A Paris, le prix du logement freine les vocations de soignants

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  • [Ni logement, ni soins :] A Paris, le prix du logement freine les vocations de soignants, François Béguin
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    A Paris, le prix du logement freine les vocations de soignants
    Selon une étude de l’AP-HP, la moitié des personnels soignants habitent à plus de quarante-cinq minutes de leur lieu de travail.

    Si Samuel, un infirmier de 28 ans qui a souhaité garder l’anonymat, a renoncé il y a deux ans à venir travailler dans un service d’urgences de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) après avoir fait ses études dans le sud de la France, c’est en raison du montant des loyers dans la capitale. « On me proposait 1 500 euros de salaire de base, sans les primes ni les week-ends. Il aurait fallu que je débourse 800 euros par mois pour me loger pas trop loin de l’hôpital. Si je travaille, ce n’est pas pour me retrouver dans les mêmes conditions que lorsque j’étais étudiant », explique-t-il, assurant avoir trouvé depuis à Lyon « une qualité de vie [qu’il] n’aurai[t] pas eue à Paris ».
    Cette difficulté à se loger près de son lieu de travail avec un salaire d’infirmier a été identifiée par l’AP-HP comme l’une des principales raisons de sa récente perte d’attractivité. L’indemnité de résidence en Ile-de-France, d’un montant moyen de 55 euros par mois, ne suffit pas. « A salaire infirmier égal, compte tenu du coût de la vie, c’est plus intéressant de s’installer en province », reconnaît-on à la DRH de l’Assistance publique.

    Pour mieux appréhender cette contrainte, la direction du plus grand groupe hospitalier de France a étudié les temps de transport de ses salariés. Selon des chiffres établis à partir d’une base d’adresses de 44 000 personnels, que Le Monde a pu consulter, la moitié des personnels soignants (hors médecins) du groupe vit à plus de 45 minutes de son lieu de travail (29 % à plus d’une heure). Un pourcentage plus élevé que la moyenne en Ile-de-France, où « seul » un tiers (32 %) de la population réside à plus de 45 minutes de son travail, selon des chiffres du ministère de travail de 2015.

    L’étude révèle par ailleurs que le temps de trajet moyen des soignants de l’AP-HP s’établit à 47 minutes, contre 33 minutes en moyenne pour l’ensemble des Franciliens. Ce temps de trajet est plus élevé pour les aides-soignants et assimilés (50 minutes) que pour les infirmiers (47 minutes) et les infirmiers spécialisés (44 minutes). Ces temps s’expliquent notamment par le fait qu’une petite partie des agents habite en dehors d’Ile-de-France (Oise, Eure-et-Loir, Aisne, Pas-de-Calais, Loiret) en raison du plus faible niveau des loyers ou de leur rythme de travail, pour ceux appartenant à une équipe travaillant douze heures d’affilée.

    Parc insuffisant
    Avec une heure et quarante minutes de transport le matin, et la même durée le soir, Sabine, 50 ans, secrétaire hospitalière à la Pitié-Salpétrière, à Paris, passe par exemple chaque jour près de 3 h 20 dans les transports en commun pour aller et revenir de son travail. « Vivre à Paris ou en proche banlieue avec deux salaires d’infirmier, ce n’est pas possible », assure-t-elle pour expliquer le choix fait avec son compagnon, lui aussi salarié de l’hôpital public, d’habiter à Epiais-Rhus, une petite commune du Val-d’Oise, à une soixantaine de kilomètres de la capitale.

    Pour avoir la maison avec jardin dont elle rêvait, Ludivine, 35 ans, infirmière de nuit à la Pitié-Salpétrière, s’est installée il y a neuf ans à dix kilomètres de Chartres, soit 1 h 15 de trajet. « A l’époque, je touchais entre 1 700 et 1 800 euros net par mois, je n’aurais rien pu acheter à Paris ni même dans les Yvelines car ce n’était pas dans mon budget », raconte-t-elle, expliquant avoir finalement fait l’acquisition en Eure-et-Loire d’une maison de 110 m2 avec 1 000 m2 de terrain pour 190 000 euros.

    Quant à Nathaël, 50 ans, infirmier à l’hôpital Robert-Debré, dans l’Est parisien, il vit lui dans l’Aisne, à plus de cent kilomètres de son lieu de travail, à 1 h 30 en voiture. Un aller-retour fait trois fois par semaine, au gré de ses trois journées de douze heures par semaine. « En ajoutant les péages, je dépense chaque mois 400 à 450 euros pour le transport », dit-il. Un poste important ramené à son salaire de 1 800 euros net.

    Pour aider les infirmiers et les aides-soignants à se loger, la région Ile-de-France a annoncé qu’elle lancerait cette année, avec Action Logement, la construction de 10 000 logements à leur intention. Quant à l’AP-HP, si elle dispose déjà d’un parc de 8 929 logements et chambres pour loger ses salariés (53 % à Paris et 47 % en banlieue), il s’avère insuffisant. Fin 2017, 2 700 demandes de logements étaient toujours en attente (contre 2 300 deux ans plus tôt). A la direction du groupe, on rappelle que depuis septembre 2015 plusieurs dispositifs ont été activés pour « redimensionner » l’offre de logements à destination des personnels, via notamment une convention avec la Ville de Paris et Paris Habitat qui a permis la mise à disposition de 500 logements supplémentaires.

    #travail #logement #transports