• Ce que nous disent les slogans écrits sur le dos des « gilets jaunes »
    https://www.nouvelobs.com/societe/20190329.OBS2666/ce-que-nous-disent-les-slogans-ecrits-sur-le-dos-des-gilets-jaunes.html

    De samedi en samedi, les inscriptions au dos des « gilets jaunes » ont fini par composer un véritable cahier de doléances offert à la consultation de tous, propice à la discussion, laquelle est l’activité la plus recherchée parmi les protestataires. Dans cette foule, plus sentimentale que haineuse et déterminée à ne « rien lâcher » sous les premiers ciels de printemps, on en voit beaucoup partir à la cueillette aux aphorismes. La photo répond à un rituel. On y met les formes.
    ""Salut. Je peux prendre ton gilet en photo ?""

    (Les gilets jaunes se tutoient d’emblée). L’intéressé se redresse, ajuste le pan tombant d’une écharpe, et clic !, une photo, qui sera peut-être envoyée au collectif « Plein le dos » qui centralise. On verra sans doute dans quelque temps sortir d’une cellule du CNRS ou de l’esprit patient d’un sociologue la grande étude sur le mouvement d’un peuple en jaune racontés par le gilet et sur l’étonnante évolution de l’exercice.

    Les revendications initiales sont prosaïques. Au cours des actes 1 et 2, les phrases dénoncent le prix du gasoil, l’indignité des retraites ou l’insuffisance des payes ("Je suis aide-soignante et toujours en découvert le 10 mois"). A partir de l’acte 3 une fois métabolisé ce grand moment de sidération collective que fut le 24 novembre sur les Champs-Elysées face à une répression jugée inacceptable, « les gilets », qui n’avaient encore rien inscrit au dos de leur habit, lâchent pancartes et banderoles, peu adaptées aux mouvements de foule, pour sortir le marqueur et ajouter une page au grand cahier.

    Dans ces rassemblements s’observe un nivellement par le haut, phénomène déjà bien documenté par les chercheurs qui ont travaillé sur les émeutes de Watts (Los Angeles) en 1965 pour ne citer qu’un exemple. L’essor d’une pensée critique de rue et de ronds-points inspire d’autres slogans, plus politiques ceux-là même si les intéressés s’en défendent ("Le savoir est une arme"). On voit paraître des textes qui reflètent l’actualité, notamment la réponse élyséenne aux manifestants.

    Nombreux sont ceux qui s’adressent directement au chef de l’Etat, marquant par le tutoiement et la récurrence d’adresses à « Manu », peut-être moins la désacralisation de la fonction présidentielle que l’invite qui lui est faite de mettre un pied dans leur réalité ("Manu, dans quel monde tu vis ?"). Des slogans apparaissent en réponse aux réflexions reçues comme des offensantes ("Je suis Jojo", « J’ai traversé la rue et après ? » etc), avec une utilisation persistante de l’humour et un durcissement du ton. Florilège.

    Acte 13 Paris (Collectif Plein le dos)
    ""Qui sème la misère récolte la colère" (Paris, acte 1) «  »
    "Enrichissons les salariés, pas les actionnaires" (Paris, acte 2) «  »
    "Taxons le kérosène d’abord" (Paris, acte 2)" "
    « Limitation du flash-ball à 80 km/ heure » (Paris, acte 4)" "
    « Paradis pour les uns, pas un radis pour les autres » (Paris, acte 4)" "
    « Le gilet jaune sera le linceul du vieux monde » (Toulouse, acte 11)" "
    « Faites raquer les banquiers pas les ouvriers » (Paris, acte 12)" "
    « Arrête la pédagogie, on a tout compris » (Paris, acte 12)" "
    « Jo le Taxé » (Paris, acte 13)" "
    « Travaille, consomme, obéis » (Saumur, acte 13)" "
    « Gaztamer » en prison (Saumur, acte 13)" "
    « Ensemble, pas en sang » (Metz, acte 13)" "
    « Veni, vedi, vinci » (Châtellerault, acte 13)" "
    « Chômeuse en faim de droit » (Montpellier, acte 13)" "
    « Macron et les cac 40 voleurs » (Paris, acte 14)" "
    « Je suis Rémi Fraisse » (Paris, acte 14)" "
    « Mort au capitalisme, longue vie aux valeurs humanistes » (Lille, acte 16)" "
    « RIC. La reconquête de la démocratie » (Paris, acte 16)" "
    « Ton nouveau monde, j’en ai vraiment les larmes aux yeux » (Paris, acte 17)" "
    « Le climat n’attend pas » (Paris, acte 18)" «  »+ de banquise, - de banquiers" (Paris, acte 18)" "
    « Gilets jaune vs parachute doré » (nc)" "
    « Noël au rond-point, Pacques à l’Elysée » (acte 19)" "
    « Le cac 40 nous pisse dessus, BFM nous dit qu’il pleut » (nc)" "
    « Un peuple debout ne rompt point » (nc)" "
    « Enfin les ronds-points servent à quelque chose » (graffiti sur un mur de Paris)" "
    « Lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi, GJ, dimanche » (nc) «  »
    "On ne naît pas casseur on le devient" (graffiti sur les Champs-Elysées, acte 18) «  »
    "On boute Macron, boutez Flika" (idem)" "
    « Un 16 mars et ça repart » (idem)" "
    « Nous sommes un peuple de casseurs cueilleurs » (nc)"

    Et puis ce mot à tous :
    ""Désolé pour le dérangement, nous essayons de sauver la France.""