse chiffrée totalement improbable : celle de la faillite et de la fermeture simultanée de l’ensemble des universités du pays. Autant dire que pour qu’une telle hypothèse se vérifie, il faudrait compter avec une attaque nucléaire sur le Royaume-Uni. C’est donc sur la base de données chiffrées fallacieuses que UUK a prescrit la fin du système de retraite garantie et plongé l’université dans l’une des plus grandes crises de son histoire.
      D’autres observateur.ice.s ont noté que le montant du « déficit » (en toute mauvaise foi invoqué par UUK) correspond au montant des réductions de cotisation des universités à la caisse des retraites depuis 20 ans. À partir de 1997, les présidences d’université ne paient plus que 1 4% du montant des salaires alors qu’autrefois elles s’acquittaient de 18,55 %. Il suffirait donc de revenir aux versements antérieurs pour retrouver un équilibre (qui existe déjà sans cela).
      Une consultation des universités a été organisée mais elle a été entachée d’irrégularités graves. Parmi les 42 % de réponses d’institutions qui souhaitaient prendre « moins de risque » (c’est-à-dire qui acceptent la privatisation des retraites), les réponses d’Oxford et de Cambridge comptèrent pour une voix chacune alors que ces institutions ne sont pas des membres individuels, mais une structure fédérale rassemblant plusieurs Colleges. Cette autre manipulation douteuse a eu pour effet de faire monter à 42 % le score des institutions favorables au projet proposé par UUK, alors que le score réel était de 33 %. UUK a décidé de passer outre les réponses largement défavorables à sa proposition et d’imposer la réforme controversée.
      Depuis le début de la grève, une vingtaine de présidents d’universités (Provosts, Chancellors ou Vice-Chancellors) ont mis en garde publiquement UUK contre une réforme des retraites qui est rejetée par l’ensemble du personnel universitaire. Certain.e.s dirigeant.e.s d’institutions avaient dans un premier temps apporté leur soutien au projet de UUK avant de changer d’avis devant l’ampleur de la colère des universitaires.

      Les piquets de grève sont fournis, combatifs et joyeux, en dépit de températures souvent glaciales.
      UUK a sous-estimé l’opposition à son projet. La grève est massivement suivie depuis un mois. Les dernières semaines de cours de l’année académique ont été annulées ou largement perturbées. Les piquets de grève sont fournis, combatifs et joyeux, en dépit de températures souvent glaciales. Les collègues organisent des teach-outs, des cours improvisés et politisés dans la rue, dans les pubs, partout où ils/elles peuvent se réfugier. Après deux semaines de grève, UUK a fait parvenir à UCU un autre projet qui a été accepté par la direction du syndicat. Soumis au vote de ses membres, ce texte, au contenu vague, a été jugé insuffisant et unanimement rejeté. Sur Twitter des hashtags sont apparus : #NoCapitulation, #RejectUUKDeal, #Solidarity ou encore #TheStrikeGoesOn.
      UUK, par sa brutalité et son arrogance, est parvenu à radicaliser et à unifier une profession traditionnellement peu combative. Le 28 mars, la direction modérée de UCU, en dépit de l’opposition de la majorité des membres, a imposé la mise au vote d’une nouvelle proposition de UUK prévoyant la mise en place d’un comité bipartite chargé de résoudre le conflit. Une fois de plus, la proposition de UUK a été jugée ambiguë et insuffisante au regard de la revendication principale des grévistes : le maintien d’un niveau de retraite garanti. Entre UUK et le monde universitaire, la confiance est totalement rompue.
      UUK a enfin mal évalué la réaction des étudiant.e.s. Ceux.lles-ci sont décu.e.s de l’annulation des cours, mais ils/elles ont bien compris les raisons de la grève : comment l’université pourrait-elle recruter des enseignant.e.s ou des chercheur.se.s de qualité en leur promettant de telles retraites ? Le premier jour de la grève, mes collègues et moi avons reçu un email de soutien très chaleureux signé par plus des deux tiers des étudiant.e.s de mon département. Des étudiant.e.s se sont joint.e.s au piquets de grève, ont apporté aux grévistes des boissons chaudes et de la nourriture ou encore ont occupé l’université nuit et jour en solidarité avec les grévistes. Nombre d’entre-eux/elles refusent la privatisation des études.

      L’université apparaît aujourd’hui comme l’un des derniers îlots de résistance dans un pays où les systèmes de retraite misérables et aléatoires sont devenus la norme.
      Le mouvement de privatisation des retraites au Royaume-Uni n’est pas nouveau. L’université apparaît aujourd’hui comme l’un des derniers îlots de résistance dans un pays où les systèmes de retraite misérables et aléatoires sont devenus la norme. Il y a 25 ans, 8 millions de salarié.e.s bénéficiaient de retraites indexées sur le salaire final. Aujourd’hui, près de 6 millions ont des retraites soumis aux aléas des marchés boursiers. Si les salarié.e.s savent ce qu’ils/elles versent à leur caisse de retraite, ils/elles ne peuvent connaître le montant réel de leur retraite quand ils/elles cesseront leur activité professionnelle.
      Cette évolution s’explique par l’affaiblissement des syndicats dans le secteur privé à partir des années 80. Les employeurs ont profité du nouveau rapport de force pour progressivement baisser le montant de leur cotisation et accroître leurs gains. Les retraites qui dépendent des cotations en bourse coûtent moins cher à l’employeur puisque sa cotisation est largement réduite. On estime qu’un employeur contribue en moyenne à hauteur de 15 % des revenus dans un système de retraite garanti, contre seulement 3 % dans un système privatisé. Les risques sont maintenant presque totalement transférés aux salarié.e.s. Mieux vaut, dans ces conditions, ne pas prendre sa retraite pendant un cycle de récession économique ou après un krach financier comme celui de 2008.
      À partir des gouvernements Thatcher, la machine de propagande s’est mise en marche : les retraites à montant garanti seraient trop « généreuses » et trop « onéreuses ». En outre, la privatisation des retraites a été présentée comme une « liberté » accordée aux travailleur.se.s. Les salarié.e.s. pourraient choisir de confier leur argent à des fonds de pension qui auraient à cœur d’investir dans les « meilleurs » portefeuilles d’action. Cette « liberté » est bien sûr une illusion totale étant donnée la complexité des choix à opérer. Dans la plupart des cas, les individus s’en remettent aveuglément aux décisions opaques des fonds de pension. Autrement dit, les salarié.e.s jouent leur argent et leur retraite à la roulette.
      Le secteur public, sous la pression des conservateurs et de la presse de droite (et avec l’aval du New Labour de Tony Blair) s’est peu à peu aligné sur le privé. L’argument est bien rodé : en temps de crise économique, les salaires du privé et du public sont quasiment identiques. Le personnel du public, qui bénéficie (en principe) de la sécurité de l’emploi, jouirait de retraites « généreuses » qui seraient devenues « injustifiables » auprès des contribuables britanniques. Il s’agit donc de niveler par le bas et de donner à tous et toutes des retraites de misère.
      La remise en cause des retraites des universitaires participe d’une tentative de transformation générale de l’enseignement supérieur ; une transformation de son fonctionnement, mais aussi de ses objectifs principaux. Les frais de scolarité, introduits en 1998 par Tony Blair, sont plafonnés aujourd’hui à 10.000 euros par an (£9.250). Les présidences d’université les plus riches et prestigieuses (Oxford, Cambridge, Imperial College, UCL, LSE, etc.) souhaitent depuis plusieurs années que ce plafonnement légal soit retiré. Il s’agirait alors, dans la logique de la Ivy League étatsunienne, de fixer des frais d’inscription aussi élevés que les familles les plus riches seraient disposées à payer. Les universités moins réputées devraient se contenter de frais de scolarité inférieurs, ce qui aurait pour effet de davantage creuser les inégalités de ressource entre universités de renommée internationale et le reste des établissements.
      La marchandisation rampante et le consumérisme estudiantin sont le fruit de décisions politiques prises au cours des trente dernières années et qui ont culminé avec la publication du Higher Education and Research Act de 2017. Le gouvernement conservateur a alors officiellement reconnu que l’université n’était plus seulement un lieu d’apprentissage critique et de travail intellectuel, mais aussi un espace marchand dans lequel divers pourvoyeurs de services (les universités) sont en compétition pour gagner les ressources disponibles (financement de l’État, bourses de recherche et frais d’inscription payés au prix fort par les étudiant.e.s).

      Certain.e.s étudiant.e.s ont le sentiment d’acheter un diplôme et ces « client.e.s » attendent de leur institution qu’elle accomplisse avec professionnalisme et célérité ses devoirs à leur égard.
      La question des frais d’inscription a radicalement changé les mentalités au sein de l’université. Certain.e.s étudiant.e.s ont le sentiment d’acheter un diplôme. Ces « client.e.s » attendent de leur institution qu’elle accomplisse avec professionnalisme et célérité ses devoirs à leur égard : un professeur par trop « exigeant » dans ses notations ou sur le plan de la charge de travail sera parfois critiqué par des étudiants. Les demandes de rencontres personnalisées (one to one tutorials) se multiplient. Des étudiant.e.s attendent une réponse rapide à leurs emails, y compris le weekend. Cette pression générale culmine avec la publication annuelle du National Student Survey, introduit en 2005. Ce questionnaire est rempli en ligne. Le gouvernement souhaite savoir si ces « étudiant.e.s-consommateur.ice.s » sont « satisfaits de leur expérience » universitaire. Aucun des « services » n’est laissé à l’écart : qualité des enseignements, disponibilité du corps enseignant, célérité dans la remise des devoirs écrits, qualité du feedback, des services administratifs, de l’infrastructure mais aussi, last but not least, qualité des services « récréatifs » sur le campus (sociétés savantes, sports, activités culturelles, conférences, voyages, etc.).
      Il suffit, dans un département, qu’une poignée d’étudiant.e.s « déçu.e.s » note sévèrement ces services pour que la note générale baisse fortement. Mon département en sciences sociales et politiques européennes a connu cette mésaventure il y a deux ans après avoir obtenu des scores élevés les années précédentes. Pourtant, le personnel enseignant et administratif était le même et notre enthousiasme à la tâche identique. Avec le chef de département, j’ai été convoqué par des bureaucrates de l’université à de nombreuses réunions où nous étions censés expliquer les raisons de cette « chute ». Nous devions proposer des mesures pour veiller à ce que cette « contre-performance » ne se renouvelle pas. Nous étions conscients que ces résultats tenaient au mécontentement ponctuel d’une minorité active, et nous n’avions aucune mesure académique à proposer pour y remédier. Nous avons dû cependant jouer le jeu et promettre des « réformes ». L’une d’entre elles consistait à inviter nos étudiants de dernière année à boire un verre au pub (aux frais du département) une fois par mois pour « discuter dans un cadre amical de questions en rapport avec les enseignements ». Cette proposition démagogique fut accueillie très favorablement par les bureaucrates de mon institution. Cette année-là, le taux de satisfaction des étudiant.e.s atteignit un niveau record.
      On peut, à ce stade, se demander pourquoi les président.e.s d’université maltraitent des employé.e.s qualifié.e.s dont ils/elles ont le plus grand besoin pour maintenir la bonne réputation de leur établissement. La raison est aussi simple qu’insidieuse : pour pouvoir être accueillantes, modernes et richement dotées en services divers, les universités ont besoin d’énormément d’argent. Il faut sans cesse construire de nouveaux bâtiments pour accueillir un nombre d’étudiant.e.s qui ne cesse de croître (une source de revenu phénoménale), et embaucher des administrateur.ice.s souvent mieux payé.e.s que les universitaires, qui vont veiller à ce que « l’expérience estudiandine » soit good value for money (bon rapport qualité-prix).
      Il faut aussi noter que les président.e.s d’université, pour la plupart issu.e.s du privé, perçoivent des salaires et des avantages en nature qui sont comparables à ceux des dirigeants de multinationales. On assiste donc à une course à la dépense : chaque université essaie d’attirer des candidat.e.s en leur vantant des degrees de rêve sur des brochures luxueuses. La course à la dépense entraîne une autre course : celle à l’emprunt. On estime que les universités britanniques ont emprunté près de 4 milliards d’euros depuis 2016 ; une somme énorme comparée aux 30 milliards de recettes annuelles de l’ensemble des universités britanniques.
      Les universités sont donc lourdement endettées. On peut même parler de « bulle toxique » d’endettement similaire à celle qui a prévalu dans le système bancaire pré-2008. Ayant besoin de cash, les présidences d’universités les plus « compétitives » ont compris que si elles parvenaient à se délester de leur responsabilité financière en matière de retraite, elles pourraient emprunter davantage auprès des banques pour continuer d’investir… dans la pierre.
      Enseignant.e.s, chercheur.se.s, personnel administratif et étudiant.e.s sont réuni.e.s dans une lutte contre la marchandisation du savoir, synonyme de dégradation des conditions de travail et d’appauvrissement généralisé. Il est impossible de prédire quelle sera l’issue de ce conflit, mais une chose est déjà acquise à ce stade : cette grève est le symptôme d’un mal profond qui ronge l’un des meilleurs systèmes universitaires du monde. Ce mal s’appelle la précarisation (surtout celle des jeunes collègues avec la prolifération des contrats à durée déterminée), l’absence de démocratie et de transparence dans l’institution, l’absurde bureaucratisation des tâches enseignantes et de recherche ou encore la perte progressive d’autonomie d’une profession qui ne peut être utile à la société que si elle est protégée de la cupidité capitaliste.

      https://aoc.media/opinion/2018/04/03/universites-britanniques-contre-marchandisation-savoir
      #UK #Angleterre

    • Lettre des Enseignants non titulaires UFR 09 de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, reçue via email, le 12.05.2018.

      Chers et chères collègues,

      L’assemblée générale des enseignants non titulaires de l’UFR 09 de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne réunie le 11 mai 2018 s’associe aux demandes qui ont été faites de la tenue d’une AG de l’UFR la semaine prochaine afin d’aborder à la fois la question des modalités d’évaluations des étudiants et les réformes actuelles de l’université.
      Nous revendiquons le droit de participer à la prise de décision. Dans le cas contraire, nous nous réservons le droit de ne pas participer aux examens.

      Afin d’ouvrir le débat et en vue de cette AG, nous vous prions de trouver ci-dessous un texte d’analyse et de prise de positions de l’assemblée générale des enseignants non titulaires de l’UFR 09 réunie le 11 mai.

      « Le mouvement contre la loi ORE et contre Parcoursup n’est pas seulement un mouvement qui concerne les candidats à l’entrée à l’Université. Il concerne l’ensemble des personnels de l’enseignement
      supérieur et de la recherche. En effet, cette réforme s’inscrit dans une
      longue tendance de diminution des moyens attribués à notre
      administration, de privatisation progressive de l’enseignement
      supérieur, de suppression du cadre national des diplômes, c’est-à-dire
      de la reconnaissance des qualifications par les employeurs à travers les
      conventions collectives. Elle s’inscrit aussi dans le mouvement plus
      général d’attaques de la fonction publique et du statut des
      fonctionnaires, et, pour ce qui nous concerne plus particulièrement, de
      privatisation rampante de l’éducation nationale et de l’enseignement
      supérieur et de la recherche et de la mise en cause des concours de
      recrutement des enseignants.

      Les universités connaissent, depuis au moins une dizaine d’année,
      c’est-à-dire au moins depuis le passage à la RCE^1
      <https://mail.google.com/mail/u/1/#m_-1151261675030741013_m_1533638842899132911_m_5854701268593517903_sdf> élargies
      de profonds changements. La loi LRU de 2007, du fait de l’autonomie
      budgétaire, a été le moyen pour le ministère de l’enseignement supérieur
      et de la recherche, et en réalité derrière lui pour le ministère du
      budget, de faire endosser aux universités les conséquences des manques
      de moyens financiers accordés par l’État. Ce qui a eu pour effet, la
      suppression de postes à l’université et dans la recherche (à Paris 1,
      cette année 36 % des postes vacants d’enseignants-chercheurs ont été
      gelés) le triplement du nombre d’agents contractuels, la diminution des
      moyens rapportés à chaque étudiant (pour rappel, les dépenses engagées
      par un étudiant en classe préparatoire sont en moyenne de 15 052 euros
      par an et de 10 576 euros pour un étudiant à l’université).

      Cette nouvelle réforme de l’université vise à diminuer une nouvelle fois
      les moyens attribués à l’enseignement supérieur public. En effet, alors
      que le nombre de jeunes en âge d’entrer à l’université a augmenté, du
      fait de la croissance démographique de la fin des années 1990 et du
      début des années 2000 et de l’augmentation de la proportion de jeunes
      obtenant le baccalauréat, les différents gouvernements successifs ont
      fait le choix de ne pas augmenter les moyens alloués à notre secteur. Il
      est tout à fait possible de créer les places nécessaires pour accueillir
      ces candidats. Cela a été fait pour la rentrée 1969 avec, par exemple,
      la création de trois nouvelles universités expérimentales (Vincennes,
      Dauphine et Luminy). Le plan U 2000 lancé en 1991 constitue un autre
      exemple de création de places et d’établissements pour absorber la
      croissance démographique étudiante. Ce plan national a constitué une
      masse globale d’investissements de 40,3 milliards de francs sur neuf
      ans. Il a permis la construction de 3,5 millions de mètres carrés de
      nouveaux bâtiments universitaires et huit nouvelles universités en
      France dont quatre en Île-de-France (Évry, Cergy, Marne-la-Vallée,
      Versailles-Saint-Quentin). Parcoursup n’est pas qu’une solution
      technique aux dysfonctionnements d’APB, qui étaient dus à la saturation
      du système. Elle vise à faire endosser par les universités les choix
      budgétaires du gouvernement.

      À Paris 1, on assiste à une diminution du nombre
      d’enseignants-chercheurs titulaires ainsi que du nombre de doctorants
      contractuels, à des sur services de plus en plus importants, à un
      accroissement du recours aux vacataires pour assurer des charges
      d’enseignements. Pour prendre l’exemple de l’histoire médiévale, il y
      avait en 2010-2011 41 titulaires et contractuels temps plein (7 rang A,
      15 rang B, 1 PRAG, 4 ATER à temps complet et 14 moniteurs) pour 580
      étudiants en L1. En 2016-2017, il n’y avait plus que 29,5 titulaires et
      contractuels temps plein (5 rang A, 15 rang B dont 3 IUF - soit
      l’équivalent de 13 rang B temps plein, 1 PRAG, 1,5 ATER et 9 moniteurs)
      pour 785 étudiants en L1. Les TD sont passés pour les mêmes années de 24
      à 35 étudiants avec, par ailleurs, un recours de plus en plus
      systématique à des vacataires. Pour les fondamentales en histoire en L1
      et L2, les TD assurés par des vacataires représentent l’équivalent de
      897 heures (4 postes ½ d’ATER temps plein ou de maître de conférence)Ces
      choix budgétaires conduisent également à un manque chronique de
      personnel administratif, à la fermeture de la BIS le samedi (1^er
      semestre 2016-2017) qui s’est transformée en ouverture sans
      possibilité de commander des ouvrages ce jour-là, à une augmentation des
      tarifs d’entrée à la BIS pour les chercheurs qui ne sont pas de nos
      universités. Pour les étudiants, cela se traduit par des TD de plus en
      plus chargés, un manque de place dans nos bibliothèques, un nombre de
      manuels de base trop peu importants rapportés au nombre d’étudiants.

      Cette réforme ne sera pas la dernière de l’université. Nous savons que
      d’ici quelques semaines ou quelques mois au plus, sera sur la table une
      réforme qui aura pour conséquence l’accroissement de « l’autonomie » des
      universités, la suppression du diplôme de la licence remplacé par une
      addition de modules ; la fin de l’obligation des 1 500 heures
      d’enseignement pour une licence ; le développement des enseignements
      appelés non présentiels qui aura pour effet la forte diminution du
      nombre d’heures de cours magistraux ; la modulation des frais
      d’inscription des étudiants en fonction du nombre de modules et en
      fonction du choix qu’ils feront entre des enseignements à distance,
      c’est-à-dire seuls derrière leur écran, et des enseignements réalisés en
      classe en face d’un enseignant ; l’augmentation des frais d’inscription
      (à titre d’exemple, les masters Vidal à Nice, dont les montants des
      frais d’inscription s’élèvent à 4 000 euros) ; la possible suppression
      de la distinction entre les CM et les TD ; la suppression des partiels
      de fin de semestre ; des modalités d’évaluations qui ne seraient plus
      définies nationalement. Les diplômes modulaires auront pour conséquence
      de détruire le cadre national des diplômes (niveau de qualification
      reconnu dans les conventions collectives et donnant droit à un salaire
      supérieur au SMIC) et d’augmenter les droits d’inscription (pour les DU,
      les droits d’inscription sont librement fixés par chaque université).
      Pour les personnels, BIATSS, la gestion des parcours individualisés et
      des blocs de compétences mènera à un surcroît de travail et de stress.

      Cette réforme fait par ailleurs partie d’une attaque contre l’éducation
      nationale : la réforme du baccalauréat général, en détruisant les trois
      filières existantes, en supprimant le caractère national de ce diplôme,
      va lui-aussi accroître les inégalités d’accès à l’enseignement supérieur
      des lycéens. Nous le savons depuis des années, et en particulier depuis
      la réforme de 2009, qui a modifié les concours de recrutement, ceux-ci
      sont en danger. Il est certain que le nombre de postes offerts au
      recrutement va continuer à diminuer^2
      <https://mail.google.com/mail/u/1/#m_-1151261675030741013_m_1533638842899132911_m_5854701268593517903_sdf>.
      Par ailleurs, les carrières d’enseignants n’attirent plus, à la fois du
      fait de la faiblesse des salaires, due à la non revalorisation du point
      d’indice et la non revalorisation des salaires des enseignants en
      particulier, et du fait de la dégradation des conditions de travail.
      Dans le même temps, on observe le recours croissant aux enseignants
      contractuels (l’an prochain l’académie de Versailles a prévu de recruter
      600 professeurs contractuels). Cela nous concerne directement, d’abord
      peut-être car, pour beaucoup nous sommes certifiés ou agrégés, et que
      pour certains d’entre nous, nous avons exercé ou exercerons dans le
      secondaire ; enfin aussi, car la préparation à l’agrégation et au CAPES
      est l’une des formations importantes de notre UFR et que la bibliothèque
      Lavisse est la bibliothèque de l’agrégation, tout comme les oraux se
      préparent à l’institut de géographie et à la BIS.

      Nous, ATER, doctorants contractuels ayant une mission d’enseignement,
      vacataires, sommes opposés aux réformes en cours qui entraîneront la
      destruction du métier que nous désirons exercer et pour lequel nous
      avons consacré plusieurs années de formation et nous nous déclarons
      opposés aux transformations des modalités d’entrée à l’université. Nous
      nous associons à ce mouvement, et appelons tous nos collègues,
      non-titulaires et titulaires, et tous les étudiants de notre université
      à entrer dans la lutte.

      C’est pourquoi, nous soutenons les étudiants et les personnels mobilisés
      de Paris 1 et de l’ensemble des universités françaises.

      Saisissons nous de cette occasion pour nous opposer à la mise en
      concurrence généralisée, et, ainsi défendre, ensemble, nos conditions de
      travail, nos conditions d’étude et notre avenir.

      En conséquence de quoi, nous portons les revendications suivantes :

      /La loi ORE/

      Nous demandons l’abrogation de la loi ORE. En effet, l’offre de
      formation universitaire doit s’adapter au nombre de jeunes ayant obtenu
      le baccalauréat et désirant suivre une formation supérieure à
      l’université, et, autant qu’il est possible, dans les filières
      auxquelles ils aspirent.

      Cela implique l’accroissement du nombre de places dans l’enseignement
      supérieur, et en particulier dans les IUT, afin que les bacheliers issus
      des filières professionnelles et technologiques puissent aussi y avoir
      accès, et, plus généralement, dans les filières dites en tension. La
      sélection ou bien le tirage au sort ne sont pas la solution à la
      croissance démographique.

      Nous sommes favorables à la mise en place de mesures d’accompagnement
      des étudiants entrant à l’université et dont le niveau n’est pas
      suffisant pour suivre le cursus qu’ils ont choisi.

      Immédiatement, nous demandons que les candidats puissent classer leurs
      vœux sur Parcoursup. Il est, en effet, tout à fait possible de demander
      aux 800 000 candidats de se connecter sur la plateforme et de
      hiérarchiser leurs 10 vœux, comme ils l’auraient fait avec Admission
      Post Bac en 2017. Une fois ces vœux hiérarchisés, il sera possible de
      déterminer les formations dans lesquelles il manque des places pour que
      l’ensemble des bacheliers puisse être affectés sur leur premier vœu
      universitaire. Cette hiérarchisation permettra d’une part de limiter les
      listes d’attente dans tous les secteurs (universitaire comme STS et
      CPGE), et d’autre part d’éviter que les 20 % de « meilleurs » bacheliers
      monopolisent les places en leur proposant « seulement » le vœu qu’ils
      auront classé premier.

      /
      /
      /Accroissement des moyens de l’université/

      Nous demandons l’augmentation du budget du ministère de l’Enseignement
      supérieur et de la recherche afin d’améliorer les conditions matérielles
      d’étude des étudiants. Ce qui implique la construction de locaux
      supplémentaires, l’augmentation des dotations des bibliothèques,
      l’augmentation du nombre d’enseignants-chercheurs titulaires de la
      fonction publique, ainsi que du personnel administratif et technique,
      lui aussi recruté sous le statut de fonctionnaire d’État. L’embauche de
      personnels administratifs doit permettre de décharger les enseignants
      chercheurs autant que possible et améliorer les conditions de travail
      des agents administratifs confrontés à l’alourdissement de leur charge
      de travail et à l’intensification de celui-ci.

      Nous sommes début mai, il reste le temps, comme en 1968, de déclencher
      un plan d’urgence pour la rentrée prochaine en créant les places
      (c’est-à-dire les postes et les mètres carrés) permettant d’affecter un
      maximum de bacheliers sur leur premier vœu.

      /Amélioration des conditions matérielles des salariés de l’université : /

      Nous demandons la revalorisation de nos rémunérations qui doit passer
      par l’augmentation du point d’indice pour tous les fonctionnaires, et
      aussi par une augmentation de la rémunération des jeunes chercheurs.

      Outre l’augmentation du nombre de postes, qui doit passer par un dégel
      des postes de fonctionnaires, nous demandons la titularisation ou la
      CDIsation des personnels en CDD.

      Nous nous opposons à toute remise en cause du statut des enseignants
      chercheurs dont nous savons que le ministère de l’ESR n’a pas renoncé à
      sa transformation, malgré sa défaite partielle de 2009.

      /Revendications spécifiques aux doctorants et aux enseignants non
      titulaires/

      Nous soutenons les revendications portées par le mouvement de
      mobilisation des doctorants, et en particulier la mensualisation du
      traitement des vacataires ; l’élargissement de l’exonération des frais
      d’inscription pour les doctorants de Paris 1 qui sont aussi vacataires
      de l’université et l’exonération pour les doctorants sur critères
      sociaux ; le remboursement des frais de transport pour les vacataires et
      sur critères sociaux pour les autres doctorants ; amélioration des
      conditions matérielles de travail ; augmentation des financements de
      thèse (contrats doctoraux et postes d’ATER pour que les doctorants
      soient rémunérés pour le travail.

      /Plan licence à venir/

      Nous exigeons le maintien de la licence comme examen national et
      qualifiant, d’un contenu disciplinaire en présentiel de 1500 heures
      minimum.

      Nous demandons le respect des statuts des enseignants chercheurs :
      comptabilisation des heures sur la base du présentiel (avec maintien de
      la distinction CM/TD), modulation seulement sur demande de
      l’enseignant-chercheur (cette demande expresse restant le seul acquis
      obtenu lors des négociations de 2009 sur le statut des EC). »

      /L’assemblée générale des enseignants non titulaires de l’UFR d’histoire
      de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne réunie le 11 mai 2018./

      1
      <https://mail.google.com/mail/u/1/#m_-1151261675030741013_m_1533638842899132911_m_5854701268593517903_sdf
      s’agit de compétences budgétaires et de gestion des ressources humaines
      (recrutement d’agents contractuels et gestion des primes, répartition
      des obligations de services et création de dispositifs d’intéressement)

      2
      <https://mail.google.com/mail/u/1/#m_-1151261675030741013_m_1533638842899132911_m_5854701268593517903_sdf
      2017, 7 315 postes étaient ouverts pour l’ensemble des CAPES dont 680 en
      histoire-géographie et 1920 postes pour toutes les agrégations, dont 90
      en histoire. En 2018, 5 833 postes étaient ouverts pour l’ensemble des
      CAPES, dont 540 en histoire ; pour l’agrégation les chiffres étaient de
      1 555 dont 72 en histoire.

    • Où va le train des réformes de l’université ?

      Edith GALY, Enseignante-Chercheure à l’Université Nice Sophia-Antipolis et Bruno DAUVIER, Enseignant-Chercheur à Aix-Marseille Université vous livrent leur analyse concernant la mutation importante que subit le paysage universitaire depuis quelques mois, participant d’un changement radical de vision de l’université.

      https://blogs.mediapart.fr/edith-galy/blog/120518/ou-va-le-train-des-reformes-de-luniversite

    • Universités : non à l’éviction politique des professeurs non-titulaires !

      Les professeur.e.s « non-titulaires » (précaires aux statuts divers) sont plus d’un tiers des enseignant.e.s dans les universités. Plus mobilisé.e.s que les titulaires contre Parcoursup et la loi ORE, elles/ils sont tenu.e.s à l’écart des consultations internes. La motion des professeur.e.s non titulaires de l’UFR d’histoire de Paris 1 Panthéon-Sorbonne évoque ce problème dans un texte magnifique.

      https://blogs.mediapart.fr/jerome-valluy/blog/130518/universites-non-leviction-politique-des-professeurs-non-titulaires

    • Parcoursup, le niveau qui baisse et la théorie des mariages stables (Partie 1/2).

      Le moment est propice à un mouvement offensif de refondation de l’Université, dans un retour aux sources [1]. Comment, à partir de nos pratiques, repenser l’institution sociale dédiée à la production, à la transmission, à la critique et à la conservation des savoirs ? Comment reprendre possession de nos métiers et, simplement, faire ? Ce point de vue, stratégique et fondateur, à l’opposé de toute tentation réactionnaire faisant miroiter un âge d’or auquel il s’agirait de revenir, nous avait jusqu’à présent retenus de formuler une analyse des réformes du baccalauréat et de la licence. Pourquoi s’opposer à une loi sur le mode du “non à…” quand il y a pareille nécessité à tout recommencer, à tout reconstruire, à tout ré-instituer à partir de l’idée même d’Université ? N’est-il pas temps qu’une coordination des universitaires voie le jour, qui porte les exigences d’une pareille auto-institution ?

      Les textes critiques consacrés à ParcourSup et à la loi Vidal [2] laissent pendantes plusieurs questions importantes, auxquelles nous consacrerons un billet en deux parties — mais trois points :

      Les algorithmes qui sous-tendent les systèmes APB et ParcourSup sont radicalement différents. Que nous apprend leur comparaison sur l’idéologie des hauts-fonctionnaires qui ont conçu ParcourSup et sur leurs capacités de mise en œuvre ? Que va-t-il se passer lors du crash-test en conditions réelles, la dernière semaine de mai ?
      La loi Vidal suscite l’adhésion d’une partie significative des universitaires, insoupçonnables de croire aux éléments de langage indigents propagés du ministère aux militants d’En Marche en passant par les bureaucraties universitaires [3]. Dès lors, à quels problèmes réels pensent-ils que cette loi répond ? Comment poser correctement les problèmes du niveau des étudiants et des rapports entre Université et grandes écoles ?
      Les réformes en cours ne sont pas des mesures techniques puisqu’elles ont été théorisées dès le rapport Aghion-Cohen de 2004 [4]. Dès lors, il devient primordial de remettre ces mesures en perspective par rapport au projet global de mutation du système universitaire, d’essence néolibérale.

      Ce qui a buggé dans APB, ce n’est pas le logiciel, mais bien l’Etat. — Cédric Villani

      Le passage du système APB [5] au système ParcourSup traduit une tentative de plateformisation gestionnaire de l’Etat, ici pour orienter les bacheliers dans les filières d’enseignement supérieur. De prime abord, il s’agit d’affecter au mieux 887 681 étudiants dans 13 200 formations, ce qui constitue un problème d’optimisation bien posé en théorie des jeux : le “problème des mariages stables”. Sa résolution nécessite d’avoir posé au préalable les critères en vertu de quoi l’optimisation est opérée, c’est-à-dire le choix politique, l’idéologie. Dans le système APB, les candidats formulaient des vœux ordonnés. L’affectation y était faite de sorte à optimiser globalement les formations proposées aux étudiants selon l’ordre de préférence qu’ils avaient au préalable spécifié, en suivant le meilleur algorithme connu pour le problème des mariages stables : celui conçu par Gale et Shapley en 1962. Ainsi, APB a pu réussir à attribuer un vœu à 4 étudiants sur 5 dès le premier tour, témoignant de la puissance de l’algorithme pour remplir l’objectif politique assigné.

      A l’évidence, la plateforme ParcourSup ne vise pas le même objectif puisqu’elle repose sur les règles suivantes :

      Les candidats ne classent plus leurs vœux mais fournissent des éléments d’appréciation de leur “capital humain” (notes scolaires, lettres de motivation, CV, lycée d’origine, hobbies, etc., ce qui fournit des indications claires sur leur milieu social). [6]
      Les universités sont dotées d’outils de classement des candidats, locaux et opaques, permettant de contourner la loi Informatique & Liberté, qui prohibe toute décision fondée sur un algorithme aveugle.
      Les résultats seront donnés de manière synchrone et les choix des candidats se feront “au fil de l’eau”.

      ParcourSup est en premier lieu une entreprise de contrôle des subjectivités, conforme à la théorie du capital humain [7]. Ce contrôle passe par un système de normes produites par la techno-bureaucratie et qu’il s’agit de faire intégrer aux universitaires, aux étudiants et à leurs familles : il s’agit de les occuper — au sens commun comme au sens militaire. En imaginant que l’on puisse classer un candidat en passant 5 minutes sur son dossier, le classement des 7 millions de vœux déposés sur ParcourSup consommerait en pure perte deux siècles de travail — 80 000 journées de 7 h. On réalise alors que le CV et les lettres de motivation ne serviront pas à classer les candidatures : elles ne sont exigées que pour imposer l’image d’un recrutement professionnel et faire disparaître le baccalauréat comme certification nationale ouvrant droit aux études universitaires. L’anxiété que ces éléments aussi absurdes qu’inutiles ont générée dans les familles des lycéens a donc été pensée pour marquer les esprits.

      Si la plateforme ParcourSup ne repose plus, à l’évidence, sur la maximisation du niveau de satisfaction des bacheliers vis-à-vis de leurs vœux, puisque les vœux n’y sont plus ordonnés, elle ne repose pas plus sur une optimisation du niveau de satisfaction des formations — qui eût permis l’utilisation du même algorithme de Gale et Shapley. La raison est fort simple : toutes les formations ont intérêt, pour leur propre logique d’appréciation, à attirer les mêmes étudiants. Dès lors, la probabilité est forte qu’un candidat en tête d’un classement réalisé pour une formation le soit également dans les classements de toutes les autres formations dans lesquelles il aura déposé des voeux. La pondération de différents critères entre les formations n’affectera que marginalement ce fait. Le jour où les candidats recevront leurs réponses, l’élite scolairement et socialement dominante sera donc mécaniquement sélectionnée pour la quasi totalité des places disponibles : winners take all. Parions, en vertu du principe de Pareto, que 20% des candidats monopoliseront 80% des places disponibles au soir du 22 mai, provoquant un mouvement d’angoisse à quelques semaines du bac et un mouvement de fuite des mieux dotés en “capital humain” vers les formations privées, chères et de très mauvaise qualité. Les candidats non retenus seront placés dans des files d’attente qui seront résorbées avec des temps de réponse de 7 jours du 22 mai au 25 juin, de 3 jours du 26 juin au 20 août et de 1 jour à partir du 21 août. Selon toute probabilité, un candidat moyen devra attendre longtemps pour se voir proposer un de ses vœux, qui n’a qu’une faible chance d’être la formation la plus désirée, le conduisant à un choix par défaut.

      Il existe un palliatif risqué pour atténuer la taille des files d’attente : surbooker les filières en pariant sur le nombre de candidats qui refuseront la proposition. En vertu du principe de Murphy — tout ce qui est susceptible de mal tourner, tournera mal — plus les responsables du tri sélectif se croiront astucieux et pratiqueront la spéculation et plus le chaos s’installera. Si les commissions de tri visent trop bas, elles risquent le “sousbooking” et si elles visent trop haut, le surbooking.

      En résumé, la plateforme ParcourSup a remplacé l’algorithme APB d’optimisation de la satisfaction des étudiants vis-à-vis de leurs vœux par une usine à gaz bureaucratique et chronophage. Elle agit comme un révélateur de l’idéologie hégémonique : l’ensemble du dispositif se focalise sur les “meilleurs étudiants” qu’il s’agit d’attirer dans les “meilleurs formations”. Cette fiction du “premium” est obtenue en dégradant ce qui est proposé au plus grand nombre : explosion des délais d’attente, encouragement à fuire vers les formations médiocres du privé, rejet de l’idée d’un optimum de satisfaction collective, solution de “mariage” étudiant/formation sous-optimale. Elle agit également comme révélateur de l’absence de formation à la recherche des hauts-fonctionnaires ministériels, qui ignorent manifestement tout des conditions d’expérimentation qui eussent permis à la plateforme de ne pas optimiser… le mécontentement général et la dégradation de l’Université.

      [1] Des grandes écoles se vantant d’être sélectives mais souffrant de demeurer invisibles dans l’inepte classement de Shanghai opèrent le mouvement inverse, se contentant d’usurper le label “université”, comme si ce changement cosmétique pouvait leur conférer la grandeur de celle-là…

      [2] Les enjeux cachés de la réforme du bac. Stéphane Beaud
      La réforme Macron de l’université. Stéphane Beaud et Mathias Millet
      ParcoursUp, une réforme conservatrice.Romuald Bodin et Sophie Orange
      Sélection à l’université : idées fausses et convergences inattendues. Philippe Coulangeon
      "En marche" vers la destruction de l’université. Eric Berr et Léonard Moulin
      Les étudiants livrés au marché de l’anxiété. Annabelle Allouch
      Tribune-pétition de soutien aux étudiants. Collectif
      Diaporama de réponse de Sauvons l’Université. Laurence Giavarini, Élie Haddad et Valérie Robert

      [3] Dans un premier temps, les éléments de langage à répéter en boucle étaient : “Etre contre ParcoursUp, c’est être pour le tirage au sort.”, “Nous investissons un milliard dans l’Université.”, “Ce n’est pas une sélection, c’est une orientation qui met l’étudiant au cœur du système.”, “Les examens, c’est la sélection par l’échec.”, “Il faut arrêter la désinformation.”, etc. Le perroquet doit maintenant disqualifier le mouvement étudiant : “Le mouvement est minoritaire et vient d’agitateurs professionnels politisés.” “Cette minorité prend en otage pour planter les partiels.”, “Des éléments violents”, “Rien de commun avec 68 où il y avait un vrai rêve ; en 2018, il y a une véritable angoisse à laquelle il faut répondre par plus de pédagogie”.
      Contredire ces mots d’ordre nécessiterait un travail à temps plein. Prenons un exemple. Pour connaître le budget de l’Université, il convient de regarder dans les jaunes budgétaires jaunes budgétaires, non l’enveloppe budgétaire globale de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (qui augmente pour financer le déplafonnement du Crédit d’Impôts Recherche) mais les programmes 150 et 231. Il apparaît alors que ce budget est passé de 13,01 milliards € à 13,19 milliards € entre 2017 et 2018, sans prendre en compte de possibles annulations de crédits en fin d’année. Cette différence correspond exactement à l’inflation. Du milliard annoncé il n’existe pas le plus petit centime. Pour plus d’information, on pourra se reporter au diaporama de réponse de Sauvons l’Université.

      [4] www.groupejeanpierrevernant.info/RapportCohenAghion.pdf
      voir aussi
      www.groupejeanpierrevernant.info/SlidesAghion.pdf

      [5] Dossier de presse d’APB

      [6] Cette règle a fait la fortune d’officines douteuses de coaching en orientation.

      [7] Nous allons consacrer le troisième volet de notre synthèse sur le néolibéralisme à la théorie du capital humain.

      http://www.groupejeanpierrevernant.info/#Parcoursup1

      #APB #algorithme

    • Quand Parcoursup généralise l’#arbitraire social, les étudiants ont raison de se révolter

      Ils pérorent sur la faible mobilisation contre Parcoursup et ses « agitateurs professionnels ». Mais ils n’en sont pas moins inquiets. Certes, toutes les universités ne voient pas leur fonctionnement régulier scandé par des assemblées générales, des cours alternatifs, des blocages bien pacifiques et des déblocages souvent violents. Certes, ce sont davantage dans les départements de lettres et de sciences sociales que les étudiants se mobilisent. Il n’en reste pas moins que cette mobilisation est significative, et la stratégie du gouvernement pour l’endiguer en témoigne.

      L’heure est à la disqualification du mouvement. Tantôt en l’infantilisant, les « examens en chocolat » que réclameraient les étudiants mobilisés ont les mêmes accents que ceux qu’utilisait le gaullisme finissant il y a cinquante ans (le mouvement décrit à ses débuts comme le prurit d’étudiants oisifs). Tantôt en activant les peurs que peut susciter, lors de toute effervescence sociale, la vision de « dégradations » dans des locaux universitaires dont on oublie qu’ils étaient avant le mouvement souvent dégradés (cf. Tolbiac).

      Au-delà de la répression dont il est l’objet, le mouvement contre Parcoursup est significatif aussi parce qu’il témoigne d’une #prise_de_conscience de la grande transformation de l’enseignement supérieur à l’œuvre. Car, derrière Parcoursup, il y a un train de réformes délétères que le gouvernement veut faire passer dans la foulée : redéfinition de la licence, qui la videra d’une partie de ses contenus disciplinaires, limitation de l’accès au master pour les étudiants qui obtiendront ces peaux d’âne dans des « universités Potemkine », dualisation accrue de l’enseignement supérieur avec l’émergence de dix universités d’#excellence et la transformation subséquente des autres en quasi-collèges universitaires, augmentation massive des #droits_d’inscription.

      Mais, dans l’immédiat, il y a cette mobilisation contre Parcoursup. Une mobilisation solidaire des étudiants… pour les lycéens qu’ils ont été. Parce que ce sont bien d’abord les lycéens qui seront victimes de ce nouveau dispositif indûment présenté comme d’orientation et de réussite. Les ratés du dispositif Admission post-bac (APB) – le tirage au sort (marginal, puisqu’il concernait bien moins de 1 % des candidats) – ont été instrumentalisés pour mettre en place Parcoursup, qui généralise l’arbitraire, non plus celui du hasard, mais celui de l’origine sociale. Car Parcoursup est bien un dispositif de sélection sociale, derrière les apparences d’une orientation « rationalisée ».

      Si la prise en compte des résultats scolaires antérieurs est déjà le cas pour la partie sélective de l’enseignement supérieur, la spécificité de l’université, qui en fait aussi sa grandeur, est de ne pas tenir compte du « casier scolaire » des étudiants, ni des notes, ni du type de baccalauréat obtenu. On ne niera pas que les bacheliers technologiques et plus encore professionnels rencontrent dans un premier temps plus de difficultés que les autres à l’université, surtout dans les conditions matérielles dégradées que l’on sait. Mais il reste qu’un nombre significatif d’entre eux, avec un peu plus de temps, vont pleinement réussir, faisant oublier leur origine scolaire, aujourd’hui si stigmatisée.

      Voici l’une des raisons pour lesquelles les sociologues, à qui l’on fait pourtant régulièrement le procès d’être « déterministes », s’opposent majoritairement à Parcoursup. Le regard sociologique conduit aussi forcément à dévoiler, derrière la #sélection_scolaire en amont de l’université, une sélection sociale. En 2016, selon les statistiques du ministère de l’Éducation nationale (« Repères et références statistiques 2017 »), les enfants d’ouvriers ou d’employés représentent 54,7 % des élèves de bac pro, 45,4 % des bacheliers technologiques, 31,6 % des lycéens de terminale générale.

      Mais Parcoursup va bien au-delà d’une sélection au faciès de bac ou au profil de notes. Les critères sociaux sont prépondérants derrière la neutralité apparente de l’algorithme. Les élèves doivent ainsi rédiger un « projet de formation motivé ». Les élèves ? Ou plutôt leurs parents, ceux d’entre eux qui ont les capitaux nécessaires (économiques, sociaux, culturels) pour décrypter les « attendus » (souvent flous dans leur généralité) des filières universitaires, et y ajuster ensuite la lettre de motivation étayée et le CV associé.

      Des officines privées proposent d’ailleurs déjà ce type de prestations. C’est dire dans tous les cas le caractère artificiel de la motivation de ce projet « personnel ». Mais, en amont, il y a aussi cette évaluation par le lycée d’origine des « compétences » sociales (comme telles socialement discriminées) de l’élève. Dans la « #fiche_avenir », les professeurs principaux doivent se prononcer sur l’engagement et l’esprit d’initiative des élèves !

      On est loin de critères scolaires et sera ainsi valorisé un « savoir-être » davantage cultivé dans les milieux favorisés. Le proviseur, quant à lui, comme s’il connaissait individuellement chaque élève, est appelé à évaluer sa capacité à réussir dans la formation visée. Il vaudra mieux avoir été un élève docile, ne pas s’être fait remarquer par son comportement ou ses prises de position. Mais les proviseurs développeront également des stratégies d’établissement, notamment dans l’enseignement privé. Les universitaires, présidents de jury de bac, puisqu’il s’agit là du premier grade universitaire, les voient déjà à l’œuvre : la distribution des « #avis » (très favorable, favorable, assez favorable, doit faire ses preuves) est toujours très généreuse (et assez largement déconnectée des résultats chiffrés) dans ces établissements engagés dans des rapports de clientèle avec les familles socialement plus aisées (38 % des élèves du privé étaient issus de milieux sociaux favorisés, contre 20,5 % pour le public). Or ces avis sont déterminants au moment des délibérations pour l’obtention des mentions ou pour que les notes du candidat soient relevées afin d’obtenir le diplôme ou d’accéder au rattrapage.

      On le voit, Parcoursup est bien un dispositif, politiquement assumé, de #sélection_sociale.

      https://www.humanite.fr/quand-parcoursup-generalise-larbitraire-social-les-etudiants-ont-raison-de-
      #taxes_universitaires

    • Parcoursup : « Il y a un côté hyperviolent à opérer un classement »

      Plus de 6 000 dossiers à trier, suivant des critères variables et discutables… Alors que les premiers résultats tombent ce mardi, une enseignante raconte à « Libération » ses cinq semaines de dilemmes.

      Montée d’adrénaline en perspective. Quelque 800 000 élèves de terminale et étudiants en réorientation connaîtront ce mardi les premiers résultats de leurs souhaits d’affectation dans le supérieur pour la rentrée prochaine. Le vrai changement concerne l’entrée à l’université. Ces dernières semaines, les enseignants-chercheurs ont été invités à classer les candidatures des élèves. Certains se sont pliés à l’exercice avec goût, voyant là une chance de choisir les meilleurs profils et faire grimper les taux de réussite en licence. D’autres ont refusé catégoriquement, furieux de ce qu’ils considèrent comme une sélection à peine déguisée. D’autres encore y sont allés à tâtons, partagés entre souci de mettre les mains dans le cambouis pour ne pas léser les futurs bacheliers et frustration face à une réforme menée sans les moyens ni le temps nécessaire pour la mettre en place comme ils le voudraient. L’enseignante à qui nous donnons la parole fait partie de ceux-là. Elle ne souhaite pas que son nom apparaisse, tant cette réforme crispe et divise au sein de la communauté universitaire. Avec quatre collègues volontaires, elle s’est retrouvée à trier plus de 6000 dossiers en cinq semaines. En septembre, environ 800 élèves rejoindront les bancs de sa fac.
      « YouTube, à côté, c’est rien »

      « On en a fini avec ce Parcoursup. Je ne dirai pas encore que je suis soulagée, mais du moins contente qu’on s’en soit sortis. On a fait le boulot, classé les candidatures. Désormais, c’est au dessus que cela se passe. Les élèves n’ont pas idée de nos dilemmes depuis un mois et demi… Heureusement qu’ils ne savent pas, cela dit.

      « Ma tâche consistait à classer plus de 6000 dossiers. Ce n’était pas de dire si tel ou tel élève a bien travaillé. Ou si on aime tel ou tel profil. Spontanément, c’est ce qu’on a envie de faire. Surtout quand on se retrouve face à une somme gigantesque d’informations. C’est très addictif. YouTube, à côté, c’est rien. On sait tout sur leur vie scolaire et même plus : identité, sexe. Le nom de leur lycée figure dans le dossier. La consigne était de ne pas en tenir compte, mais techniquement, il reste possible de classer avec ce critère. Il y a aussi les bulletins scolaires, avec toutes les notes, les moyennes de la classe, les appréciations des professeurs… Les lettres de motivation aussi. Beaucoup se ressemblent. Mais dans le lot, certaines sont sincères et touchantes. J’ai en tête cet élève : "J’ai changé, je jouais trop aux jeux vidéo. Là, j’ai arrêté, je suis très motivé." Trop mignon. Cela pourrait prêter à sourire. Mais je peux vous dire qu’on n’a pas ri. Il y a un côté hyperviolent à opérer un classement en entrant dans le détail des candidatures. Il faut arriver à se détacher de leurs histoires personnelles. J’ai parfois été prise de vertiges.

      « Rassurer l’ordinateur »

      « Tous les responsables de formation ont joué aux apprentis sorciers. Je ne comprends pas que le ministère n’ait pas imposé dès le début des critères uniformes. Depuis le départ, on confond autonomie et pouvoir d’expertise des équipes. Il y a un gros contresens. Pour moi, il était essentiel que les critères, "les attendus" [c’est le terme officiel, ndlr], soient les mêmes par discipline. Que la définition de ce qu’on estime être un bon élève pour des études de droit, par exemple, soit identique dans toutes les facs. Au début, j’ai cru que l’uniformisation des attendus au niveau national serait une garantie… jusqu’à ce qu’on nous annonce a posteriori qu’attendus et paramètres informatiques étaient deux choses différentes et que chacun déterminerait librement ses paramètres de classement. Quelle transparence ! Comment traduire "bonne qualité rédactionnelle" ? Ou "esprit logique" ?

      « Dans ma commission d’examen des vœux, nous avons débattu des heures et des heures. Comme nous avions plus de 6 000 dossiers à trier, il était inenvisageable de les classer manuellement. Le risque d’aléa était trop grand. On a donc décidé de recourir à un préclassement par ordinateur, à partir d’une moyenne de différentes notes. C’est un peu compliqué à expliquer, mais en gros on a appliqué aux notes des coefficients semblables à ceux du bac. Si l’élève est en scientifique option physique-chimie, il aura investi plus de temps sur cette matière à fort coefficient, donc il nous semble logique d’en tenir compte. En revanche, on a écarté la note de sport. C’est contestable, mais c’était l’avis majoritaire.

      « J’oubliais. Dans la masse d’informations, nous avions aussi la fameuse fiche avenir, remplie par l’équipe de professeurs du lycée… Ils ont évalué la méthode de travail, l’autonomie, l’engagement, l’esprit d’initiative et la capacité à s’investir de chaque élève. On s’est vite aperçu que ces appréciations étaient très variables et subjectives, surtout faites dans l’urgence. Comment les profs peuvent savoir avec certitude comment vont évoluer leurs jeunes élèves ? On a beaucoup, beaucoup débattu entre nous. Finalement, on en a un peu tenu compte, surtout par respect pour le travail des collègues du secondaire. En revanche, nous n’avons pas retenu les commentaires du chef d’établissement. Il devait se prononcer sur "la capacité à réussir" et "la cohérence du projet" de l’élève. Qu’en sait-il ?

      « Une fois nos critères paramétrés, quand on a appuyé sur le bouton pour avoir notre classement, on s’est retrouvé face à un os : sur l’ensemble des dossiers, on en avait des milliers ex æquo, au millième près. C’était logique et prévisible. Pas besoin d’avoir fait une licence de maths pour comprendre qu’un classement sur la base d’une note sur 20 engendre de nombreux ex æquo. En soi, ce n’est pas un problème : que je me retrouve demain avec un amphi rempli d’élèves ex æquo n’est pas un souci. Sauf que la machine, elle, ne peut pas le supporter. Le logiciel Parcoursup refuse de traiter un classement de ce type… On s’est donc retrouvés à chercher un moyen de les départager. C’était absurde et cela a pris un temps fou aux collègues qui ont essayé de le faire manuellement. Une solution technique n’a été diffusée que début mai pour départager sur une seule note, le plus souvent celle de français ou de mathématiques, parce qu’il fallait une matière présente dans tous les dossiers. Tout ça pour rassurer l’ordinateur…
      « Humiliant »

      Une fois le gros du classement fait avec la machine, on s’est réparti les dossiers pour vérifier à la main qu’il n’y avait pas d’anomalie. Pour ma part, je n’en ai pas détecté. On devait aussi classer manuellement une partie des dossiers, par exemple ceux des élèves venant de l’étranger ou reprenant leurs études. Nous avions, de mémoire, un chasseur alpin qui voulait faire du droit, une Anglaise qui expliquait dans sa lettre s’être très impliquée dans la lutte contre la prostitution infantile et désirant reprendre des études en France. Des Grecs aussi, l’un d’eux expliquant vouloir fuir la crise économique de son pays. Pourquoi les en empêcher ? Nous avons décidé collectivement de les mettre en haut du classement pour être sûrs que la machine Parcoursup leur donne leur chance. Espérons maintenant que les élèves ne vont pas connaître notre cuisine interne et leur rang, sinon certains vont prendre la grosse tête !

      « Quand je discute de cette réforme à droite et à gauche, je me rends compte que beaucoup d’enseignants ont finalement joué le jeu : à ne pas compter leurs heures, à essayer tant bien que mal de faire le travail dans les temps et avec le plus de rigueur possible. Mais au bout du compte, pour quel résultat ? Quel changement ? Demain, beaucoup vont déchanter, en se rendant compte qu’ils ont travaillé pour rien. En réalité, de nombreuses filières ne sont pas prisées. Cette année, elles ont l’impression d’avoir reçu beaucoup de candidatures, mais c’est mécanique, à cause de la non-hiérarchisation des vœux. Au bout du compte, les facs seront obligées de prendre tous les candidats qui voudront venir… même si le collègue en a mis certains tout en bas du classement en estimant qu’ils n’ont pas le niveau. Il y a un côté humiliant pour notre travail. Autre chose, paradoxale : l’autonomie des universités mise en avant est très relative, les éléments les plus importants nous ont échappé. Par exemple, nous avons appris le taux de sectorisation seulement le 14 mai : ce qui veut dire que beaucoup de dossiers que nous avons épluchés et pris soin de classer seront écartés automatiquement car ils sont hors secteur… Les élèves ignoraient ce critère au moment de faire leurs vœux. C’est honteux ! En définitive, je n’ai aucune idée des élèves qui seront dans mon amphi à la rentrée. Est-ce ceux qui sont en haut de mon classement ? Ou, au contraire, ceux qui sont tout en bas, car les autres auront préféré aller ailleurs ? On lance nationalement des grandes réformes, en demandant à tous les fonctionnaires de se plier en quatre, mais pourquoi au bout du compte ? Cela me met en colère. »

      http://www.liberation.fr/france/2018/05/21/parcoursup-il-y-a-un-cote-hyperviolent-a-operer-un-classement_1651672?xto

    • La FSU dénonce le fiasco de Parcoursup :

      400 000 lycéen.ne.s mis dans l’angoisse juste avant le bac !

      Communiqué du mardi 22 mai 2018

      Les premiers chiffres sont vertigineux : selon la ministre, 400 000 lycéen.ne.s sont "en attente" ou “refusé.e.s” sur l’ensemble de leurs vœux (soit 50% des inscrits).

      La FSU constate avec affliction que ces premiers chiffres dépassent les analyses les plus pessimistes quant à l’usage de la plate-forme "Parcoursup" pour affecter les bacheliers .

      Depuis des mois, la FSU a dénoncé la méthode choisie par le gouvernement qui institutionnalise une forme de tri social des bacheliers pour leur inscription en premier cycle universitaire.

      Plus de la moitié des futurs bacheliers reçoivent un premier signal décourageant à quelques jours du baccalauréat. C’est inacceptable !

      Le gouvernement a fait le choix de refuser d’entendre l’expression de la jeunesse à accéder à une formation et un diplôme de l’enseignement supérieur. Depuis des mois, un mouvement social conteste les fondements de la politique de sélection à l’entrée de l’université. Le gouvernement s’enferme dans le déni et choisit la répression comme seule réponse.

      La FSU exige que tous les lycéens lauréats du baccalauréat puissent choisir leurs études. Ce qui nécessite :

      un renforcement de l’orientation scolaire comme mission de l’éducation nationale et un renoncement du transfert de cette mission aux régions et aux opérateurs privés,
      une augmentation des moyens dans l’enseignement supérieur pour accroître le nombre de place afin d’accueillir toutes les bachelières et tous les bacheliers qui le souhaitent dans de bonnes conditions d’encadrement et d’études.
      Pour la FSU, l’avenir des jeunes ne peut se réduire à des visions de court terme, et certainement pas à une logique de tri.

      La FSU exige que les MEN et MESRI ouvrent sans tarder des négociations pour construire une autre politique pour l’enseignement supérieur et un système d’affectation national, transparent, juste et respectueux des aspirations des lycéennes et des lycéens.

      Reçu par email, le 23.05.2018

    • Parcoursup : « Sept refus et trois "en attente", j’ai encore rien dit à mes parents »

      Élèves, profs, enseignants-chercheurs… Tous sont en première ligne face à la réforme de l’accès à l’enseignement supérieur, qui se met en place à toute vitesse. « Libération » leur donne la parole pour qu’ils racontent les bouleversements en cours. Aujourd’hui, Salem, 17 ans.

      Quelque 810 000 élèves de terminale et étudiants en réorientation ont découvert mardi soir les premiers résultats de leurs souhaits d’affectation dans le supérieur pour la rentrée prochaine. Les règles du jeu ont changé cette année, avec le classement des dossiers opérés par les universités et la nouvelle plateforme Parcoursup.

      Elèves de terminale, étudiants en réorientation, profs, parents… Depuis le début de l’année, Libération donne la parole à tous ceux qui sont en première ligne dans l’application de cette réforme d’ampleur. Pour que chacun raconte, avec ses mots et son ressenti, les changements vécus de l’intérieur. Le 22 mai, les premiers résultats ont été publiés.

      Aujourd’hui, Salem, 17 ans, en terminale ES au lycée Jean Dautet, à La Rochelle

      « Sur dix vœux, j’ai sept refus et on m’a mis sur liste d’attente pour les trois autres vœux dans des universités. J’avais demandé des DUT d’informatique et de techniques de commercialisation. Et l’université, en droit et en informatique. Etre sur liste d’attente pour des facs, c’est quand même affolant.

      Je ne suis pas un élève très mauvais, ni très bon, je suis un élève moyen qui donne de lui-même, ma moyenne générale tourne autour de 10-12. J’ai de bonnes notes en maths et mes appréciations sont bonnes. J’ai juste raté un trimestre sur deux ans.

      Je n’appréhendais pas vraiment l’arrivée des réponses, d’ailleurs je ne me suis pas précipité à 18 heures pour voir ce qu’il en était, puisque je m’étais dit que j’allais être accepté au moins dans une université sans difficulté. J’espérais même avoir une chance d’être sur liste d’attente pour les DUT, même si je ne suis pas prioritaire pour ces formations. Là, c’est un « non » catégorique. J’aurais aimé avoir un entretien au moins pour montrer ma motivation et qu’ils se basent sur autre chose que des notes et des appréciations.

      Je n’ai pas encore annoncé la nouvelle à mes parents. Ils vont percevoir ça comme un échec scolaire et j’ai peur qu’ils soient déçus. On se projette dans le futur et quand on n’a rien, le retour à la réalité est plutôt désagréable. Je garde l’espoir de remonter dans la liste d’attente et d’être accepté dans une des universités. Beaucoup ont demandé des facs en roue de secours, donc des places vont se libérer, mais ça m’énerve de savoir que même si je suis accepté, c’est par défaut.

      J’ai vu qu’on pouvait voir sa place sur les listes d’attente. Pour la fac de droit, je suis 598e sur 1040 (pour 300 places), pour celle d’informatique 355e sur 532 (pour 140 places disponibles) et la troisième en informatique à Pau 236e sur 251 (pour 30 places disponibles). Cela donne une idée, mais finalement ça m’inquiète encore plus. Le système est d’autant plus pervers que les réponses arrivent avant le bac. J’ai déjà un ami qui m’a dit que ça le décourageait. Ceux qui ont été acceptés, ça les motive bien sûr à décrocher le diplôme, mais quand on essuie des refus, qu’on est en attente, c’est plutôt l’inverse.

      Ça perturbe également nos révisions. Je trouve ça complètement ridicule de regarder sans cesse sur Parcoursup pour voir si on a gagné des places ou non. Certains ont envie de réviser, de se débarrasser de ça et d’avoir l’esprit tranquille. En plus, c’est contraignant, si on est accepté, mais qu’on n’a pas validé notre choix [dans les 7 jours, ndlr], on peut se retrouver sans rien. Du coup, on va être obligé de regarder tous les jours.

      Le plus angoissant est de se dire : "Si je n’ai rien à la fin de la semaine, qu’est-ce que je fais l’an prochain ?" Je sais qu’on peut avoir des réponses jusqu’en septembre, mais c’est angoissant. J’aimerais passer un été tranquille. »

      http://www.liberation.fr/france/2018/05/23/parcoursup-sept-refus-et-trois-en-attente-j-ai-encore-rien-dit-a-mes-pare

    • La FSU dénonce le fiasco de Parcoursup : 400 000 lycéen·ne·s mis dans l’angoisse juste avant le bac !

      Les premiers chiffres sont vertigineux : selon la ministre, 400 000 lycéen.ne.s sont "en attente" ou “refusé.e.s” sur l’ensemble de leurs vœux (soit 50% des inscrits).

      La FSU constate avec affliction que ces premiers chiffres dépassent les analyses les plus pessimistes quant à l’usage de la plate-forme "Parcoursup" pour affecter les bacheliers .

      Depuis des mois, la FSU a dénoncé la méthode choisie par le gouvernement qui institutionnalise une forme de tri social des bacheliers pour leur inscription en premier cycle universitaire.

      Plus de la moitié des futurs bacheliers reçoivent un premier signal décourageant à quelques jours du baccalauréat. C’est inacceptable !

      Le gouvernement a fait le choix de refuser d’entendre l’expression de la jeunesse à accéder à une formation et un diplôme de l’enseignement supérieur. Depuis des mois, un mouvement social conteste les fondements de la politique de sélection à l’entrée de l’université. Le gouvernement s’enferme dans le déni et choisit la répression comme seule réponse.

      La FSU exige que tous les lycéens lauréats du baccalauréat puissent choisir leurs études. Ce qui nécessite :

      un renforcement de l’orientation scolaire comme mission de l’éducation nationale et un renoncement du transfert de cette mission aux régions et aux opérateurs privés,

      une augmentation des moyens dans l’enseignement supérieur pour accroître le nombre de place afin d’accueillir toutes les bachelières et tous les bacheliers qui le souhaitent dans de bonnes conditions d’encadrement et d’études.

      Pour la FSU, l’avenir des jeunes ne peut se réduire à des visions de court terme, et certainement pas à une logique de tri.

      La FSU exige que les MEN et MESRI ouvrent sans tarder des négociations pour construire une autre politique pour l’enseignement supérieur et un système d’affectation national, transparent, juste et respectueux des aspirations des lycéennes et des lycéens.

      http://fsu.fr/La-FSU-denonce-le-fiasco-de-Parcoursup-400-000-lyceen-ne-s-mis-dans-l-angoisse.h

    • « Parcoursup laisse explicitement un "système" administrer, classer, ordonner les rêves d’une génération »

      Dans la procédure elle-même, dans son autorité et sa technicité, il manque un respect fondamental de la liberté et du potentiel de chacun, qui se trouve au contraire réduit de façon opaque à un passé scolaire et bien souvent à un territoire d’origine, déplore la sociologue Cécile Van de Velde dans une tribune au « Monde ».

      Tribune. Parcoursup pose, de façon limpide, la question de la place relative de l’« être » et du « système » dans notre société. A l’heure où les consciences s’aiguisent contre certaines dérives de la gestion de masse des données personnelles ( big data , Facebook, intelligence artificielle...), nous sommes paradoxalement en train d’expérimenter une allocation automatisée des places et des chemins de vie.

      La question n’est point ici de trancher le débat sur la sélection universitaire, mais de constater que, dans son opérationnalisation même, Parcoursup pose désormais une question philosophique plus large et fondamentale : celle de ces « petits aménagements », anodins en apparence, destinés à une « gestion optimale » des ressources, mais qui touchent en réalité de façon profonde les fondements mêmes de nos libertés individuelles et de notre démocratie. Cette même démarche pourrait concerner demain l’allocation des soins ou le placement des individus en recherche d’emploi par exemple.

      Car de façon concrète, Parcoursup c’est laisser explicitement un « système » administrer, classer, ordonner les rêvesd’une génération. C’est laisser symboliquement une organisation centralisée trier les choix et les possibles d’unindividu.

      Colère des jeunes

      Dans la procédure elle-même, dans son autorité et sa technicité, il manque un respect fondamental et affiché de la liberté et du potentiel de chacun, qui se trouve ici au contraire réduit de façon opaque à un passé scolaire et bien souvent à un territoire d’origine.

      Ce dispositif ne fera qu’augmenter la colère sourde des jeunes contre un « système » qui leur fait mal, dans uncontexte français où cette période post-bac constitue justement un moment charnière de la vie d’une génération : plus qu’ailleurs, elle est considérée comme déterminante et décisive pour tout l’avenir professionnel de l’individu, et génère du stress personnel, familial et social.

      Le critère d’optimalité recherché est de maximiser le nombre de personnes inscrites, et non pas la satisfaction réelle des étudiants

      Même si le système de gestion était « parfait », la question est de savoir si nous trouvons normal que des individus aient explicitement leurs aspirations menacées voire oblitérées par une autorité centrale, allouant les places et lesavenirs.

      Nous sommes en train de soumettre les jeunes Français à une expérimentation incertaine, qui plus est à grande échelle, tout en trahissant notre propre promesse sociale d’une université ouverte. Or, sans être idéales, lesexpériences des autres pays nous montrent qu’il peut en être autrement.

      Pas moins cruel que le tirage au sort

      Parcoursup nous place devant une dérive techniciste de la recherche de l’optimalité. On nous propose unerencontre des attentes et des places, mais le « contrat » est en réalité bien asymétrique : le mode opératoire interdit l’expression même des préférences individuelles et met à plat dix choix, alors même que les universités doivent classer chacune des candidatures.

      Le critère d’optimalité recherché est de maximiser le nombre de personnes inscrites, et non pas la satisfaction réelle des étudiants : sans classement des voeux, celle-ci ne peut être prise en compte dans la procédure. Comment défendre un système si implacable dans un monde où la communication directe d’institution à individu est devenue si aisée ?

      Ce dispositif, même s’il promeut dans l’absolu une meilleure allocation des places, n’est symboliquement pas moins cruel que le tirage au sort. De plus, une telle organisation ne donne pas les garanties de protection du règlement européen sur la protection des données (RGDP), entré en vigueur le 25 mai 2018, quant à l’acceptation libre du service ou des traitements automatisés.

      Une entrave de plus

      Parcoursup constitue en quelque sorte une mauvaise réponse technique à l’enjeu réel du manque de ressources universitaires. Il ne fera pas l’économie d’un vrai débat sur ce que nous voulons vraiment pour nos universités, et quelle que soit la réponse politique donnée à la question de la sélection, à une prise en compte plus humanisée des aspirations des jeunes adultes.

      Parcoursup, c’est aussi une entrave de plus posée dans l’espace des possibles de ces jeunes générations, déjà touchées par des perspectives assombries. Que dire par exemple des lycéens initialement en difficulté, mais qui se sont révélés ensuite d’excellents étudiants à l’Université ? Dans Parcoursup, ils n’auront sans doute pas cette seconde chance, et cela ne fera que renforcer le déterminisme français classant les individus en fonction de la réussite scolaire initiale.

      Les sociétés de demain devraient plutôt refuser de réduire systématiquement les individus à leur seul parcours antérieur, et soutenir le droit à un nouveau départ. Cette « petite réduction » de la liberté de choix est en réalité unebrèche majeure dans nos valeurs et notre culture, ainsi que dans le contrat social et générationnel. Pouvons-nous nous satisfaire d’un système dont nous ne voudrions ni pour nous-mêmes ni pour nos enfants ?

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/05/30/parcoursup-laisse-explicitement-un-systeme-administrer-classer-ordonner-les-

    • #Saint-Denis : le #lycée_Paul-Eluard engage la lutte contre Parcoursup

      Les élèves de l’établissement dyonisien ont bloqué leur lycée ce jeudi matin, avant de se rassembler sous les fenêtres de la mairie. C’est la première mobilisation d’ampleur contre Parcoursup dans le département.


      http://www.leparisien.fr/seine-saint-denis-93/saint-denis-le-lycee-paul-eluard-engage-la-lutte-contre-parcoursup-31-05-

    • « Cette réforme renforce l’exclusion territoriale, je le mesure dans ma ville »

      Depuis le début de l’année, « Libération » donne la parole à ceux qui sont en première ligne dans l’application de cette réforme. Aujourd’hui, la maire d’Aubervilliers (93), inquiète pour « ses » jeunes.

      http://www.liberation.fr/france/2018/06/04/cette-reforme-renforce-l-exclusion-territoriale-je-le-mesure-dans-ma-vill

      Avec ce commentaire sur twitter :

      Les interfaces d’inscription dans le supérieur sont un vrai feuilleton ! Pourtant, #APB et #Parcoursup ne sont que des variantes d’une même logique – l’arbre qui cache la forêt de la paupérisation de l’université. Les médias vont-ils un jour soulever le capot ?

      https://twitter.com/gunthert/status/1003943051645992961

    • Parcoursup : l’ire des profs de #Paris-Diderot

      Le directeur de l’UFR chimie de l’université est particulièrement « agacé ». Le rectorat, via son nouveau logiciel, favorise les bacheliers parisiens médiocres.

      Rémi Losno, le directeur de l’UFR chimie de l’université Paris-Diderot, fait partie de ces professeurs « très agacés ». L’an dernier, sur les 110 places offertes en première année de chimie au sein de cette université parisienne prisée, « environ 40 % étaient occupées par des lycéens venus de banlieue ou de province ». Cette année, le rectorat, via le logiciel Parcoursup, n’autorise pas la filière à prendre plus de 3 % de bacheliers non parisiens.

      http://etudiant.lefigaro.fr/article/parcoursup-l-ire-des-profs-de-paris-diderot_57d4384c-6ccb-11e8-9dc

    • Parcoursup : quand le reportage tourne à la conférence de presse

      A #Strasbourg, le rectorat a rondement verrouillé ce qui était censé être un aperçu concret du travail fait par la commission qui travaille sur les dossiers qui n’ont récolté que des « non ».

      Le ministère de l’Enseignement supérieur semblait jouer enfin la transparence sur Parcoursup. En fait, il jouait la comédie. La demande de reportage maintes fois formulée pour avoir accès aux coulisses avait abouti : oui, il serait possible d’assister à une commission d’accès à l’enseignement supérieur. Et là, on verrait le sort réservé à ces lycéens ou étudiants dans l’impasse, à ceux dont la machine n’a opposé que des « non » aux vœux de formation. Formidable. Le service presse à Paris avait indiqué la porte qu’il était permis de pousser : celle du rectorat de Strasbourg où une commission, rendez-vous hebdomadaire, avait lieu vendredi matin.

      8h20 sur le perron. Mais qui est ce groupe ? Salut les confrères ! Ils sont tous là, et rient jaune. Car chacun pensait être seul, et on est une dizaine. Direction une salle de réunion toute en boiseries. Instant logistique, les télés ici, les radios là, les membres de la commission en face, en demi-cercle c’est mieux. Faudrait pas tout gâcher, que les images soient mauvaises. Mais attention, ce n’est pas une conférence de presse, il s’agit bien d’un reportage. On aura le privilège d’observer discrètement une tranche de réel, un moment confidentiel de l’administration où des acteurs de l’éducation, proviseurs, directeurs de formations universitaires, spécialistes de l’enseignement vont statuer sur des cas individuels. Des dossiers de presse ont néanmoins été préparés. Juste au cas où, sans doute.

      Les membres de la commission s’installent silencieusement devant leurs beaux chevalets nominatifs. Ils ont sûrement le trac. La rectrice, Sophie Béjean, entre en scène, fait le tour pour serrer la main des journalistes. Avec elle, tout est toujours sous contrôle. Elle a cette réputation. Trois coups, lever de rideau. Elle explique d’un ton pédagogue le fonctionnement du dispositif. Juste histoire de rappeler les règles du jeu aux participants. Des fois qu’ils les aient oubliées. L’occasion aussi de nous faire bien comprendre que c’est un travail de fond remarquable qui est conduit, de l’accompagnement individualisé, minutieux, du cousu main qui rassemble largement sur le terrain. Un monde merveilleux où aucun jeune ne sera oublié.

      Cinq cas ce matin, sur un total de 221 saisies pour l’académie de Strasbourg. Des jeunes sans solution qui ont cliqué sur le site pour saisir cette commission. L’histoire ne dit pas ce qu’il advient des autres. Des décrocheurs de Parcoursup qui n’ont essuyé que des refus et n’ont pas cliqué pour demander de l’aide, un plan B. Voilà qu’on nous distribue des fiches anonymisées, avec vœux, résultats scolaires, motivation. Le chef de l’information et de l’orientation résume chacun. Ton monocorde, la rectrice conduit la séance, se tourne vers les uns, les autres, en fonction des « pistes » envisagées. En gros, on corrige les vœux. Et curieusement, il y en a pour tout le monde : une fois elle se renseigne auprès de l’IUT ou l’université sur les formations en tension, une autre auprès du Crous pour trouver un logement à une jeune fille qui aura une place mais en Lorraine, ou encore vers le conseiller d’orientation parce qu’il faudra affiner un projet professionnel. C’est vraiment super quand le hasard fait bien les choses.

      Tous ces cas d’école, bien différents, bien complémentaires donnent l’opportunité à chacun, autour de la table, de faire de la retape pour sa formation ou son dispositif. Pas de débat. Ont-ils assez répété leur texte ? L’ensemble, ronronnant, manque un peu de naturel. Et voilà que l’audiovisuel veut faire des interviews. Ce n’était pas prévu dans la séquence. Faudrait pas qu’on croit que c’est un point presse. Minauderies de circonstances. Puisque c’est une demande des journalistes… Après, il faut partir. La commission poursuit son travail hors presse indique la rectrice. Pauvre Sophie Béjean, elle doit y passer un temps fou, à éplucher les bulletins scolaires de ces ados qui, s’ils n’avaient pas rempli Parcoursup avec leurs pieds, n’en seraient pas là.

      http://www.liberation.fr/france/2018/06/10/parcoursup-quand-le-reportage-tourne-a-la-conference-de-presse_1657997

    • #Nanterre : la dernière université débloquée

      Après deux mois d’occupation et de blocage, les étudiants de l’université de Nanterre ont évacué les lieux mercredi soir.

      Le déblocage de l’université de Nanterre marque donc la fin du mouvement étudiant contre la réforme de l’entrée dans l’enseignement supérieur. Après deux mois de protestation contre cette réforme jugée sélective et contraire à l’égalité des chances, les quelques étudiants qui occupaient l’un des bâtiments de l’université de Nanterre ont quitté les lieux « dans le calme » mercredi 13 juin en fin de journée.

      Débuté en février dernier, la mobilisation des étudiants s’était propagée dans une quinzaine de facs, dont celle de Nanterre. Plusieurs fois fermée et perturbée, l’université est la dernière à avoir été évacuée.
      Deux mois d’occupation

      Deux mois que le bâtiment E de l’université de Nanterre était occupé par une dizaine d’étudiants. Le 9 avril, le président de l’établissement avait demandé l’intervention des forces de l’ordre pour déloger les perturbateurs. Réfugiés sur le toit, sept étudiants avaient été interpellés pour rébellion. Une intervention qui ne les a pas empêchés de reconduire le blocage dès le lendemain.

      A quelques jours des examens, les professeurs de Nanterre avaient aussi apporté leur soutien en votant un 20/20 politique. Les partiels ont d’ailleurs dû être reportés suite au blocage, puis délocalisés à cause des perturbations dans les centres d’examens.
      Lire aussi :Les examens des étudiants de Nanterre reportés
      Des négociations entre les étudiants et l’université

      Finalement, c’est une négociation entre les étudiants et l’université qui a mis fin à l’occupation. Cette fois, pas de forces de l’ordre pour venir les déloger. « Les étudiants sont partis d’eux-mêmes », confirme l’administration à l’AFP.

      En échange, les étudiants ont demandé à l’université de leur transmettre les attendus et les algorithmes de Parcoursup, la plateforme d’admission post-bac, pour plus de transparence. La présidence a également affirmé qu’une large consultation sur l’avenir de l’enseignement supérieur serait organisée comme l’ont exigés les étudiants.
      Une nouvelle mobilisation dès la rentrée

      Même si l’université a retrouvé son calme, la mobilisation ne devrait pas s’arrêter là. « Le combat contre la loi ORE va recommencer en septembre avec la question des ‘sans-fac’ », a précisé un étudiant. Actuellement, 22 500 lycéens n’ont reçu que des réponses négatives sur Parcoursup et 139 700 candidats sont encore en attente, sans savoir s’ils pourront poursuivre leurs études à la rentrée.


      https://www.orientation-education.com/article/nanterre-la-derniere-universite-debloquee

    • Les #quotas_géographiques dans Parcoursup nourrissent les craintes de #discriminations

      Les rectorats ont dû fixer un taux de candidats extra-académiques, qui varie de 1 % à 70 %. La plate-forme d’admission dans le supérieur rouvre ce mardi.


      https://www.lemonde.fr/campus/article/2018/06/26/les-quotas-geographiques-dans-parcoursup-nourrissent-les-craintes-de-discrim

    • Peut-on refuser parcoursup ?

      Enseignant en philosophie, l’arrivée de la #loi_ORE et de parcoursup cette année ont été un véritable calvaire pour le professeur principal que j’étais en terminale littéraire. Au début personne ne savait vraiment ce qu’il adviendrait mais peu à peu les choses sont devenues très claires. Cette réforme est une des plus importantes que j’ai eu à vivre depuis 30 ans. La sélection qu’elle induit à l’entrée de l’Université et les bouleversements que vont produire les critères sur lesquels elle se fonde sont fondamentaux pour les élèves, mais le silence quasi général des enseignant-e-s et des parents dans mon établissement est peut-être ma plus grande sidération. J’ai malgré tout décidé de continuer la lutte avec les moyens modestes du combat isolé, en refusant la charge de professeur principal à travers une lettre ouverte au proviseur de mon lycée. La publication de ce courrier ici sera peut-être ressentie comme une démarche narcissique plutôt que comme un appui sérieux pour changer les choses mais il m’a semblé nécessaire de le faire, pour ne pas rester seul.

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      Monsieur le Proviseur,

      Comme l’heure des vœux pour la prochaine année scolaire est arrivée, je me permets de vous préciser par ce courrier plus officiel et précis ce que j’ai déjà pu dire succinctement en votre présence en conseil de classe.

      Professeur principal de terminale depuis presque 30 ans et souvent en série littéraire comme la philosophie que j’enseigne m’y prédispose (au vu du nombre d’heures partagées avec les élèves de cette filière), j’ai toujours essayé de guider les futur-e-s bachelier-e-s dans leurs choix d’études supérieures avec la conviction que personne n’est figé dans son être et que toute personne peut changer. « L’avenir n’est pas ce qui va arriver, mais ce que nous allons en faire. » disait Bergson et j’ai toujours considéré que le déterminisme statistique n’est vrai que si on l’applique et que la volonté de quiconque peut permettre d’inventer son avenir. Ce principe philosophique me semble découler des valeurs humanistes qui doivent nous guider dans notre tâche. Dans ce cadre j’ai cependant toujours intégré que certaines filières particulières et techniques nécessitent un minimum d’acquis spécifiques et que le type d’enseignement qu’on y pratique impose des classes à effectif réduit donc des choix précis. Mais j’ai toujours pensé que la connaissance universitaire devait rester ouverte à tou-te-s sans quoi le sens même de toute éducation serait perdu, à savoir le goût pour la connaissance sans fin, le risque admis de commettre des erreurs pour les redresser, la construction d’un esprit critique nécessaire à la liberté de penser, l’apprentissage de l’autonomie réelle, la rencontre avec l’autre, … socle de la construction de tout être humain émancipé.

      La loi ORE et Parcoursup, en instituant de fait une sélection à l’entrée de l’Université, ne permettent plus d’ouvrir à chaque élève les mêmes horizons. Bien sûr, on nous assène que c’est pour ne plus procéder à d’injustes tirages au sort des bachelier-e-s qu’on a fait cette loi et qu’on l’a mise en œuvre avant même qu’elle soit adoptée par nos élu-e-s. Mais on peut tout de même se demander comment on a réussi, en si peu de temps, à mettre un dispositif comme celui-là en place alors qu’on a été incapable, depuis 1998, de voir venir l’afflux d’étudiant-e-s lié à un surcroît de naissance ? Le tirage au sort est donc bien lié à cette surnatalité connue et non anticipée et pas à APB.

      Quoi qu’il en soit, cette réforme disruptive est certainement la plus importante que j’ai eu à subir dans ma carrière et, ne pouvant l’assumer, je ne souhaite donc plus être professeur principal.

      Je ne me sens pas capable d’expliquer à mes élèves, le jour de l’élection des délégué-e-s de classe, qu’être élu-e leur donnera un avantage au titre d’un engagement que d’autres n’ont pas pu avoir parce qu’ils n’ont pas rassemblé assez de voix.

      Je ne me vois pas dire à ces autres d’aller prendre une carte de membre dans une association humanitaire (tant qu’à faire), juste pour avoir une attestation qui prouvera leur engagement extérieur.

      Je ne me sens pas de dire aux élèves dont la vie intime est si lourde qu’ils préfèrent la taire et qui n’ont pas la force de faire mieux que de venir en cours chaque jour, qu’ils perdront des points dans la grande répartition des places.

      Je ne me sens pas capable de dire à mes élèves qu’ils doivent renoncer à la vérité pour se plier à une rationalité algorithmique qui préférera les lettres de motivations formatées à 1500 signes plutôt qu’un courrier sincère.

      Je ne me vois pas conseiller à mes élèves de faire croire qu’ils ont fait des voyages à l’étranger pour qu’un calculateur leur octroie un supplément de points.

      Je ne pourrais pas continuer de leur laisser croire que le baccalauréat est le premier grade universitaire, comme le dit pourtant la loi, alors que c’est dorénavant faux.

      Enfin plus égoïstement, je ne pourrai pas me résoudre à abandonner les principes philosophiques et professionnels qui m’ont guidé depuis ces 30 dernières années, à savoir que je suis seulement là pour donner le goût du doute, l’envie de penser par soi-même et sûrement pas que pour soi-même, pour susciter la remise en cause de ce qu’on nous présente comme « inéluctable », pour que chacun ne pense pas qu’il faut finir avant l’autre dans un quelconque classement pour avoir plus de chance de trouver une place dans la société, pour donner accès à des valeurs dégagées de la simple utilité, pour permettre que ces valeurs et principes républicains de liberté, d’égalité et de fraternité ne soient pas que des mots posés au fronton des lycées mais résonnent dans les intentions de chacun-e. Je ne peux donc pas conseiller à mes élèves d’aller faire la queue devant des écoles dans lesquelles on laisse d’abord entrer une certaine « aristocratie scolaire » pour qu’elle choisisse de prendre ce qui l’intéresse, et d’attendre leur tour pour prendre ce qu’il restera.

      Elève de terminale désintéressé, fils de mineur « n’ayant obtenu qu’un bac G2 » (comptabilité), je crois qu’avec Parcoursup j’aurais été loin dans la queue pour entrer dans les facs de psychologie et philosophie que je voulais faire et dans lesquelles j’ai pourtant été diplômé. Mes profs m’auraient certainement et fortement conseillé, pour mon bien, de demander un BTS « facile » sans quoi je n’aurais pas d’avis favorable… Voilà pourquoi je ne veux pas avoir à devenir celui que je n’aurais pas voulu rencontrer quand j’étais en terminale.

      J’ai conscience de vos obligations quant à la nécessité de mettre deux professeurs principaux dans chaque terminale mais je ne doute pas que vous trouverez des volontaires bien plus compétent-e-s que moi. Pour ma part je ne veux pas scier la branche sur laquelle je suis assis et dévaloriser le baccalauréat qui ne garantit plus rien, encore moins avec l’annonce de sa réforme qui va faire de la philosophie la tâche noire qu’il faudra rapidement nettoyer.

      J’ai tenu à formuler ma position par écrit car je pense qu’elle concerne tout-e-s celles et ceux que l’avenir de l’Education intéresse et je tiens à leur faire connaître ouvertement tellement le silence autour de cette question du sens de notre métier m’effraie.

      En espérant que, quand bien même vous ne puissiez accéder à ma demande vous la comprendrez, je vous prie, Monsieur le Proviseur, d’accepter mes sincères et libres salutations.

      Didier Thévenieau

      https://dthevenieau.wordpress.com/2018/06/27/peut-on-refuser-parcoursup

    • #Nantes : suspension de fonctions validée pour le sociologue opposé à la loi ORE

      La juge des référés a finalement rejeté la requête de #Gildas_Loirand. Le maître de conférences à l’université de Nantes reste suspendu de fonctions jusqu’au 1er octobre, après avoir « harangué » des étudiants opposés à la loi ORE.


      http://www.liberation.fr/france/2018/07/10/nantes-suspension-de-fonctions-validee-pour-le-sociologue-oppose-a-la-loi

    • Parcoursup : les syndicats saisissent le #Défenseur_des_droits

      Ils exigent la publication des critères utilisés par les universités pour classer les candidatures des élèves, alors que plus de 100 000 jeunes n’ont aucune solution pour la rentrée.

      Voilà que le Défenseur des droits est invité à mettre son nez dans Parcoursup. Ce mardi, plusieurs organisations syndicales ont déposé une saisine sur son bureau, pour plus de transparence et au nom de la lutte contre les discriminations. L’appel, qui se veut « unitaire », est en effet assez cosmopolite : il est signé par l’Unef (étudiants), la FCPE (parents d’élèves), l’UNL (lycéens), le Snuep-FSU (enseignants-chercheurs), le Sneptes (personnel technique des universités), la CGT-éducation, mais aussi le SAF (avocats). « Alors que plus de 70 000 jeunes se retrouvent toujours sans aucune solution d’inscription dans l’enseignement supérieur, le gouvernement refuse de transmettre les critères de sélection utilisés par les établissements universitaires », dénoncent-ils d’une seule voix.

      À lire aussi :Parcoursup : « Il y a un côté hyperviolent à opérer un classement »

      Ils réclament la publication des « algorithmes locaux ». Au printemps, quand les universités ont reçu les dossiers des élèves, il leur a été demandé de classer les candidatures. Dans les UFR, chaque équipe a trié les dossiers comme elle a voulu (ou pu), en fonction de critères de leur choix. Certaines se sont pris la tête des heures pour s’entendre sur les critères les « plus justes » possible, d’autres moins. Quand le nombre de candidature était très élevé pour trier dossier par dossier, les enseignants-chercheurs ont utilisé des « modules d’aide à la décision ». Que l’on appelle aussi les algorithmes locaux.
      « Limites de ce système »

      Les organisations syndicales réclament la publication des paramétrages de ces algorithmes. « Ces critères ont eu un impact plus que déterminant sur la possibilité des jeunes de pouvoir étudier dans la filière de leur choix, disent-ils. Les témoignages démontrant les limites de ce système se multiplient : un pourcentage de boursiers inégalement réparti entre académies, une surreprésentation des jeunes d’origine sociale modeste parmi celles∙ceux se retrouvant sans solution d’inscription, des pratiques de pondération des notes en fonction du classement des lycées, une mise au ban des candidats issus de baccalauréats professionnels ou technologiques. »

      Le communiqué parle de 70 000 jeunes toujours sans rien pour la rentrée. En réalité, ils sont 102 000 sans aucune solution, selon les derniers chiffres ministériels. Auxquels viennent s’ajouter les 149 000 qui sont toujours dans l’angoisse, car « en attente de mieux » : ceux-là ont certes reçu une proposition mais dans une filière demandée par défaut et dans laquelle ils ne veulent pas aller… Ils espèrent remonter sur les listes d’attente qui patinent.

      http://www.liberation.fr/france/2018/07/17/parcoursup-les-syndicats-saisissent-le-defenseur-des-droits_1667087

    • Très inquiétant...

      #Nantes : deux enseignants sanctionnés après les blocages à l’université

      La direction de l’université de Nantes reproche à deux enseignants-chercheurs leur présence au côté d’étudiants ayant empêché la tenue d’examens dans le cadre des manifestations contre Parcoursup. Les enseignants réaffirment, quant à eux, leur rôle de médiateurs.

      Du jamais vu, selon le syndicat Snesup-FSU. L’université de Nantes a sanctionné, ce mardi 31 juillet, deux de ses enseignants-chercheurs, en raison de leur présence aux côtés d’étudiants lors du blocage d’examens dans le cadre des manifestations contre la loi ORE (orientation et réussite des étudiants) qui a mis en place la plateforme controversée Parcoursup. Le premier, le sociologue #Gildas_Loirand, a écopé de six mois de retard sur l’avancement d’échelon ; sa collègue, qui souhaite garder l’anonymat, a pris un blâme. Des sanctions administratives symboliques, mais que le syndicat Snesup-FSU dénonce dans un communiqué comme une « restriction inédite des droits des enseignants-chercheurs à manifester » d’une « extrême gravité ».

      Les faits reprochés aux deux enseignants remontent au 18 mai. Ce jour-là, les étudiants nantais doivent passer des examens. Depuis le mois de mars, nombre d’entre eux organisent des actions contre la sélection à l’université amenée par la loi ORE et Parcoursup. Mary David, enseignante et cosecrétaire du Snesup-FSU à Nantes, insiste sur le contexte tendu. « Les collègues qui voulaient se mettre en grève ont fait face à des mesures d’intimidation, affirme-t-elle. Et aux examens, les cadres de la présidence prenaient des photographies d’étudiants. Plusieurs d’entre eux ont témoigné de menaces comme "on connaît ton nom", "tu ne pourras pas t’inscrire dans une autre université"… »
      Tentative de médiation

      Les syndicats Sud et Snesup-FSU décident alors d’installer une « présence syndicale » sur les lieux d’examens pour jouer un « rôle collectif de médiation », explique Mary David. Dans une salle où certains jeunes refusent de composer, des cadres de l’université récupèrent les cartes de tous les étudiants et « menacent de ne plus les rendre ». L’examen est annulé. Les syndicats interviennent, le dialogue s’apaise. Les cadres quittent la salle, suivis par des étudiants qui, selon la syndicaliste, « les questionnent vivement sur les cartes, mais sans bousculades ni violences : d’ailleurs la sécurité n’a pas bronché ». Seuls Gildas Loirand et sa collègue s’attardent. Le sociologue explique : « Nous nous sommes interposés entre les étudiants et le personnel administratif, suite à la rétention des cartes servant à repérer ceux ayant perturbé les examens. » Mais les deux collègues assurent n’avoir pas eu à intervenir physiquement.

      Le jour même, le président de l’université, Olivier Laboux, donne une conférence de presse, au cours de laquelle il affirme que « des personnels administratifs de l’université ont été poursuivis sur environ 300 mètres, insultés, menacés, entravés, bousculés physiquement par des dizaines d’étudiants et deux enseignants de l’université ». Il promet des sanctions. Gildas Loirand sera suspendu de ses fonctions pour avoir répondu dans un mail interne à cette accusation (suspension qui a été annulée par la nouvelle décision). « Ce qui nous est reproché ne correspond pas à ce que nous sommes, ni à ce que nous avons fait. Ce sont des propos mensongers. On aurait dû nous dire merci, et on se retrouve sanctionnés », estime le sociologue.
      « On ne se mobilise pas impunément »

      Très vite, une commission disciplinaire est convoquée. Elle se réunit le 20 juillet et sanctionne Gildas Loirand et sa collègue : respectivement six mois de retard sur l’avancement d’échelon et blâme. « Un dossier monté entièrement à charge », juge la syndicaliste Mary David, remarquant que la commission ne comportait « que des représentants de la liste du président ». Le verdict rendu pour la collègue de Gildas Loirand mentionne que cette dernière s’est associée « par ses paroles et sa posture » à la démarche des manifestants. Et qu’elle n’a tenu un rôle de médiatrice « qu’à la fin ». Ces considérations ne sont pas étayées d’exemples précis de propos ou de gestes violents. « J’ai sollicité l’audition de plusieurs témoins à décharge, mais ils n’ont pas été entendus », regrette de son côté le sociologue. Les deux enseignants-chercheurs, épaulés par un avocat, ont fait appel auprès du Cneser (Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche).

      Lors de sa conférence de presse, Olivier Laboux avait annoncé que des plaintes avaient été déposées : les enseignants en ont eu cinq entre les mains, dont quatre leur sont adressées de manière nominative. « Ce sont des dénonciations calomnieuses, que nous allons donc poursuivre en justice, et j’ai confiance », assure, à leur propos, Gildas Loirand. Il ne néglige pas la teneur « politique et médiatique » du feuilleton lancé le 18 mai par Olivier Laboux : « Il s’est trouvé emporté dans un tourbillon qu’il n’a pas contrôlé, et la commission a suivi. » Mary David considère que l’affaire est moins locale que nationale : « Au-delà d’eux, le message donné aux enseignants c’est qu’on ne se mobilise pas impunément, on le fait au risque de sa carrière. C’est dans l’air du temps, et c’est inquiétant. »

      http://www.liberation.fr/france/2018/08/02/nantes-deux-enseignants-sanctionnes-apres-les-blocages-a-l-universite_167
      #sanctions

    • Parcoursup : les jeunes doivent maintenant répondre dans la journée

      Depuis lundi, les bacheliers en attente sont sommés d’accepter ou de refuser une proposition dans la journée. Le coup d’envoi du sprint final de la plateforme.

      Si vous ne savez pas encore où vous allez étudier à la rentrée, on vous déconseille de vous couper du monde pour évacuer le stress. À partir de ce lundi, Parcoursup passe à la vitesse supérieure et change ses règles du jeu.

      Désormais, les jeunes encore en attente sur la plateforme devront répondre le jour même. Jusqu’à samedi, ils avaient trois jours plein pour entériner leur choix, délai déjà ramené à 48 heures dimanche.

      But de ce changement de calendrier, annoncé dès le début de la procédure : accélérer le traitement des dossiers dans la dernière ligne droite de Parcoursup, dont la procédure principale se termine mercredi. Et permettre de continuer de vider la colonne des jeunes « en attente », dont le chiffre a bougé au ralenti une bonne partie de l’été. La rentrée d’une partie des formations, qui pourront actualiser leur liste en fonction des éventuels absents, à traiter d’autres dossiers.
      « Je ne veux pas risquer de perdre une année »

      Ce lundi, ils sont encore 10 222 à patienter selon les données fournies par Parcoursup. Il faut aussi prendre en compte les 41 806 candidats inactifs, c’est-à-dire les recalés qui n’ont pas lancé la procédure complémentaire ou n’ont pas saisi leur commission rectorale régionale, chargée de proposer des solutions aux laissés pour compte. Ce qui porte le nombre de candidats en stand-by à un peu plus de 50 000.

      Placée en attente pour trois BTS en région parisienne, Johanna* est rivée sur son téléphone depuis quelques jours. « Dès que l’un d’eux m’accepte, je dis tout de suite oui, explique la jeune femme, installée à Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis). Je ne veux pas risquer de perdre une année et je vais regarder souvent mon application Parcoursup pour ne rien louper. »

      La plateforme termine sa phase principale. Cela ne signifie pas que les étudiants sans affectation sont condamnés à une année blanche s’ils n’ont rien d’ici là. Une procédure complémentaire, lancée depuis le 26 juin, permet à ceux qui n’ont essuyé que des refus de candidater à des formations où il reste des places vacantes. Un petit « rab » de temps qui prend fin le 21 septembre.

      http://www.leparisien.fr/societe/parcoursup-les-jeunes-doivent-maintenant-repondre-dans-la-journee-03-09-2

    • 300 étudiants attendent toujours leur inscription à la fac de #Nanterre

      Une centaine d’étudiants et quelques syndicalistes venus les soutenir ce mardi après-midi, au pied de la présidence de l’Université Paris Nanterre, ont demandé l’examen de 300 étudiants en attente d’inscription.

      « Et la fac elle est à qui ? », « Elle est à nous ! », « A qui, à qui, à qui ? », « A nous, à nous, à nous ! ». Les slogans du mouvement universitaire ont de nouveau résonné dans les allées de la faculté de Nanterre, scandés par le leader de la contestation étudiante d’avril et mai 2018, Victor Mendez, membre de l’Unef. Cette fois-ci, ce n’est pas la loi ORE qui est dans le viseur mais la situation d’étudiants sans affectation pour cette rentrée…

      « Nous avons les dossiers de plus de 300 étudiants de licence 1 (L 1) à master 2 (M 2) qui n’ont pas pu s’inscrire, c’est trois fois plus que les autres années », explique Elsa, étudiante en L 3 Humanités à Nanterre et nouvelle adhérente de l’Unef. « Sur Parcoursup, certains se retrouvent aujourd’hui en attente ou refusés sur tous leurs vœux, reprend-elle. Mais ce qui est incompréhensible, c’est qu’il y ait aussi des gens en attente pour les arts du spectacle, par exemple, alors que les enseignants nous disaient qu’il y avait plus de places que de demandes ! »
      « Parce qu’on vient de banlieue, on a aucune chance d’être inscrit dans une bonne fac »

      Au pied du bâtiment B, Louis, un lycéen du Val-de-Marne, accepté à l’université Paris-Est Créteil - son vœu de « sécurité » - espère toujours que l’un de ses autres vœux à Nanterre et dans des universités parisiennes soient acceptés. « Parce qu’on vient de banlieue, on a aucune chance d’être inscrit dans une bonne fac car elles sont toutes à Paris », déplore-t-il.

      « Pour les inscriptions en L 1, on n’a pas la main, c’est fait au niveau national, il faut voir avec l’académie », a répété en boucle Baptiste Bondu, directeur de cabinet du président, qui a répondu aux sollicitations des étudiants faisant la queue sur les marches pour l’interroger sur leur dossier.

      « Au 31 août, mais les chiffres évoluent tous les jours, il nous restait 388 places vacantes sur 6 118 places en première année de licence, pour 3 800 candidats en attente sur Parcoursup ayant émis un vœu pour Nanterre, sachant que les filières où il reste des places, comme l’allemand, ne sont pas demandées », insiste le directeur de cabinet.
      Surbooking sur les filières en tension

      « En première année, 97 % des filières sont remplies, pour d’autres, nous avons dû faire du surbooking, détaille Baptiste Bondu. Les filières en tension sont les Staps (sports), où nous avons près de 400 inscrits en L 1 et où nous avons dû en accueillir 20 supplémentaires, la psycho et le droit. Mais aussi l’éco-gestion, AES (administration économique et sociale), les arts du spectacle, l’anthropologie, les sciences politiques et les filières de langue comprenant de l’anglais… Autant de licences où nous avons dû ouvrir cinq à dix places supplémentaires. »

      Mais ces places ne suffiront pas à satisfaire la demande, loin de là. En attendant, le directeur de cabinet a assuré aux manifestants qu’il recevrait une délégation vendredi et que les quelque 250 dossiers remis par les syndicats seraient examinés.

      http://www.leparisien.fr/hauts-de-seine-92/300-etudiants-attendent-toujours-leur-inscription-a-la-fac-de-nanterre-04

    • Parcoursup : un bilan jugé désastreux par les syndicats

      Huit syndicats et associations d’enseignants, de parents d’élèves, d’étudiants et de lycéens, dressent un bilan alternatif et bien plus sombre que celui présenté à la rentrée par Frédérique Vidal, la ministre de l’Enseignement supérieur. L’année universitaire démarre dans une grande confusion.

      « Un peu moins de 2500 ». C’est le nombre de candidats toujours sans aucune affectation à l’issue de la procédure normale de Parcoursup, selon les chiffres donnés par la ministre de l’Enseignement supérieur le 14 septembre sur l’antenne de France Info. Le dernier tableau de bord publié par le ministère en date du 5 septembre indique pour sa part : 7745 postulants, dont 3674 nouveaux bacheliers à qui aucune proposition dans l’enseignement supérieur n’a été faite. Sur un total de 812 047 inscrits. Un décompte définitif sera fourni d’ici mardi prochain, après la clôture le 21 septembre de la période complémentaire devant proposer aux étudiants non admis des places dans les formations non saturées.

      En ne retenant que les nouveaux bacheliers dans son chiffre de 2500 jeunes sans aucune admission, la ministre triche, au moins un peu. « C’est clairement un mensonge. Ils veulent présenter comme un progrès social quelque chose qui relève de la sélection et qui défavorise les classes populaires », tranche Brendan Chabannes du syndicat Sud-éducation. Ainsi, 2500 étudiants sans formation dans le supérieur peut paraître dérisoire comparé à la totalité des inscrits. Mais un chiffre peut en cacher un autre. Même plusieurs autres.

      Au cours d’une conférence de presse commune, les syndicats enseignants du supérieur (FSU, Sud-éducation, CGT et FO), les représentants de parents d’élèves de la FCPE et ceux des étudiants et lycéens (UNEF et UNL) ont présenté un bilan très éloigné du satisfecit de la ministre de l’Enseignement supérieur. Ils soulignent que parmi les 583 032 candidats ayant accepté une proposition dans Parcoursup, 71 804 conservent d’autres vœux en attente. Une situation tendant à confirmer les critiques formulées par les syndicats opposés à la loi « orientation et réussite des étudiants » et à Parcoursup. À savoir, un dispositif ne permettant pas aux étudiants de sélectionner la formation de leur choix.

      Galèresup pour des dizaines de milliers d’étudiants

      En plus d’une insatisfaction sur les études proposées pour au moins 71 000 étudiants, 39 500 autres candidats sont devenus « inactifs » mi-juillet par un simple changement de dénomination des catégories répertoriées par le ministère. Initialement considérés pour la plupart comme étant sur liste d’attente, ils sont maintenant « contactés par les équipes de Parcoursup pour identifier leurs souhaits ». Mais une autre catégorie se détache, celle de ceux ayant « quitté la procédure ». Ils sont 181 757, un chiffre considérable. Même en soustrayant les lycéens qui ont raté leur baccalauréat, cela représente encore près de 100 000 jeunes qui sont sortis du système en cours de route.

      Pas vraiment une réussite pour la plateforme d’admission dans l’enseignement supérieur. Depuis la fin des épreuves du baccalauréat, le système est grippé. Les vœux conservés correspondant aux souhaits réels des étudiants bloquent les admissions dans de nombreuses filières. « Ils n’ont pas fait leur rentrée et sont dans la nature en attendant une place », constate Brendan Chabannes de Sud-éducation qui observe des universités vides et des filières peinant à faire le plein. Avec pour corollaire « un flou le plus total » sur l’organisation des enseignements comme sur les dispositifs de mise à niveau prévus dans la réforme. « Au lieu d’une prétendue sélection au mérite, nous assistons à une sélection par le fric », ironise le syndicaliste en annonçant une forte augmentation des inscriptions dans les établissements privés.

      « Pour les étudiants, c’est beaucoup d’angoisse et d’incompréhensions depuis le début d’été », souligne Marie Buisson responsable de la fédération CGT de l’éducation. Avec en prime pour elle une aberration : « ce sont les jeunes les moins bien classés, ceux ayant le plus de difficultés à accéder aux études post-bac qui ont eu les réponses les plus tardives. Et plus de rater la rentrée, ils ont du retard sur les bourses et le logement par les Crous ». Une situation censée rentrer dans l’ordre pour tous les étudiants le 21 septembre, date de la fin de la période complémentaire de Parcoursup. Mais rien n’est moins sûr. Des contractuels auraient été recrutés par l’académie de Créteil jusqu’à la mi-octobre pour aider les étudiants en attente d’affectation selon Brendan Chabannes.

      https://rapportsdeforce.fr/classes-en-lutte/parcoursup-un-bilan-juge-desastreux-par-les-syndicats-09212221

    • Lycéens contre le #tri_sélectif

      Le monde de l’éducation aura vécu une fin d’année agitée. À la protestation contre la hausse des frais de scolarité pour les étudiants étrangers non européens s’est greffée une mobilisation lycéenne inédite, apparue dans la France périurbaine.

      Un courriel suffit parfois pour saisir l’affolement d’un ministère en butte à la contestation. Ce 12 décembre, voilà deux semaines que l’agitation se répand dans les lycées français. Un directeur des services de l’éducation nationale écrit aux chefs d’établissement de son académie : « Afin d’éviter que ne s’installent chez nos élèves et leurs parents des éléments d’information relatifs à la réforme du lycée et du baccalauréat tronqués, incomplets, voire fallacieux, je vous demanderai de bien vouloir veiller à ce que nos établissements ne puissent accueillir des temps de réunion communs entre enseignants, parents d’élèves et élèves (1). » Interdire la discussion pour étouffer l’opposition : cette méthode illustre le pouvoir démesuré gagné par les proviseurs, devenus « managers de la République (2) », au détriment des enseignants — une évolution que la réforme du lycée et de l’accès à l’enseignement supérieur ne fera qu’amplifier.

      Tout a commencé le 30 novembre, à l’appel de l’Union nationale lycéenne (UNL). Souhaitant faire savoir que « la jeunesse aussi est en colère », le syndicat a exhorté les élèves à bloquer leurs établissements pour dénoncer, pêle-mêle, le lycée à la carte, la sélection à l’université, les suppressions de postes, la réduction des enseignements généraux dans les filières professionnelles, mais aussi la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG), la réforme de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), le service national universel… Au printemps dernier, l’UNL avait échoué à mobiliser contre Parcoursup, la nouvelle plate-forme d’inscription en ligne dans l’enseignement supérieur. Les problèmes soulevés par le syndicat demeuraient abstraits aux yeux de nombreux élèves ; les organisations d’enseignants, dont l’engagement aux côtés des lycéens joue souvent un rôle moteur, étaient divisées. Quelques mois plus tard, une génération de bacheliers a essuyé les plâtres, et l’histoire va se dérouler autrement.

      Au jour dit, plus de cent lycées sont totalement bloqués. Non pas dans les grands centres urbains, comme il est de coutume dans ce type de mouvement, mais dans des zones rurales et périurbaines, dans des villes petites et moyennes — à Gien, Ingré, Laval, Beaugency, Pithiviers, Saint-Priest, Givors, Neuville-sur-Saône, Guérande, Tours, Sète, Vitré, Blagnac… La protestation continue les jours suivants et s’étend bientôt aux banlieues populaires et aux grandes métropoles. Le 11 décembre, plus de 450 établissements sont bloqués ou fortement perturbés ; des manifestations rassemblent des milliers d’élèves.
      Le souvenir de la désastreuse première campagne Parcoursup

      Cette cartographie particulière ne s’explique pas seulement par l’effet d’entraînement du mouvement des « gilets jaunes ». Les territoires périurbains pourraient être les premiers à pâtir des réformes en cours. Celle du lycée prévoit de substituer aux filières actuelles (scientifique, littéraire…) un système « à la carte », où les élèves pourront choisir entre douze « enseignements de spécialité » selon le parcours qu’ils veulent suivre à l’université. Si plusieurs enseignements (mathématiques, histoire-géographie, physique-chimie…) seront a priori disponibles partout, d’autres (numérique et sciences informatiques, sciences de l’ingénieur, arts…) ne le seront que dans certains établissements — la décision appartient aux rectorats, après demande des proviseurs —, au risque de créer une logique de spécialisation. Pour les élèves des grandes villes, celle-ci sera peu préjudiciable : il y aura bien, dans les environs, un établissement proposant le bon cocktail. Mais, dans les petites villes, les lycéens devront-ils renoncer à la formation de leur choix ? Ou parcourir des dizaines de kilomètres ?

      À cette crainte s’ajoute le souvenir de la désastreuse première campagne Parcoursup : des dossiers d’inscription pléthoriques, des listes d’attente interminables, l’angoisse des réponses négatives, l’opacité de la procédure… Tout le monde connaît quelqu’un qui voulait s’inscrire dans une discipline mais s’est retrouvé dans une autre ; ou qui a pu rejoindre la filière désirée, mais à trois cents kilomètres de chez lui. Lors de sa conférence de presse de rentrée, la ministre de l’enseignement supérieur, Mme Frédérique Vidal, avait minimisé ces difficultés. Selon elle, Parcoursup a été une « vraie réussite » qui, loin d’avoir instauré la sélection, a « favorisé la démocratisation de l’enseignement supérieur », tous les candidats ayant reçu des propositions « au plus près de leurs vœux ».

      En réalité, il est très difficile de mesurer le niveau de satisfaction des élèves, un élément rarement pris en compte dans le discours institutionnel — sans même parler de leur niveau d’anxiété. Chaque candidat de terminale était invité, en mars, à émettre dix vœux, sans les hiérarchiser (3). On pouvait donc « accepter une proposition d’admission », mais par défaut, car on jugeait sa place trop incertaine sur la liste d’attente de la filière désirée. Parmi les 583 000 candidats ayant accepté une proposition (sur 812 000 inscrits en mars 2018), plus de 71 000 conservaient à la fin de la procédure principale (le 5 septembre) d’autres vœux en attente ; on peut supposer qu’ils espéraient mieux (4). À ces insatisfaits il faut ajouter près de 40 000 « inactifs » — les radiés du système, restés trop longtemps passifs — et les quelque 180 000 candidats ayant « quitté la procédure ». Soit parce qu’ils n’ont pas obtenu le baccalauréat (la moitié), soit parce qu’ils ont disparu des radars. Ont-ils renoncé aux études supérieures ? Se sont-ils inscrits dans un établissement privé ? Le ministère ne donne aucun détail. Mais nombre d’écoles privées se sont félicitées d’une explosion des demandes.

      L’angoisse générée par Parcoursup a particulièrement frappé les élèves des établissements accueillant une population défavorisée, où les premiers résultats ont fait l’effet d’une douche froide. À Nanterre, 76 % des élèves d’une classe de filière littéraire n’ont alors eu que des réponses négatives ou « en attente ». La proportion s’élevait à 82 % dans une terminale technologique de Beauvais, et même à 92 % dans une classe technologique d’Asnières-sur-Seine (5). En moyenne, 71 % des élèves de série générale ont reçu une réponse positive dès le premier jour, contre 50 % dans les séries technologiques et 45 % dans les séries professionnelles (6). Si ces résultats ne valaient pas rejet définitif, ils furent source de frustration et de découragement pour de nombreux élèves, poussés à sauter sur le premier accord en sous-estimant leurs chances d’obtenir mieux. Parcoursup a ainsi pénalisé les bacheliers des filières professionnelles, dont les inscriptions à l’université ont chuté de 13,7 % entre 2017 et 2018. « Nous ferons en sorte que l’on arrête, par exemple, de faire croire à tout le monde que l’université est la solution pour tout le monde », avait annoncé le président Emmanuel Macron peu après son élection. En ce sens, la plate-forme a effectivement été une « vraie réussite ».

      La gestion du temps s’est imposée comme un critère central de l’accès à l’enseignement supérieur. En 2018, la procédure s’étalait sur près de neuf mois, de janvier à septembre. Pendant l’été, environ 66 000 candidats se trouvaient toujours sur liste d’attente. Cela a désorganisé les filières du supérieur, qui se voyaient dans l’impossibilité de dresser la liste de leurs inscrits, et retardé l’accès au logement des étudiants : difficile de postuler pour une place dans une résidence universitaire sans connaître son lieu d’études… « La durée de la procédure a entretenu un sentiment d’insécurité », a reconnu Mme Vidal, qui a décidé d’écourter l’anxiété de deux mois pour la session 2019.
      L’élève devient le produit d’une série d’opérations qu’il ne contrôle pas

      Cet ajustement n’est pas seulement technique. Le dispositif Parcoursup saucissonne le jugement scolaire — le processus de classement, d’appréciation, de notation des élèves — en une suite de phases auxquelles le lycéen doit se conformer. Il structure l’orientation et la candidature selon un parcours linéaire qui ne souffre aucun accroc : de décembre à avril, l’information et la formulation des vœux ; d’avril à mai, l’attente des résultats ; de mai à juillet, le choix. La plate-forme s’impose ainsi comme un levier proprement « disciplinaire », au sens où elle contraint chaque famille et chaque élève à des cycles et à des tâches ritualisées face auxquels tous ne sont pas égaux : aller chercher l’information sur les filières, préparer les lettres de motivation… Pendant de longs mois, le lycéen devient le produit d’une série d’opérations de tri, de classement et de calcul qu’il ne contrôle pas. Son avenir se joue à coups d’algorithmes fondés sur des critères dont il ne connaît rien, ou presque.

      Dans un tel système, le droit à l’erreur ou le droit de « ne pas savoir quoi faire » n’existe pas. Tout déraillement, tout ralentissement est sanctionné par un rappel à l’ordre. On pense aux mises en garde adressées par l’administration aux lycéens demeurant « en attente » d’une réponse alors qu’une formation leur avait déjà donné un accord. « On encourage tous ceux qui ont eu une proposition à aller s’inscrire », n’a cessé de répéter le ministère. Pour faire plier les hésitants, les règles ont même changé en cours de route. À partir de juillet, les inscrits n’avaient plus que trois jours pour confirmer un vœu, faute de quoi toutes les propositions étaient annulées. Ces candidats indécis espéraient sans doute une meilleure proposition, mais on les accusait de ne pas libérer les places assez vite. Ils étaient rendus responsables non seulement de leur propre attente, mais aussi de celle des autres.

      Traditionnellement, les sociologues considèrent que la légitimité du jugement scolaire relève de l’organisation de sa procédure. Son caractère acceptable dépend de la transparence des critères, de l’équité de leur usage, mais aussi de la publication des résultats dans un délai raisonnable. Or les élèves des filières professionnelles, souvent issus des milieux populaires, ont patienté en moyenne dix-sept jours pour recevoir une première réponse positive, contre quatre pour les titulaires d’un bac général. L’attente est devenue le reflet des inégalités sociales, incarnant et redoublant la violence du classement.

      Avec Parcoursup, des dizaines de milliers de jeunes sont restés dans l’#incertitude durant des mois, pour des raisons qui leur paraissaient obscures et parfois injustes. En procédant ainsi, l’institution les a poussés à perdre confiance en eux, mais également à douter du système scolaire, social et politique qui produit le classement — un constat également valable pour l’enseignant qui prépare l’élève et pour la famille qui l’accompagne. Voilà, pour le moment, le principal acquis des réformes éducatives de la présidence de M. Macron.

      https://www.monde-diplomatique.fr/2019/01/ALLOUCH/59445

    • Parcoursup : réponse du #Défenseur_des_droits

      Le SNPTES se félicite de la réponse et des recommandations faites par le Défenseur des droits concernant la plateforme Parcoursup.

      En effet, face à un manque de transparence de la procédure d’affectation dans le premier cycle supérieur des candidats, le SNPTES, conjointement à un collectif d’organisations syndicales et d’associations, avait décidé de saisir le Défenseur des droits.

      Pour le SNPTES, chaque candidate et candidat doit pouvoir connaître et comprendre l’ensemble de la procédure et des critères que les établissements utilisent pour évaluer leur dossier. Le SNPTES est convaincu également que les personnels qui ont la charge d’étudier ces candidatures n’ont aucune volonté de cacher ces critères et, que surtout, ceux-ci n’ont aucune volonté discriminatoire.

      Ainsi donc, le SNPTES s’était grandement étonné de la volonté de la ministre de ne pas laisser les établissements communiquer l’ensemble des éléments et protocoles utilisés lors de la lecture des candidatures. Le Défenseur des droits nous donne raison et recommande donc à la ministre de prendre toutes les mesures nécessaires afin « de rendre publiques toutes les informations relatives au traitement, y compris algorithmique, et à l’évaluation des dossiers des candidats par les commissions locales ».

      En outre, le Défenseur des droits incite la ministre de rendre effective la mobilité géographique des candidats, d’harmoniser les pratiques d’accueil des boursiers et favoriser l’accès aux études supérieures des candidats issus de baccalauréats technologiques et professionnels. Tous ces points sont directement corrélés aux capacités d’accueils insuffisantes de notre enseignement supérieur. Le SNPTES ne cesse de le clamer, ces problèmes d’ordre organisationnels ne perdurent que parce que l’État ne consent pas à mettre les moyens nécessaires à la formation de sa jeunesse… et aucun quota ni aucune procédure d’affectation ne pourra compenser ça !

      http://www.snptes.fr/Parcoursup-reponse-du-Defenseur.html