• La mort de Fanny Cheyrou, journaliste à « La Croix »
    https://www.la-croix.com/JournalV2/mort-Fanny-Cheyrou-journaliste-Croix-2022-10-24-1101239118

    (...) son souci premier allait aux marges. Nous garderons à l’esprit son attention sans cesse renouvelée pour les plus pauvres, les délaissés, les sans-papiers. Fanny était aussi habitée par la question du soin. Ces derniers mois, quand il lui arrivait d’envisager de reprendre le travail, elle projetait d’écrire une fois de plus sur les personnels soignants qu’elle admirait. Pour son premier reportage dans La Croix L’Hebdo, Fanny avait suivi longuement deux infirmiers dans un désert médical des Landes de Gascogne qui, écrivait-elle, « pansent plaies et âmes ».

    #media #catholicisme

  • Les nouveau-nés palestiniens empêchés de quitter leur pays
    Salomé Parent-Rachdi, La Croix, le 19 octobre 2020
    https://www.la-croix.com/JournalV2/nouveau-nes-palestiniens-empeches-quitter-leur-pays-2020-10-19-1101120133

    Lourice Totah est née le 11 juin, et le début de sa vie n’aura pas été simple. De ses premières semaines, ses parents, Morgan, américaine, et Saleh, palestinien, propriétaires d’un café à Ramallah, ont tout couché par écrit. Les allers-retours devant l’administration israélienne dans les Territoires palestiniens, les rendez-vous avec l’ambassade américaine pour tenter de sortir du dédale administratif dans lequel la naissance de leur fille les a plongés.

    Car comme de nombreuses autres familles dont les enfants sont nés depuis le mois de mai, les Totah se sont heurtés de plein fouet à l’une des conséquences de la fin de la coordination civile et sécuritaire entre l’Autorité palestinienne et Israël, annoncée en février dernier par Mahmoud Abbas mais effective depuis six mois seulement. Si les bébés reçoivent encore leurs titres d’identité palestiniens, Ramallah ne transfère plus ces informations à Israël, comme c’est normalement la procédure depuis les accords d’Oslo. Les nouveau-nés et leurs familles se retrouvent alors dans l’impossibilité d’obtenir le « permis de voyager », sésame pour quitter les Territoires palestiniens, dont les entrées et sorties sont contrôlées par l’État hébreu.

    Sur les 35 000 enfants, au moins, nés depuis mai, il est difficile d’estimer combien se sont retrouvés dans cette situation. Pour tenter d’y voir plus clair, l’ONG israélienne HaMoked de défense des droits des Palestiniens dans les Territoires occupés est récemment devenue le nouvel intermédiaire entre ces familles et Israël. Résultat, des dizaines de demandes lui sont arrivées, laissant le personnel complètement débordé. « Seuls 15 dossiers ont été transmis pour l’instant » , explique Jessica Montell, directrice exécutive de l’organisation.

    Depuis, un seul enfant et sa famille ont pu quitter le territoire, une poignée d’autres seraient désormais en mesure de le faire. « C’est de l’occupation bureaucratique , explique Jessica Montell. Lier l’inscription au recueil des naissances et le droit de voyager est une décision purement israélienne. L’administration pourrait très bien enregistrer les nouveau-nés aux frontières. » En arrivant au point de passage entre la Cisjordanie et la Jordanie, certaines familles ont dû faire demi-tour, l’armée ne les laissant pas passer à moins de laisser leur nouveau-né sur place.

    Certains parents se seraient directement rendus auprès de l’administration civile israélienne dans les Territoires palestiniens (Cogat), outrepassant les prérogatives de l’Autorité palestinienne. Un jeu d’équilibriste pour Israël, car la symbolique liée à la gestion des naissances est forte : si pour des tâches aussi essentielles que faire reconnaître son enfant, l’autorité de Ramallah, déjà chancelante, n’est plus indispensable, alors qu’en reste-t­‑il ?

    Pour le porte-parole du Cogat, « l’Autorité palestinienne se doit d’informer Israël concernant chaque changement dans le registre de la population » . Mais il ajoute, sibyllin : « À la suite de la suspension de la coordination avec Israël, les demandes d’enregistrement soumises par les résidents palestiniens à l’administration civile sont examinées selon les procédures. » Contacté, le ministère des affaires étrangères palestinien n’a pas répondu à nos questions.

    #Palestine #apartheid #Oslo #administration #sanctions #justice #injustice #enfants

  • Antigone au pays du Cèdre

    #Wadad_Halwani

    Présidente du Comité des familles de personnes disparues ou kidnappées

    Porte-parole des familles des disparus de la #guerre_civile, cette femme libanaise est parvenue au vote d’une loi décisive grâce à son acharnement, trente six ans après le début de son combat. Aujourd’hui, son fils Ghassan numérise les #archives de cet engagement.

    Autour d’une table d’un blanc immaculé, des mères, des épouses et des sœurs de disparus de la guerre civile libanaise brandissent le portrait jauni de leur bien-aimé, des dizaines de journalistes ajustent leur caméra et jouent des coudes, des députés et des dirigeants d’ONG s’installent sur les rares chaises encore inoccupées, leurs discussions recouvertes par un chant sur les 17 000 disparus estimés du conflit ayant duré de 1975 à 1990, émis par une enceinte crachotante. Soudain, le silence tombe sous les cerisiers du jardin Khalil Gibran, au cœur de Beyrouth : une femme menue aux yeux pétillants, coiffée d’un foulard jaune marqué du slogan « Notre #droit_de_savoir », pose la feuille de son discours devant les micros placés sur la table.

    En cette journée d’automne, pour la première fois en trente-six ans d’une lutte acharnée pour obtenir la vérité sur le sort des disparus, la voix de Wadad Halwani n’est pas rendue inaudible par le tumulte de l’impunité : elle fait écho à l’adoption, le 13 novembre 2018, de la #loi sur les #victimes de #disparition_forcée. Le texte prévoit la mise en place d’une commission indépendante chargée d’enquêter sur le sort des disparus, d’exhumer les corps des fosses communes et d’identifier les dépouilles grâce à une banque de données #ADN.

    Son timbre n’a pas la couleur du triomphalisme mais la mesure sobre des efforts réalisés pour parvenir à ce moment historique. « Aujourd’hui, je suis parmi vous, et cela me ramène à notre première rencontre le 17 novembre 1982 sur la corniche Mazraa. Vous aviez répondu à mon appel lancé à la radio après l’enlèvement de mon mari. Nous étions des centaines de femmes. Nous ne nous connaissions pas : c’est notre tragédie commune qui nous réunissait », dit-elle à l’adresse des membres du comité des familles de disparus et de kidnappés qu’elle a fondé en 1982.

    Le 24 septembre 1982, son mari Adnan était enlevé devant ses yeux et ceux de leurs fils Ziad et Ghassan, âgés de 6 et 3 ans. Deux hommes l’avaient emmené, soi-disant pour l’interroger sur un accident de la route : « Il y en a pour cinq minutes », assurèrent-ils. Adnan n’est jamais revenu. « Tu n’es ni resté ni parti », scande le chant en l’honneur des disparus qui s’élève du jardin Khalil Gibran, lieu symbolique où ces familles au deuil gelé protestent depuis le 11 avril 2005.

    À l’écart de la foule rassemblée, #Ghassan_Halwani, aujourd’hui âgé de 39 ans et père d’une fillette, tend l’oreille. Personne ne sait mieux que lui déceler les émotions voilées derrière le discours solennel de sa mère. « Nous n’avons pas laissé la porte d’un responsable entraver notre route, nous nous sommes confrontés aux dirigeants de la guerre qui misaient sur le renouveau par leurs destructions », clame-t-elle.

    Et son fils de se remémorer : « Un soir, j’étais dans la cuisine et j’ai entendu ma mère partir d’un grand rire. Je l’ai vue plongée dans la lecture d’un vieil article évoquant l’une de leurs manifestations. Ce jour-là, elles s’étaient rendues devant la demeure du premier ministre de l’époque, mais il s’était éclipsé par la porte de derrière ! »

    Coupures de journaux, communiqués de presse, reportages vidéo et photographies, Wadad archive depuis 1982 tous les documents liés au combat qui l’anime. « Des visages de disparus habitaient notre maison. Cela suscitait ma curiosité d’enfant, les âges, les coupes de cheveux ; je savais que c’était mêlé à un drame, sans en connaître toutes les dimensions », poursuit le fils cadet. Pendant les bombardements israéliens de juillet 2006, ils doivent déménager en urgence, sans pouvoir tout emporter. Pour Ghassan, c’est la prise de conscience : « Impossible de jeter ces visages ! Je comprends soudain qu’un canapé peut brûler, mais que perdre les archives de Wadad, c’est une perte absolue. »

    En 2015, il commence un travail minutieux de restauration et de numérisation des milliers de documents conservés par sa mère afin de les publier sur un site Internet en juin 2019, avec l’aide de bénévoles. Rania, la plus assidue, souligne : « Nous n’avons pas d’histoire officielle sur la guerre au Liban. Dans notre pays, les manuels d’histoire cessent en 1943. Wadad et Ghassan ont décidé de transformer ces archives familiales en trésor national », dit-elle. Plus de trois décennies après le début de sa quête de vérité et malgré les innombrables entraves rencontrées, Wadad Hal­wa­ni garde espoir : « Nous pardonnons le passé en échange d’un sursaut moral que nous devons réaliser ensemble », dit-elle, appelant quiconque détient des informations sur les disparus à les divulguer à la future commission d’enquête.

    https://www.la-croix.com/JournalV2/Antigone-pays-Cedre-2019-01-21-1100996760
    #Liban #fosses_communes #disparus #disparitions #cadavres #identification