Carte de la « presse pas pareille »

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  • Chers Socios,

    Je vous écris cette lettre avant de rejoindre la manifestation parisienne du 1er mai de ma chambre d’hôtel. Depuis deux semaines et mon accord pour rejoindre le Média, ma vie et mes habitudes ont été bouleversées. Je ne pensais pas accepter l’offre qui m’a été faite par l’équipe du Média. J’avais et j’ai toujours un livre en préparation. Je n’ai pas tout à fait terminé un documentaire sur le terrorisme et je démarre bientôt le tournage de « La très grande évasion », que certains d’entre vous ont soutenu. J’avais une vie plutôt confortable entre la réalisation de mes documentaires et l’écriture. Si j’ai décidé de rompre cet équilibre et de me lancer, loin de chez moi, à Montreuil, dans l’aventure de la web tv du futur, c’est d’abord et avant tout parce que j’y crois.

    Je pense que vous, Socios – vous êtes 17 000 à avoir fait des dons ou à avoir pris une adhésion – avez permis en deux années tumultueuses la création d’un formidable outil dans le paysage médiatique qui est très loin d’avoir atteint sa mesure. Vous avez permis la création d’un studio de télévision, l’achat de matériel, micros et caméras, et surtout, par votre investissement, vous avez permis de faire vivre et de faire travailler une trentaine de journalistes, de pigistes, de techniciens. Vous nous avez donné de l’indépendance et de la liberté qui nous ont permis d’être un espace à part, engagé, qui a démontré sa nécessité. C’était important de se lancer voici deux ans. Ça l’est encore plus aujourd’hui, en ces temps où le libéralisme s’est rependu sur l’ensemble de la sphère médiatique, où le mouvement des gilets jaunes a été si maltraité par les chaînes tout infos, mais aussi par les chaînes et les radios mainstream.

    J’ai accepté de relever ce défi parce que j’ai la conviction que, si nous sommes bons, sincères et déterminés, et si vous nous en donnez les moyens, qu’il y a un large espace pour une télévision et un média libre et ambitieux sur internet.

    Le Média s’est créé sous les auspices de la France Insoumise puis, grâce à Aude Lancelin, en défense des gilets jaunes. Pour cette phase trois qui démarre, sans rejeter ce passé, j’aimerais professionnaliser davantage Le Média, lui offrir plus de moyens et le lancer plus avant sur le terrain du journalisme. Un journalisme d’enquêtes, de chroniques incisives, de découvertes d’histoires et de personnages qui ne passent pas ailleurs à la télévision.

    J’ai été en ce début d’année à l’initiative de l’édition du livre de Juan Branco « Crépuscule ». Vous avez sans doute entendu parler de cet ouvrage. Il décrit, entre autres, les réseaux médiatiques et les liens oligarchiques qui ont amené Emmanuel Macron au pouvoir. Le livre va bientôt dépasser les 100 000 exemplaires vendus, sans un seul article dans la presse ou dans la télévision dite « mainstream ». C’est, à mes yeux, l’exemple ultime qui montre que deux mondes se font face : un vieux monde fait de médias lourds, généralement peu enclins à critiquer le pouvoir. Et un nouveau monde, autour d’internet et des réseaux sociaux, où l’on ne fait plus très bien la part des choses entre information et désinformation, entre rumeurs et faits avérés. Mon ambition pour Le Média est d’inventer un espace intermédiaire sur internet, un média sérieux, drôle et innovant. Nous devons le construire avec humilité, patiemment, et nous avons besoin de vous pour cela. Du fait des crises successives, Le Média était au bord de la faillite collective. De nombreux salariés avaient ou allaient quitter le navire. Je n’ai aucun grief ni aucune animosité à l’égard de ma prédécesseure Aude Lancelin. Son départ soudain a crée un émoi au sein de la rédaction du Média, tant Aude occupait une place centrale, monopolisant tous les pouvoirs. Elle était à la fois directrice de la publication, présidente de la société de presse et directrice de la rédaction. Contrairement aux rumeurs circulant ça et là : elle n’a jamais été démissionnée et personne de la France Insoumise ou parmi les historiques ayant lancé Le Média n’a œuvré en coulisses pour la pousser dehors ou me mettre à sa place. Je suis quand même le premier concerné pour vous dire cela. La gestion d’Aude Lancelin était discutée à l’intérieur du Média. Non pas pour son travail rédactionnel, unanimement salué, mais pour sa gestion humaine de l’équipe et parce qu’elle centralisait visiblement trop de pouvoir. J’essaye de ne pas prendre parti en énonçant cela. L’équipe du Média a donc voulu créer un contre-pouvoir en lui retirant la présidence de la société de presse mais en lui laissant la direction de la rédaction. Aude Lancelin a refusé. C’est son choix, mais en démissionnant elle a crée une nouvelle crise qu’il fallait résoudre. Il fallait soutenir l’équipe, faire taire les rumeurs de manipulation, stopper les premiers désabonnements suite à une campagne sur Twitter et surtout amener Le Média vers des rivages plus apaisés.

    J’ai accepté la proposition qui m’a été faite pour ces raisons. Et pour bâtir un nouveau projet, lancer de nouvelles émissions. Je vous en dirai davantage bientôt concernant ces nouveaux programmes. D’ailleurs, je vous tiendrai régulièrement informés par ce type de courriers. Plus que jamais, nous avons besoin de vous. J’ai besoin de vos soutiens. L’équilibre du Média est encore fragile. Vous êtes les Socios mais vous êtes aussi les proprios… J’ai refusé d’être président de la société de presse, je ne m’occupe que de la rédaction. C’est à vous de décider si nous sommes dans la bonne direction. Merci d’être là et de continuer à nous suivre de près.

    Amicalement,

    Denis Robert, le 1er mai

    Le Media

    94 rue des Sorins 93100 Montreuil FR

    • Bon. j’ai des réserves sur Le Média, mais j’admire Denis Robert pour son courage et son travail. J’ai des réserves sur Ruffin, mais je suis d’accord avec beaucoup de ses approches et de ses idées, etc...

      La vie n’est pas simple. Et les alternatives « visibles » sur « comment bien s’informer aujourd’hui » ne sont pas nombreuses. Par contre, en travaillant beaucoup, en recherchant beaucoup et en testant beaucoup, on peut produire un bouquet de lieux (sites Internets, blogs, comptes réseaux sociaux, collectifs, médias alternatifs, réflexions personnelles, trucs genre seenthis pour l’intelligence collective, etc...) totalement formidable pour avoir en permanence une grande et belle fenêtre ouverte sur le monde.

    • A sa naissance, la presse libre n’était-elle pas généralement « d’opinion » ?
      Quand la grande presse obfusque tout ce qui dérange ses fondements capitalistes et autoritarismes, je ne peux que soutenir les alternatives d’opinion vertes et rouges... Une nouvelle naissance de la presse...