ENFANTS VIOLENTÉS : « circulez y’a rien à voir »

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    On oublie de dire que pendant des années, les filles de Jacqueline Sauvage ont été violées par leur père. Quand on parle de victimes de violences, on évoque toujours la mère, on n’évoque pas les enfants. Et on ne parle pas en particulier des enfants qui ne sont pas protégés par leur mère quand elle est victime de violences, parce qu’elle n’est pas en situation de les protéger. Il y a une campagne autour de la nouvelle loi de Marlène Schiappa mais cette loi ne protège absolument pas les enfants – c’est une particularité française que de ne pas regarder les violences faites aux enfants.

    FS :Vous citez dans votre livre le cas d’une petite fille, Fanny, orpheline parce que son père a tué sa mère, mais impossible à adopter parce que son père assassin conserve néanmoins ses droits paternels sur elle. Qu’est ce qui justifie la conservation incompréhensible de ces droits paternels dans de telles situations ?

    FL : Le problème, c’est que la loi française est faite comme ça – on ne peut pas être déchu de ses droits parentaux sans qu’il y ait un jugement. Dans ce cas précis, c’était un meurtrier en cavale, donc il n’y a pas eu de jugement. Mais ce qui est très dommage, c’est qu’on ne se préoccupe pas de faciliter l’adoption de cette petite fille, et de ces enfants qui sont complètement abandonnés par leurs parents, dont les parents ne s’occupent plus du tout, et qui pourraient être adoptables. Normalement, une commission de révision des statuts devrait être se réunir régulièrement pour analyser la situation réelle de l’enfant, pour dire : « voilà, cet enfant pourrait être adoptable » – car ce n’est pas parce que les parents envoient une carte postale tous les ans que cela suffit à en faire des parents capables de prendre en charge l’éducation de leur enfant. On est dans un pays où la famille biologique, la famille de sang, est tellement privilégiée par rapport à toute autre relation qu’on considère que c’est moins grave d’avoir une famille malfaisante que pas de famille du tout. Et en conséquence, on laisse les enfants dans la dépendance d’une famille qui est au mieux absente, au pire malfaisante.

    FS : Vous évoquez dans votre livre comment l’affaire d’Outreau a modifié la façon dont est reçue la parole des enfants. Pouvez-vous nous en parler ?

    FL : A l’issue de l’affaire d’Outreau, et après que tout un groupe ait été condamné, puis finalement innocenté, la vraie question, c’est que les enfants d’Outreau ont été abandonnés pendant des années, on leur a dit en gros : « circulez, il n’y a rien à voir ». On a considéré que la parole de ces enfants qui avait été entendue et reprise dans des circonstances extrêmement pénibles pour eux, n’était pas digne d’être entendue. Lors du procès d’Angers, que nous comparons avec le procès d’Outreau, et où il y a eu une soixante d’accusés pédophiles, tout s’est passé de façon – on ne peut pas dire sereine – mais conforme au droit parce que le témoignage des enfants avait été recueilli dans des centres prévus à cet effet, enregistré, et qu’on ne leur a pas demandé cinquante fois de répéter la même chose. A Outreau, les enfants qui ont témoigné, ils étaient dans le box des condamnés ! Donc on voit bien qu’il y a eu une inversion absolue des priorités et des valeurs, et c’est ça qu’on a essayé de démontrer : très souvent, on fait de l’enfant victime un enfant coupable.

    FS : J’avais aussi remarqué, au moment de l’affaire d’Outreau, qu’il y avait dans les médias une campagne pour décrédibiliser la parole des enfants, pour souligner que, par définition, elle n’était pas fiable, que les enfants mentaient souvent. Ca évoquait un peu le concept freudien de l’enfant « pervers polymorphe »…