redéfinir le féminisme et l’islam

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    https://al-akhbar.com/Literature_Arts/268043

    En lisant dans Al-Akhbar cet article sur Saba Mahmood, je suis tombé sur ce texte (Saba Mahmood : redéfinir le féminisme et l’islam) publié dans la revue Tracés : https://journals.openedition.org/traces/6251
    Quelque chose me dit que ce petit extrait cela devrait intéresser du monde sur ce site...

    Politique de la piété a été traduit en français en 2009 et publié dans la collection « Genre & sexualité », dirigée par Éric Fassin, aux Éditions La Découverte. Le livre a fait l’objet de six comptes-rendus plus ou moins détaillés et Mahmood a présenté ses travaux en France en 20101, sans pour autant qu’un débat de fond sur les prises de positions théoriques de l’auteure s’instaure dans la communauté universitaire. Nadia Marzouki, traductrice de l’ouvrage et spécialiste des discours sur l’islam en Europe et aux États-Unis, revient dans ce dossier sur les manières d’expliquer cette faible réception. On peut simplement ici rappeler brièvement que le féminisme français est dominé par le « féminisme républicain » (Nadia Marzouki) ou le « féminisme séculier » (Alessandra Fiorentini et Gianfranco Rebucini). Cette conception de la lutte pour l’égalité hommes-femmes, nourrie de l’universalisme à la française (Scott, 1998), remet peu en cause le sujet « universel » du féminisme blanc, qui a pourtant été largement critiqué depuis les années 1980 par le Black feminism (Dorlin éd., 2008) et par le féminisme Chicano (Bacchetta et al. éd., 2011). Ce courant est en outre caractérisé par une large animosité de principe à l’égard du religieux et il fait de la laïcité dans la société, voire de l’athéisme au niveau individuel, un préalable à l’émancipation.

    10En France, depuis les années 2000, le débat public, dans le mouvement féministe et au-delà, s’est polarisé sur la question du voile islamique, majoritairement interprété comme le signe d’une oppression des femmes. On ressent ici l’héritage d’une « culture républicaine laïque [qui] s’est forgée dans l’opposition à la féminisation de la religion au xixe siècle » (Thébaut, 2010). Les partisans d’interprétations plus nuancées du voile et d’analyses fondées sur les méthodes des sciences sociales sont très peu audibles (Baubérot, 2006 ; Lorcerie, 2006). De manière significative, le livre que l’historienne du genre Joan W. Scott a consacré à cette question, The Politics of the Veil, est l’un des seuls de cette auteure à n’avoir jamais été traduit en français (Scott, 2007). Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que l’ouvrage de Mahmood qui prend le contre-pied de ce féminisme libéral n’ait été que peu approprié. Après les attentats de janvier 2015 à Paris, il y a fort à parier que les appels répétés à l’Union sacrée républicaine et à la défense d’une certaine forme de laïcité n’en viennent à rendre encore plus inaudibles les thèses complexes de cette anthropologue. Mais n’est-ce pas finalement le meilleur moment pour publier un dossier sur ce sujet ? On ne peut pas nier, en effet, que les questions que pose cette ethnographie de l’Égypte des années 1990 résonnent dans l’actualité du débat public français, sur l’appréhension du voile ou sur l’instrumentalisation du féminisme à des fins partisanes.

    #islam #féminisme #genre