Avocate expulsée par des policiers en pleine audience : que s’est-il passé ?

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  • Motion de soutien à notre consœur Anna Salabi | Ordre des avocats de Paris
    http://www.avocatparis.org/mon-metier-davocat/publications-du-conseil/soutien-anna-salabi

    Le Conseil de l’Ordre condamne l’agression d’une avocate au sein du Tribunal de Paris. Ça suffit !

    L’expulsion par la force d’un avocat en cours d’audience est intolérable.

    Le 16 mai 2019, au Tribunal d’instance de Paris, une avocate, Madame Anna Salabi, a été évacuée de force de l’audience par six policiers, à la demande du magistrat, alors qu’elle était en ligne avec les membres du Conseil de l’Ordre de permanence, pour les saisir d’un incident qu’elle rencontrait.

    Le Conseil de l’Ordre des avocats de Paris, révolté, condamne cette agression. L’usage de la force contre un avocat est inacceptable. Il rappelle que l’article 434-8 du Code pénal réprime tout acte d’intimidation commis envers un avocat dans l’exercice de ses fonctions.

    Le Conseil de l’Ordre assure notre consœur de son entier soutien, et s’associera à toute procédure engagée devant le Conseil supérieur de la Magistrature, comme devant les juridictions répressives.

    Il rappelle que tout différend entre un avocat et un magistrat doit être réglé en présence du Bâtonnier, dans la dignité et l’esprit de dialogue qui caractérisent leurs actions quotidiennes.

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    Avocate expulsée par des policiers en pleine audience : que s’est-il passé ?
    https://www.lci.fr/justice/a-la-loupe-avocate-expulsee-par-des-policiers-en-pleine-audience-que-s-est-il-pa

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    https://www.mediapart.fr/journal/france/240519/avocats-et-magistrats-enterrent-provisoirement-la-hache-de-guerre

    Deux heures de discussions franches et directes ont été nécessaires, jeudi 23 mai, pour arriver à un compromis et rédiger un communiqué commun. Les représentants des 29 000 avocats parisiens, d’un côté, le président du tribunal de grande instance de la capitale et son staff, de l’autre. Après un rassemblement silencieux d’une centaine de robes noires dans l’atrium du nouveau tribunal des Batignolles, à 13 heures, la bâtonnière Marie-Aimée Peyron, le vice-bâtonnier Basile Ader et celle qui lui succédera l’an prochain, Nathalie Roret, ont été reçus (le rendez-vous était déjà fixé) et ont exposé leurs griefs au président, Jean-Michel Hayat, et à la première vice-présidente chargée du tribunal d’instance, Sophie Degouys.

    Premier sujet de fâcherie : l’expulsion manu militari d’une avocate en robe, Anna Salabi, lors d’une audience du tribunal d’instance, le 16 mai – une affaire sans précédent, révélée le lendemain par Mediapart. Choquée, l’avocate avait reçu deux jours d’ITT. Une forte mobilisation s’est rapidement déclenchée chez les avocats, à Paris et au-delà, contre ce qui est vécu comme une voie de fait, une agression et un abus de pouvoir inadmissibles.

    Me Salabi et ses confrères, le 23 mai au tribunal de Paris. © M.D. Me Salabi et ses confrères, le 23 mai au tribunal de Paris. © M.D.

    Jeudi matin, la présidence du tribunal affichait encore son soutien à la magistrate ayant pris la décision de faire appel à la police pour faire sortir l’avocate, qui se serait montrée « véhémente », aurait tenu des propos « dénués de toute mesure et de respect dû à la fonction », et aurait empêché physiquement l’audience de se poursuivre, après que son dossier eut été renvoyé.

    Me Salabi et ses défenseurs assurent, au contraire, que la magistrate se serait montrée « partiale », ne l’aurait pas laissée s’exprimer, décidant soudainement de renvoyer l’affaire, avant de faire appel à la force publique pour l’expulser de la salle d’audience, l’avocate étant traînée au sol alors qu’elle cherchait à joindre un représentant de son ordre pour le faire venir comme médiateur.

    Le communiqué commun du président Hayat et de la bâtonnière Peyron, diffusé jeudi en fin d’après-midi (on peut le lire sous l’onglet Prolonger), ne fait pas état des circonstances de l’incident, mais indique clairement qu’il y a eu une faute de la magistrate. « Le président entend rappeler à chacun que tout incident d’audience doit conduire à saisir sur-le-champ le délégué du bâtonnier à la permanence de l’ordre, en suspendant, si nécessaire, le cours de l’audience. En aucun cas, il ne peut être recouru au concours des forces de l’ordre, à l’égard d’un avocat, dans l’exercice de sa mission », lit-on.

    Le rassemblement des avocats, jeudi 23 mai dans l’atrium du tribunal. © M.D. Le rassemblement des avocats, jeudi 23 mai dans l’atrium du tribunal. © M.D.

    Pour calmer le jeu, des « assises consacrées à la relation avocats, magistrats et personnels de justice » seront en outre organisées prochainement, ajoute le communiqué. C’est que les sujets de dispute se sont accumulés, ces derniers temps. Une perquisition de juges d’instruction financiers parisiens, à 6 heures du matin au domicile d’une jeune collaboratrice, tremblante de peur, d’un cabinets d’avocats, a ainsi provoqué récemment un incident très vif avec le représentant du bâtonnier, qui a trouvé la scène inutilement humiliante.

    Les perquisitions dans les cabinets d’avocats ne sont pas le seul sujet de friction. Le déménagement au nouveau tribunal des Batignolles, voici un an, a cristallisé de nombreuses tensions avec les magistrats, parfois inhérentes à leurs missions respectives. Les avocats se plaignent, entre autres choses, de ne pas pouvoir circuler partout à cause des sas et des badges magnétiques, de rester souvent bloqués entre deux portes, de ne plus pouvoir accéder aussi facilement qu’avant aux cabinets des juges d’instruction, et d’être en fait relégués au rang d’acteurs subalternes dans un lieu de justice conçu avant tout pour les magistrats. Plusieurs avocats le confient, l’affaire Salabi est venue à point nommé pour crever l’abcès.

    Si le calme est revenu, l’affaire ne restera pas sans suite. Anna Salabi et son avocat, Vincent Ollivier, ont saisi le Défenseur des droits mercredi 22 mai d’une demande d’enquête, pour des faits qu’ils qualifient d’« abus de pouvoir » de la part de la magistrate et des policiers qui sont intervenus le 16 mai. Ils devraient également saisir le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), en charge des questions touchant à l’éthique et la déontologie des magistrats. Une plainte pénale pour « violences volontaires » est également envisagée. Christiane Féral-Schuhl, la présidente du Conseil national des barreaux (CNB), a pour sa part annoncé le 18 mai qu’elle saisissait la ministre de la justice de cette affaire.