En France, la culture du viol se nourrit de la galanterie - Idées

/en-france,-la-culture-du-viol-se-nourri

  • En France, la culture du viol se nourrit de la galanterie - Idées - Télérama.fr
    https://www.telerama.fr/idees/en-france,-la-culture-du-viol-se-nourrit-de-la-galanterie,n6186566.php

    Lui, il veut. Elle, non. Il le fait quand même. Elle s’en sentira coupable, pas lui : toute la culture de l’amour galant à la française encourage le viol, analyse la féministe Valérie Rey-Robert, auteure d’“Une culture du viol à la française”.
    Dans la foulée de l’affaire Weinstein, Isabelle Adjani dénonçait une triade bien française : « Galanterie, grivoiserie, goujaterie. Glisser de l’une à l’autre jusqu’à la violence en prétextant le jeu de la séduction est une des armes de l’arsenal des prédateurs et des harceleurs. » Longtemps connue sous le pseudonyme Crêpe Georgette, du nom de son blog féministe devenu référence, Valérie Rey-Robert creuse l’idée dans un essai renversant : Une culture du viol à la française. Du « troussage de domestique » à la « liberté d’importuner ». La militante plonge aux racines d’un concept médiatisé dans le sillage de #MeToo. De la méconnaissance des violences sexuelles en France (un viol toutes les dix minutes, en majorité au domicile de la victime) à l’importance de la domination masculine dans notre patrimoine culturel, elle met à nu nos stéréotypes. A la fois pédagogue et iconoclaste.

    Quelle est la réalité des violences sexuelles en France aujourd’hui ?
    Deux tiers des violences sexuelles se déroulent dans un lieu privé, en général le domicile de la victime. Dans 90 % des cas, l’agresseur est connu de la victime. Soit il appartient à sa famille, père, frère, mari, soit il s’agit d’une connaissance, d’un ami, d’un voisin, etc. C’est très rarement un inconnu.
    Pourtant, c’est une tout autre image de violeur qui continue d’être fantasmée. Quel serait son portrait-robot ?
    C’est un homme, laid, qui n’a pas de vie sexuelle, probablement arabe ou noir — éventuellement un migrant. La victime est une femme blanche, jolie. Le viol est très brutal, il a lieu le soir, dans un endroit isolé, probablement dans un quartier pauvre… Chaque époque adapte cette vision fantasmée du viol calquée sur l’histoire du Petit Chaperon rouge et du Grand Méchant Loup. On retrouve l’archétype du viol par un inconnu dans la littérature courtoise où les agresseurs sont souvent hors norme, par leur taille ou leur monstruosité.
    Comment la culture du viol nous incite-t-elle à considérer les victimes ?
    Faites un micro-trottoir au sujet des affaires pédocriminelles : la majorité des gens interviewés n’auront pas de mots assez durs pour les coupables. Ils voudront les émasculer, les lyncher… Pourtant, même dans ces cas-là — ce que les gens appellent « le crime des crimes », à savoir le viol sur mineur de moins de 15 ans —, les victimes ne sont jamais assez « pures » aux yeux de l’opinion. Imaginons : vous êtes sortie un soir en minijupe. Vous avez bu. Quand vous rentrez, votre petit copain en profite alors que vous n’êtes pas en mesure de le repousser.
    “Nous apprenons aux filles à ne pas êtres violées, apprenons aux garçons à ne pas violer.”
    Comme vous pensez à tort que la consommation d’alcool vous rend en partie responsable de ce qui vous est arrivé et que vous ignorez qu’on peut parler de viol dans le cadre d’une relation de couple, vous minorez ; vous vous dites que c’est aussi un peu de votre faute et vous lui trouvez des excuses. Sachant que les idées reçues n’épargnent pas non plus les institutions, vous pouvez aussi vous persuader de l’inutilité de porter plainte. Tout cela aboutit à l’autocensure des victimes et à l’impunité des coupables. La culture du viol réduit aussi la liberté des femmes. Apprendre dès le plus jeune âge qu’il ne faut pas sortir le soir tard car on risque de se faire agresser implique de se sentir moins libre. Ces contraintes pèsent sur toutes les femmes, qu’elles aient ou non été violées.

    #Culture_viol #Féminisme