Benyamin Nétanyahou. Fin ou accomplissement du rêve sioniste ?

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  • Sylvain Cypel démonte l’idée de Jean-Pierre Filiu selon laquelle il aurait existé un sionisme des origines humaniste et non raciste.

    Benyamin Nétanyahou. Fin ou accomplissement du rêve sioniste ?
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    Lorsque Filiu, en clôture de l’ouvrage, juge que « la rupture [de Nétanyahou] avec les pères fondateurs est historique », et lorsqu’il conseille « d’oser l’espoir et de renouer avec l’esprit des pionniers sionistes », il octroie au sionisme des fondateurs une attitude qu’il idéalise. Car non seulement le sionisme s’est bâti sur deux piliers : l’un dit « socialiste » et l’autre nationaliste, mais les deux ont, de tout temps, fonctionné autant dans le conflit que dans l’alliance. De fait, l’ethnicisme leur était, à tous deux, constitutif, comme l’a magistralement montré Zeev Sternhell dans Aux origines d’Israël. Entre nationalisme et socialisme (Fayard, 1996).

    Ce n’est pas le sionisme révisionniste qui a tenu le premier rôle dans la Nakba palestinienne (même s’il y a amplement participé), mais bien le sionisme qui se disait socialiste. C’est ce même sionisme socialiste qui dès la naissance d’Israël a repris dans son code législatif les « internements administratifs », mis en place par les autorités britanniques durant le mandat, cette possibilité d’emprisonner quiconque sans motif ni limite dans le temps et auxquels les Palestiniens sont soumis jusqu’à ce jour. C’est le sionisme travailliste qui, à la tête du Fonds national juif, a inscrit dans ses règlements l’interdiction de la vente de terre à des non-juifs — en d’autres termes l’impossibilité pour des citoyens palestiniens d’Israël d’acquérir des terres. La liste est longue des discriminations ethniques qu’Israël a imposées à sa minorité palestinienne restée vivre dans ses frontières dès les premières années de son existence, lorsque le sionisme travailliste dominait. Enfin, c’est sous le sionisme socialiste, dans les années 1960, que fut théorisée la légitimité de la « guerre préventive », contraire aux principes du droit international, que revendiquera Israël pour lancer la guerre dite « des Six-Jours » en juin 1967 (et en de multiples autres occasions). Bref, « l’esprit des pionniers » était moins reluisant que ne l’affirme Jean-Pierre Filiu. Et dans ses actes, Nétanyahou n’est pas toujours en rupture ; il est aussi, souvent, le continuateur de la geste sioniste, en plus exacerbée.

    Mon Dieu, on est 2019, et Filiu en est encore à ce genre d’élucubrations sur le gentil sionisme « socialiste » des origines…