La vidéo nous montre une jeune Palestinienne qui avance lentement vers le checkpoint. Peut-être quelqu’un l’appelle-t-elle pour lui demander de s’arrêter mais on ne peut l’entendre sur l’enregistrement. On ne voit pas ni lame ni coup de couteau non plus. Puis on voit la jeune fille s’enfuir, deux Israéliens, apparemment des soldats la poursuivant à toute vitesse. Ce n’est que le préambule.
« Neutraliser » (c’est-à-dire tuer en hébreu) des jeunes, garçons ou filles, qui cherchent à blesser des soldats - qui savent que le plus souvent c’est au prix de leur propre vie – est devenu une sorte de routine. Dans la plupart des cas c’est ni plus ni moins qu’une exécution alors qu’il est le plus souvent possible d’arrêter les assaillants sans les tuer. Mais l’armée est héroïque quand elle est face à des jeunes filles et ses soldats savent tuer. Les militaires tirent alors pour abattre l’écolière, ce qui était attendu de leur part.
Et maintenant : la jeune fille est étendue sur la route ; les hommes armés l’entourent comme dans un rite païen, lui aboyant un flot d’injures. La vidéo ne montre que leurs corps, pas leurs visages. Parmi eux, il y a au moins un homme armé en short, portant des sandales, probablement un colon. La fille pousse des plaintes, se retourne, se tord, gémit pendant que les soldats disent : "J’espère que tu meurs, fille de pute", "Fuck you", "Crève, souffre, toi kahba (putain en arabe)". Ils ne se comporteraient même pas comme ça auprès d’un chien mourant. Au milieu de cette folie on peut entendre quelqu’un demander "Où est le couteau ?", "Ne la touchez pas", "Vous êtes génial" et, d’un téléphone, "Où êtes-vous ? à la maison ?".
Elle est morte quelques heures plus tard. Elle s’appelait Nouf Iqab Enfeat, elle avait 16 ans et venait du village de Yabad, près de Jénine, en Cisjordanie. Un soldat a été légèrement blessé. Seuls des lâches peuvent tuer une écolière d’une telle façon.
Toutefois dans ce cas, l’exécution de routine a été accompagnée d’une « cérémonie de requiem ». Il faut l’avoir vu pour le croire. Même pas un soldat avec le moindre fétu de compassion ou d’humanité. On a du mal à imaginer l’ampleur de la haine des soldats de l’armée d’occupation envers la nation qu’ils dominent. Il faut voir à quel point ils ont perdu leur humanité. Comment quelqu’un peut-il être joyeux en voyant une écolière qui se meurt ? Maltraiter de cette façon quelqu’un qui souffre n’est pas moins pernicieux, maléfique que de l‘abattre.
C’est la leçon qu’on tirée les soldats de Tsahal du procès d’Elor Azaria : au lieu d’achever le « terroriste », laissez-le perdre son sang jusqu’à ce qu’il meure tout en le couvrant d’injures. Et ils l’ont fait, non par vengeance de sa tentative de poignarder un soldat mais parce qu’avant tout c’était une Palestinienne. De toutes évidences, ils ne se seraient jamais comportés ainsi si c’était une fille de colon qui avait essayé de les attaquer.