Ts, ts, ts : je suis le chaman, un pied dans chaque camps. Belle-famille de médecins (spécialistes et généraliste, tous secteurs !), ça fait des années que j’ai aussi le point de vue du toubib. Sans compter des amis en dernière année d’internat.
Je commence par un bref rappel : aucun apprenti médecin en France ne paie ses études de sa poche. Oui, il faut payer le reste, les livres, la bouffe, le logement et tout le bordel, tout comme pour les étudiants en sciences humaines comme moi, mais en aucun cas, ils ne se retrouvent à débarquer dans la vie active avec l’endettement faramineux du coût réel de la formation, parce que celui-là, il est pris en charge collectivement et c’est très bien comme ça. Pour comprendre ce que signifie réellement payer le prix de ses études de médecine, il ne faut pas hésiter à aller voir ce que ça donne aux USA où des mecs entrent dans la vie active avec des dettes complètement hallucinantes. En gros, c’est de l’esclavage pour dette et les gars se retrouvent à faire de la médecine hors de prix rien que pour rembourser les banques. Ça, ce n’est pas un modèle !
Donc, chez nous, les études de médecine sont financées par la collectivité et je ne trouve pas déraisonnable que la collectivité demande une contrepartie en terme de santé publique, un peu comme l’Armée qui offre des formations de qualité en échange d’un certain engagement. Donnant-donnant et ce n’est que pour quelques années, pas pour toute la vie (on n’est pas à Cuba, non plus !).
Sur les modes de paiement : oui, je ne vois pas où est le problème à envisager une pratique salariée de la médecine. Voilà qui réglerait pas mal de problèmes en terme de pratiques d’abattage, d’horaires, de qualité de vie et d’équité des rémunérations. Aux urgences, je suis tombée sur un médecin qui venait de passer au salariat après des années de libéral où il ne faisait pas spécialement de gras. Il travaille pour un groupe privé, avec un bon niveau de salaire, des avantages sociaux et tout. Il est affecté régulièrement à des gardes dans des déserts médicaux... comme le mien. Si on arrêtait avec la logique débile de la T2A dans les hostos, je ne vois pas pourquoi le secteur public ne pourrait pas non plus correctement employer des médecins tout en assurant ses missions de santé publique. En gros, je ne vois pas pourquoi le salariat serait le mal dans la santé.
L’exercice libéral, c’est pareil pour toutes les professions : tout le monde n’est pas un super gestionnaire, tout le monde n’a pas envie de fonctionner sans filet. Le truc que je ne comprends pas, c’est que tu dis que tous les médecins rêvent de salariat et qu’en même temps ils réclament plus de liberté de tarification : franchement, on ne peut pas avoir le beurre, l’argent du beurre et le cul de la crémière.
Oui, c’est très coûteux dans notre système de s’installer en libéral. La question est : pourquoi s’installer en libéral ? Tu me parles des gosses d’ouvriers qui vont avoir du mal à s’endetter pour monter leur cabinet : heureusement pour eux, comme ils sont pratiquement totalement absents des cursus médicaux (tiens et si on parlait de la sociologie du corps médical, pour rigoler un peu ?), ça ne les emmerde pas trop à l’arrivée... et oui, pour les quelques uns qui passeraient quand même les barrages sociaux, c’est plutôt salariat à l’hosto que libéral à Nice.
Dans mon coin, on bosse sur des maisons médicales pour pallier aux défauts de soins. Ça peut être pas mal : des cabinets collectifs, plus ou moins équipés, avec regroupement de spécialités et de paramédicaux, mutualisation administrative, répartition des charges de travail et meilleure coordination entre praticiens. Si c’est fait dans cet esprit, on devrait encourager l’installation de jeunes médecins (on pourrait parler de la connerie du numerus clausus, de la doctrine de limiter la demande en limitant l’offre, comme si les patients gaspillaient de la santé...) qui ne viendraient pas d’une dynastie de toubibs (franchement, la sociologie des facs de médecine me semble indispensable dans ce débat !). Après, si c’est fait dans l’idée de réduire l’offre de soin, on va au tas.