• Les femmes et les bébés dehors ? - Libération
    https://www.liberation.fr/debats/2019/03/05/les-femmes-et-les-bebes-dehors_1712948

    Face aux structures d’hébergement d’urgence saturées à Paris, des professionnel-les de l’accompagnement de femmes victimes de violences demandent à ce que les chambres d’hôtel vides soit réquisitionnées.

    Il est désormais odieusement « banal » en Ile-de-France que des femmes avec enfants ne soient pas prises en charge par le 115 (Samu social) et dorment dehors. Nous, professionnel-les et bénévoles de l’accompagnement de femmes victimes de violences devons désormais composer avec cette réalité : il n’y a plus de places d’hébergement d’urgence à Paris en nombre suffisant. Même pour les femmes et les nouveau-nés. Même en plein hiver. La décision politique de couper le budget de l’hébergement d’urgence de 57 millions d’euros démontre bien que la situation va encore empirer !

    Toutes les structures sont saturées. D’un côté comme de l’autre de la ligne du 115, la souffrance est palpable. L’inquiétude de nos équipes qui ne savent pas si elles auront, après des heures d’appel, une place vers où orienter les personnes vulnérables que nous accompagnons. Violences pour les femmes et leurs enfants laisséEs à la rue évidemment. Violence et inquiétude aussi pour les professionnel-les du social et de l’hébergement qui œuvrent pour l’intérêt général et contre vents et marées, tentent de préserver le sens de notre contrat social !
    Banalisation

    Les années passent, nous observons décontenancées la situation se détériorer sans cesse. La banalisation de situations pourtant impensables il y a encore moins de dix ans nous impose des injonctions contradictoires d’une cruauté effrayante : choisir entre un humain et un autre, laisser souvent le hasard décider qui dormira « à l’abri » et qui dormira dehors.

    Les textes sont pourtant clairs : l’hébergement est un droit, une liberté fondamentale qui conditionne le respect effectif d’un grand nombre d’autres droits, le droit à la sécurité, à la santé et à ne pas subir de traitement dégradant et inhumain (car la rue c’est souvent le viol, le vol et toujours l’angoisse).

    Dans les faits, les moyens mis en œuvre sont manifestement dérisoires. La carence de l’Etat est structurelle. Cela a été maintes fois reconnu par les juges. Si l’Etat est en carence, ce n’est pas de la faute du trop grand nombre de précaires, ni de la faute de l’administration. Il y a bien assez de chambres décentes pour mettre à l’abri toutes les personnes qui en ont besoin et éviter ainsi l’aggravation de situations personnelles déjà terribles.

    N’oublions pas qu’il est de l’intérêt direct de toutes et tous que les plus fragiles soient protégés, ce n’est pas une « libéralité caritative », c’est la moindre de nos obligations, c’est avant tout bien sûr l’essence de notre dignité collective mais aussi, pour ceux que seul le pragmatisme touche encore, un énième service que la collectivité rend aux plus favorisés car il les protège de la colère et de la révolte qui naissent invariablement de l’injustice et de la misère. Cette situation est d’autant plus inacceptable que des solutions existent ! A Paris, les lieux d’hébergement décents et vacants sont pourtant nombreux !
    Défaillance

    Combien de chambres d’hôtel vacantes tous les soirs dans Paris ? Cette question, nous nous la posons forcément alors que les heures passent et que la ligne du 115, saturée d’appel, ne répond pas. Une femme et son nourrisson sont à côté de nous et nous sommes dans l’incapacité de lui assurer qu’elle aura un toit au-dessus de la tête cette nuit. Rien ne peut justifier, qu’en France, des nourrissons et leur mère dorment à la rue. Rien ne justifie non plus qu’ils-elles soient parfois accueilliEs dans une chambre d’hôtel insalubre, alors que des logements, dont personne n’a besoin restent vides.

    Nous estimons donc que les défaillances du système ont atteint un stade que seules des décisions politiques et juridiques courageuses peuvent résoudre : la réquisition des chambres d’hôtel vides et pourtant disponibles à la mise à l’abri des femmes et de leurs enfants ! Protéger ces personnes est la responsabilité de tous et toutes ! L’esprit de notre contrat social doit être respecté. Nous ne demandons rien d’impossible !
    le Mouvement du Nid-Paris , Une Femme un Toit (FIT) , Voix de femmes