Après la Ligue du LOL, la gestion des « Inrocks » mise en cause
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« Ils avaient même créé un “mur des hommes” », soupire un ancien du journal. Une expression, confirmée par plusieurs sources, qui évoque le « mur des cons » du Syndicat de la magistrature. En l’occurrence, il s’agit d’un poteau sur lequel Doucet et ses amis – tous des hommes – ont accroché des photos d’eux au beau milieu de la rédaction.
« J’ai du mal à comprendre ce qui a pu être perçu violemment dans ce mur. C’était des photos de garçons de la rédac dans des positions plutôt ridicules », tempère un journaliste.
Les témoins que nous avons interrogés n’y voient pas non plus quelque chose de « violent », mais le symptôme d’une atmosphère parfois viriliste, voire carrément sexiste. Ils pointent aussi la diminution progressive du nombre de femmes au journal.
« Il n’y a pas de gestion RH aux Inrocks »
Le midi, une petite bande de journalistes part régulièrement manger ensemble – tous des hommes. Certains jouent aussi au foot ensemble, ils sont parfois devenus amis. Les filles, de moins en moins nombreuses, semblent à l’écart. « Cela leur a valu le surnom de “les boys du Web… et Fanny” », du prénom de la seule journaliste femme du site internet, raconte une salariée. « Il y avait un côté bande de mecs, cultivant manifestement l’entre-soi », confirme le secrétaire général de la rédaction Christophe Mollo.
Cela a même fini par se savoir à l’extérieur : à l’automne 2017, le site Buzzfeed (fermé depuis) avait mené l’enquête, sans rien pouvoir publier finalement. Cela portait sur des témoignages de « harcèlement moral à dimension sexiste », confirme le journaliste, qui s’y était penché, Jules Darmanin. Huit mois plus tard, David Doucet s’en était inquiété en interne, tout en certifiant à une collègue n’avoir « rien à cacher sur [son] rapport aux femmes ».
Pourtant, des journalistes du magazine s’étaient alarmés ces dernières années de la situation faite à certaines stagiaires (nombreuses) de passage. À plusieurs reprises, ils ont même signifié à David Doucet qu’il n’était pas forcément opportun de se rapprocher de jeunes aspirantes au métier, alors qu’il était rédacteur en chef.
Ce fut le cas, par exemple, après cette interview qu’il a réalisée d’une jeune dessinatrice, parallèlement stagiaire aux Inrocks, au sujet de ses esquisses de fesses nues postées sur son compte Instagram. « Pas de problème, c’est pour l’aider, ça lui fait de la pub », aurait alors répondu Doucet.
Interrogées par Mediapart, plusieurs des anciennes stagiaires du magazine confirment avoir fait l’objet d’avances plus ou moins fines. L’une d’entre elles rapporte avoir « dû mettre les choses au clair ». D’autres, en revanche, n’ont rien à redire. Deux racontent avoir été mises en garde à leur arrivée.
Louise* va beaucoup plus loin : elle parle aujourd’hui d’une « oppression permanente vécue pendant un mois » de la part de Doucet, qui l’a « énormément affectée ». Dans des échanges que nous avons pu consulter, il s’excuse de lui envoyer des messages, il badine, parle de ses tenues, lui demande plusieurs fois où elle est.