quand on achète le silence des victimes

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  • Harcèlement sexuel au travail : quand on achète le silence des victimes
    https://www.franceinter.fr/emissions/secrets-d-info/secrets-d-info-08-juin-2019

    La majorité des victimes que nous avons rencontrées ont accepté une transaction parce qu’elles avaient envie de tourner la page rapidement. Mais une autre raison est avancée par Marilyn Baldeck déléguée générale de l’Association contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT) : « La plupart des victimes acceptent des transactions faute de mieux, faute de se sentir capable d’affronter une procédure judiciaire, sa longueur, son coût, les attaques incessantes à leur encontre. La plupart disent que si les procédures judiciaires étaient plus courtes et moins chères, elles auraient refusé la transaction. »

    Selon l’avocate Rachel Saada, « ces femmes n’ont souvent pas les moyens d’aller en justice pour un procès long et très éprouvant, car cette affaire les a fragilisées. Elles ont perdu leur travail, et se retrouvent soit avec des allocations maladie soit avec une allocation chômage. Donc grosso modo elles ont perdu entre 40 % et 50 % de leurs revenus. »

    La perte d’emploi pour les victimes de harcèlement sexuel est très fréquente, confirme Marylin Baldeck : « Dans nos dossiers, 95 % des salariés qui ont dénoncé du harcèlement sexuel ont perdu ou finissent par perdre leur travail. » Si les victimes perdent leur emploi, c’est principalement parce qu’elles n’ont plus la force d’y rester. « Ces violences entraînent des désordres physiques et psychiques extrêmement importants, poursuit-elle. Les victimes ne peuvent pas conserver leur travail parce que leur état de santé ne le permet plus, et c’est pour ça qu’elles sont très régulièrement licenciées pour inaptitude. »
    Une clause qui interdit de témoigner dans un autre procès

    Une étrange clause est quasi systématiquement incluse dans les transactions. Elle prévoit, en plus du silence que les victimes doivent observer, une interdiction de témoigner dans tout autre procès pour harcèlement sexuel, dans lequel leur entreprise serait amenée à se justifier. « C’est une pratique que les cabinets anglo-saxons ont largement répandue et c’est donc très fréquent, explique l’avocate Rachel Saada. Mais ces clauses ne sont pas licites. C’est de l’intimidation. C’est comme si on disait à la personne qui a signé : maintenant que tu as obtenu la somme que tu voulais, tu dois te taire à jamais. J’estime qu’il n’est pas question d’interdire à une personne de témoigner de faits dont elle aurait pu être témoin. »