• En Corée du Sud, un plan pour enterrer la hache de guerre mémorielle avec le Japon
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    Le gouvernement sud-coréen entend indemniser ses ressortissants victimes du travail forcé au Japon entre 1910 et 1945. S’il compte sur la participation de Tokyo, il doit également affronter de vives critiques des proches des persécutés et de l’opposition.

    Cette fois, est-ce la bonne ? Après des années de disputes et d’excuses, de plaintes et de retrouvailles, d’accords signés puis déchirés sur les contentieux historiques entre le Japon et la Corée du Sud, Séoul a proposé lundi un nouveau plan pour indemniser les victimes du travail forcé durant la brutale colonisation nippone de la péninsule entre 1910 et 1945. Si l’on en juge par les premières réactions en Corée, les chances de succès ne sont pas franchement assurées.

    Avec cette nouvelle résolution, le ministre sud-coréen des Affaires étrangères, Park Jin, entend indemniser les victimes par le biais d’une fondation publique créée en 2014 sous l’égide du ministère de l’Intérieur et de la Sécurité. Et engager des relations apaisées au moment où les pressions chinoises sur Taiwan et les menaces balistiques de la Corée du Nord tendent le climat sécuritaire en Asie. En 2018, quinze Sud-Coréens avaient gagné trois procès distincts contre deux entreprises japonaises : Mitsubishi Heavy Industries et Nippon Steel. La Cour suprême avait ordonné aux deux groupes d’indemniser les plaignants. Mais les deux firmes avaient refusé de se conformer à la décision.

    Depuis, Séoul et Tokyo ont traversé une querelle diplomatique avec des répercussions sur leurs relations commerciales et leur coopération militaire. Le Japon avait instauré en 2019 des restrictions à l’exportation vers la Corée du Sud de certains produits et composants chimiques. Ce lundi, Séoul a d’ailleurs annoncé qu’il renonçait à sa plainte devant l’Organisation mondiale du commerce concernant ces mesures de rétorsion. Le président américain, Joe Biden, a salué une « percée historique » des discussions entre deux de ses « plus proches » alliés. Environ 780 000 Coréens ont été soumis au travail forcé durant les trente-cinq ans d’occupation japonaise, sans compter les femmes réduites à l’esclavage sexuel et enrôlées de force dans les bordels de l’armée nippone durant la guerre de Quinze Ans (1931-1945).

    500 millions de dollars

    Le fonds d’indemnisation sera mis en place grâce aux dons d’entreprises privées – comme le conglomérat Posco – qui avaient bénéficié du traité nippo-sud-coréen de juin 1965. Cette année-là, après quatorze ans de négociation, les deux pays établissaient leurs relations diplomatiques. Tokyo venait en aide à son voisin ravagé par la guerre de Corée et acceptait de verser 500 millions de dollars sous forme de subventions (300 millions) et de prêts à long terme à faible taux d’intérêt (200 millions), soit environ 1,5 fois le budget national de la Corée du Sud à l’époque. D’autres plaignants, dont les affaires sont en instance au tribunal, pourraient également bénéficier de l’indemnisation lorsqu’ils auront obtenu gain de cause.

    En présentant son plan, le ministre sud-coréen des Affaires étrangères, Park Jin, a appelé à « une nouvelle histoire pour la Corée et le Japon, dépassant les antagonismes et les conflits, pour aller de l’avant ». La semaine dernière, le président sud-coréen avait employé des mots inédits pour saluer la transformation du Japon, « agresseur militariste du passé, en un partenaire qui partage avec nous les mêmes valeurs universelles ». Lundi, Park Jin a dit « espérer que le Japon répondrait positivement à notre décision majeure d’aujourd’hui, par des contributions volontaires d’entreprises japonaises et des excuses complètes ».

    Rien n’est moins sûr. En déclarant qu’il « appréciait [l’annonce du gouvernement sud-coréen], car elle contribuera à rétablir des relations saines entre le Japon et la Corée du Sud après une situation très difficile », le ministre japonais des Affaires étrangères, Yoshimasa Hayashi, s’est montré pour le moins mesuré. Il a surtout rappelé que son gouvernement « avait hérité de la position des administrations japonaises successives sur la reconnaissance historique dans son ensemble ».

    « Enormes souffrances »

    Autrement dit, Tokyo s’est déjà beaucoup excusé et a multiplié les déclarations officielles. Ce lundi, Yoshimasa Hayashi a d’ailleurs évoqué la déclaration conjointe signée en octobre 1998. Dans ce texte, le Premier ministre Keizo Obuchi reconnaissait les « énormes dommages et souffrances [infligées] au peuple de la république de Corée par le régime colonial [du Japon] », et exprimait son « profond remords et ses excuses sincères pour ce fait ». Sur la question douloureuse des femmes de réconfort, le Japon avait également procédé à une reconnaissance des exactions de l’armée impériale à l’encontre de 200 000 esclaves sexuelles – des Coréennes mais aussi des Chinoises, des Indonésiennes, des Philippines et des ressortissantes d’autres pays asiatiques –, avant de se livrer à des excuses, en 1993, avec la déclaration Kono, du nom du secrétaire en chef du gouvernement.

    En décembre 2015, au terme d’une longue année de commémoration de la fin de la guerre en Asie marquée par des mea culpa du Japon (à commencer par l’empereur), l’administration de Shinzo Abe et celle de la présidente sud-coréenne Park Geun-hye s’étaient entendues sur un accord « définitif et irréversible ». Le Japon renouvelait ses « excuses et ses regrets sincères à toutes celles qui ont enduré une douleur incommensurable et des blessures physiques et psychologiques incurables en tant que femmes de réconfort ». Et versait alors un milliard de yens de dédommagements à une fondation afin d’aider la trentaine de survivantes alors.

    « Défaite totale pour la Corée »

    Si le Japon n’a pas toujours été exempt de critiques sur les déclarations de certains leaders, à commencer par Shinzo Abe et une partie de la droite nationaliste, parfois empruntes de révisionnisme et de mépris, il n’en demeure pas moins que les administrations successives ont toujours respecté les engagements pris, et répété excuses et regrets depuis trente ans. Il n’en a pas toujours été ainsi de la Corée du Sud dont les engagements fluctuent au gré des alternances politiques. En 2017, sous pression des victimes d’une société civile active, le président Moon Jae-in avait archivé l’accord de 2015 et lancé une enquête qui avait provoqué la furie de Tokyo. Avant que la décision de la Cour suprême sud-coréenne sur le travail forcé ne jette de l’huile sur le feu entre les deux capitales.

    Aujourd’hui, on ne sait pas si les entreprises japonaises abonderont au fonds d’indemnisation. Le gouvernement Kishida n’envisage pas de le faire. Avant même les réactions japonaises au plan de la Corée du Sud, l’opposition sud-coréenne et les proches des victimes de travail forcé ont fustigé une « résolution humiliante », une « défaite totale pour la Corée ». Ils exigent des compensations directes de la part des entreprises nippones et des « excuses sincères ».

    Malgré les vives critiques, Tokyo et Séoul aimeraient se tourner vers le futur, comme l’a souligné le conseiller sud-coréen à la Sécurité nationale, Kim Sung-han. Selon le Korea Times, un nouveau fonds serait créé par la Japan Business Foundation et cofinancé par son homologue coréenne. Il viserait à faciliter les échanges entre jeunes japonais et sud-coréens. Autrement dit, à regarder vers l’avenir. Peut-être pour se détourner des sujets qui fâchent.

    #Japon #Corée #colonialisme #réparations #mémoire #travailforcé #exploitationsexuelle

  • Olivier Da Lage : « L’Inde est déjà un régime autoritaire » - Asialyst
    https://asialyst.com/fr/2019/09/17/olivier-da-lage-inde-deja-regime-autoritaire

    Comment est-il possible juridiquement d’exclure de la citoyenneté des Indiens musulmans qui sont des citoyens comme les autres ?
    Je vais faire une comparaison qui va peut-être vous surprendre. Quand la France a introduit la carte d’identité sécurisée, biométrique, un grand nombre de personnes âgées ont découvert qu’il leur fallait prouver qu’elles étaient françaises en cherchant des papiers très anciens. La France ne connaît pas les tremblements de terre, les inondations, les incendies qui détruisent les mairies, donc c’était une situation difficile mais pas inextricable. En Inde, où tous ces genres de catastrophe peuvent arriver et où l’état-civil ancien n’était pas tenu, beaucoup de gens ne seront tout simplement pas en mesure de prouver leur citoyenneté. Elles ne sont donc pas exclues parce qu’elles sont musulmanes ou parce qu’elles ne sont pas considérées comme de « bons citoyens », mais parce que l’examen ne permettra pas de prouver que ces personnes-là sont citoyens indiens. Donc, d’un manière douce en quelque sorte, une politique en réalité extrêmement brutale risque d’être mise en œuvre. Sur le terrain, beaucoup d’autorités locales comprennent très bien dans quelle direction on va. On sera indulgent pour certains et pas pour d’autres.
    Le pays se dirige-t-il vers une chasse aux musulmans généralisée ?
    Oui, et elle est encouragée de façon extrêmement ouverte par toute une série de personnalités dans les journaux, sur les réseaux sociaux, dans des déclarations lors de meetings. Je ne dis pas que cette chasse aura lieu. Il se peut que la Cour suprême et d’autres autorités judiciaires arrivent à restreindre les excès. Il se peut aussi que certaines personnes résistent. Mais ce qu’il faut bien comprendre, c’est que dans l’Inde d’aujourd’hui, tout ne vient pas d’en haut. Des instincts qui ont longtemps été bridés justement parce que les autorités véhiculaient d’une façon pas toujours sincère une image de laïcité et de respect du droit, eh bien aujourd’hui, les messages qui sont envoyés d’une manière directe ou subliminale, c’est : « Vous pouvez y aller ! On vous couvre ! » Et quand vous voyez les lynchages qui ont eu lieu sans être condamnés par les autorités ou qui n’ont été condamnés qu’un ou deux ans après, on peut comprendre vers quoi on va.

    Ça me rappelle un truc, ces élites et ce populo qui glissent ensemble...

    Un grand nombre d’Indiens se rappellent que le Congrès a terminé comme un parti corrompu avec des scandales épouvantables et qui veulent bien voir dans le gouvernement Modi certains excès mais avant tout, des gens très pragmatiques qui savent faire des affaires et même des politiques bonnes pour l’économie. On verra si cela fonctionne car pour l’instant, les réalités économiques ne sont pas au rendez-vous.

    Tous les voyants sont au rouge. Les derniers sont les chiffres de la croissance, qui ne sont que la résultante de tous les autres. Les investissements étrangers ont chuté après avoir été décollé de façon assez spectaculaire après l’arrivée au pouvoir de Modi en 2014, et sa campagne du « Make in India ». La démonétisation de 2016 a été un échec. Les autorités se défendaient en affirmant avoir lutté contre la corruption. Or tous les billets qui avaient disparu sont revenus dans le circuit. En revanche, cela a considérablement déstabilisé l’économie informelle qui compte énormément dans les productions indiennes.

    Le coup d’accélérateur sur la politique nationaliste n’est-il donc qu’une diversion pour faire oublier cette réalité économique mauvaise ?
    Ce n’est pas seulement une diversion parce que cela correspond à des convictions profondes du parti au pouvoir. Mais c’est en effet utilisé comme une diversion pour cacher des résultats économiques décevants. C’est pour cette raison qu’il y a une accélération de l’agenda idéologique, puisque si Modi avait pu faire campagne sur des résultats économiques très satisfaisants, je pense qu’il l’aurait fait davantage en 2019.

    C’est pas un article tout récent. #Inde

    • Et celle-là encore :

      Donc on est déjà dans un pays autoritaire, « illibéral » pour reprendre un terme qui a connu un succès depuis quelques années. Je comparerais Modi à Recep Tayyip Erdogan en Turquie. La démocratie n’est pas remise en cause, mais elle change de nature. Celui qui a la majorité a tous les pouvoirs. La démocratie n’est alors plus le respect des minorités mais le droit de la majorité.

      #macronisme indien ?

  • Podcast : « Xinjiang : quel avenir pour la population ouïghoure ? » - Asialyst
    https://asialyst.com/fr/2019/11/23/podcast-xinjiang-quel-avenir-ouighours

    « Système orwellien », « région la plus surveillée du monde », « laboratoire du contrôle social chinois »… les qualificatifs ne manquent pas pour décrire la situation politique dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang.
    Située dans l’Extrême-Ouest chinois, frontalière de huit pays (dont le Pakistan et l’Afghanistan), la zone a toujours a fait l’objet d’une surveillance massive des autorités chinoises. Mais la pression sur les communautés musulmanes turcophones, principalement composées de Ouïghours (environ 10 millions d’habitants), semble atteindre un niveau jamais vu. L’utilisation de technologies de pointe (fichage génétique, recours massif à l’intelligence artificielle) s’associe à la mise en place d’un immense système de camps d’internement. Jusqu’à 1 million d’habitants, majoritairement ouïghours, pourrait y être détenus selon le Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination raciale. Depuis les « Xinjiang Papers », ces documents confidentiels impliquant Xi Jinping et révélés par le New York Times le 16 novembre dernier, le projet concentrationnaire de la Chine contre les Ouïgours ne peut plus être nié. Officiellement, Pékin, qui ne donne pas de chiffres, les décrit comme des « centres de formation professionnelle » destinés à combattre le séparatisme et l’Islamisme.

    #vidéo #documentaire #conférence #Chine #Ouïghours

  • Hong Kong : « Nous sommes tous au front » - Asialyst
    https://asialyst.com/fr/2019/11/09/hong-kong-nous-sommes-tous-au-front-frontliner

    La police de #Hong_Kong a annoncé ce samedi avoir arrêté trois parlementaires pro-démocratie et a demandé à quatre autres de se présenter au commissariat pour être placés en état d’arrestation. Tous sont accusés de violences lors d’échauffourées au Conseil législatif en mai dernier, au moment où la dirigeante tentait de faire adopter en urgence une loi autorisant les extraditions vers la #Chine populaire. Depuis, la cheffe de l’exécutif hongkongais a retiré son texte, mais les #manifestations ont continué. La confrontation avec la #police s’est installée dans une violence systématique. David Bartel s’est entretenu avec un « frontliner », parmi ceux qui montent en première ligne au contact direct des forces de l’ordre.

  • Tuberculose : l’Inde face au fléau de l’antibiorésistance - Asialyst
    https://asialyst.com/fr/2019/10/26/inde-tuberculose-fleau-antibioresistance

    Le 9 octobre dernier s’ouvrait la conférence internationale du Fonds mondial contre le paludisme, le sida et la tuberculose. On le sait peu, mais c’est aujourd’hui cette dernière qui tue le plus dans le monde. Alors qu’elle concentre 27 % des malades, l’Inde fait face à un phénomène aggravant : la bactérie a muté et résiste aux antibiotiques. Enquête au cœur de cette nouvelle menace à Bombay.

    #santé #antibiotiques #Inde #it_has_begun

  • La Chine maritime et navale (7/7) : les touristes chinois sur tous les océans - Asialyst
    https://asialyst.com/fr/2019/10/12/chine-maritime-navale-7-7-touristes-chinois-sur-tous-oceans

    Le plus étonnant dans le tourisme maritime des Chinois, ce n’est pas seulement qu’ils inondent les plages de Qingdao à Phuket. Mais c’est à quel point la hausse du niveau vie et l’émergence d’une classe de super riches en Chine populaire ont fait exploser toutes les limites des océans. Du tourisme « patriotique » sur les îles disputées de la mer de Chine du Sud au tourisme en Antarctique, seul compte le besoin d’expérience ultime mêlé à la recherche de l’air le plus pur.

    Un article intéressant sur le #tourisme, cette manière de dépenser son fric quand on bénéficie d’une distribution inéquitable des richesses. (Détail : ça parle de la #Chine.)

    #mer_de_Chine aussi

  • Sommet Trump-Kim au Vietnam : un vague accord de paix à la place de la dénucléarisation ? - Asialyst
    https://asialyst.com/fr/2019/02/23/sommet-trump-kim-vietnam-vague-accord-paix-denuclearisation

    Du reste, son patron, que l’on a connu à maintes reprises plus exalté sinon ouvertement inconséquent, semble se montrer inhabituellement plus mesuré. « J’espère, a déclaré Donald Trump, que nous serons aussi chanceux que lors du premier sommet [de Singapour]. Mais, je ne suis pas pressé [vis-à-vis des avancées de la dénucléarisation du régime nord-coréen]. Nous ne voulons simplement plus qu’il y ait d’essais [nucléaires, balistiques]. »* Le président américain est bien loin de ses positions maximalistes entrevues un an plus tôt. Moins un sursaut de lucidité que l’évidence de devoir rabattre ses improbables prétentions face à un interlocuteur sur lequel le monde extérieur possède toujours fort peu de prises. Kim, de son côté, semble se targuer d’une position allant tranquillement en se renforçant. Selon Siegfried Hecker, professeur à Stanford et parmi les meilleurs spécialistes du dossier nucléaire nord-coréen, Pyongyang pourrait – sur la base de la production toujours en cours de matières fissiles – avoir fabriqué l’équivalent de sept armes nucléaires supplémentaires en 2018 alors même que le régime négociait sa « dénucléarisation » avec les États-Unis

    #vietnam #Corée #Géopolitique #nucléaire #trump

  • Chine : le pari de la voiture autonome, rêve ou cauchemar ? - Asialyst

    https://asialyst.com/fr/2019/01/07/chine-pari-voiture-autonome-reve-ou-cauchemar

    Super article très informatif.

    En Chine, les champions du numérique se livrent à une course de vitesse pour tester sur les routes leurs véhicules autonomes. Malgré la circulation engorgée et chaotique des mégalopoles chinoises, les investissements s’accélèrent avec le soutien du gouvernement. Le premier marché automobile de la planète pourrait bien, d’ici quelques années, mettre un logiciel dans le siège du conducteur. La route chinoise s’en trouverait transfigurée : pour les optimistes, l’automatisation favorisera les transports en commun et réduira les émissions de gaz à effet de serre. Pour les pessimistes, elle pourrait saturer les villes de voitures et aggraver une urbanisation déjà frénétique.

    #mobilité #transport #voiture_autonome #automobile