• Zuckerberg assure que Facebook ne vend pas vos données. Sauf que...
    https://www.nouvelobs.com/economie/20190125.OBS9112/zuckerberg-assure-que-facebook-ne-vend-pas-vos-donnees-sauf-que.html

    par Thierry Noisette

    Mark Zuckerberg va fêter en février les 15 ans de Facebook, et à cette occasion il publie une tribune dans « le Monde », le « Wall Street Journal » et plusieurs titres européens. Ces journaux auraient plutôt dû lui vendre une page de publicité, tant ce texte de 8.000 signes, titré dans « le Monde » "Je souhaite clarifier la manière dont Facebook fonctionne", est un tissu d’omissions intéressées et d’approximations.

    Pour le fondateur du réseau social, qui a connu de 2016 à 2018 des années agitées, cet exercice de com est autrement confortable que de devoir répondre à des questions, par exemple sous le feu des parlementaires américains.

    Plus subtil que Trump, Zuckerberg ne ment pas frontalement mais biaise en permanence, arrivant ainsi lui aussi à des « faits alternatifs » au rapport modéré avec la réalité. Revenons sur trois sujets : le filtrage publicitaire, les données personnelles et le RGPD.

    Raté : en septembre 2017, ProPublica montrait que des publicités pouvaient cibler des utilisateurs affichant leur antisémitisme. En novembre de la même année, ProPublica débusquait de nombreuses possibilités de filtrage discriminant : ses journalistes ont pu acheter des publicités invisibles aux « Afro-Américains, mères de lycéens, personnes intéressées par des fauteuils roulants, Juifs, expatriés d’Argentine et personnes de langue espagnole ».

    Facebook réagissait en admettant « un raté technique » auquel il allait mettre bon ordre. En vain semble-t-il, puisqu’en août 2018 le ministère américain du Logement portait plainte contre l’entreprise, accusée d’autoriser des pratiques discriminatoires. Cette fois, Facebook a annoncé supprimer plus de 5.000 options de filtrage publicitaire pour éviter des publicités discriminatoires.

    Des chercheurs estiment depuis des années pouvoir extrapoler l’âge, l’orientation politique, sexuelle, la religion et d’autres données individuelles en se basant sur les « j’aime » (like) sur le réseau social. Selon une équipe de Cambridge, sur la base de 68 « j’aime » d’un utilisateur, ils pouvaient prédire la couleur de peau (à 95% d’exactitude), l’orientation sexuelle (à 88% d’exactitude), et l’affiliation aux républicains ou aux démocrates (à 85%). Et d’autres traits pouvaient aussi être estimés, comme la religion, la consommation d’alcool, de tabac ou de drogues...

    La tribune compte 1.369 mots, mais n’y figurent pas ces deux-ci : Cambridge Analytica. C’est pourtant avec la révélation en mars 2018 par le « New York Times » et le « Guardian » du rôle de cette entreprise de marketing politique dans la victoire de Trump, pour lequel elle disait avoir profilé la totalité de la population américaine, que les ennuis de Facebook sont devenus importants.

    « Nous ne vendons pas les données des gens », écrit Mark Zuckerberg aujourd’hui : nuance… il les a échangées pendant des années avec d’autres géants du Web comme Amazon ou Microsoft, selon une enquête en décembre 2018 du « New York Times ».

    Le RGPD, c’est simple, Zuckerberg n’en pense quasiment que du bien, d’ailleurs sa compagnie affirmait en avril 2018 : « Facebook se conforme au RGPD et offre de nouvelles protections à tous, partout dans le monde. »

    Sauf que… le réseau social s’est empressé avant l’entrée en vigueur, le 25 mai 2018, du RGPD, de mettre hors de portée d’application 1,5 milliard de ses utilisateurs (ou plus exactement de ses comptes – certains internautes en ayant plusieurs – sur les 2 milliards atteints fin 2018). Auparavant rattachés à Facebook Irlande, une filiale créée en 2008 pour profiter de la fiscalité locale très tempérée, 1,5 milliard d’utilisateurs de Facebook d’Afrique, Asie, Australie et Amérique latine, ont opportunément été « rapatriés » aux Etats-Unis.

    #Facebook #Zuckerberg