Quand l’extrême-droite défend la laïcité en Israël

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    Avigdor Lieberman, le chef d’Israel Beytenou

    L’ultra-nationaliste Lieberman s’oppose fermement aux partis religieux, ce qui complique la constitution par Nétanyahou d’un nouveau gouvernement.

    Malgré sa victoire aux élections du 9 avril, Benjamin Nétanyahou n’est toujours pas parvenu à constituer un nouveau gouvernement. Le marchandage entre les différentes composantes de sa coalition, qu’il souhaite ancrer très à droite, se complique en effet de la posture offensive d’Avigdor Lieberman sur la laïcité. Cette personnalité ultra-nationaliste, ministre de la Défense jusqu’en novembre dernier, s’oppose de plus en plus ouvertement aux partis religieux, que leur poids à la Knesset rendait jusqu’alors intouchables. Une partie de l’extrême-droite se retrouve ainsi en Israël à lutter contre l’emprise des rabbins fondamentalistes, un combat que le centre et la gauche avaient largement délaissé ces dernières années.

    L’immigration de centaines de milliers de Juifs originaires de l’ex-URSS, dans les années 1990, a profondément transformé la société israélienne. La composante russophone est aujourd’hui estimée à au moins un million de personnes, pour près de sept millions de citoyens juifs d’Israël. Les immigrants venus de l’espace soviétique ont bénéficié de la « loi du retour » qui permet l’installation en Israël des Juifs, ainsi que des descendants ou conjoints d’un Juif à la première et à la deuxième génération. Un tiers environ de ces russophones ne sont cependant pas considérés comme juifs selon les critères du grand-rabbinat, contrôlé en Israël par les ultra-orthodoxes. Cette population russophone se distingue d’ailleurs par sa pratique religieuse relativement faible, voire par un athéisme ouvertement revendiqué.
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    Lieberman se situe donc résolument à l’extrême-droite, même si son jusqu’au-boutisme à l’encontre des Palestiniens a été débordé par le développement d’autres formations organiquement liées aux colons et à leur frange la plus radicale. En outre, l’intégration progressive des russophones, dont une proportion toujours croissante est née en Israël, a réduit le vote captif en faveur d’Israel Beytenou, tombé à 5 députés lors des législatives du mois dernier. L’habile politicien qu’est Lieberman s’est dès lors métamorphosé en défenseur intransigeant de la laïcité, une posture qui lui vaut un certain écho au-delà de sa base traditionnelle, tant les diktats des partis ultra-orthodoxes, eux-mêmes maîtres du grand-rabbinat, sont mal ressentis par les Israéliens les moins religieux. Lieberman a ainsi déposé devant la Cour suprême un recours contre les tests ADN parfois pratiqués à la demande des tribunaux rabbiniques, seuls compétents en matière de mariage, pour confirmer l’identité juive des conjoints. Il a également prôné l’institution d’un mariage civil, pariant sur la popularité d’une telle revendication.

    Lieberman, à qui Nétanyahou a promis le ministère de la Défense, exige désormais l’application effective de la conscription militaire aux ultra-orthodoxes. Ceux-ci sont de fait exemptés, au nom de leurs études rabbiniques, de l’obligation de servir dans l’armée, durant 32 mois pour les hommes et 24 mois pour les femmes. La Cour suprême a invalidé ce dispositif d’exemption et sommé la Knesset d’adopter un régime de conscription qui ne soit plus discriminatoire, un ultimatum que Nétanyahou entend bien repousser, sous peine de s’aliéner le soutien des deux partis ultra-orthodoxes, forts chacun de 8 sièges à la Knesset. Lieberman joue dès lors sur une corde très sensible dans l’opinion, mais aussi sur les équilibres les plus délicats de la future coalition gouvernementale. Il compte bien capitaliser sur le rejet du deux poids-deux mesures dont abusent les étudiants des séminaires talmudiques, exemptés des obligations militaires, tout en bénéficiant souvent d’aides gouvernementales.