• Mangez les riches, ou la lutte des classes dans l’assiette et l’#alimentation
    https://www.ladn.eu/nouveaux-usages/he-les-pauvres-vous-pouvez-pas-apprendre-a-preparer-un-curry-vege-au-lieu-de-vo

    N. B. : La présomption d’incompétence des pauvres est omniprésente : ils sont accusés de ne pas savoir gérer leur budget et d’être dépourvus de connaissances diététiques. Émerge alors la notion de « bon pauvre » : celui qui ne fume pas, fait du jogging autour de sa barre d’immeuble, ne s’achète pas d’écran plat avec son allocation de rentrée scolaire, et mange des carottes et du thon en conserve. L’idée implicitement colportée, c’est que nous ferions mieux qu’eux : regarder le prix au kilo, acheter en gros etc. Cela est particulièrement visible depuis l’inflation, qui conduit la classe politique à venir « richesplainer » (ndlr : donner une explication avec condescendance à une personne pauvre) en plateau comment aider les gens à acheter, à manger. Rares sont ceux à défendre la revalorisation des salaires et des prestations sociales ; la plupart des politiques plébiscitent les chèques alimentaires (à l’instar des fameux food stamps américains) permettant de se procurer uniquement de la nourriture. Aux États-Unis, le mépris de classe va encore plus loin. En 2015, le sénateur américain républicain Arthur Delaney s’offusquait de voir des pauvres « se payer des filets de bœuf et des pattes de crabe », et suggérait d’exclure cookies, chips, jus de fruits, sodas, steaks, coquillages et crustacés de l’éligibilité aux coupons. En plus d’être punitive, cette ambition propage plusieurs idées : la nourriture ne serait que fonctionnelle, une somme de nutriments absorbés, et non un rituel culturel, gourmand et traditionnel ; tout le monde devrait manger la même chose et s’astreindre à la même ambition morale de se nourrir sainement.

  • Une association spécialisée dans la santé débranche un chatbot nuisible
    https://www.ladn.eu/nouveaux-usages/une-association-specialisee-dans-les-troubles-alimentaire-debranche-en-urgence-

    C’est l’une de ces histoires dans lesquelles rien ne va. Des salariés montent un syndicat, se font virer, sont remplacés par un chatbot. Chatbot qui doit être désactivé car il incite des utilisateurs en détresse à s’affamer.

    Spécialisée dans la prévention des troubles alimentaires (TA), la National Eating Disorder Association (NEDA) a décidé de virer tous les employés chargés de répondre à la ligne verte de l’association américaine. Un mois plus tôt, ces salariés avaient décidé de se syndiquer, et l’organisation avait naturellement conclu qu’il était temps de les remplacer par un chatbot. Baptisé Tessa, l’agent conversationnel avait vocation à devenir le principal soutien à disposition des personnes souffrant de TA, rapporte Motherboard. Seulement voilà : deux jours seulement avant que Tessa ne remplace complètement les employés, la NEDA a dû mettre le chatbot hors ligne. Au lieu d’être de bon conseil, Tessa incitait les utilisateurs à maigrir et à prendre leurs mensurations toutes les semaines. Qui aurait pu le voir venir ? À peu près tout le monde.

    #chatbot #Troubles_alimentaires

  • #Bien-être : « Tant qu’on utilisera le #yoga pour être en forme au #travail, on aura un problème »

    Loin de nous apporter le bonheur promis, la sphère bien-être perpétue un système nuisible qui ne peut que nous rendre malheureux. Interview de #Camille_Teste.

    Huiles essentielles, massages et salutations au soleil promettent de nous changer de l’intérieur, et le monde avec. À tort ? C’est le sujet de l’essai Politiser le bien-être (https://boutique.binge.audio/products/politiser-le-bien-etre-camille-teste) publié en avril dernier chez Binge Audio Editions. Selon l’ex-journaliste Camille Teste, non seulement nos petits gestes bien-être ne guériront pas les maux de nos sociétés occidentales, mais ils pourraient même les empirer. Rassurez-vous, Camille Teste, aujourd’hui professeur de yoga, ne propose pas de bannir les sophrologues et de brûler nos matelas. Elle nous invite en revanche à prendre conscience du rôle que jouent les pratiques de bien-être, celui de lubrifiant d’un système capitaliste. Interview.

    Le bien-être est la quête individuelle du moment. C’est aussi un #business : pouvez-vous préciser les contours de ce #marché ?

    Camille Treste : La sphère bien-être recouvre un marché très vaste qualifiant toutes les pratiques dont l’objectif est d’atteindre un équilibre dit « intégral », c’est-à-dire psychologique, physique, émotionnel, spirituel et social, au sens relationnel du terme. Cela inclut des pratiques esthétiques, psychocorporelles (yoga, muscu...), paramédicales (sophrologie, hypnose...) et spirituelles. En plein boom depuis les années 90, la sphère bien-être s’est démultipliée en ligne dans les années 2010. Cela débute sur YouTube avec des praticiens et coachs sportifs avant de s’orienter vers le développement personnel, notamment sur Instagram. Rappelons que le milieu est riche en complications, entre dérives sectaires et arnaques financières : par exemple, sous couvert d’élévation spirituelle, certains coachs autoproclamés vendent très cher leurs services pour se former... au #coaching. Un phénomène qui s’accélère depuis la pandémie et s’inscrit dans une dynamique de vente pyramidale ou système de Ponzi.

    Pourquoi la sphère bien-être se tourne-t-elle autant vers les cultures ancestrales ?

    C. T : Effectivement, les thérapies alternatives et les #néospiritualités ont volontiers tendance à picorer dans des pratiques culturelles asiatiques ou latines, comme l’Ayurveda née en Inde ou la cérémonie du cacao, originaire d’Amérique centrale. Ce phénomène relève aussi bien d’un intérêt authentique que d’une #stratégie_marketing. Le problème, c’est que pour notre usage, nous commercialisons et transformons des pratiques empruntées à des pays dominés, colonisés ou anciennement colonisés avant de le leur rendre, souvent diluées, galvaudées et abîmées, ce qu’on peut qualifier d’#appropriation_culturelle. C’est le cas par exemple des cérémonies ayahuasca pratiquées en Amazonie, durant lesquelles la concoction hallucinogène est originellement consommée par les chamanes, et non par les participants. Pourquoi cette propension à se servir chez les autres ? Notre culture occidentale qui a érigé la #rationalité en valeur suprême voit d’un mauvais œil le pas de côté spirituel. Se dissimuler derrière les pratiques de peuples extérieurs à l’Occident procure un #alibi, une sorte de laissez-passer un peu raciste qui autorise à profiter des bienfaits de coutumes que l’on ne s’explique pas et de traditions que l’on ne comprend pas vraiment. Il ne s’agit pas de dire que les #pratiques_spirituelles ne sont pas désirables, au contraire. Mais plutôt que de nous tourner vers celles d’autres peuples, peut-être pourrions-nous inventer les nôtres ou renouer avec celles auxquelles nous avons renoncé avec la modernité, comme le #néodruidisme. Le tout évidemment, sans renoncer à la #médecine_moderne, à la #science, à la rationalité, et sans tomber dans un #traditionalisme_réactionnaire.

    Vous affirmez que la sphère bien-être est « la meilleure amie du #néolibéralisme. » Où est la connivence ?

    C. T : La #culture_néolibérale précède bien sûr l’essor de la sphère bien-être. Théorisée au début du 20ème siècle, elle s’insère réellement dans nos vies dans les années 80 avec l’élection de Reagan-Thatcher. Avant cette décennie, le capitalisme laissait de côté nos relations personnelles, l’amour, le corps : cela change avec le néolibéralisme, qui appréhende tout ce qui relève de l’#intime comme un marché potentiel. Le capitalisme pénètre alors chaque pore de notre peau et tous les volets de notre existence. En parallèle, et à partir des années 90, le marché du bien-être explose, et l’économiste américain Paul Zane Pilzer prédit à raison qu’au 21ème siècle le marché brassera des milliards. Cela a été rendu possible par la mécanique du néolibéralisme qui pose les individus en tant que petites entreprises, responsables de leur croissance et de leur développement, et non plus en tant que personnes qui s’organisent ensemble pour faire société et répondre collectivement à leurs problèmes. Peu à peu, le néolibéralisme impose à grande échelle cette culture qui nous rend intégralement responsable de notre #bonheur et de notre #malheur, et à laquelle la sphère bien-être répond en nous gavant de yoga et de cristaux. Le problème, c’est que cela nous détourne de la véritable cause de nos problèmes, pourtant clairement identifiés : changement climatique, paupérisation, système productiviste, réformes tournées vers la santé du marché et non vers la nôtre. Finalement, la quête du bien-être, c’est le petit #mensonge que l’on se raconte tous les jours, mensonge qui consiste à se dire que cristaux et autres cérémonies du cacao permettent de colmater les brèches. En plus d’être complètement faux, cela démantèle toujours plus les #structures_collectives tout en continuant d’enrichir l’une des vaches à lait les plus grasses du capitalisme.

    Il semble que le #collectif attire moins que tout ce qui relève l’intime. Est-ce un problème d’esthétique ?

    C. T : La #culture_individualise née avec les Lumières promeut l’égalité et la liberté, suivie au 19ème et 20ème siècles par un effet pervers. L’#hyper-individualisme nous fait alors regarder le collectif avec de plus en plus d’ironie et rend les engagements – notamment ceux au sein des syndicats – un peu ringards. En parallèle, notre culture valorise énormément l’#esthétique, ce qui a rendu les salles de yoga au design soignées et les néospiritualités très attirantes. Récemment, avec le mouvement retraite et l’émergence de militants telle #Mathilde_Caillard, dite « #MC_danse_pour_le_climat » – qui utilise la danse en manif comme un outil de communication politique –, on a réussi à présenter l’#engagement et l’#organisation_collective comme quelque chose de cool. La poétesse et réalisatrice afro-américaine #Toni_Cade_Bambara dit qu’il faut rendre la résistance irrésistible, l’auteur #Alain_Damasio parle de battre le capitalisme sur le terrain du #désir. On peut le déplorer, mais la bataille culturelle se jouera aussi sur le terrain de l’esthétique.

    Vous écrivez : « La logique néolibérale n’a pas seulement détourné une dynamique contestataire et antisystème, elle en a fait un argument de vente. » La quête spirituelle finit donc comme le rock : rattrapée par le capitalisme ?

    C. T : La quête de « la meilleure version de soi-même » branchée sport et smoothie en 2010 est revue aujourd’hui à la sauce New Age. La promesse est de « nous faire sortir de la caverne » pour nous transformer en sur-personne libérée de la superficialité, de l’ego et du marasme ambiant. Il s’agit aussi d’un argument marketing extrêmement bien rodé pour vendre des séminaires à 3 333 euros ou vendre des fringues censées « favoriser l’#éveil_spirituel » comme le fait #Jaden_Smith avec sa marque #MSFTSrep. Mais ne nous trompons pas, cette rhétorique antisystème est très individualiste et laisse totalement de côté la #critique_sociale : le #New_Age ne propose jamais de solutions concrètes au fait que les plus faibles sont oppressés au bénéfice de quelques dominants, il ne parle pas de #lutte_des_classes. Les cristaux ne changent pas le fait qu’il y a d’un côté des possédants, de l’autre des personnes qui vendent leur force de travail pour pas grand-chose. Au contraire, il tend à faire du contournement spirituel, à savoir expliquer des problèmes très politiques – la pauvreté, le sexisme ou le racisme par exemple – par des causes vagues. Vous êtes victime de racisme ? Vibrez à des fréquences plus hautes. Votre patron vous exploite ? Avez-vous essayé le reiki ?

    Le bien-être est-il aussi l’apanage d’une classe sociale ?

    C. T : Prendre soin de soi est un #luxe : il faut avoir le temps et l’argent, c’est aussi un moyen de se démarquer. Le monde du bien-être est d’ailleurs formaté pour convenir à un certain type de personne : blanche, mince, aisée et non handicapée. Cela est particulièrement visible dans le milieu du yoga : au-delà de la barrière financière, la majorité des professeurs sont blancs et proposent des pratiques surtout pensées pour des corps minces, valides, sans besoins particuliers.

    Pensez notre bien-être personnel sans oublier les intérêts du grand collectif, c’est possible ?

    C. T : Les espaces de bien-être sont à sortir des logiques capitalistes, pas à jeter à la poubelle car ils ont des atouts majeurs : ils font partie des rares espaces dédiés à la #douceur, au #soin, à la prise en compte de nos #émotions, de notre corps, de notre vulnérabilité. Il s’agit tout d’abord de les transformer pour ne plus en faire un bien de consommation réservé à quelques-uns, mais un #bien_commun. C’est ce que fait le masseur #Yann_Croizé qui dans son centre masse prioritairement des corps LGBTQI+, mais aussi âgés, poilus, handicapés, souvent exclus de ces espaces, ou la professeure de yoga #Anaïs_Varnier qui adapte systématiquement ses cours aux différences corporelles : s’il manque une main à quelqu’un, aucune posture ne demandera d’en avoir deux durant son cours. Je recommande également de penser à l’impact de nos discours : a-t-on vraiment besoin, par exemple, de parler de féminin et de masculin sacré, comme le font de nombreux praticiens, ce qui, en plus d’essentialiser les qualités masculines et féminines, est très excluant pour les personnes queers, notamment trans, non-binaires ou intersexes. Il faut ensuite s’interroger sur les raisons qui nous poussent à adopter ces pratiques. Tant que l’on utilisera le yoga pour être en forme au travail et enrichir des actionnaires, ou le fitness pour renflouer son capital beauté dans un système qui donne plus de privilèges aux gens « beaux », on aura un problème. On peut en revanche utiliser le #yoga ou la #méditation pour réapprendre à ralentir et nous désintoxiquer d’un système qui nous veut toujours plus rapides, efficaces et productifs. On peut utiliser des #pratiques_corporelles comme la danse ou le mouvement pour tirer #plaisir de notre corps dans un système qui nous coupe de ce plaisir en nous laissant croire que l’exercice physique n’est qu’un moyen d’être plus beau ou plus dominant (une idée particulièrement répandue à l’extrême-droite où le muscle et la santé du corps servent à affirmer sa domination sur les autres). Cultiver le plaisir dans nos corps, dans ce contexte, est hautement subversif et politique... De même, nous pourrions utiliser les pratiques de bien-être comme des façons d’accueillir et de célébrer nos vulnérabilités, nos peines, nos hontes et nos « imperfections » dans une culture qui aspire à gommer nos failles et nos défauts pour nous transformer en robots invulnérables.

    https://www.ladn.eu/nouveaux-usages/bien-etre-tant-quon-utilisera-le-yoga-pour-etre-en-forme-au-travail-on-aura-un-
    #responsabilité

    voir aussi :
    https://seenthis.net/messages/817228

  • Isabelle Clair : « Les ados se raccrochent à la norme du couple »
    https://www.liberation.fr/idees-et-debats/isabelle-clair-les-ados-se-raccrochent-a-la-norme-du-couple-20230310_NGEE

    Ils sont loin d’être non binaires, tentés par la fluidité sexuelle, le polyamour ou l’homosexualité. Ou alors pas encore, dans longtemps peut-être… A l’#adolescence, on rêve d’être en #couple, les #filles ont peur de passer pour des « putes », les #garçons pour des « pédés ». Le premier baiser, le rapprochement vers l’autre sont autant de moments d’excitation intense que d’angoisse profonde, de confusion aussi. La sociologue au CNRS #Isabelle_Clair appelle ces premières amours les Choses sérieuses, dans un livre enquête publié cette semaine au Seuil. La chercheuse a passé vingt ans à écouter des adolescents (de 15 à 20 ans) sur le thème de l’#amour et de la #sexualité, dans des cités de Seine-Saint-Denis, des villages de Sarthe ou des quartiers aisés parisiens. Un travail de recherches inédit qui déjoue les idées reçues sur les amours adolescentes.

    Comment expliquer que le couple soit si central dans les premières expériences amoureuses ?

    La norme conjugale n’arrive pas avec l’âge adulte, le mariage ou l’installation à deux. A 14 ans, les jeunes deviennent célibataires. C’est ainsi qu’ils se définissent… quand bien même ils étaient déjà seuls avant ! Mais ce que ce mot vient révéler, c’est le changement de statut, d’enfant à célibataire, ressenti comme un manque : le célibat est vécu comme quelque chose de déficitaire. Ce n’est que plus tard, au cours de la vingtaine, que la sexualité bouge et explore davantage, avec une remise en cause du couple et parfois une pluralité assumée des expériences sexuelles. Les ados, eux, sont plus balbutiants. Ils ont tendance à se montrer très conformes aux modèles amoureux classiques. L’inexpérience est plus paralysante que vraiment audacieuse, particulièrement durant les années collège. Un glissement intervient à partir du lycée.

    Vous dites que, dans l’enfance et en début d’adolescence, les filles et les garçons vivent « ensemble séparés »…

    L’expression du sociologue Erving Goffman décrit bien leur relation à cet âge : on se côtoie sur les bancs de l’école, mais assez peu dans les cours de récréation. Même si la mixité à l’école existe depuis plus de cinquante ans, la construction des garçons et des filles reste fondée sur la différence, de la façon de s’habiller aux loisirs. Pendant l’enfance et au début de l’adolescence, on apprend surtout à ne pas côtoyer « l’autre sexe » avec lequel il est attendu qu’on prenne ses distances quand on est un garçon, et dont il est difficile d’être proche quand on est une fille. Les premières rencontres amoureuses doivent donc dépasser la peur et l’angoisse de désirer l’autre de qui, jusque-là, on était éloigné : faire le premier pas pour les garçons et ne pas dire oui trop vite, sans non plus faire attendre trop longtemps, pour les filles. C’est pour cela que les ados se raccrochent aux normes, comme celle du couple. Elle rassure mais elle est aussi anxiogène, étouffante. Revient souvent dans les propos des adolescents la difficulté de se conformer à la norme, d’autant qu’elle prend racine et justifie sa reproduction dans la « nature ». Ainsi les filles seraient naturellement sentimentales, les garçons naturellement sexuels… ce qui veut dire qu’à un niveau subjectif individuel, on est à peu près sûr de ne jamais se sentir normal. On a souvent l’impression qu’individuellement on n’est pas raccord avec ce qu’on devrait être, ce qui crée un malaise.

    Mais le couple valorise aussi, rend désirable…

    Etre en couple donne le pouvoir de s’afficher, procure la possibilité d’être choisi ou de choisir quelqu’un : cela veut dire qu’on est désirable, qu’on a de la valeur, qu’on est populaire, beau, belle. C’est lié au désir et à la sexualisation qui survient à cet âge-là. Elle affecte les garçons et les filles de manière différenciée. Les filles entrent dans le radar de cette sexualisation dès qu’elles commencent à avoir un peu de poitrine, qu’elles se transforment physiquement. Elles doivent en permanence donner des gages pour ne pas passer pour des « putes ». Le couple leur assure une forme de protection, non dénuée de violence aussi, il leur donne une respectabilité.

    Vous citez cette jeune fille qui n’est pas amoureuse de son petit copain, mais elle a couché avec lui dès la première soirée et s’oblige donc à rester avec lui plusieurs semaines…

    Elle a eu une relation sexuelle à l’occasion d’une soirée et ne le vit pas très bien au réveil. Elle nourrit une forme de culpabilité, typique des filles, et s’invente un couple. Elle se force, donne le change et se rassure sur elle-même en tentant de respecter cette norme. La morale amoureuse pour les filles doit lier trois éléments : désir sexuel, sentiments et conjugalité. Il faut aimer et être en couple pour pouvoir coucher, le couple servant de preuve et de cadre. C’est cela qu’on attend d’elles. Les garçons, eux, sont plutôt encouragés à savoir dissocier ces trois aspects de la morale amoureuse. A mettre à distance le sentiment amoureux. Pour les garçons, l’enjeu est de devenir « grand », un « vrai mec » c’est-à-dire de ne pas passer pour un « pédé ». Beaucoup de garçons qui auront à partir du lycée ou plus tard une trajectoire sexuelle gay passeront, au collège, par des expériences conjugales avec des filles pour brouiller les pistes.

    A quoi ressemblent ces couples adolescents ?

    Cela peut être simplement un « veux-tu sortir avec moi ? ». Cela dure deux jours, un peu de parades dans la cour et quelques serments. Il y a des caresses aussi, le premier rapport sexuel vers 14 ans est très minoritaire. Le premier baiser arrive autour de 13 ans et le premier rapport sexuel autour de 17 ans, un âge qui ne bouge pas vraiment depuis des décennies. Bien sûr, il n’y a pas de cohabitation, il y a quelque chose de l’ordre de l’artifice en fait. Les couples adolescents sont en tension : « C’est du sérieux », disent-ils souvent, mais ils sentent bien qu’il y a une inadéquation, qu’ils n’arrivent pas complètement à coller au modèle. Cela sonne faux.

    Il y a beaucoup de jalousie ?

    La conjugalité, même à cet âge, c’est l’exclusivité sexuelle, particulièrement pour les filles. C’est aussi un espace de contrôle pour les autres, public et visible. Celle qui déroge à la frontière du couple est dénoncée, jugée. La jalousie est donc fréquente, surtout dans les classes populaires où elle est davantage valorisée comme signe d’amour. Les garçons sont beaucoup plus inhibés sur l’expression de l’amour. Ils n’ont pas intérêt à avoir l’air d’être trop amoureux, signe de dépendance et d’infériorité par rapport aux filles. La jalousie leur permet une forme d’expressivité affective. Les filles le prennent pour une preuve d’attachement, quand bien même cela peut les exposer à de la violence, à du contrôle, à de la remontrance dont elles souffrent assez souvent. Dans la bourgeoisie en revanche, la jalousie est plus souvent mal perçue : c’est de l’enfantillage. Etre pris au sérieux, c’est plutôt arriver à maîtriser ces sentiments.

    Le fantasme est aussi une façon de traverser l’instabilité sentimentale de cette période…

    Beaucoup de filles traversent l’adolescence en fantasmant des relations… Il suffit parfois de peu – un regard, un premier rendez-vous qui n’a pas abouti, pour monter une histoire dans sa tête, qui peut durer plusieurs années, parfois une adolescence entière, parfois de manière très intense, sans que rien ne se passe jamais. Je me souviens d’une jeune fille qui m’a confié un jour qu’elle était amoureuse depuis deux ans d’un garçon dont elle ne savait quasiment rien. Un amour secret. Elle se rendait souvent au garage où il travaillait juste pour l’apercevoir… Elle en avait un peu honte, mais ces relations fantasmées sont aussi une forme de liberté. Ces amours seulement dans la tête peuvent être des pis-aller, faites de peurs et d’échecs, des relations que ces jeunes filles n’arrivent pas à réaliser. Mais pas seulement. C’est aussi le vertige du fantasme. Cela procure du plaisir. Les garçons que j’ai rencontrés pour mon enquête ne m’ont jamais confié ce genre d’histoires. Elles étaient probablement encore plus difficiles à raconter que pour les filles, surtout à une femme.

    De manière plus générale, l’homosexualité n’est toujours pas bien acceptée chez les jeunes que vous avez rencontrés…

    L’homosexualité est très disqualifiée, dans les classes populaires davantage que dans la bourgeoisie progressiste où la gayfriendliness est devenue une « morale de classe », un enjeu de distinction sociale. Mais nulle part, les couples de garçons ne s’affichent dans les espaces scolaires, et la rencontre se fait sur les réseaux sociaux, pas dans les soirées du samedi soir qui sont une extension du milieu scolaire. Parmi les jeunes parisiens aisés que j’ai rencontrés, les garçons homosexuels pouvaient afficher des vêtements ou des goûts musicaux ouvertement gays au lycée, en tout cas en filière littéraire, alors qu’ils ne le faisaient pas au collège. Certains ont brouillé les pistes au collège en formant des couples avec des filles, mais plusieurs sont entrés dans la sexualité génitale directement par l’homosexualité sans passer par l’hétérosexualité, un phénomène qu’on voyait jusqu’alors très rarement.

    Et l’homosexualité féminine ?

    Dans les milieux populaires où j’ai enquêté, il n’en était pas question. Ça ne voulait pas dire qu’il n’y en avait pas, mais on n’en parlait pas. Plusieurs filles issues de milieux bourgeois m’ont en revanche expliqué être entrées dans la sexualité avec des filles. Surtout, certaines s’affichent comme des couples de filles, y compris à l’école ou sur Instagram. Elles ne s’identifient jamais comme lesbiennes. Aucune. A leurs yeux, c’est péjoratif. Elles se disent que si elles passent pour lesbiennes, les garçons ne voudront plus d’elles.

    Vous notez que la notion de consentement est très présente dans tous les milieux.

    L’école, même si elle participe aussi à la reproduction du genre, a beaucoup fait sur la question du consentement, très intériorisée chez les garçons comme chez les filles. Ceci dit, la question du consentement était déjà posée depuis longtemps à travers l’idée qu’une fille « bien » doit faire attendre les garçons, et que le garçon doit attendre qu’elle soit « prête »… Il y a déjà bien une vieille histoire de consentement dans cette transaction. Mais alors comment savoir où est le consentement réel ? Les filles disent à un moment « je suis prête ». Mais elles ne disent pas, contrairement aux garçons, « j’ai envie ». Dans toute cette négociation avec elles-mêmes, avec ce qu’on attend d’elles socialement, la question de leur propre désir passe après. D’abord il y a l’amour, la respectabilité sexuelle… Les enquêtes de grandes échelles sur la sexualité montrent d’ailleurs que les femmes devenues adultes sont très nombreuses à regretter leur « première fois » : ce n’était pas la bonne personne, c’était trop tôt…

    Comment se passe la rupture, chez ces jeunes couples ?

    Elle peut être synonyme de chagrin et de perte pour celui qui est quitté. Le chagrin peut prendre la forme de la colère de manière plus acceptée chez les garçons. Une partie de la conjugalité reste construite sur l’idée d’appropriation des filles par les garçons, et quand elles les quittent, ils peuvent continuer à se sentir propriétaires d’elles, à les insulter, à se sentir avilis si elles couchent avec d’autres. Mais une chose surprend souvent les jeunes quand ils rompent, c’est de ne rien ressentir, à part le monde qui s’ouvre à nouveau. Les garçons, plus que les filles, évoquent le sentiment d’enfermement conjugal, sans doute aussi parce qu’il est plus légitime pour eux de parler du couple comme d’un problème. Je pense qu’en réalité, beaucoup de filles se sentent enfermées elles aussi, mais ne le formulent pas ainsi. Et par ailleurs, pour elles, la rupture est plus coûteuse. D’une part parce qu’elle peut être l’occasion d’une décharge de violence de la part des garçons. Et de l’autre parce que, « seules », en dehors de tout lien d’appropriation, elles sont à nouveau exposées au stigmate de la "pute".

  • Comment la géolocalisation des enfants est devenue un devoir parental
    https://www.ladn.eu/nouveaux-usages/geolocalisation-enfants-devoir-parental

    Avec la généralisation des outils de surveillance destinés à la sphère domestique, la géolocalisation des enfants s’est imposée comme un nouveau geste éducatif.

    « Imaginez un monde où les enfants auraient la liberté de rester des enfants, un monde où nous pourrions nous assurer à tout moment qu’ils sont en sécurité... ». C’est par ces mots que Kiwip Watch, une montre connectée pour enfant qui lui permet non seulement de passer quelques coups de téléphone et suivre son activité physique, mais aussi, et surtout, qui offre à ses proches la possibilité de le géolocaliser à tout moment.

    Pour Yann Bruna, les motivations des parents sont plus complexes qu’ils ne le prétendent. « La géolocalisation correspond à l’extension d’une surveillance parentale qui s’exerce depuis l’intérieur du domicile vers l’extérieur, explique-t-il. On met en avant le fait que les enfants peuvent joindre leurs parents quand ils veulent avec le smartphone ou la montre connectée, mais c’est surtout l’inverse qui se passe. L’adolescent doit pouvoir rester joignable à tout moment. Dans ce cadre, la géolocalisation devient une réponse quand les jeunes se montrent indisponibles. »
    Grandir en étant surveillé

    Pour beaucoup de parents, l’existence des technologies de surveillance est une raison suffisante pour l’utiliser. Concrètement, « si on peut le faire, alors on le fait ». Mais quand on pousse la réflexion autour de ces nouveaux usages, notamment d’un point de vue éthique, les avis sont plus partagés. Certains parents incluent cette surveillance dans l’achat d’un smartphone avec la promesse de ne l’utiliser « qu’en cas de problème ». D’autres, comme Justine, se plient au jeu de la surveillance réciproque, indiquant que ses filles peuvent aussi accéder à la géolocalisation de son portable via la tablette familiale.

    Cette acceptation de la surveillance, Yann Bruna la confirme dans ses travaux de recherche. « C’est souvent le cas chez les jeunes filles qui ont intériorisé un besoin de sécurité et de réassurance dans un espace urbain possiblement dangereux, explique-t-il. Avec la géolocalisation, les enfants comme les parents ont l’illusion de pouvoir se soustraire à ce potentiel danger. D’autres adolescents que j’ai interrogés voient aussi cette surveillance comme une pratique infantilisante, voire un échec de la parentalité. Certains ados m’expliquaient qu’ils ne feraient pas ça avec leur propre enfant. » Le chercheur ajoute toutefois qu’il est devenu difficile de se soustraire à ces pratiques. « Quand les jeunes arrivent à la fin de l’adolescence, ils restent généralement dans le carcan de la géolocalisation. Ce ne sont plus leurs parents qui les surveillent, mais leurs amis ou leurs compagnons de vie.

    #Géolocalisation #Surveillance #Enfants

  • Tendance tourisme, sommes-nous tous des touristes comme les autres ?
    https://www.ladn.eu/nouveaux-usages/all-inclusive-vs-back-packers-sommes-nous-tous-des-touristes-comme-les-autres

    Ce qui est étonnant avec le terme « touriste » , c’est que comme « bobo » ou « beauf » ou même « woke » , il n’est utilisé que pour désigner l’autre. De manière péjorative dans la plupart des cas. Personne ne se qualifie lui-même de touriste. Les gens vont décrier un lieu en disant qu’il est « plein de touristes » , se considérant comme différent, souvent au-dessus de cette masse. Pourtant, si tu te retrouves sur une plage de Thaïlande avec d’autres gens en maillot de bain, il y a zéro chance que tu ne fasses pas partie de cette « masse » justement. Qu’est-ce qui te différencie des autres, hormis que c’est toi qui parles ? Le fait que tu sois venu plus longtemps, ou que tu ne tombes pas dans les « pièges à touristes » ne change pas grand-chose. Or, cette distorsion fait qu’on a du mal à prendre conscience des problèmes liés au tourisme, car on ne fait pas partie du problème, on a toujours l’impression d’être à part et que pour nous c’est différent. « Voyager hors des sentiers battus » , c’est bien beau, mais globalement ce n’est qu’une autre forme de tourisme. À quelques exceptions près, la différence entre tourisme et voyage n’existe plus.

    #Tourisme #Voyage

  • The Queen’s Platinum Jubilee 2022
    https://platinumjubilee.gov.uk

    In 2022, Her Majesty The Queen will become the first British Monarch to celebrate a Platinum Jubilee after 70 years of service.

    Get involved in celebrating Her Majesty’s historic reign in the run up to the Platinum Jubilee Central Weekend which takes place from 2nd to 5th June.

    https://www.youtube.com/watch?v=yqrAPOZxgzU


    un très beau gif posté par moi même pour les 68 ans de service de mémère
    https://seenthis.net/messages/856626
    https://www.youtube.com/watch?v=Qa1wdUkeuvE

  • HPI et surdoués, un diagnostic qui sert les intérêts d’une classe sociale
    https://www.ladn.eu/nouveaux-usages/non-votre-enfant-nest-pas-hpi-vous-etes-juste-riche

    Le diagnostic reconnaissant un haut potentiel intellectuel (HPI) s’inscrit-il dans le cadre de stratégies éducatives, en particulier celles des classes supérieures qui cherchent à obtenir divers sauf-conduits scolaires pour leur enfant ? C’est l’hypothèse de Wilfried Lignier, sociologue au CNRS, pour qui faire reconnaître comme surdoué son enfant permettrait d’augmenter son pouvoir face à l’école. Pour lui, l’idée même d’intelligence est devenue éminemment politique... Wilfried Lignier, auteur de La petite noblesse de l’intelligence (éditions La Découverte), étudie depuis plus de 10 ans les domaines de l’enfance, de l’école et de la médicalisation.

    (...)

    Si la question est de savoir si les enfants identifiés comme HPI sont nés comme ça, plusieurs éléments tendent à prouver le contraire. Les statistiques indiquent qu’ils sont généralement issus des classes supérieures, qu’ils sont HPI à certains « moments » et pas à d’autres (la plupart des enfants testés le sont principalement en CE1 pour sauter le CE2, et à la fin de la moyenne section pour sauter la grande section), et qu’ils sont à 75 % des garçons.

    (...)

    La vraie question, qui peut paraître abstraite mais qui est en fait très politique, est : pourquoi utiliser ce type d’identification, à quoi elle sert, qu’est-ce qu’elle doit changer, et pour qui ?

    (...)

    En 1880, alors que sous la Troisième République l’école est rendue obligatoire pour tous, le psychologue Alfred Binet est payé par le gouvernement français pour mettre au point la première échelle de mesure de l’intelligence. L’objectif d’alors était inverse, mais il s’agissait bien, déjà, de déroger là encore à l’ordre scolaire ordinaire : détecter les « sous-doués » (dans le jargon psychiatrique de l’époque, les « anormaux de l’école » ) pour les exclure légitimement de l’éducation collective.

  • HPI et surdoués, un diagnostic qui sert les intérêts d’une classe sociale
    https://www.ladn.eu/nouveaux-usages/non-votre-enfant-nest-pas-hpi-vous-etes-juste-riche

    La question n’est pas de remettre en cause l’existence de niveaux intellectuels différents, car la sociologie l’explique simplement : le cerveau étant plastique, plus les gens seront entraînés, plus ils seront forts. Les études montrent en effet que le quotient intellectuel (QI) est corrélé avec la classe sociale et le niveau de diplôme de parents. Mais là où les psychologues diront que le QI est le meilleur prédicteur de la réussite sociale ou scolaire, les sociologues avanceront l’inverse : l’accumulation de ressources culturelles fait le QI. Si la question est de savoir si les enfants identifiés comme HPI sont nés comme ça, plusieurs éléments tendent à prouver le contraire. Les statistiques indiquent qu’ils sont généralement issus des classes supérieures, qu’ils sont HPI à certains « moments » et pas à d’autres (la plupart des enfants testés le sont principalement en CE1 pour sauter le CE2, et à la fin de la moyenne section pour sauter la grande section), et qu’ils sont à 75 % des garçons. Ce dernier point crée une contrainte argumentative certaine, pour ceux qui « croient » aux HPI : les garçons seraient intrinsèquement plus intelligents que les filles ? En outre, se demander si les HPI sont vraiment HPI, c’est déjà se tromper de question. Il est plus judicieux de se demander pourquoi certains parents font tester leurs enfants, vont s’investir de cette question, et ce qu’ils en retirent.

  • Shopping, gaming, travail, capitalisme... sommes-nous tous accros ?
    https://www.ladn.eu/nouveaux-usages/addiction-numerique-solution

    Alerte rouge : notre interminable année sous confinement a eu pour conséquence une nette explosion des pratiques addictives en France. Comment peut-on sortir de là ? Par Philippe Nassif.

    C’est que du shopping online aux paris sportifs, de l’alcool au cannabis, des jeux vidéo aux sites porno, et du « workaholisme » à la boulimie, les occasions ne manquent pas de s’intoxiquer pour éponger son mal-être. Comment en est-on arrivés là ? Et surtout : y a-t-il une issue à la société addictogène ?

    #Santé #Addiction #SNT

  • "Pour Michael J. Sandel, professeur de philosophie politique à Harvard, depuis une quarantaine d’années, « l’aristocratie du privilège hérité a fait place à une élite méritocratique qui est désormais aussi privilégiée et indétrônable que la précédente (…), les classes supérieures diplômées ont compris comment transmettre leurs privilèges à leurs enfants : non pas en leur léguant de grandes propriétés, mais en leur accordant les ressources qui déterminent le succès dans une société méritocratique ». Faussant le jeu à coups de cours privés, de voyages linguistiques et autres activités extrascolaires valorisées."

    https://www.ladn.eu/nouveaux-usages/livre-sandel-bouleverse-vision-merite

    #Lecture

  • Sinon, après un gros mois de confinement, il y a toujours une proportion phénoménale d’abrutis qui se fait un devoir de laisser ostensiblement le nez en dehors du masque. (Je dis ostensiblement, parce que vraiment, la plupart du temps ça se fait avec un regard de défiance façon pseudo-rebelle qui sachions mieux que les autres.)

    • À part ça, avec mon beau-frère hier, on se faisait la remarque que, quand tu prononces « Pfizer », tu postillonnes tellement que tu dois facilement contaminer une vingtaine de personnes.

      « Pfizer », c’est le genre de mot qui fait mécaniquement remonter le R_effectif.

      #pffft

    • abrutis très largement de sexe masculin
      #masculinité
      https://www.ladn.eu/nouveaux-usages/usages-par-genre/masques-hommes-refusent-porter

      Une étude de la Middlesex University de Londres et du Mathematical Science Research Institute de Berkeley montre que les hommes sont moins enclins à observer le port du masque que les femmes. Et ce, alors que les hommes sont plus durement touchés par le virus. Cette différence de comportement n’est pas due à de l’insouciance ou une mauvaise information mais à une certaine idée de la masculinité.

      L’étude menée par Valerio Capraro et Hélène Barcelo indique que les hommes sont plus à même de penser que le port d’un masque est « un signe de faiblesse, honteux et pas cool. » Bref, le masque n’est pas assez viril pour ces messieurs. Si on avait besoin d’exemple pour illustrer le concept de « masculinité toxique », en voilà un tout trouvé. Dans Scientific American, la journaliste Emily Willingham qualifie même le masque de « préservatif du visage ». Comme le masque, le préservatif, pourtant essentiel dans la lutte contre la pandémie de VIH, a fait l’objet d’un rejet de la part d’hommes qui adhèrent à l’idéologie de la masculinité.

      Le problème, c’est que le masque sert surtout à protéger les autres.

    • Évidemment je ne suis pas prêt de retourner au cinéma. Déjà qu’en temps normal, il y a toujours quelqu’un pour regarder son écran de téléphone-qui-fait-loupiotte en plein milieu du film, ou pour retirer ses chaussures et te glisser ses arpions dégueulasses sous le nez, je suis bien persuadé qu’en temps de Covid il y a aura toujours un bon quart de la salle qui profitera de la pénombre pour ne pas porter correctement son masque.

    • Meg, désolé c’est pas clair, mais je suis bien d’accord : c’est un truc de mecs, oui. Au supermarché où je vais, en dehors du centre, où il n’y a pas de bandes de copines, c’est 100% des mecs.

      Mais parmi les groupes de jeunes femmes hier dans l’hyper-centre (dont la présence n’est pas anecdotique, le centre-ville de Montpellier un samedi après-midi de shopping, les groupes de jeunes copines en goguette, c’est beaucoup de monde), je dirais que c’était pas loin de la moitié qui se faisaient un devoir de jouer les rebelles-sans-masque. Et hier, sur l’ensemble des andouilles qui arboraient fièrement leur refus de porter un masque correctement, ça m’a frappé, mais je dirais que pas loin d’un tiers, c’étaient ces jeunes filles en groupe (je précise parce que justement, c’est le fait que ça ne m’a pas semblé un comportement ultra-minoritaire par rapport aux mecs qui croient que le masque ça fait rétrécir la bite).

      Donc, oui, la masculinité toxique pour les mecs qui affichent ostensiblement qu’ils sont au-dessus de ces conneries de masque, je suis très très d’accord. Par contre, quel est le processus qui fait que quasiment la moitié des groupes de post-adolescentes, quand elles se promènent bras-dessus-bras-dessous, s’esclaffant bruyamment en fendant la foule (ce qui est très sympa, et c’est une des raisons d’habiter une ville comme Montpellier, dont le centre-ville est à la fois très jeune, très féminin et très vivant), décident aussi qu’on va ostensiblement porter le masque sous le menton, c’est pas juste réductible à la masculinité toxique (je suspecterais un peu le même genre de processus, à cet âge, qui fait qu’on se met à cloper, parce qu’on pense que c’est un symbole de liberté).

    • Très bien mais comment je fais pour deviner que ton propos se limite strictement à ton observation personnelle d’un seul centre ville très spécifique ? Aussi j’ai pas trop confiance en la perception d’un homme blanc sur la visibilité des étudiantes (masquées ou pas) en centre ville. Il suffit qu’il y ai 30% de meufs pour avoir l’impression qu’elles sont majoritaires dans un groupe, si tu parle d’un bon tiers, je traduit ca par 5% grand max. J’avais documenté ce biais sur seenthis mais je ne sais pas ou, pas le temps de rechercher. On trouve le même biais de perception pour les personnes racisées, pas besoin qu’il y en ai beaucoup pour qu’on les perçoivent comme majoritaires.
      #biais_de_perception

    • Ah ah, le coup du centre-ville de Montpellier, j’étais resté bloqué sur le fait que je venais « tout juste » de poster (c’est-à-dire « il y a 16 heures » avant, m’informe Seenthis) une anecdote comme quoi on était allées faire pipi au centre commercial, et que j’avais posté ou référencé pas plus de quatre nouveaux messages entretemps…
      https://seenthis.net/messages/889802

      Pour une raison inconnue (mais sans doute inquiétante), j’en avais présupposé que ça devrait être évident pour tout le monde :-)))

    • j’ai énormément de monde au moi, la morgue en moins, qui a décidé de plus trop faire gaffe parce que ça tue surtout les vieux, que de toute façon on est exposé au taf, qu’un pote l’a eut et ça va, etc. Plus qu’énormément même, il n’y a presque plus que moi qui semble inquiet, ne serait-ce que de continuer à le faire circuler. C’est très très chelou.

    • (plus trop faire gaffe, ça veut dire rien de plus que tout les nouveaux gestes masques, lavage des mains, pas de bises etc (aussi très très chelou d’estimer à quel point on est en train de se viander ou pas)).

    • On est au creux de la vague, donc, oui, c’est normal d’alléger la pression. Mais l’exponentielle est à priori repartie à la hausse. Aussi, je dirais qu’on peut être à moitié insouciant pour encore 15 jours... Comme dit par ailleurs, on n’est pas descendu en dessous de 300 morts quotidiens lors de cette 2nde vague, 10000 morts par mois du Covid. Il n’y a pas volonté collective de faire plus d’effort. C’est autant de morts que le cancer, avec juste la difficulté que ça mobilise plus de personnel. Je parle en terme de gouvernance, vous l’aurez compris. On se satisfait de la fatalité des cancers... alors le covid, finalement...

    • Oui, fatalisme, c’est le mot... plein de gens qui me disent aussi « pour moi, je m’en fout »... Et/Ou « j’ai pas peur de la mort »... (ça, je ne sais pas, pour moi, c’est des gens qui pensent qu’Achille est un modèle, alors que c’est juste l’erreur incarnée).

    • C’est quand j’aborde la question des séquelles et des covids longs que je congèle l’ambiance.
      Les gus sont d’autant + prêts à clamser qu’ils estiment le risque négligeable pour leur gueule, mais quand tu commences à dérouler des données OMS qui estiment qu’on est sur du 20-30% de séquelles sur l’ensemble des infectés (et pas seulement sur les cas sévères ou même juste les symptomatiques) et que les premiers prix, ce sont des fibroses pulmonaires, des atteintes neuro avec chute significative du QI et des cardiopathies, avec risques ↗️ d’infarcts, AVC, y compris chez les jeunes en bonne santé préalable, ça rigole nettement moins…

    • Un autre argument qui porte, quand même, c’est l’ampleur de la réduction de durée de vie (10 ans), y compris parmi les générations qui considèrent que les vieux ont joui d’une existence meilleure que la leur lors d’une époque où « le progrès » comportait encore des aspects positifs et qui sans oser le formuler voient la mortalité covid comme un « juste retour des choses », une revanche sociale enfin (de nouveau) à portée de main.

      COVID-19 : How Many Years of Life Lost ?
      https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.06.08.20050559v2

      Each COVID-19 death causes more than a decade of lost life in the US.

      #covid-19 #plateau ou #faux-plat (descendant) #séquelles #mortalité #jeunisme #troisième_vague

    • bon je note les arguments... C’est pas des gus dont je parle, mais de mon entourage, trento-quarante piges, relativement éduqués et tout et tout. On dirait que tout ce monde part dans les tranchées sous taz.

    • (après moi même je fais de la Rdr, mais je confine pas à bloc et je voudrais pas être jugeant, juste que le niveau d’alerte est super faible je trouve, pour la merde qui nous tombe dessus).

    • Je pense qu’on doit en revenir à l’erreur originelle qui vient en bonne partie de notre gouvernement et qui a consisté à nous prendre pour des cons et distiller au fur et à mesure de l’épidémie des vérités mélangées à des contre-vérités. Cela a excité un peu tout le monde dans un sens ou dans un autre car peu de gens sont vraiment au clair sur ce qu’il faut faire. Je ne suis pas certain que dans mon entreprise (où beaucoup de monde continue à venir alors qu’on pourrait faire du 100% télétravail) l’aréosolisation a bien été comprise. Et donc on voit plein de comportements absurdes. Et j’ai pas fait d’études hommes/femmes, cela dit je ne dirais pas que la proportion serait 95% d’hommes qui font n’importe quoi contre 95% de femmes qui seraient au taquet, à vue d’oeil on est sûrement pas loin du 50/50, la connerie se partage toujours très bien même si les motivations ne sont pas les mêmes.

  • Comment ne pas subir le confinement ? Conférence Serge Tisseron
    https://www.ladn.eu/nouveaux-usages/invitation-echange-specialiste-resilience-serge-tisseron

    Ne pas subir le confinement

    Cette semaine, nous vous invitons à passer un moment au balcon avec le psychiatre et psychanaliste Serge Tisseron. Spécialiste de la résilience (il a écrit le Que sais-je sur le sujet) et de nos rapports aux nouvelles technologies, ses sujets d’études sont au cœur de nos vies confinées. Éclairons avec lui ce long présent pour ne pas trop le subir.

    Nous entamons le deuxième mois de confinement. La sidération a fait place à l’habitude mais les heures semblent lourdes et l’horizon lointain. Nous sommes beaucoup à ressentir le poids de ces moments qu’il nous faut endurer, traverser. Il nous faut tenir. Il nous faudra reconstruire. Il nous faut faire preuve de résilience.

    Mais qu’est-ce exactement que cette capacité à laquelle on nous encourage ? Comment la résilience se construit-elle ? Peut-elle se renforcer ?
    Un souvenir intime... mais collectif

    Une fois « libéré.e.s », nous vivrons tous avec ce souvenir intime et collectif. Nous inventerons le « monde d’après » marqué.e.s par ce temps immobile. Il nous faudra apprendre à l’exprimer, à s’en souvenir et à l’accepter. Quelle mémoire construire de ces instants suspendus ? Comment saisir l’étendue des changements personnels et planétaires ? Comment accompagner leur expression ?

    Au temps d’avant, nous nous interrogions sur les effets néfastes des écrans sur nos cerveaux. Aujourd’hui, ils sont l’interface de nos vies professionnelles, personnelles et quotidiennes. Lorsque nous pourrons nous revoir, quelle place aura pris le numérique dans nos vies ? Allons-nous vers une société du sans contact, une cyber-société ?

    Après le temps immobile vient le temps des questions. Elles seront de plus en plus nombreuses à mesure que s’ouvrira à nouveau le monde.

    Mais avant le « monde d’après », il faut tenter de comprendre cet étonnant maintenant.

    On essaye de le faire ensemble, jeudi 23 avril à 18h30.

    Pour vous inscrire à ce rendez-vous, il vous suffit de cliquer sur ce lien et de suivre les instructions. A bientôt « A la fenêtre » !

    #Confinement #Résilience #Serge_Tisseron

  • Comment les adolescent draguent à l’ère des réseaux sociaux ?
    https://www.ladn.eu/nouveaux-usages/usages-par-generation/nouveaux-codes-amoureux

    Comme chaque génération, les ados d’aujourd’hui réinventent les règles du jeu de la séduction. Plongée dans l’univers amoureux de la génération qui préfère s’envoyer des emojis et des snaps plutôt que des mots doux.

    À l’ère de Tinder, on pourrait imaginer que les relations amoureuses sont aussi simples qu’un swipe. À droite, ça matche. À gauche, bye bye et au suivant. Facile. D’autant plus que les réseaux sociaux étaient censés nous permettre de fluidifier la communication, d’exprimer nos sentiments en flux tendu. Et pourtant, chez les ados qui ont grandi avec un smartphone entre les mains, les relations amoureuses n’ont rien de simple. Ce serait même plutôt (très) compliqué. Entretien avec Sébastien Houdusse, Directeur général adjoint de BETC Digital, pour décrypter les nouvelles pratiques amoureuses des plus jeunes.

    Mais la chasse à l’amour avec un grand C exerce une vraie pression chez les juniors. Interrogée lors de l’étude BETC Teens, une adolescente de 14 ans racontait qu’« à l’école, c’est à celui qui sera en couple le premier. » Bref, si à 15 ans, t’es pas en couple, c’est que t’as raté ta vie.

    Pour atteindre ce statut tant convoité, le chemin est juché d’embûches. Oubliez les petits mots griffonnés sur un bout de papier passé discrètement en cours d’anglais. Aujourd’hui, c’est évidemment sur Instagram que ça se passe. Malgré la multitude d’applications qui ciblent les ados et leur proposent des fonctionnalités de dating, 34% des 13-17 ans affirment avoir été dragués sur Instagram. « Ça en fait l’application de dating la plus performante », confirme Sébastien Houdusse.

    #Instagram #Relations_amoureuses #Adolescents #Médias_sociaux

  • Yuka : quels sont les profils des utilisateurs de l’application ?
    https://www.ladn.eu/nouveaux-usages/etude-marketing/qui-sont-yukaphiles

    Lancée en 2016, l’application Yuka a envahi nos smartphones et les rayons de nos supermarchés. Entre les ultra-convaincus qui suivent les recommandations à la lettre et ceux qui refusent la dictature du scan, qui sont vraiment les adeptes de Yuka ?

    « Attends, je vais regarder sur Yuka. » Cette petite phrase est devenue un classique des rayons du supermarché. Créée en 2016, Yuka n’est pas la seule application du genre mais est bien loin devant ses concurrents. Une étude réalisée par Ogury indique que près de 18% de la population française (adultes de plus de 18 ans) a téléchargé l’application. En comparaison, l’application OpenFoodFacts – dont Yuka utilise d’ailleurs la base pour noter les aliments – n’est utilisée que par 1% de la population française.

    Yuka fait donc partie de ces applications que « tout le monde a sur son smartphone » - dans ce domaine elle est même comparable à Tinder, Deliveroo, Uber, Spotify ou même LinkedIn. Bref, Yuka joue dans la cour des grands.

    Yuka est rentrée dans nos smartphones et dans nos mœurs mais la folie des débuts et le scan à tout va s’essouffle. Aujourd’hui, les utilisateurs quotidiens représentent 2,4% des possesseurs de l’appli. Et 29% d’utilisateurs mensuels actifs. Le jour d’utilisation le plus fréquent ? Le samedi. Soit le jour où on a le temps de faire ses courses tranquillement en scannant les chips de l’apéro pour en avoir le cœur net : oui, les chips c’est gras.

    #Alimentation #Application #Yuka #Consomation

  • Nomophobie : les chiffres de l’utilisation du smartphone dans le couple
    https://www.ladn.eu/nouveaux-usages/usages-par-generation/nomophobie-etude-utilisation-smartphone-couple

    Toujours vissé à la main, le smartphone devient une extension de nous-mêmes. Alors que le 6 février se déroule la Journée Mondiale sans téléphone portable, une étude Ipsos révèle les usages du téléphone au sein du couple chez les 18-35 ans. Et il y a de quoi prôner la digital detox.

    Alerte ! Le smartphone s’invite même dans les moments les plus intimes. Un jeune sur cinq avoue répondre à un appel ou à un message alors qu’il fait l’amour. Gênant... Moins intime mais tout aussi désagréable, 71% des millennials disent qu’il leur arrive de regarder leur téléphone pendant que l’autre parle.

    Selon l’étude réalisée par Ipsos pour Caprice des Dieux, 67% des 18-35 ans utilisent leur portable en pleine nuit. Consulter son smartphone est le premier geste du matin pour un quart des personnes interrogées. Un tiers des jeunes disent quand même bonjour à leur conjoint.e avant de se jeter sur leur feed Insta. Même constat au coucher, où près d’une personne interrogée sur 5 regarde ses notifications avant de s’endormir.

    Le smartphone est donc omniprésent dans la vie de couple. Et la vie tout court. Nomophobie – la peur d’être privé.e de son smartphone ou d’être dans l’incapacité de le consulter – a même été désigné « mot de l’année 2018 » par le Cambridge Dictionnary. De quoi prêcher pour la digital detox.

    #Culture_numérique #Comportement #Téléphone_mobile