« Désormais, des fusibles sont prévus en cas de coup dur pour Macron, au premier rang desquels Edouard Philippe »

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  • « Désormais, des fusibles sont prévus en cas de coup dur pour Macron, au premier rang desquels Edouard Philippe »
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    Le président laisse au gouvernement l’exécution des nouvelles orientations. Une démarche qui vise à desserrer l’étau qui l’entoure, selon Françoise Fressoz.

    Chronique. Après six mois d’accalmie, les choses sérieuses commencent. Mis sous tension par les annonces présidentielles, le gouvernement va devoir décliner le plan d’Emmanuel Macron en tentant d’éviter la sortie de route. Bon courage ! La profusion de mesures annoncées, jeudi 25 avril, pour tenter de répondre à la crise des « gilets jaunes », la confirmation de cinq réformes de structure d’ici à la fin du quinquennat (école, assurance- chômage, retraite, fonction publique, organisation de pouvoirs publics) étaient là pour démontrer que rien n’arrêterait la volonté présidentielle de transformer le pays.

    Comme ses prédécesseurs, le chef de l’Etat a fait le pari d’intensifier le mouvement en cours de mandat, en dépit d’une cote de popularité toujours alarmante et, comme Nicolas Sarkozy, il a choisi de mener plusieurs chantiers à la fois afin d’étourdir les oppositions et d’éviter la constitution d’un front unique du refus.

    Mais dans un pays qui reste profondément éruptif, une telle stratégie n’est pas dénuée d’inconvénients : outre qu’elle ne met pas à l’abri d’un nouveau coup de grisou, elle ne permet pas forcément d’aller au fond des choses, faute de temps – il reste à peine deux ans utiles d’ici à la fin du quinquennat – et de méthode affirmée.
    Ce qui frappait dans l’offensive présidentielle, c’est, au contraire, l’approximation qui pointait dès qu’il était question d’exécution. « Je fixe les orientations, je ne vais pas me substituer au gouvernement », répétait Emmanuel Macron chaque fois qu’on lui réclamait un détail, ce qui revenait à dire au premier ministre : « Et maintenant débrouillez-vous ! »

    Le trône a vacillé
    Ce retour à une lecture plus gaullienne des institutions vise à desserrer l’étau autour du chef de l’Etat qui, à force de verticalité, a fini par prendre en pleine figure la révolte des « gilets jaunes ». Le trône a réellement vacillé en décembre 2018, lorsque Emmanuel Macron a pris conscience du degré de haine qu’il avait suscité…

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    • Chronique . Après six mois d’accalmie, les choses sérieuses commencent. Mis sous tension par les annonces présidentielles, le gouvernement va devoir décliner le plan d’Emmanuel Macron en tentant d’éviter la sortie de route. Bon courage ! La profusion de mesures annoncées, jeudi 25 avril, pour tenter de répondre à la crise des « gilets jaunes », la confirmation de cinq réformes de structure d’ici à la fin du quinquennat (école, assurance- chômage, retraite, fonction publique, organisation de pouvoirs publics) étaient là pour démontrer que rien n’arrêterait la volonté présidentielle de transformer le pays.
      Comme ses prédécesseurs, le chef de l’Etat a fait le pari d’intensifier le mouvement en cours de mandat, en dépit d’une cote de popularité toujours alarmante et, comme Nicolas Sarkozy, il a choisi de mener plusieurs chantiers à la fois afin d’étourdir les oppositions et d’éviter la constitution d’un front unique du refus.

      Mais dans un pays qui reste profondément éruptif, une telle stratégie n’est pas dénuée d’inconvénients : outre qu’elle ne met pas à l’abri d’un nouveau coup de grisou, elle ne permet pas forcément d’aller au fond des choses, faute de temps – il reste à peine deux ans utiles d’ici à la fin du quinquennat – et de méthode affirmée.
      Ce qui frappait dans l’offensive présidentielle, c’est, au contraire, l’approximation qui pointait dès qu’il était question d’exécution. « Je fixe les orientations, je ne vais pas me substituer au gouvernement », répétait Emmanuel Macron chaque fois qu’on lui réclamait un détail, ce qui revenait à dire au premier ministre : « Et maintenant débrouillez-vous ! »

      Le trône a vacillé

      Ce retour à une lecture plus gaullienne des institutions vise à desserrer l’étau autour du chef de l’Etat qui, à force de verticalité, a fini par prendre en pleine figure la révolte des « gilets jaunes ». Le trône a réellement vacillé en décembre 2018, lorsque Emmanuel Macron a pris conscience du degré de haine qu’il avait suscité dans une partie de la population. Désormais, des fusibles sont prévus en cas de coup dur, au premier rang desquels Edouard Philippe.

      Réassuré par le chef de l’Etat, le chef du gouvernement a pour mission de mettre en ordre de bataille des troupes un peu plus aguerries qu’il y a deux ans mais qui ont découvert en même temps que les Français les annonces présidentielles. Gare aux traînards ou à ceux qui ne parviendraient pas à maîtriser leur administration, réputée conservatrice ! Des hauts fonctionnaires aux ministres, tous sont désormais priés de mouiller la chemise pour répondre à l’exigence fondamentale des Français : un Etat plus proche et plus efficace.

      Tout le monde s’est crispé

      Mais en déléguant, Emmanuel Macron tente aussi de corriger son penchant naturel, qui est de s’occuper de tout. Cette propension a mis en danger le début de son quinquennat. Le héraut du changement n’est pas parvenu à mettre en mouvement la société. Tout le monde s’est crispé : les élus, les syndicats et une grande partie des Français, qui ont eu l’impression qu’on voulait leur imposer à toute force un nouveau modèle de société.

      Une partie de la difficulté rencontrée par le chef de l’Etat tient au caractère disruptif de son élection : le novice s’est fait élire, en mai 2017, sur le dos du vieux monde, en profitant du discrédit dont souffraient les sortants de gauche comme de droite. A aucun moment il n’a cherché à composer avec eux, récusant toute idée d’alliance ou de coalition, sauf avec le MoDem parce qu’il devait à François Bayrou son élection. D’emblée, il a pris le risque de les avoir contre lui sans disposer en retour d’une force capable de porter le macronisme : son mouvement En marche est resté dans les limbes.
      Quant aux députés nouvellement élus, ils ne connaissaient rien au travail de terrain, si bien que la dynamique de l’élection présidentielle a rapidement viré au dangereux isolement. Il fallait d’urgence le briser.

      Le nouvel acte de décentralisation annoncé jeudi par Emmanuel Macron est un geste en direction des trois grandes associations d’élus (communes, départements, régions) qui demandaient que le président cesse de vouloir s’occuper de tout et fasse confiance au terrain. Macron les prend au mot en leur accordant un délai très court, neuf mois, pour tenter de bâtir une nouvelle répartition des compétences et des financements.

      Remettre en mouvement

      Compte tenu du passif, les chances d’aboutir à un compromis utile pour le pays sont minces. Elles ne sont pas complètement inexistantes dans la mesure où les élus ont eux aussi beaucoup à se faire pardonner de leurs administrés : contestés, ils sont menacés par la forte demande de démocratie participative. Emmanuel Macron en a tenu compte mais en refusant tout ce qui pouvait les affaiblir, notamment le référendum d’initiative populaire ou la suppression du Sénat. En contrepartie, il leur demande de jouer le jeu.

      Restent enfin les syndicats ou plutôt le syndicat avec lequel Emmanuel Macron peut encore espérer composer. Laurent Berger n’a pas fermé la porte aux annonces présidentielles, en dépit des relations tendues qu’il entretient avec le chef de l’Etat et de la profonde déception qu’il a exprimée à propos de l’écologie.

      Conscient de la gravité du moment et des risques d’une nouvelle montée de l’extrême droite, le leader de la CFDT s’est dit prêt (Le Monde du 27 avril) à dire « chiche » à condition que le « changement de cap amorcé se confirme ». Dès lors, on comprend mieux pourquoi Emmanuel Macron est resté si flou dans la réalisation des objectifs qu’il s’est fixés. A ce stade du mandat, son objectif est moins d’aboutir à une transformation profonde du pays qu’à remettre en mouvement les acteurs susceptibles de l’accompagner.