Cher @rastapopoulos
Merci pour ce partage
Et ici, sans doute, le mot « partage » n’est pas galvaudé.
Ton texte si court soit-il sur un sujet si difficile a de belles qualités. Et on ne peut pas douter, pas une seule seconde, de ses intentions louables. En revanche je dois te dire que je lui préfère une argumentation plus développée qui est celle par exemple de Claude Askolovitch. signalée ici ( ►https://seenthis.net/messages/747159 )
Je te donne un seul exemple. Quand tu écris
Je suis contre toute forme de colonisation et d’impérialisme.
On ne peut, en quelque sorte, que te donner raison. Singulièrement pour ce qui est de la politique actuelle, et même passée jusqu’à un certain point, d’Israël (je vais revenir sur ce certain point justement). Et de fait les bombardements de Gaza en 2014 ont été l’apogée sans doute de ce qui mérite d’être condamné, et de l’être sans ambiguïté ce dont nos gouvernements successifs se sont tous tenus très éloignés de faire pour des raisons de real politik qui les regardent mais dont ils devraient se demander aujourd’hui si justement le peu de représentativité de cette real politik forcenée n’est pas en train justement de leur exploser à la figure.
Et je suis à peu près certain que tu dois être favorable, de ce que je sais de toi au travers de ce que je lis dans tes signalements et autres participations dans seenthis, à une solution dite à deux états. Et pour cela on pourrait te demander de te pencher sur toutes les cartes particulièrement nombreuses dans le temps du « partage » (le mot est mal choisi, je le fais exprès) des territoires entre ceux palestiniens et ceux israéliens. Or quelle que soit la carte, si reculée soit-elle dans le temps jusqu’en 1948, que tu choisiras, elle sera déjà celle d’une colonisation.
Et je présume que je n’ai pas besoin de te rappeler que de 1945 à 1948, les Juifs d’Europe ayant survécu à la destruction n’avaient d’une part plus où que ces soit où aller et que le camp des vainqueurs n’a pas assumé sa responsabilité de libérateur des camps, côté Russe, n’en parlons pas, mais du côté de la Grande Bretagne et des Etats-Unis, les quotas pour accueillir les survivants étaient ridiculement bas, le sionisme alors était une question de survie. Avec toute l’hypocrisie qui la caractérise la Grande Bretagne a réglé le problème en abandonnant sa colonie palestinienne, ce qu’elle aurait sans doute pas fait si la même colonie avait eu certaines richesses à faire valoir.
Le sionisme contemporain, singulièrement sa pratique coloniale dans les territoires occupés et au delà d’eux est abject et devrait oui, être viscéralement condamné, ce qui ne se produira jamais en Occident puisque nos pays sont englués à la fois dans des logiques et real politik et une mauvaise conscience qui n’est pas prête de s’éteindre, même avec les derniers et dernières survivantes de la destruction des Juifs d’Europe.
Que les députés de la REM se ridiculisent et montrent une fois de plus leur manque édifiant de profondeur à la fois politique et historique est une chose, je tente de me rassurer en me disant que quelques filtres et autres fusibles devraient rendre l’adoption d’une telle loi très compliquée, parce qu’à ce moment-là j’imagine qu’il faudra également légiférer contre tant et tant de stigmatisations. En revanche la question est bien là, les antisémites en France se proclament antisionnistes, non pas qu’ils et elles soient particulièrement sensibles à la souffrance du peuple palestinien mais parce que cela leur permet de contourner l’illégalité de leur antisémitisme pour lequel nul n’a de doute.
Quant au retentissement de ce qui est en train de devenir l’affaire des injures antisionnistes envers le philosophe Alain Finkielkraut, je suis frappé par le caractère hystérique des réactions d’une part, mais d’autre part aussi je suis étonné par le caractère admirablement artificiel et fabriqué de l’affaire. Je trouve très curieux d’une part que cette confrontation soit advenue fortuitement et quand bien même un tel accident statistique était advenu quelle est la probabilité pour qu’au même moment il y ait à la fois une équipe de télévision sur les lieux et un peloton de CRS pour s’interposer et prendre la défense du philosophe. Enfin quelle est également la probabilité pour que les insultes émanant d’une foule soit aussi respectueuse des limites de la légalité des insultes, « sale sioniste » (qui n’est pas interdit) en lieu et place de « sale juif » (qui est un délit) ?
Et pour terminer il ne faut évidemment pas tomber dans le piège de dire ou même de sous entendre que Finkielkraut puisse mériter son sort, en revanche il ne me paraît pas injustifié de rappeler utilement que ses propos habituellement rances constituent une provocation continue pour laquelle il y aurait moyen de le poursuivre sans doute, qu’en l’état il bénéficie d’une immunité très douteuse et rappeler la phrase de Brecht à propos de la violence : on s’indigne beaucoup de la violence des crues, on ne parle jamais de celle des berges qui emprisonnent le fleuve dans son lit.
Amicalement.
Phil