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  • Ces migrants refoulés dans de vaines expulsions
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    Éjecté en avion, déjà revenu à Nantes


    Moussa, aux côtés du Nantais qui l’héberge. Pour avoir laissé ses empreintes en Italie, en fuyant Boko Haram, il a été renvoyé à Turin. D’où il est revenu aussitôt. | OUEST-FRANCE

    Ils se sont rencontrés square Daviais, la jungle du cœur de Nantes, où quelque 700 migrants avaient trouvé refuge, l’été dernier. La veille de l’évacuation, Thomas (les prénoms ont été changés) avait offert à Moussa et à deux autres exilés de les héberger chez lui, dans la petite commune de Loire-Atlantique où il habite.

    Ces trois jeunes hommes, tous dublinés, ont déjà été transférés en Italie. Ils en sont tous revenus. Moussa le premier. Le jeune Nigérien, 27 ans, est en errance depuis qu’il a fui les exactions de Boko Haram.

    Comme beaucoup d’exilés, il est entré en Europe par l’Italie, qui a pris ses empreintes, mais ne lui a rien donné en échange. Les services italiens auraient dû instruire sa demande d’asile. « Mais non, je n’ai rempli aucun papier, ils ne m’ont pas proposé de logement. Je n’avais pas d’endroit où dormir, raconte le jeune homme. Je ne pouvais pas rester dans la rue, comme ça, sans rien. »
    Cinq dans l’avion

    Alors, il a repris la route, a passé la frontière à Vintimille. En septembre 2017, il échouait porte de la Chapelle, à Paris. « Puis on m’a mis dans un bus, pour Tours, où j’ai été hébergé dans un centre d’accueil. À la préfecture, en prenant mes empreintes, ils ont su pour l’Italie. Ils m’ont assigné à résidence. Je devais aller deux fois par semaine au commissariat. »

    Le 16 mai 2018, coup de théâtre : « Un policier m’a dit c’est fini, tu es envoyé en Italie. » Deux heures plus tard, Moussa était dans l’avion. « Nous étions cinq migrants sur un vol spécial. Nous avons débarqué à Turin. Après trois heures d’attente des policiers italiens sont venus nous voir, se souvient Moussa. Ils m’ont dit : tes empreintes ont été prises à Milan. Il faut que tu retournes là-bas. Je n’avais pas de quoi payer le billet de train. Ils ont répondu : tu fais comme tu veux. Aucune solution. Le jour même, je repartais vers Vintimille, à pied. »

    Deux autres garçons cheminent avec lui. Éprouvante traversée vers la vallée française de la Roya : « Il faut passer la frontière de nuit. En journée, c’est trop risqué à cause des contrôles. Il faut franchir les montagnes. Marcher le long des ravins, pieds nus pour ne pas glisser. Ne jamais rester seul à cause des chutes possibles. Pour être secouru. Pour ne pas y rester. »
    « Chez Cédric »

    Les trois compagnons de route finissent par arriver « chez Cédric ». Cédric Herrou, figure de la défense des migrants dans la vallée. Puis Moussa prend le train pour Paris. Puis Nantes, où il rencontre un Érythréen qui vit lui aussi chez Thomas. Et qui n’avait pas compris qu’il devait aller pointer. Il a donc été déclaré en fuite, a perdu l’allocation pour demandeur d’asile (6,80 € par jour pour une personne seule). Seule solution pour lui : attendre le délai où il pourra représenter une demande en France (six à dix-huit mois). D’ici là, il sera une ombre. Sans droit ni existence légale.

    « Certains de mes amis ont déjà été renvoyés comme ça trois ou quatre fois, soupire Moussa. La France leur explique : c’est à l’Italie de s’occuper de ton cas. Et l’Italie répond : on ne veut pas de toi. Ils ne comprennent rien du tout. Alors oui, plusieurs en sont devenus fous. »❞