@ktche J’abonde, certes, mais en même temps cette forme de critique des médias, c’était notre fond de commerce depuis les débuts du Web indépendant. Mes copains journalistes se foutent toujours de ma gueule du fait que j’ai toujours fait savoir que je n’aimais pas les journalistes (à cause justement de ce qu’est cette « forme-média », pas juste les conflits d’intérêt et connivences).
Et, oui, j’ai toujours pensé que l’ouverture du Web ne ferait pas miraculeusement émerger une forme nouvelle et idéale, mais que ce serait un travail difficile (et que c’est pour ça qu’il fallait militer/travailler, et que c’est pour ça qu’on a fait SPIP, puis Seenthis, pour parler de notre chapelle). Et ce travail a assez systématiquement été annihilé à la fois par la progression des marchands (« Web 2.0 ») prétendant fournir des outils qui te facilitent cette « forme nouvelle » d’expression, les militants et associations militantes qui se sont, vers 2010, rués sur ces outils marchands (militer sur Facebook, merde alors), faisant le lit d’une forme entièrement putaclic du rapport au monde, mais aussi d’un remplacement des efforts d’écriture collectifs du début des années 2000 (magazines, sites militants, site collectifs, etc.) par le blog personnel servant l’auto-promotion, la projection de l’image de soi, centration sur les considérations petit-bourgeoises des auteurs… (retombant ainsi dans un des problèmes de cette « forme-médias » que l’on dénonçait).
Mais aussi, je l’ai toujours pensé, toute une partie de notre camp qui cultive le refus techno, néo-luddites et autres, qui ont assez systématiquement laissé le champ libre à l’ennemi, alors que les fachos maîtrisent depuis longtemps tous les outils numériques et y sont omniprésents. Et quand ils se sont rendu compte que les « samizdats » en papier collés à l’arrache sur les murs des villes, c’était certes folklorique mais totalement inefficace par rapport à la déferlante et la maîtrise des nouveaux médias par les fachos, les marchands et les fachos, ils se sont dit qu’il fallait y aller, mais totalement incompétents, et donc au lieu de monter des sites collectifs et bien foutus, allez hop, on va te faire un Facebook, parce que c’est là que les gens ils sont. (Et donc c’est mort.)
Et le double effet, c’est que nos camarades sont globalement nuls, initialement réfractaires à l’expression en ligne, ont toujours eu mal à produire massivement une expression de qualité en ligne, se sont contenté des outils pourris conçus pour l’expression putaclic et l’indignation à deux balles, où ils se sont fait laminer, et maintenant ils nous refont la critique néo-luddite, parce que désormais tout le monde sait qu’on ne peut pas travailler sur Facebook, et que sur Twitter c’est violent et saturé de cons, et donc à nouveau critique néo-luddite parce qu’on s’est fait doubler (assez volontairement à mon goût) par les fachos. Et le champ est libre pour les fafs.
Et la version américaine c’est qu’on va militer pour que les GAFA fassent le ménage (en rêvant que les GAFA vont flinguer le camp Sheldon Adelson plutôt que le camp Noam Chomsky).