• Le piège de la sous-traitance des services publics
    https://www.lemonde.fr/emploi/article/2019/05/22/le-piege-de-la-sous-traitance-des-services-publics_5465313_1698637.html

    Pour justifier la privatisation, on suppose que l’Etat sait parfaitement définir ses objectifs et la qualité du service acheté. Mais à la lumière des déboires de Carillion et d’Interserve, au Royaume-Uni, cette fable ne tient plus, explique le titulaire de la chaire Théorie et méthodes de la conception innovante, Armand Hatchuel.

    Avis d’expert « Entreprises ». En janvier 2018, la faillite de l’anglais Carillion – 45 000 personnes et grand fournisseur de services publics – fut un véritable séisme. Or, en mars, le groupe Interserve s’est effondré à son tour. Cet autre sous-traitant du public de 68 000 personnes a dû être repris in extremis par ses banquiers, et ses actionnaires ont tout perdu. Pour le gouvernement anglais, chantre de l’externalisation du service public, le coup est sévère et il a annoncé en urgence une rationalisation des décisions de privatisation.

    Reste que les deux faillites mettent à bas l’illusion du « bon choix économique » et imposent de repenser le statut des entreprises sous-traitantes du service public et les contrats associés. Car, pour justifier la privatisation, on suppose que l’Etat sait parfaitement définir ses objectifs et la qualité du service acheté. Il suffit alors de mettre en concurrence les fournisseurs pour obtenir un service fiable et au meilleur coût.

    Mais à la lumière des déboires de Carillion et d’Interserve, cette fable ne tient plus. En effet, les services publics (services aux écoles, aux municipalités, aux armées…) sont complexes. Ils doivent souvent être personnalisés et répondre à des demandes imprévues. Dès lors, les coûts sont difficiles à prévoir et les cahiers des charges les plus serrés comportent des ambiguïtés et des zones d’incertitude. Cette part d’inconnu pèsera aussi sur une gestion publique du service. Mais quand l’Etat passe contrat avec un opérateur privé et soumis au diktat du rendement actionnarial, cela peut conduire aux spirales destructrices du modèle anglais.

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