• Le pionnier de l’histoire du climat Emmanuel Le Roy Ladurie est mort
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    Dans les dernières années de sa vie, il alertait sur les conséquences du changement climatique : « Le réchauffement va s’accompagner, en diverses régions de la planète, de guerres, de troubles sociaux éventuellement graves, voire révolutionnaires », affirmait-il au Monde.

    • Alain Corbin : « Emmanuel Le Roy Ladurie était la personnification de l’historien innovant, sans cesse en quête d’objets encore inédits »
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/26/alain-corbin-emmanuel-le-roy-ladurie-etait-la-personnification-de-l-historie

      Après la mort de l’historien Emmanuel Le Roy Ladurie, son confrère rappelle dans une tribune au « Monde » le rôle fondateur qu’il joua pour retracer l’histoire des grands événements météorologiques, celle des tempêtes et des changements climatiques.

      La peine que provoque la disparition d’Emmanuel Le Roy Ladurie se trouve quelque peu atténuée à l’évocation de sa grandeur. Au temps où régnaient des mandarins persuadés d’être les seuls grands historiens de leur temps et désireux de régenter la recherche tout axée sur l’histoire économique et sociale, il était la personnification de l’historien innovant, sans cesse en quête d’objets encore inédits.

      En 1969, si je me souviens bien, il rédigea un article de revue appelant à œuvrer à une #histoire_du_climat ; et durant toute son existence, fût-ce lorsqu’il se trouvait handicapé à la fin de sa vie, il continua cette recherche avec l’aide de son entourage.
      Dès l’aube de cette quête, il fit preuve d’une étonnante méticulosité, d’une précision infinie au sein même de la novation. Par d’interminables calculs, notamment par l’enregistrement de la chute des récoltes, des vendanges, il a construit une chronologie du petit âge glaciaire, précisant ce qu’à la fin du règne de Louis XIV (1638-1715), on appelait le « grand hiver. »

      Grands événements météorologiques

      L’ensemble de ces travaux ont inauguré une branche de l’histoire extrêmement féconde, celle des grands événements météorologiques, celle des tempêtes, telle celle de 1788, à la veille de la Révolution, celle des volcans – le Laki (1783) et le Tambora (1815) –, qui ont déréglé les climats, celle de la circulation atmosphérique, jusqu’à celle de la météo-sensibilité.
      En permanence, Emmanuel Le Roy Ladurie quêtait l’innovation. On m’a dit que, sans cesse, il jetait des idées, des fulgurances sur des petits morceaux de papier, qu’il conservait. Il n’hésitait pas, à ce propos, à franchir les limites des spécialités alors reconnues. Un jour, dans le déroulé d’un colloque, je l’ai entendu développer une hypothèse durant quelques minutes et je n’ai jamais perdu de vue ce qu’il a dit alors.

      Selon lui, tous les régimes politiques du XIXᵉ siècle, jusqu’à la IIIᵉ République, avaient lié leur existence à un ou plusieurs massacres fondateurs. Quel beau thème pour un étudiant en recherche d’un sujet de thèse !
      Emmanuel Le Roy Ladurie était un infini lecteur. Il aimait le livre et son administration de la Bibliothèque nationale a laissé de forts souvenirs. Cette faculté lui a permis de déborder – et de beaucoup – l’histoire du climat, d’explorer nombre de territoires. Il y a quelques années, j’avais fait remarquer qu’il s’était particulièrement intéressé aux périphéries ; ce qu’il n’a pas démenti.

      Explorateur du neuf

      Il y aurait beaucoup à dire sur son humour. De sa présence, au cours d’un colloque, on attendait quelques traits amusants, lesquels perturbaient parfois les organisateurs de la réunion.

      Sa tentation de l’ouverture, de l’exploration du neuf, l’a conduit à des domaines inattendus, notamment celui de la microhistoire italienne, et, on le sait, son ouvrage Montaillou, village occitan de 1294 à 1324 (Gallimard, 1975) connut un immense succès. Bref, Emmanuel Le Roy Ladurie a été l’auteur d’une œuvre multipolaire que je n’ai fait qu’effleurer.

      Lors de notre dernière rencontre, seul à seul, il y a quelque six ans, j’ai pu percevoir sa sensibilité à l’enfance et à la jeunesse. Nous avons alors partagé les émotions d’autrefois, ressenties dans les bocages des collines de Basse-Normandie que nous avions en commun.

      Emmanuel Le Roy Ladurie restera le modèle d’une histoire fondée sur la compréhension ressentie du passé, loin de certaines tendances actuelles fondées sur le présent d’une histoire-tribunal. Il est et restera un modèle ; tel est le sentiment qui, je le répète, atténue, quelque peu, la peine de sa disparition.

      Alain Corbin est professeur émérite à l’université Paris-1-Panthéon-Sorbonne. Il est en outre membre honoraire de l’Institut universitaire de France. Il est notamment l’auteur d’Histoire du repos (Plon, 2022).

    • « De Le Roy Ladurie, retenons cette incomparable langue, portant haut l’audace d’être historien », Jérémie Foa
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/29/de-le-roy-ladurie-retenons-cette-incomparable-langue-portant-haut-l-audace-d

      Historien, spécialiste de la période des guerres de Religion
      Du « Siècle des Platter (1499-1628) » au « Carnaval de Romans », les livres d’Emmanuel Le Roy Ladurie, mort le 22 novembre, ont inspiré l’historien Jérémie Foa, qui salue, dans une tribune au « Monde, l’originalité de son œuvre.

      Dans un essai de 1979, Lawrence Stone opposait les « parachutistes » et les « chercheurs de truffes » pour distinguer deux démarches en histoire, l’une à vue ample et aérienne, l’autre plus terrienne. Si Emmanuel Le Roy Ladurie louvoyait avec aisance de l’an mil au XXe siècle – « On est chez soi dans tous les siècles », jubilait-il –, le présent hommage a la mémoire sélective, en souvenir d’un Le Roy Ladurie seiziémiste, non pour découper son grand œuvre en tranches mais pour, modestement, en dégager quelques pépites.

      Souvenir d’un style d’abord. Et quel style ! De Le Roy Ladurie, parmi cent fulgurances, retenons cette incomparable langue, ennemie des académismes, osant la formule, l’anachronisme, le trait d’humour, portant haut l’audace d’être historien, c’est-à-dire de son temps. « Le XVe siècle n’était encore âgé que de quatre-vingt-dix-neuf ans » : ainsi s’ouvre le récit de l’enfance de Thomas Platter, premier de cordée de trois générations d’hommes, dont Le Roy Ladurie édite les Mémoires.
      Dans son Siècle des Platter (Fayard, 3 vol., 1997-2006) se croisent les rêves, les succès et les impasses de toute une « centurie ». Comment imaginer plus vive incarnation de ce « beau XVIe siècle » que l’incroyable ascension sociale de Thomas Platter (1499-1582), misérable orphelin du Valais devenu patron imprimeur ? Lui qui, à dix ans, mendie sa vie, vole, garde les troupeaux « au péril des montagnes meurtrières pour les bergers d’autrefois comme pour les alpinistes d’aujourd’hui », devient en à peine deux décennies professeur de latin, de grec et d’hébreu.

      « Comme les souris dans une grange »

      Mais le XVIe siècle de Le Roy Ladurie n’est pas toujours beau. A commencer par celui des Paysans de Languedoc (Flammarion, 1966), sa thèse, soutenue en 1966. Immense livre qui, né de la démographie, embrasse le climat et la sociologie, puis épouse l’histoire des mentalités, risquant, comme il l’affiche dès l’introduction, « l’aventure d’une histoire totale ».
      Avec Le Roy Ladurie, l’histoire passe « de la cave au grenier », selon l’expression inspirée de Michel Vovelle. Au sous-sol d’abord, une thèse malthusienne, incontestable, forgée par d’austères dépouillements et des mathématiques souterraines : après l’étiage du « siècle de l’homme rare », le XVe, le XVIe siècle voit les Français proliférer « comme les souris dans une grange ».

      Il s’ensuit un morcellement des parcelles, l’emblavement de terres misérables, et, trop vite, le sacrifice de la vigne (« le vignoble du Languedoc méditerranéen au XVIe siècle est un vignoble de bas étage, sans clients et sans principe »). La paupérisation est quasi générale. Morceau de bravoure au cœur du livre, l’analyse des signatures : à Montpellier, chez le notaire Navarre, entre 1574 et 1576, 72 % des laboureurs ne savent pas signer, tandis que les artisans signent à plus de 63 %.

      La démonstration est inoubliable, qui lie « dissociation culturelle » et « décalage religieux » : si les artisans passent majoritairement au protestantisme tandis que les paysans s’y refusent, c’est non parce que ceux-ci sont riches et ceux-là pauvres, mais parce que les premiers savent lire : « La terre nie farouchement l’écriture, entre 1550 et 1600, les structures citadines, en revanche, laissent pénétrer sa lumière. »

      « Poussée du petit âge glaciaire »

      Comme si démographie galopante et schisme religieux ne suffisaient pas, la thèse montre, pionnière, comment le climat se dérègle au mitan du XVIe siècle : pratiquement inconnus entre 1492 et 1564, les gels d’oliviers se multiplient, les fleuves se figent, les hivers sont froids, les étés frais, les printemps pourris – le prouvent des vendanges de plus en plus tardives (29 septembre au temps des guerres de religion, contre 25 septembre pour le premier XVIe siècle…). Son Histoire humaine et comparée du climat (Fayard, 2004) le confirme, l’époque subit une extraordinaire « poussée du petit âge glaciaire », une « remarquable enflure offensive des glaciers alpins ».

      Le froid, la faim, la peste, la guerre : macabre quarté qui engendre l’hécatombe. En 1563, un million d’habitants meurent, soit un Français sur vingt ! Mais au temps des guerres de religion, si l’ennemi premier des paysans est météorologique, les chroniques préfèrent le soldat au climat : « Il faudrait imaginer aujourd’hui, conclut Emmanuel Le Roy Ladurie – l’hypothèse est fort vraisemblable du reste – une presse et des médias qui consacreraient l’essentiel de leurs reportages au Tour de France ou au Paris-Dakar, presque aussitôt après une catastrophe démographique qui aurait provoqué dans notre pays un minimum de trois millions de morts ou davantage. »
      Avec Le Carnaval de Romans (Gallimard, 1979), chef-d’œuvre au même titre que Montaillou, Le Roy Ladurie s’attelle à résoudre un « cold case » daté de février 1580. Dans la cité de huit mille âmes, le carnaval venu, chaque faction célèbre son « royaume » (la Perdrix du côté des notables, le Chapon pour les artisans), organise sa course, couronne son roi ou décore son quartier. Mais la fête dégénère, et, le 15 février, les notables de la cité, menés par le juge Guerin, éliminent les membres du parti populaire, conduits par un certain Paumier. D’inversif, le rituel se fait subversif.

      Refusant de voir dans l’événement le simple reflet de la lutte des classes, Le Roy Ladurie préfère les voies de l’anthropologie historique et montre comment les rites carnavalesques transfigurent l’immense ressenti fiscal, les fractures sociales béantes, mais aussi les conflits religieux et les haines personnelles qui minent la cité dauphinoise. « Le Carnaval romanais, écrit-il, me fait penser au grand canyon du Colorado. Sillon événementiel, il s’enfonce dans une stratigraphie structurelle. Il donne à voir, d’un trait de scie, les couches mentales et sociales qui composent un très Ancien Régime. Au crépuscule de la Renaissance, il dévoile toute une géologie, colorée et torturée. » A l’image du XVIe siècle laduréen : coloré et torturé.

  • L’attribution des fréquences 5G attaquée en justice
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    Tenter de freiner le déploiement de la 5G : telle est l’ambition du cabinet d’avocats MySMARTcab qui a lancé jeudi 19 novembre un recours devant le Conseil d’Etat pour demander l’annulation des enchères d’attribution des fréquences 5G. Leur recours se fonde sur plusieurs arguments. Tout d’abord économique. « Les enchères devaient durer quinze jours, pour récupérer autant qu’en Allemagne, soit 6,5 milliards d’euros. Mais elle n’ont duré que deux jours et n’ont rapporté que 2,8 milliards d’euros. L’Arcep (...)

    #5G #écologie #technologisme #santé

    ##santé

  • Troisième assemblée des assemblées : les gilets jaunes cherchent des portes de sortie
    https://www.mediapart.fr/journal/france/010719/troisieme-assemblee-des-assemblees-les-gilets-jaunes-cherchent-des-portes-

    La troisième assemblée des assemblées a rassemblé 650 gilets jaunes à Montceau-les-Mines, en Bourgogne, autant qu’à Saint-Nazaire il y a deux mois. Empêtré dans ses tentatives d’appels unitaires, affaibli numériquement, le mouvement offre cependant à voir, à l’occasion de cette réunion nationale, la force de ses mobilisations locales, et son lent cheminement vers le municipalisme.

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