À Davos, la fin d’un monde

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  • À Davos, la fin d’un monde
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    Reuters

    ÉDITO. Dans ce monde en pleine recomposition, l’Occident, paralysé par l’essor des populismes et tenté par la fermeture des frontières, fait face à l’inexorable montée des pays émergents - Chine et Inde en tête -, qui professent strictement l’inverse. Par Philippe Mabille, directeur de la Rédaction.

    Souvent critiqué comme le sommet des riches et de l’entre-soi, le forum économique mondial de Davos, qui s’est tenu cette semaine, est aussi, par sa dimension internationale, un marqueur unique des tendances de l’époque. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la température polaire qui s’est abattue sur la station des Grisons suisses est en phase avec le climat économique mondial.

    Rien à voir avec l’euphorie qui régnait l’an dernier. Juste à l’ouverture du sommet, Christine Lagarde, la présidente, française, du FMI, a affiché la couleur : « Une récession mondiale n’est pas au coin de la rue, mais le risque d’un recul plus prononcé de la croissance mondiale a augmenté », a-t-elle indiqué en commentant la nouvelle révision à la baisse des prévisions de l’institution.
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    Pour la première fois depuis sa création en 1971 par le professeur Klaus Schwab, qui voulait en faire une plateforme de rencontres entre les politiques, les entreprises et la société civile, le World Economic Forum a été davantage commenté pour ses grands absents que pour ses présents. Donald Trump, le président américain, a annulé son voyage en raison de l’interminable shutdown de l’administration américaine et a refusé la venue du secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin. Seul le secrétaire d’État, Mike Pompeo, est intervenu, en vidéo depuis Washington, une bonne nouvelle pour le climat alors que plus de 1 500 jets privés (200 de plus que l’an dernier, qui avait déjà affiché un record) ont servi à transporter en Suisse les happy few de la planète.

    Deuxième absent de marque, Xi Jinping, le président chinois, qui avait en 2017 vanté le libre-échange comme une forme de contrepied à la nouvelle stratégie américaine, a quand même délégué son vice-président avec une importante délégation chinoise, signe du basculement du monde vers l’Est.

    Du côté européen, Theresa May, empêtrée dans l’impasse du Brexit, a décliné l’invitation, de même qu’Emmanuel Macron, le président français, qui a sans doute pensé que sa présence à Davos, ce temple du capitalisme libéral et de la mondialisation, était peu compatible avec sa tentative de renouer le dialogue avec les Français en pleine crise des "Gilets jaunes".

    Au centre du jeu, la rivalité entre les États-Unis et la Chine
    On dit souvent que les absents ont toujours tort... Et de fait, à Davos, on n’a parlé que d’eux, et plutôt en mal. La rivalité entre les États-Unis et la Chine est au centre du jeu et l’on se préoccupe de la dégradation rapide des relations entre les deux pays, à l’image de l’affaire Huawei, le groupe chinois de télécoms soupçonné d’être le cheval de Troie de l’espionnage chinois, mais très présent pourtant à Davos avec un espace sur la Promenade, la rue centrale, et la venue de son président, Liang Hua.

    L’absence de Trump, de May et de Macron résonne comme un signe supplémentaire du déclin du monde occidental, paralysé par l’essor des populismes et tenté par la fermeture des frontières, face à l’inexorable montée des pays émergents, Chine et Inde en tête, qui professent strictement l’inverse, comme un retournement de l’histoire.

    Comme chaque année, mais plus encore pour cette édition, beaucoup prédisent que le monde de Davos touche à sa fin, que ce forum de la mondialisation malheureuse sera peut-être l’une des dernières éditions