• https://blogs.mediapart.fr/paul-cassia/blog/230119/renationaliser-les-autoroutes-n-est-pas-necessairement-couteux

    Une action « citoyenne » en justice contre l’État pour casser les privatisation des autoroutes (2006) et celles à venir (barrages et adp) ?

    [•••] il résulte des rapports précités que le prix de vente par l’Etat en 2006 des trois « géants » de l’autoroute ne correspond en pratique qu’à deux années de recettes de leurs péages (dont il est vrai près de 40% est constitué d’impôts ou de taxes), ce qui est déjà une libéralité faisant peser un doute sérieux sur la régularité des privatisations . [•••] en tout état de cause, le modèle économique sur lequel elles reposent constituent à l’évidence une libéralité. A cet égard, l’Autorité de la concurrence a souligné en 2014 déjà que « en les privatisant en 2006, l’État a vendu une rente qui, compte tenu du modèle financier des concessions autoroutières et sauf crise majeure entraînant un effondrement du trafic, sera croissante jusqu’à la fin des concessions » (p. 51). Et Martine Orange d’ajouter : « la rente autoroutière est hors norme, hors de toute justification économique, d’autant qu’elle est sans risque. En 2017, selon les chiffres de l’Arafer, l’ensemble des sociétés autoroutières ont dégagé un Ebidta (excédent brut d’exploitation) de 7,3 milliards d’euros pour 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires. 73 % de marge brute ! Aucun secteur, s’il n’est en situation de monopole, n’est capable de dégager de telles marges ».

    Autrement dit, les sociétés concessionnaires se sont tellement gavées depuis les privatisations bradées en 2006 par l’Etat, qu’il n’est même pas certain qu’une fin anticipée des concessions leur occasionnerait le moindre préjudice. Si préjudice il y avait, il ne pourrait en aucun cas être d’un montant tel que celui évoqué jusqu’à présent dans les rapports officiels, qui omettent de tenir compte de l’interdiction constitutionnelle faite aux personnes publiques de consentir des libéralités. Au cas d’espèce, ce principe devrait faire obstacle à la mise en œuvre de la « juste et préalable indemnisation » que l’article 17 de la Déclaration de 1789 impose en principe en cas de privation de propriété.

    Il serait très simple et totalement gratuit de connaître avec une grande précision si les concessionnaires « historiques » auraient ou non droit à une indemnisation en cas de privatisation, et son montant approximatif : il suffirait au gouvernement, ainsi qu’il l’a fait à la suite de la renonciation au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, de saisir le Conseil d’Etat d’une demande d’avis sur cette question, en lui fournissant cette fois tous les documents utiles (ce que le gouvernement n’a pas fait pour Notre-Dame-des-Landes)

    [•••]

    La manière dont le protocole d’accord du 9 avril 2015 a été conclu et caché aux parlementaires et à l’opinion publique montre qu’il est totalement exclu que les autoroutes soient renationalisées au cours de l’actuel quinquennat, alors au surplus que sont annoncées de nouvelles et tout aussi désastreuses privatisations de biens communs (en particulier des barrages hydrauliques et la société Aéroport de Paris : v. Halte à la privatisation d’Aéroports de Paris !, 8 janvier 2019).

    [•••] juridiquement fondé[e] à proposer la renationalisation du réseau d’autoroutes géré par les concessionnaires « historiques », à coût zéro pour le contribuable.