• Fekhar – La mort qui donne à voir – Salimsellami’s Blog
    https://salimsellami.wordpress.com/2019/06/08/fekhar-la-mort-qui-donne-a-voir

    Qui sait ? que savons-nous ? sur notre horizon sombre, 

    Que la création impénétrable encombre 

    De ses taillis sacrés, 

    Muraille obscure où vient battre le flot de l’être, 

    Peut-être allons-nous voir brusquement apparaître 

    Des astres effarés. [Victor Hugo] 

    Il y a des arbitraires qui crient plus fort que d’autres, parce qu’ils préviennent contre des dérives et des arbitraires beaucoup plus grands. La mort de Fekhar est de ces morts qui, par leur irruption, chaque Algérien doit gémir à fendre l’âme, parce qu’elle révèle les obstacles et les résistances à accepter encore le changement ; mais elle révèle en même temps les raisons profondes pour lesquels nous devons inexorablement inventer un nouveau « jeu politique », à partir de ces capacités collectives nouvelles dont ce mouvement est l’expression. 

    Ce changement, Fekhar l’a voulu jusqu’à la fin. Aujourd’hui, Fekhar est mort, sans aucun doute, mais sa mort nous invite à conjurer la fatalité : le temps est venu pour nous débarrasser des vieilleries du fatalisme pour construire un Etat de droit, un pays viable, débarrassé de ses vieux démons. Le fatalisme n’a pas d’autre sens, dans pareilles circonstances, que celui de la « complicité ». Entre ceux qui ont peur du changement et ceux qui ne veulent pas de changement du tout, la distance est très mince. 

    Nous n’avons pas besoin des discours qui s’inspirent des mécaniques de pensée qui, une fois reçues, ne font que perpétuer la situation dans laquelle nous nous trouvons. Avec ces idées ordinaires, ordinairement construites, l’on se retrouvera fatalement dans des conflits éternels. Nous avons besoin de poser les vrais problèmes ; nous n’avons pas besoin de ressasser les évidences. Les Algériens ont payé de lourds tributs, depuis des décennies, dans l’espoir de connaître un jour le parfum de la liberté et de la démocratie, pour accepter de revenir fatalement à la case départ comme un éternel retour. 

    La mort de Fekhar était un mal évitable, qu’importe à chacun ce qu’il aurait pu/dû faire pour l’éviter. S’il y a quelque chose qu’elle nous fait revivre aujourd’hui comme une sempiternelle ritournelle, c’est bien cette image familière des « morts faciles », des étincelles de vie et des passions éteintes par un coup de décision. Mais elle nous montre le chemin pour construire un vrai Etat de droit dans lequel aucune mort ne doit être indifférente, aucune revendication, aussi petite soit-elle, ne doit passer inaperçue. Elle nous rappelle cependant que la force d’un Etat ne se mesure pas à la force de la répression, mais à la force de ses institutions sociales dont la justice est leur première qualité. Si le monopole de la « violence symbolique » légitime est le propre d’un État, elle ne doit pas être dirigée sciemment contre le citoyen pour l’atteindre dans ses droits civiques, ses libertés. Ce citoyen doit avoir une protection assurée (fondée sur la justice) contre toutes les formes d’exactions, parce qu’être libre dans une société juste, c’est aussi avoir le droit de ne pas être d’accord avec les idées de l’autre, qu’il soit chef d’Etat, président d’un parti ou imam. 

    Ces indications suffisent normalement pour poser le problème crucial de la justice qui s’invite au centre de cette problématique cruciale du changement comme une erreur dans un processus de raisonnement. Car aucune société n’est organisée si elle n’est pas fondée pour assurer le bien-être de la communauté, sur les principes de la justice qui arbitrent les conflits et les différentes visions de ses membres. Il faut donc laisser les prophétismes aux prophètes et chercher plutôt à construire un vrai Etat de droit, en construisant une problématique à partir des vrais problèmes de la réalité politique, économique et sociale (comme celui de la justice). Les analyses politiques ne travaillent pas les évidences, mais les problèmes et les paradoxes.

    par Hakim Hessas*

    *Docteur en sciences du langage, de l’EHESS, Paris – Chercheur au Laboratoire 3L.AM-ANGERS | UPRES EA 4335 – Langues. Littérature. Linguistique des universités d’Angers et du Mans 

    http://www.lequotidien-oran.com/?news=5277580

  • Bensalah persiste et signe. – Salimsellami’s Blog
    https://salimsellami.wordpress.com/2019/06/08/bensalah-persiste-et-signe

    ❝Dans un discours qui aurait pu être une décantation quant à la crise qui noue le pays dans sa Constitution mal en point, Bensalah y est venu pour confirmer bel et bien son maintien. « C’est cette responsabilité patriotique qui m’oblige à assumer mes fonctions jusqu’au bout », semblait dire le Monsieur. Visage patibulaire et émacié, crâne dégarni, yeux perdus, il savait qu’il n’allait pas satisfaire une revendication fondamentale persistante scandée depuis la « révolution », soit le départ de tous les vestiges de l’ancien système.

    Le problème n’est pas Bensalah, c’est l’autre 

    Il est évident que le départ des deux « B », encore en mode de fonctionnement, est une impérieuse exigence populaire. Si le pouvoir factuel, le pouvoir de l’heure, celui qui est dans le fait aux commandes d’un futur incertain pour une Algérie nouvelle, semble s’inscrire dans leur maintien malgré les convulsions de tous les vendredis, il est du moins aisé de s’en débarrasser en priorité urgente de l’un d’eux. Bensalah, coupé de sa base, de ses liens, de ses mentors, ne constitue pas un grand danger comme le serait Bedoui. Connu pour son silence, ses réserves et ses facultés adaptatives avec tous les régimes, Bensalah ne développe aucune ambition du haut de son âge, de sa maladie, enfin de son auto-conviction quant à sa fin publique. 

    Il sait qu’il est fini. En tous les sens. Et puis, rien n’a filtré sur lui qui puisse le faire comparaître devant un tribunal, contrairement à l’autre. Bensalah n’a rien géré ni des finances, ni du foncier domanial, ni des promotions immobilières, ni des zones industrielles. Il n’a pas eu à présider et décider des séances du Calpiref, des poches vides, des lots marginaux, des terrains excédentaires ou des indemnisations pour fausse utilité publique. Il n’a pas eu à connaître des frasques orgiaques, ni faire promouvoir des vauriens, des larbins, des insignifiants à des fonctions préfectorales. Il n’a pas tissé un large réseau dans les rouages des collectivités locales acquis à ses fantasmes et ses entremises car puisé dans son propre répertoire et son intime cercle d’obséquiosité. C’est vrai tout de même que Bensalah adorait le cadre qu’il prenait pour une solidarité géographique, mais il n’en était pas le concepteur ou l’initiateur. Donc, Bensalah ne forme pas un problème dans le processus transitoire. Par contre, l’autre, il est le noyau de l’impasse. C’est lui l’élément qui bloque la symbiose entre un peuple et une armée populaire, entre un rêve collectif et un passé cauchemardesque. Il forme avec tous ceux qu’il a nommés et qui lui sont intéressement conquis le dernier front d’un système encore agonisant. 

    Bedoui, une carrière par défaut 

    Son ascension absurde, en rapport à une logique d’Etat, avait fait de lui juste un cadre public en mission ordinaire qui aurait nécessité d’innombrables atouts. Le discernement, la responsabilité, le commandement et la perspective ne sont pas donnés à tout le monde. C’est ainsi que toutes les éthiques ou les probables manuels de la gestion des affaires de l’Etat recommandent à un certain niveau de la hiérarchie supérieure l’obligation d’être vrai et rester soi-même. D’être soucieux, pas de sa carrière, ni satisfaire son propre ego ou prendre revanche sur une histoire mal lotie, mais de penser à ce que récolteront les générations du champ où l’on avait longtemps gambadé croyant y avoir semé des graines fécondes. Ce sont ces comportements « biométriques » qui ont créé le 22 février. Ces communes « intelligentes » qui ont emmuré certaines d’entre elles. Cette « démocratie participative » qui a inondé les rues et les boulevards. Si le personnage en sa qualité intrinsèque est l’homme affable, respectueux et gentil, la haute fonction en a fait une machine organique qui n’obéit qu’à un canas d’usage pour des objectifs tracés loin de ses propres convictions. 

    Il n’aurait pas été ce genre de responsable à ordonner le passage à tabac des médecins internes, ni cet ordonnateur d’emprisonner les gens pour l’émission d’un avis contraire ou cet empêcheur de regroupements estudiantins. Il a servi un régime au lieu de servir un Etat, comme à ses débuts de jeune administrateur. Qu’il en assume et se retire avec ses cadres, ses fakhamatous et tous ses clous rouillés qu’il a plantés un peu partout. 

    Un discours aux mêmes paramètres 

    C’est quoi en fait ces notions toujours rabâchées et ressassées de « société civile », « personnalités nationales », « acteurs politiques » ou « représentants du hirak », avec qui le « pouvoir » appelle à dialoguer ? L’on est ainsi en passe d’oublier que le peuple rejette en bloc tous ces prétendus représentants. Que le pays vit vraiment une grave crise de représentativité. Personne n’est assez légitime pour brandir une quelconque procuration d’un peuple en quête de véritables défenseurs de ses aspirations, d’authentiques gestionnaires de ses impasses. 

    Dialoguer ou se concerter avec qui ? 

    Les deux parties appelées au dialogue restent ensemble, totalement rejetées. L’on verra mal Bedoui se réunir avec Bouchareb, Ghoul, Benamara et Ouyahia ou Salhi, Sahli, Tabou, Bouchachi and co. Ça sera de la pure rigolade. Alors que faire ? 

    L’armée seule garante de la stabilité 

    Elle n’est pas venue d’un néant. Elle provient de la profondeur des souches sociales. L’armée algérienne n’est pas une entité creuse et dénuée de tout fondement. Elle plonge ses racines dans la longue histoire du pays. Grâce à elle, toute la partie visible de l’oligarchie est en prison. Ceux qui ont dilapidé l’argent du Trésor, bâti des fortunes colossales, ceux qui se sont érigés en maîtres des nominations de ministres, de walis et de promoteurs de cancres et d’obséquieux ne sont plus dans les rouages de l’Etat. A elle, maintenant, de mener à bon port le pays par une écoute très attentive de ce que réclame le peuple. L’on sait que des forces oligarchiques appartenant à l’ancien système, doublées de leurs accointances avec certains cercles étrangers agissent encore pour la déstabilisation. 

    Il est cependant essentiel, voire urgent, qu’à défaut du départ des deux « B », Bedoui doit partir en emportant dans ses bagages tous ceux qui lui servaient de relais. 

    par El Yazid Dib

    http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5277544