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  • Jeune tué au Breil : la famille attend la « vérité »
    Jean-François MARTIN. Publié le 19/06/2019
    https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/jeune-tue-au-breil-la-famille-attend-la-verite-6406669

    Près d’un an qu’Aboubacar Fofana a été tué par un policier. Ce CRS, qui a été mis en examen, n’a pas été interrogé par le juge d’instruction. Sa sœur s’en étonne.

    Voilà des mois que nous la sollicitions. En ce mercredi, nous devinons qu’elle préférerait être ailleurs. Chez elle, dans le Val-d’Oise, pas dans cette petite salle du palais de justice de Nantes, à répondre à notre flot de questions. Si elle s’est résignée à nous rencontrer, c’est pour son frère, Aboubacar Fofana, tué le 3 juillet 2018, dans le quartier du Breil, à Nantes, par un CRS, lors d’un contrôle.

    Si Aminata Fofana a accepté, c’est aussi pour tenter de secouer l’instruction, trop lente à ses yeux. Ne comptez pas sur elle pour dénoncer une justice de classe. Au coup de gueule médiatique, elle préfère la mesure des mots. Ce qui l’étonne, la déçoit, c’est que le policier n’ait pas encore été interrogé par le juge : « J’ai le sentiment que la justice prend l’affaire à la légère. Comme si c’était un cas parmi d’autres. »

    Elle, « la grande sœur », se souvient de ce funeste mardi soir, de ce coup de fil de sa tante, qui habite au Breil. Le premier appel l’informant de l’hospitalisation d’urgence de son frère ; la réservation de billets de TGV pour se rendre au plus vite au chevet d’Aboubacar ; l’insupportable attente ; le second appel lui annonçant sa mort. Et les questions qui tambourinent inlassablement. « Pourquoi a-t-il tiré ? Pourquoi ? Que le policier le dise… »
    « Je souhaite juste savoir la vérité »

    En ce mercredi, face à nous, elle rappelle le mensonge du CRS. La thèse de légitime défense, qu’il a défendue. Avant de se raviser et de parler d’un tir accidentel. « Je souhaite juste savoir la vérité », dit Aminata Fofana.

    Que s’est-il passé lors de ce contrôle ? Aboubacar Fofana, qui faisait l’objet d’un mandat d’arrêt pour chefs de vols en bande organisée, recel et association de malfaiteurs, a-t-il cherché à se soustraire au contrôle des CRS ? Le policier, qui assurait avoir tiré à bout portant lors de ses premières heures de garde à vue, a-t-il fait feu à distance, comme l’assurent des témoins ? N’aurait-il finalement pas entré son buste dans l’habitacle ? C’est ce qu’auraient affirmé certains de ses collègues aux enquêteurs.

    Les zones d’ombre restent aussi nombreuses que le jour où ce brigadier-chef, âgé d’une cinquantaine d’années, a été mis en examen pour coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner.
    « Le dossier n’est pas en stand-by »

    « Le dossier n’est pas en stand-by », assure Pierre Sennès, le procureur de la République de Nantes. Qui précise que des investigations ont été effectuées à la demande du juge.

    Mais pourquoi donc le CRS n’a-t-il pas été entendu depuis sa mise en examen ? « Le juge d’instruction attend l’expertise balistique de l’arme du policier et de ses conditions d’utilisation. Le juge considère que, sans cet élément de première importance, l’audition n’est pas nécessairement pertinente. »

    Argument que ne brandit pas maître Liénard, l’avocat du CRS, placé sous contrôle judiciaire, qui a interdiction de porter une arme mais pas de travailler au sein de la police. Il assure que son client souhaiterait être interrogé : « Il voudrait que ce soit fini. Cette épée de Damoclès, c’est insupportable. »

    « Nous, nous avons un sentiment de dégoût, répond, comme en écho, une amie d’Aboubacar Fofana, qui vit au Breil. C’est comme s’il ne s’était rien passé. Et pourtant, dans le quartier, c’est un sujet qui est sur toutes les bouches. Aboubacar était aimé de tout le monde. Il était altruiste, pas dans le conflit. »

    Aminata Fofana interroge, calmement, en présence de ses deux avocats : « Faut-il attendre que les gens se révoltent pour que ce qui doit être fait soit fait ? Quand on nous demande où en est le dossier, je n’ose même pas dire que le CRS n’a pas été entendu… »

    Alors que la date d’anniversaire du drame approche, cette femme craint de nouvelles émeutes. Elle réitère, comme en juillet dernier, l’appel au calme. Et attend, avec impatience, d’être entendue par le juge : « Ma demande est restée sans réponse. »

    #Répression_policière #violences_policières