Manuel Borja-Villel (Reina Sofia) : « L’idée d’Europe n’existait pas avant la conquête de l’Amérique » - Page 1

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    Surtout connu d’une majorité de touristes pour héberger le Guernica de Picasso, le Reina Sofia est aussi devenu ces dernières années un lieu de réflexion aux côtés des mouvements sociaux, et de production d’outils pour penser les racines de la crise espagnole. L’exemple d’un « musée situé », face au règne du néolibéralisme, selon son directeur.

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    Dans les années 1930, il y avait des intellectuels, comme Carl Einstein [historien de l’art, écrivain allemand, 1885-1940 – ndlr], qui s’est engagé dans la guerre d’Espagne à 55 ans – ce qui correspond à avoir 70 ou 80 ans aujourd’hui. Il s’est porté volontaire, dans la colonne trotskiste la plus radicale. Aujourd’hui, combien d’artistes seraient prêts à faire cela ? Sûrement très peu. Et surtout, cela n’aurait aucun effet. Nous ne pouvons plus nous en remettre à une institution unique qui sauverait le monde.

    Il faut construire un réseau, un écosystème d’institutions, certaines lourdes, comme le Reina Sofia ou Pompidou, qui travaillent le temps long, et d’autres plus légères et réactives. À Madrid, nous travaillons par exemple avec la Casa Ingobernable, un bâtiment récupéré, devenu un centre social. Non pas parce qu’on est des gentils. Mais parce qu’il est fondamental pour nous, depuis un musée en partie absorbé par le tourisme, de construire des liens avec un espace qui fonctionne de manière horizontale, et très réactive.

    Dans le même ordre d’idées, nous essayons de créer, depuis le Reina, des structures qui par la suite deviennent autonomes. C’est par exemple le cas du Réseau de conceptualisme du Sud, un collectif de travail sur les archives, devenu totalement indépendant aujourd’hui. Idem avec un Institut de l’imagination radicale, qui essaie de penser la société autrement.