• Dans les entrailles du premier cimetière nucléaire
    http://www.lemonde.fr/planete/article/2012/10/15/dans-les-entrailles-du-premier-cimetiere-nucleaire_1775489_3244.html

    "HAPPÉS PAR LE SEL

    Le percement du WIPP, à 140 km du site où Washington procéda en juillet 1945 aux premières explosions nucléaires expérimentales, a débuté en 1982. L’enfouissement, en 1989. Le premier conteneur fut encastré dans la roche saline le 26 mars 1999. Depuis, les 4 % de déchets les plus radioactifs qui arrivent ici et dont la durée de nocivité dépasse trois cents ans, sont insérés dans le sel dans des citernes hermétiques, le long des galeries, une tous les 20 m. Les autres, dont la radioactivité aura beaucoup régressé au bout de cent ans, sont entreposés dans de vastes salles creusées dans la roche.

    Les uns comme les autres seront « happés » par le sel, qui les broiera naturellement en un temps allant de trois cents à mille ans. Mais avant cent ans, vous assure-t-on, on n’en trouvera quasiment plus trace car ils auront été incorporés à la gangue de sel.

    Partout, les mesures de sécurité sont apparentes, le moindre mouvement suspect d’une strate rocheuse est scruté. Tous les trois ans, on procède à une réfection générale des allées, en particulier pour nettoyer les poussières de silicates. En 2013, un premier test visera à creuser la roche autour d’une citerne pour étudier comment la pression du sel sur un des premiers fûts entreposés a opéré.

    Le WIPP, qui dépend du ministère américain de l’énergie (DoE), emploie 1 100 personnes, dont 650 à Carlsbad, et se trouve situé près d’un lac salé dont les réserves de potasse sont exploitées, et d’une forêt de forages pétroliers et gaziers dont des puits à fracturation hydraulique pour récupérer le gaz de schiste.

    SI ON NE VOIT PLUS LES DÉCHETS, LA PEUR SE DISSIPE

    Le choix du lieu, dit Abe, est « clairement dû à l’avantage unique des couches de sel pour enfouir les déchets ». Cette zone apache « géologiquement idéale » est aussi au coeur d’un triangle semi-désertique près du Texas et du Mexique, loin de toute grande agglomération.

    Ici, les premières contestations, écologiques ou politiques – certains entrevoyaient une image dégradée du Nouveau-Mexique en « Etat-déchet » – semblent amplement écartées. « Quand les gens ont compris qu’avec le WIPP on nettoyait Los Alamos , ils ont basculé, dit Abe. Si on ne voit plus les déchets, la peur se dissipe. »

    Voilà, c’est un comportement humain que celui de balancer ses ordures « ailleurs », hors de la vue comme si leur existence même était anihilée. J’ai décidé d’appeler ça le « syndrome Ponce-Pilate », celui qui se lave les mains une fois son forfait accompli.
    #flippant