juillet 2019 - asile.ch

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  • Décryptage | Les incitations financières au renvoi et à la clandestinité. Le coût de l’humanité

    La « crédibilité » de la politique d’asile serait, selon les discours des autorités suisses, tributaire de sa capacité à exécuter les renvois des personnes dont la demande d’asile a été refusée. Une crédibilité qui s’entend comme la façon dont le public et les potentiels demandeurs d’asile perçoivent le système migratoire suisse. Celui-ci est volontiers présenté comme garant de la « tradition humanitaire » helvétique, à savoir « protégeant celles et ceux qui en ont besoin », tout en étant implacable avec les « indésirables », qui (ab)useraient de la porte de l’asile pour trouver une vie meilleure en Suisse. Berne encourage ainsi financièrement les cantons à user de tous les stratagèmes pour exécuter les renvois. Ou à pourrir la vie des gens de façon à ce qu’ils disparaissent, y compris dans la clandestinité, plutôt que de recourir au minimum de survie qu’est l’aide d’urgence. Des millions de francs de « réserves » ont ainsi été engrangés par certains cantons. Sans que la Confédération s’en émeuve. L’objectif est de rester crédible.

    PAYER POUR GARDER SON ÂME

    En avril 2019, le gouvernement bâlois a publiquement refusé d’exécuter le renvoi d’un jeune Afghan vers l’Autriche, pays responsable de sa demande d’asile en vertu du règlement Dublin. La décision du Secrétariat d’État (SEM) aux migrations avait été confirmée par le Tribunal administratif fédéral (TAF). Bâle a choisi de suivre la majorité de son parlement et de s’écarter de l’interprétation faite par Berne du droit applicable à la situation du jeune homme (voir encadré). Ce faisant, elle s’expose sciemment aux sanctions financières de la Confédération.

    La Loi sur l’asile révisée en 2016 fait en effet désormais peser sur les cantons la totalité des frais d’accueil et d’intégration des personnes non renvoyées « par leur faute ». Son article 89 b prévoit le non-versement ou le rembourse- ment des forfaits fédéraux prévus. Aux cantons d’assumer les coûts liés au séjour de la personne sur son territoire, qu’elle soit déboutée définitivement et placée à l’aide d’urgence ou qu’elle obtienne le statut de réfugié. Le « manque à gagner » en termes de participation fédérale peut être important. Dans l’affaire bâloise, la Basler Zeitung évoque le chiffre de 128000 francs dans le cas où le jeune Afghan se voit reconnaître un besoin de protection sous forme d’« admission provisoire ». Un chiffre qui ne tient compte ni du fait que le jeune pourrait contribuer à son canton d’accueil s’il s’intègre rapidement et trouve rapidement sa place sur le marché de l’emploi, ni du coût administratif ou humain des renvois.

    C’est ce que relève Aldo Brina, chargé d’information au Secteur réfugié du CSP Genève dans Le Temps[1]. Revenant sur les déclarations de la nouvelle conseillère fédérale responsable du DFJP Karin Keller-Sutter, il met en exergue la perversité d’un système qui, particulièrement dans le cas de l’application du Règlement Dublin, viole le droit d’asile et les droits fondamentaux et incite les cantons à pousser les « déboutés » dans la clandestinité.

    Karin Keller-Sutter annonçait en effet le 11 mars 2019 que le canton de Vaud aurait été sanctionné de quelque 4 millions de francs faute d’avoir exécuté avec suffisamment de zèle les renvois dans le cadre du Règlement Dublin entre octobre 2016 et décembre 2018. Pour sa défense, le Conseiller d’État Leuba fait valoir une lecture partiale des statistiques par Berne.[2] Si ses explications flirtent parfois avec les approximations, elles sont également riches d’enseignement.

    Réfugié avec ses parents en Iran, le jeune Afghan déclare avoir déserté l’armée iranienne, dans laquelle il avait été engagé comme soldat alors qu’il était encore mineur. L’Iran voulait l’envoyer en Syrie avec son frère. Celui-ci y a été tué. Entré en Europe via l’Autriche, le jeune homme y a été enregistré comme majeur. Sa demande d’asile y a été rejetée et il devait être renvoyé vers l’Afghanistan où il n’a jamais vécu. Il s’est alors tourné vers la Suisse, qui l’a, malgré ses déclarations, considéré comme majeur. Le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) a rendu une décision de non-entrée en matière « NEM Dublin » à son encontre, confirmée par le Tribunal administratif fédéral (TAF). Le jeune Afghan a toujours prétendu être mineur en arrivant en Suisse. Si cet état de fait avait été reconnu par le SEM, celui-ci serait vraisemblablement entré en matière sur sa demande d’asile pour examiner ses motifs de fuite. C’est une pétition au Grand Conseil bâlois, adoptée par les 2/3 de l’hémicycle, demandant d’offrir une protection au jeune homme, qui évitera à ce dernier l’expulsion vers l’Autriche. Bien que non lié par le vote des députés, le Conseil d’État a publiquement choisi de suivre le parlement cantonal et de s’opposer à la décision fédérale. Même si pour cela, il doit assumer financièrement les frais d’accueil et d’intégration du garçon.
    Source : Basler Zeitung, 18.04.19

    50 % DE DISPARITIONS DANS 7 CANTONS

    Il souligne d’abord combien le canton de Vaud excelle dans le taux de « renvois contrôlés » par rapport au nombre de décisions Dublin : « Vaud est le cinquième canton qui exécute le plus de renvois ! » Il assure aussi qu’en comparaison à d’autres, Vaud comptabilise moins de disparitions. Par « disparitions », il entend les « départs non contrôlés » chiffrés par le SEM dans ses statistiques. Et les statistiques 2018 attestent effectivement que dans sept cantons suisses, plus de la moitié des personnes disparaissent. (Tableau ci-dessous)

    Philippe Leuba affirme à cet égard que son canton serait le seul à ne pas procéder à des arrestations dans les locaux du SPOP au moment où les personnes viennent renouveler leur demande d’aide d’urgence[3]. Il insinue que les autres profiteraient de la détresse des débouté-e-es pour tenter de les interpeller. Préférant la clandestinité au renvoi, une partie renoncerait à demander ce montant de survie.

    On rappellera à ce titre que cette « aide » d’urgence découle de l’article 12 de la Constitution suisse qui consacre le droit au minimum vital pour toute personne sur le territoire, indépendamment du statut de la personne. Elle vient compenser la suppression de l’aide sociale conjuguée à l’interdiction de travail faite aux personnes déboutées de leur demande d’asile. Qui surveille et garantit l’exercice effectif de ce droit fondamental dans les cantons ? Berne a en tous cas d’autres priorités.

    Départ non contrôlé ne veut pas dire départ de Suisse. Dans son interview, Philippe Leuba relève que ces personnes « ne quittent pas forcément le pays pour autant. » Il critique à cet égard une législation qui pénalise les cantons n’exécutant pas les renvois, et qui « ne dit rien sur les clandestins. Or la clandestinité est un risque pour les personnes concernées, de plus elle favorise le travail au noir, etc. »

    Il s’écarte ainsi du discours affirmant que le régime d’aide d’urgence pousserait les personnes à « quitter le territoire ».[4] Le Conseil d’État genevois l’affirmait encore récemment dans une réponse à une question urgente au Parlement, qui l’interrogeait sur les conséquences sociales et financières pour le canton d’un centre de départ, notamment en cas de passage de personnes concernées dans la clandestinité.[5] La réponse du Conseil d’État : « Concernant les ‹ départs non-contrôlés ›,il est à préciser qu’il s’agit, selon les observations de l’office cantonal de la population et des migrations sur le terrain, d’une catégorie de migrants qui, dans sa majorité, quitte le canton pour rechercher d’autres opportunités migratoires dans les pays d’Europe. En l’espèce, il s’agit généralement de migrants économiques utilisant la procédure d’asile comme moyen d’accès dans l’espace Schengen. »

    À l’heure où Genève fonce tête baissée vers la construction dudit centre au Grand-Saconnex, le gouvernement genevois serait avisé de se questionner à nouveau sur l’impact et les reports de charges que celui- ci impliquera. Au centre-test de Zurich et à Boudry, il a été constaté une forte augmentation du nombre de « départs non contrôlés ». Où sont parties les personnes découragées par la procédure d’asile accélérée ? Où sont aujourd’hui les personnes ayant renoncé aux prestations d’aide d’urgence ?

    Pour la Suisse, on peut imaginer qu’une partie d’entre elles, évincée de petits cantons ruraux, a choisi de se réfugier dans des centres urbains, plus propices à une vie informelle et invisible. Certain-e-s ont recours aux services sociaux et médicaux d’urgence de ces cantons, y travaillent, dans des conditions déplorables. Mais les autorités fédérales préfèrent ignorer ces conséquences « locales ». Comme elles ont ignoré le constat d’inefficacité de l’aide d’urgence à faire rapidement « disparaître » les gens, puisque certain-e-s préfèrent en survivre des années plutôt que d’être renvoyé-e-s vers la situation qu’ils ou elles ont fui. Se voilant la face, Berne s’est contenté de créer une nouvelle catégorie administrative, elle des bénéficiaires de longue durée de l’aide d’urgence.

    LES DISPARITIONS ENCOURAGÉES

    Les disparitions sont également encouragées par Berne via son mode de financement. La Confédération ne se préoccupe pas de savoir comment les cantons dépensent l’argent de l’aide d’urgence. Elle verse un montant unique, lorsque la décision négative entre en force, et prévoit la constitution de réserves par les cantons « pour financer les coûts ultérieurs durant les années suivantes »[6]. Or ces réserves s’accumulent dans certains cantons. Le dernier rapport de suivi publié par le SEM relève que « sur l’ensemble de la période 2008-2017,vingt cantons ont pu constituer des réserves dont le montant cumulé représente près de 128 millions de francs. Sur la même période, six cantons ont cumulé des déficits à hauteur de 83 millions de francs ».

    Le tableau ci-contre montre que les Romands, hormis Fribourg, sont largement déficitaires. Et que d’autres ont accumulé des millions de francs de réserves. Comment les ont- ils constituées ? Chaque canton, voire commune, gère l’hébergement, l’entretien et l’encadre- ment des personnes à l’aide d’urgence selon ses propres règles et son éthique. L’exhortation fédérale étant une « incitation au départ », que ce soit du territoire ou vers la clandestinité, le résultat ne peut être qu’un nivellement par le bas des conditions de vie. Françoise Kopf le dénonçait déjà en 2010 dans Vivre Ensemble.

    Et les choses risquent de se dégrader avec la restructuration qui prévoit une baisse conséquente des forfaits fédéraux de l’aide d’urgence aux cantons. Le montant unique de 6000 francs versés jusqu’ici par personne déboutée se réduira à 400 francs si celle-ci relève d’une procédure Dublin close, et à 2013 francs pour une personne sortant d’une procédure accélérée. Elle restera à 6006 francs dans le cadre d’une procédure étendue. Les réserves risquent d’en prendre un coup. Si les cantons s’étaient tardivement émus du report de charge prévu par la Confédération dans le cadre de la consultation de l’ordonnance sur la révision de la loi (Ordonnance 2), ils n’ont visiblement pas été entendus.

    Berne se sert là aussi du porte-monnaie pour inciter les cantons à durcir leur pratique en matière de renvois. À voir jusqu’où les cantons accepteront de s’abaisser. Face aux menaces de sanctions financières articulées par Keller-Sutter, Leuba relève que « parmi les personnes dont le renvoi n’a pas été exécuté en 2018, il y a des familles et des malades ». Une justification qui s’appuie sur des considérations, humanitaires, prévues par la loi. À Genève, le Conseil d’État vient de rendre son rapport sur une motion appelant à une « application digne et humaine de la politique d’asile » dans le cadre du Règlement Dublin. Il reconnaissait avoir été amené « à plusieurs reprises, à retarder un départ au motif d’une situation médicale particulière, pour garantir le respect du principe de l’unité familiale ou encore pour veiller à ce que le renvoi se déroule, en principe, hors d’une période scolaire, en informant préalablement le SEM ». Et s’engageait, « guidé par les valeurs humanitaires genevoises », à appliquer « avec pragmatisme et compassion le nouveau droit fédéral ». Reste à savoir si ces deux concepts vont trouver leur place dans la mise en œuvre de la restructuration.

    Bâle a montré la voie. On espère que d’autres se joindront à lui. Dans ce contexte, la société civile doit plus que jamais maintenir la pression.

    https://asile.ch/2019/07/22/decryptage-les-incitations-financieres-au-renvoi-et-a-la-clandestinite-le-cout
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  • Fact-checking | Les ratés de l’accélération des procédures

    Entre le discours ultra positif (https://www.lacote.ch/articles/suisse/migration-davantage-de-requerants-quittent-la-suisse-volontairement-891190) dans la presse du patron du Secrétariat d’État aux migrations (#SEM) Mario Gattiker sur la nouvelle procédure d’asile accélérée en vigueur depuis le 1er mars 2019 [1] et le tableau que dressent plusieurs arrêts du Tribunal administratif fédéral (TAF) sur cette même procédure, on peut se demander si l’on parle de la même chose. Vivre Ensemble a déjà évoqué dans ses colonnes le manque d’#accès_aux_soins (https://asile.ch/2019/07/29/procedures-accelerees-et-acces-aux-soins-lequation-impossible-soins-dans-la-no) et de prise en compte de l’état de #santé (https://asile.ch/2019/07/29/procedures-accelerees-et-acces-aux-soins-lequation-impossible-prise-en-conside) dans la décision d’asile ayant motivé le TAF à renvoyer sa copie au SEM [2]. À ce jour, quelque 37 jugements ne concernant que la Suisse romande, et dont le plus récent date de janvier 2020, montrent des défaillances systémiques dans le dispositif de santé mis en place. Mais ce n’est pas tout. L’instance de recours a rendu de nombreux autres arrêts édifiants sur la (très piètre) qualité de l’établissement des faits et des mesures d’instruction effectué par le SEM dans les centres fédéraux. Toutes ces décisions négatives cassées par le TAF auraient pu avoir des conséquences graves pour les personnes concernées dont la vie et l’intégrité sont en jeu. Et elles ne sont que la pointe de l’iceberg.

    Pour rappel, la nouvelle procédure d’asile – ou restructuration – entrée en force en mars 2019 a été conçue pour « accélérer » l’examen des demandes d’asile en imposant une cadence très rapide pour les cas considérés comme « simples ». Les délais pour faire recours contre une décision sont raccourcis de 30 à 7 jours ouvrables ; une représentation juridique gratuite est garantie pour contre-balancer ce raccourcissement des délais que justifierait la non-complexité des cas.

    À l’élaboration du projet de loi, le SEM évaluait le taux de ces cas dits « simples » à 20%. Parmi les 80% restants, il estimait à 40% la proportion de procédures Dublin (également traitées de façon accélérée dans les centres fédéraux) et à 40 % le taux de cas dits « complexes » affectés en procédure étendue. Dans ce dernier cas, les demandeurs d’asile sont attribués aux cantons. La procédure accélérée et les procédures Dublin sont entièrement menées dans les centres fédéraux, dont il a fallu augmenter la capacité.

    Liquider plutôt qu’investiguer

    Logiquement – et légalement – la répartition entre procédure accélérée et étendue devrait découler de l’appréciation de la situation individuelle des personnes en quête de protection par le fonctionnaire du SEM en charge de leur requête. La différenciation entre cas « simples » (manifestement fondés ou infondés) et cas « complexes » devrait dépendre de l’évaluation des démarches supplémentaires à mener au terme de la première audition sur les motifs d’asile pour pouvoir prendre une décision motivée : audition complète, vérification des allégations du requérant par l’obtention de documents, la recherche d’informations sur les pays, auprès des ambassades à l’étranger, problématique médicale à éclaircir, etc.

    Des dizaines d’arrêts cassés par le TAF en Suisse romande

    Or ce que montrent plus d’une quinzaine d’arrêts du TAF, c’est que les fonctionnaires ont préféré liquider – par décision négative – des situations qui auraient à l’évidence dû être transférées en procédure étendue pour examen approfondi [3]. Et les juges de rappeler que « les nouveaux délais de procédure ne dispensent pas le SEM d’établir les faits de manière complète et correcte », car, soulignent-ils, « l’examen d’un cas complexe en procédure accélérée induit un risque de violation des garanties procédurales » (E-3447/2019 du 13.11.2019). Les juges ajoutent à l’intention du SEM quelques illustrations de cas justifiant le passage en procédure étendue, notamment la production de nombreux moyens de preuve ou la tenue de plusieurs auditions.

    Cette remise à l’ordre s’ajoute à de nombreux arrêts cassant les décisions du SEM pour établissement des faits incomplet et violation du droit d’être entendu (voir exemples en encadré ci-dessous).

    Le SEM a eu plus de 5 ans pour tester les procédures

    Comme il n’a cessé de le faire dans ses réponses à la presse face aux dysfonctionnements de prise en charge médicale révélés par la jurisprudence du TAF, le SEM se justifiera sans doute par des erreurs de jeunesse. Sachant qu’il a eu plus de 5 ans pour « tester » ces nouvelles procédures avant leur entrée en vigueur dans toute la Suisse [4], on retoquera sèchement cette excuse.

    D’une part en raison des enjeux inhérents à une mauvaise décision d’asile, à savoir le risque d’un renvoi vers un pays où la vie et l’intégrité sont menacés. Ensuite parce que l’on sait que du fait justement de l’accélération des procédures, de nombreuses décisions ne sont pas contestées, la représentation juridique mandatée par le SEM, surchargée, renonçant à recourir dans les cas qu’ils jugent dénués de chance d’aboutir ou à entamer des recherches supplémentaires. À l’aéroport de Genève, on a récemment vu un homme gagner seul devant le TAF : les avocats de Caritas Suisse avaient renoncé à faire recours [5] !

    Accélération ou… allongement des procédures ?

    Une justification retoquée, enfin, parce que parallèlement, Monsieur Gattiker, haut responsable du SEM et de ces dysfonctionnements, fanfaronne dans la presse sur le succès de la procédure accélérée. Selon l’ats, « Mario Gattiker se dit ‹ très satisfait › de la mise en œuvre de la nouvelle loi sur l’asile. Il faut en moyenne 48 jours au SEM pour statuer sur une demande. Et seules 18% des demandes d’asile sont traitées dans le cadre d’une procédure élargie en raison de nécessaires clarifications complexes. Les procédures accélérées doivent prendre moins de 50 jours, celles élargies moins de 100. » [6]

    À coup sûr que dans son calcul, il ne tient pas compte de l’allongement des procédures dues à ces décisions bâclées, qui font l’objet d’un recours, et sont ensuite renvoyées par le TAF au SEM pour nouvelle décision…

    DISPOSITIF SANTé EN CAUSE

    Gros point noir de cette nouvelle procédure, le dispositif santé a fait l’objet d’une quarantaine d’arrêts du TAF rien que pour la Suisse romande depuis le lancement de la phase pilote à Boudry, le dernier datant de janvier 2020*. Il cristallise la problématique de l’établissement des faits et des mesures d’instruction dans le cadre de la procédure accélérée et demeure largement d’actualité.

    En effet, au centre fédéral de Boudry, l’interdiction faite aux défenseurs juridiques des requérants d’asile d’avoir des contacts directs avec les médecins du centre médical privé sous mandat du SEM a pour conséquence des dossiers sur l’asile incomplets. Et des décisions ne tenant pas compte de l’état de santé pouvant attester des allégations à l’appui de la demande d’asile ou de vulnérabilités prépondérantes dans les procédures Dublin. La seule communication admise par le SEM est l’envoi par les médecins via email d’un formulaire médical très succinct au mandataire. Transmission qui a parfois connu des ratés, le mandataire se trouvant sans informations médicales parfois déterminantes pour attester des motifs d’asile. Si le mandataire souhaite des informations médicales supplémentaires, il doit passer par le SEM pour demander un rapport détaillé aux médecins. Rapport que le SEM peut arbitrairement décider de ne pas lui transmettre, les médecins privés n’ayant de leur côté pas le droit de l’adresser aux défenseurs juridiques !

    Par ailleurs, l’accès aux médecins du centre médical est très difficile pour les demandeurs d’asile : l’infirmerie de Boudry joue un rôle de filtre. Et lorsque les personnes sont transférées au centre fédéral de Chevrilles, le suivi médical est rendu encore plus difficile. Un système qui fonctionne donc en huis clos sous contrôle total du SEM.

    *Le concept médical santé à l’œuvre en Suisse romande est détaillé dans les arrêts D-1954/2019 du 13 mai 2019 et E-3262/2019 du 4 juillet 2019.

    Arrêts illustrant l’inadéquation de la procédure accélérée en raison de la complexité du cas

    Couple iranien dont l’épouse s’est convertie au christianisme. Elle a été accusée d’atteinte à l’ordre public et aux mœurs religieuses, emprisonnée et est dans l’attente de son procès. Elle a en outre subi une agression de la part d’un cousin en raison de sa conversion. Le TAF souligne que, contrairement à l’appréciation du SEM, le récit des recourants est crédible, étayé et vraisemblable sur ses aspects fondamentaux. Le TAF relève que l’examen des points fondamentaux est totalement absent des PV d’auditions et que le SEM place des exigences trop élevées en se basant sur le niveau d’éducation des recourants. Il indique par ailleurs que compte tenu des délais légaux pour obtenir des documents depuis l’étranger ou commanditer une enquête en ambassade, il aurait convenu de traiter la demande en procédure étendue.Les nouveaux délais induits par la nouvelle procédure ne dispensent pas le SEM d’établir les faits de manière complète et exacte. Recours admis.
    ATAF D-3503/2019 du 24.07.2019

    Cas d’un ressortissant du Nigéria alléguant des persécutions en lien avec son homosexualité. Le TAF relève que le SEM n’a pas laissé l’opportunité au recourant d’obtenir et de produire des moyens de preuve. Il n’a pas examiné les allégations en tenant compte de la situation au Nigéria. La décision rendue par le SEM découle principalement de pures spéculations. Rappelant que le choix du type de procédure dépend uniquement de l’autorité de première instance, le TAF souligne que la procédure en question était trop complexe pour être menée en procédure accélérée. Or, le traitement de dossiers complexes dans le cadre de la procédure accélérée, qui, par définition, ne permet pas la tenue d’audition longues et l’appréciation de plusieurs éléments de preuve complexes, n’est pas approprié. En effet, une telle approche comporte le risque d’une violation des garanties procédurales des demandeurs d’asile. Recours admis pour établissement incomplet des faits et violation du droit d’être entendu.
    ATAF E-2965/2019 du 28.06.2019

    https://asile.ch/2020/02/06/fact-checking-les-rates-de-lacceleration-des-procedures

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  • Témoignages [3/6] | “Depuis que je suis à l’aide d’urgence, je n’ai pas pu continuer”
    https://asile.ch/2019/07/31/temoignages-3-6-depuis-que-je-suis-a-laide-durgence-je-nai-pas-pu-continuer

    Le 26 juin 2019, la coordin’action Poya Solidaire a organisé une journée d’information et de mobilisation pour exiger la fin du statut dégradant de l’aide d’urgence et la régularisation des requérant-e-s le subissant depuis une longue durée. A cette occasion, plusieurs personnes concernées ont pris la parole. Leurs mots étaient forts et importants. En juillet […]

  • Procédures accélérées et accès aux soins. L’équation impossible ? | Prise en considération de l’état de santé : des procédures bâclées
    https://asile.ch/2019/07/29/procedures-accelerees-et-acces-aux-soins-lequation-impossible-prise-en-conside

    Depuis le mois d’août 2018, dans le cadre de la nouvelle procédure d’asile, le Tribunal administratif fédéral (TAF) a renvoyé une dizaine d’affaires au Secrétariat d’État aux migrations (SEM) pour compléments d’instruction[1]. En cause : une prise en compte insuffisante de l’état de santé des requérant.e.s et des manquements dans l’encadrement médical des centres fédéraux […]

  • Procédures accélérées et accès aux soins. L’équation impossible ? | Soins dans la nouvelle procédure d’asile : un système au rabais !
    https://asile.ch/2019/07/29/procedures-accelerees-et-acces-aux-soins-lequation-impossible-soins-dans-la-no

    Au royaume de l’asile, c’est le parcours du combattant pour un traitement médical, la quête du Graal pour un rendez-vous avec un médecin. Malgré les nombreux arrêts du Tribunal administratif fédéral (TAF) (p. 4) et un sujet de la RTS (19 h 30, le 9.12.2018) dans lequel le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) a promis […]

  • Témoignages [2/6] | ” En Libye, les femmes vivent l’enfer”
    https://asile.ch/2019/07/24/temoignages-2-6-en-libye-les-femmes-vivent-lenfer

    Le 26 juin 2019, la coordin’action Poya Solidaire a organisé une journée d’information et de mobilisation pour exiger la fin du statut dégradant de l’aide d’urgence et la régularisation des requérant-e-s le subissant depuis une longue durée. A cette occasion, plusieurs personnes concernées ont pris la parole. Leurs mots étaient forts et importants. En juillet […]

  • Décryptage | Les incitations financières au renvoi et à la clandestinité. Le coût de l’humanité
    https://asile.ch/2019/07/22/decryptage-les-incitations-financieres-au-renvoi-et-a-la-clandestinite-le-cout

    La « crédibilité » de la politique d’asile serait, selon les discours des autorités suisses, tributaire de sa capacité à exécuter les renvois des personnes dont la demande d’asile a été refusée. Une crédibilité qui s’entend comme la façon dont le public et les potentiels demandeurs d’asile perçoivent le système migratoire suisse. Celui-ci est volontiers présenté comme […]

  • Collectif R-Esistiamo | Mobilisation au bunker de Camorino (TI)
    https://asile.ch/2019/07/18/collectif-r-esistiamo-mobilisation-au-bunker-de-camorino-ti

    R-Esistiamo est un collectif qui soutient les luttes et les gestes de révolte de celles et ceux qui souffrent sur leur propre peau les conséquences de la ségrégation au Tessin. Suite à l’entrée en grève de la faim de personnes logées dans le bunker à Camorino au Tessin, ils tiennent un journal de bord de […]

  • Drôle de news | Centre pour récalcitrants… en sous occupation
    https://asile.ch/2019/07/18/drole-de-news-centre-pour-recalcitrants-en-sous-occupation

    Les agents de sécurité du centre qui font traverser la route aux enfants pour s’occuper. Un restaurateur qui se mord les doigts d’avoir embauché une aide pour assurer les dizaines de repas par jour annoncés. C’est la déroute au Centre « spécifique » des Verrières (Neuchâtel) prévu pour accueillir jusqu’à 60 personnes dès 2020, relève […]

  • Témoignages [1/6] | “Nous demandons simplement le droit de pouvoir vivre comme des êtres humains”
    https://asile.ch/2019/07/17/temoignages-1-6-nous-demandons-simplement-le-droit-de-pouvoir-vivre-comme-des-

    Le 26 juin 2019, la coordin’action Poya Solidaire a organisé une journée d’information et de mobilisation pour exiger la fin du statut dégradant de l’aide d’urgence et la régularisation des requérant-e-s le subissant depuis une longue durée. A cette occasion, plusieurs personnes concernées ont pris la parole. Leurs mots étaient forts et importants. En juillet […]

  • Pétition pour un accueil rapide et décentralisé des réfugiés qui arrivent en bateau
    https://asile.ch/2019/07/16/petition-pour-un-accueil-rapide-et-decentralise-des-refugies-qui-arrivent-en-b

    Pétition lancée par de nombreuses associations suisses qui demandent au Conseil fédéral et au Parlement de prendre des mesures afin que des personnes en détresse en mer Méditerranée puissent être sauvées et accueillies de manière décentralisée. La France, l’Allemagne, l’Espagne, Malte, le Portugal, les Pays Bas, la Finlande et le Luxembourg ont fait part de […]

  • Drôle de News | Protéger les réfugiés… des réfugiés !
    https://asile.ch/2019/07/16/drole-de-news-proteger-les-refugies-des-refugies

    Pierre-Alain Ruffieux, du Secrétariat d’État aux migrations (SEM), est venu défendre à Genève la construction d’un centre fédéral au Grand-Saconnex. S’offusquant de l’appellation contesta- taire de « hub d’expulsion » pour décrire ce lieu dédié aux renvois, le fonctionnaire a affirmé, la main sur le cœur : « renvoyer une personne qui n’est pas réfugiée, c’est protéger […]

  • Chronique dessinée | Témoignage d’un jeune Afghan [3/3]
    https://asile.ch/2019/07/15/chronique-dessinee-temoignage-dun-jeune-afghan-1-3-2-2-2

    L’ARRIVÉE. Un nouveau départ Troisième épisode de la chronique dessinée par Olivia Zufferey, illustratrice, à partir du récit d’un jeune réfugié afghan.“Témoignage d’un jeune Afghan. De l’Afghanistan à la Suisse” raconte le périple d’Ali, qui a dû fuir son pays. L’adolescent a mis six mois pour arriver en Suisse. Les trois épisodes ont été publiés […]

  • Collectif Délinquants solidaires | Délit de solidarité : le guide
    https://asile.ch/2019/07/15/collectif-delinquants-solidaires-delit-de-solidarite-le-guide

    Dans une actualité marquée par la criminalisation du délit de solidarité, le collectif Délinquants solidaires vient de publier un guide à l’intention de tout-e-s celles qui se mobilisent pour la solidarité avec les personnes exilées, en France. En partant des questions que peuvent se poser les personnes solidaires quand il s’agit d’hébergement, d’opposition à des […]

  • Le temps des réfugiés | Les superpouvoirs des interprètes
    https://asile.ch/2019/07/15/le-temps-des-refugies-les-superpouvoirs-des-interpretes

    Les interprètes jouent un rôle déterminant dans la communication lors des auditions d’asile. La restitution des propos du demandeur d’asile comme celles des questions de l’auditeur repose sur eux. Une mauvaise traduction peut avoir des effets dramatiques sur le destin d’une personne ou d’une famille. Jasmine Caye, l’auteure du blog hébergé par le Temps “Le temps […]

  • Appel à la mobilisation | Conditions d’accueil dignes pour les mineurs non-accomagnés (MNA)
    https://asile.ch/2019/07/15/appel-a-la-mobilisation-conditions-daccueil-dignes-pour-les-mineurs-non-accoma

    Suite à la deuxième édition du tournoi de football antiraciste dont la thématique était la question des conditions d’accueil et de vie des mineurs non-accompagnés (MNA), le collectif “tournoi antiraciste” a mené une action devant le bureau du Département de l’instruction public (DIP) le 10 juillet, afin de dénoncer le manque de prise en charge […]

  • Migreurop | “Mourir en mer ou sous les bombes ?”
    https://asile.ch/2019/07/09/migreurop-mourir-en-mer-ou-sous-les-bombes

    Le 2 juillet, une attaque aérienne sur le camp de détention pour migrant-e-s de Tadjourah, dans la capitale libyenne a fait au moins 66 personnes tuées et plus de 80 blessées. Suite à cette attaque le réseau Migreurop a publié un communiqué de presse dans lequel il rappelle la responsabilité de l’Union européenne et de […]

  • Forum civique européen | La Suisse doit agir contre la violation des droits humains à la frontière bosno-croate
    https://asile.ch/2019/07/08/violation-des-droits-humains-a-la-frontiere-bosno-croate-le-forum-civique-euro

    Depuis plusieurs mois, de nombreux témoignages de réfugié-e-s et des rapport d’ONG locales et internationales affirment que les autorités frontalières croates ont systématiquement recours à la violence contre les réfugiés qui tentent de traverser la Bosnie-Herzégovine pour rejoindre l’Union européenne (UE). Lors de ces refoulements (push-backs), aucun examen individuel des raisons de demandes de protection […]

  • Radio Django | Quelle politique de logement pour les réfugiés ?
    https://asile.ch/2019/07/08/radio-django-quelle-politique-de-logement-pour-les-refugies

    Alors que la Suisse enregistre une baisse des demandes d’asile ces dernières années, la question de l’hébergement des personnes requérantes d’asile reste importante. Le Comptoir des médias propose une chronique radio pour mieux comprendre dans quel l’esprit se dessine la politique d’hébergement des réfugié.es entre mesures d’économies et dissuasion. Un sujet régulièrement traité par les […]

  • Bosnie-Herzégovine | Une étape piège
    https://asile.ch/2019/07/08/bosnie-herzegovine-une-etape-piege

    La Bosnie-Herzégovine (BiH), qui ne fait partie ni de l’Union européenne ni de l’espace Schengen, n’est à priori qu’une étape dans le parcours migratoire des requérant-e-s d’asile. Or, depuis près de deux ans, le pays semble être devenu une « étape piège ». Le nombre de personnes migrantes et requérantes d’asile ayant traversé la BiH […]