Assemblée nationale Deuxième séance du mardi 19 février 2019

/20190157.asp

  • Question de Meyer Habib sur les "Groupuscules antisionistes" et réponse de Laurent Nunez
    http://www.assemblee-nationale.fr/15/cri/2018-2019/20190157.asp#P1626343
    http://videos.assemblee-nationale.fr/video.7290176_5c6c09a9e83a3.2eme-seance--questions-au-gou

    Texte :

    M. le président . La parole est à M.. Meyer Habib.

    M. Meyer Habib . Monsieur le Premier ministre, le 20 août 1899, en pleine Affaire Dreyfus, était organisée à Paris, comme aujourd’hui, une grande manifestation contre l’antisémitisme. Car déjà, les extrêmes se retrouvaient dans la détestation du Juif, synonyme de pouvoir, d’argent et de théories du complot. C’est dans ce terreau de haine qu’est né à Paris, rue Cambon, sous la plume de Theodor Herzl, le sionisme moderne, mouvement d’émancipation nationale du peuple juif. Pourtant samedi dernier à Paris, on entendait : « Barre-toi sale sioniste ! », « Rentre à Tel-Aviv ! », « La France, elle est à nous ! »... Tel est le triste visage de l’antisémitisme en 2019. Dans un contexte de crise sociale, la parole antisémite se libère, et par un tour de passe-passe sémantique, « Juif » est devenu « sioniste », on ne dit plus : « sale Juif », mais : « sale sioniste », plus politiquement correct. L’idée que le peuple juif n’a pas droit à un État, c’est l’antisémitisme par excellence.

    M. Jean-Paul Lecoq . Non !

    M. Meyer Habib . Le boycott d’Israël, le BDS – Boycott, Désinvestissment, Sanctions – prôné par certains à l’extrême gauche, c’est de l’antisémitisme !

    Plusieurs députés du groupe GDR . Non !

    M. Meyer Habib . Glorifier à l’Assemblée des terroristes qui ont assassiné des dizaines de civils israéliens parce que juifs, c’est de l’antisémitisme ! Et ceux-là même, Insoumis et communistes, qui ont quitté en bloc cet hémicycle quand j’ai dénoncé le terroriste Salah Hamouri… Quand on attise la haine depuis des années, il est bien hypocrite de manifester contre l’antisémitisme !

    M. Jean-Paul Lecoq . J’espère que le Premier ministre va vous répondre ! Vous appelez ça l’unité nationale ? Diviseur !

    M. Meyer Habib . De l’extrême gauche à l’ultra-droite en passant par la mouvance islamiste, « sioniste » est devenu le signe de ralliement de ceux qui vomissent le système, la République, les élites : Rothschild, Macron, les francs-maçons... Dans les banlieues désertées par les Juifs, un antisémitisme arabo-musulman sévit sur fond d’islamo-gauchisme et de haine d’Israël. Pour tous ceux-là, le Juif est l’homme à abattre. C’est la triste réalité : d’abord les Juifs, et après la France. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR..)

    M. Jean-Paul Lecoq . Vous tenez un discours de haine !

    M. Stéphane Peu . Les communistes étaient dans les camps avec les Juifs !

    M. Meyer Habib . Monsieur le Premier ministre, le 16 juillet 2017, le président Macron déclarait très justement que l’antisionisme était la forme réinventée de l’antisémitisme. Aujourd’hui, il hésite à le pénaliser : un pas en avant ; deux pas en arrière. En attendant douze Français ont été tués parce que juifs, sur fond d’antisionisme ! Monsieur le Premier ministre, fin des grands discours et place aux actes, ou je crains que ces Français quittent massivement la France !
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    Un député brandit une banderole. Mme Sonia Krimi l’applaudit. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UDI-Agir et sur de nombreux bancs du groupe LR.)

    On doit l’interruption de Meyer Habib à l’ex-député LREM Sébastien Nadot qui dénonce la vente d’armes de la France à l’Arabie Saoudite en brandissant une banderole « La France tue au Yémen »
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    M. le président . Monsieur Nadot, remettez immédiatement cette banderole aux huissiers. Ce comportement non seulement interrompt inutilement la parole de notre collègue Meyer Habib mais, de surcroît, je me dois de vous faire un rappel à l’ordre qui sera inscrit au procès-verbal. (Applaudissements sur divers bancs.)

    Monsieur Habib, vous avez la parole.

    M. Meyer Habib . Je vous remercie, monsieur le président. Je voulais terminer en disant que le président Macron avait déclaré très justement que l’antisionisme était la forme réinventée de l’antisémitisme. Aujourd’hui, il hésite à pénaliser l’antisionisme et c’est pourquoi je demande au Premier ministre de passer aux actes car je crains que les Français juifs quittent massivement la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir et sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président . La parole est à M.. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.

    M. Laurent Nunez , secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur . Monsieur le député, nous avons eu souvent l’occasion, vous et moi, de discuter de la question du lien entre l’antisionisme et l’antisémitisme. En répondant à Mme Constance Le Grip, j’ai expliqué ce qu’est le délit d’antisémitisme. L’antisionisme, vous le savez, c’est autre chose puisqu’il s’agit d’un positionnement politique consistant à critiquer la politique d’Israël au nom de ce que certains considèrent comme une forme de liberté d’expression.

    Une fois rappelé cela, monsieur le député, j’ajoute que je ne suis pas naïf : il ne m’a pas échappé que derrière le faux-nez de l’antisionisme pouvait se cacher de l’antisémitisme. Et vous savez très bien que c’est un phénomène que le ministère suit avec beaucoup de vigilance. Les groupuscules antisionistes sont surveillés de près par les services et retiennent toute notre attention. Je vous confirme qu’il existe en ce domaine une jurisprudence, que nous appliquons au cas par cas : chaque fois qu’au regard des caractéristiques de l’auteur et du contexte dans lequel des propos antisionistes ont été tenus, leur caractère antisémite peut être retenu quand ils ne sont que le faux-nez de l’antisémitisme. Mais nous le faisons à droit constant, les textes en vigueur, consacrés par la jurisprudence, nous le permettent déjà. Je peux vous dire que plusieurs mouvements recueillent toute notre attention – vous avez cité le BDS – et que nous sommes attentifs à la commission éventuelle de délits pénaux et aussi à ce que, derrière des slogans antisionistes, ne se cachent pas de l’antisémitisme.

    Mais encore une fois, monsieur le député, nous agissons à droit constant, la jurisprudence nous le permet, et il ne semble pas au Gouvernement nécessaire à ce stade de pénaliser l’antisionisme en tant que tel. Nous le faisons chaque fois qu’eu égard au contexte et aux caractéristiques de l’auteur, nous sommes en droit de considérer qu’il y a antisémitisme. Il sera à cet égard intéressant de voir dans quel sens pencheront les tribunaux lorsque auront été interpellés, comme nous le souhaitons tous le plus vite possible, les auteurs des injures contre M. Finkielkraut. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM et GDR.)

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